Deux sexes (par Emma Hilton et Colin Wright)

Deux sexes (par Emma Hilton et Colin Wright)

Le texte sui­vant, rédi­gé par deux bio­lo­gistes et tra­duit depuis l’an­glais, est tiré d’un livre inti­tu­lé Sex and Gen­der : A contem­po­ra­ry Rea­der, publié sous la direc­tion d’A­lice Sul­li­van et de Seli­na Todd en août 2023.


Pour­quoi les sexes sont, en fait, tou­jours au nombre de deux.

—Sir Ronald Fisher, 1930

Le sexe est un méca­nisme évo­lué de repro­duc­tion, fon­da­men­tal pour l’exis­tence de la qua­si-tota­li­té des formes de vie com­plexes, consti­tuant un modèle bio­lo­gique non seule­ment des­crip­tif de la forme mais aus­si pré­dic­tif de la fonc­tion. La pro­prié­té fonc­tion­nelle du sexe est si fon­da­men­tale qu’un astro­bio­lo­giste décou­vrant une forme de vie extra­ter­restre com­plexe — se repro­dui­sant néces­sai­re­ment en tant qu’in­di­vi­dus, consi­dé­rés comme sou­mis à la sélec­tion natu­relle agis­sant sur la varia­tion de la forme phy­sique et ayant connu les tran­si­tions majeures qui mènent à la vie com­plexe (Levin et al. 2019) — y cher­che­rait pro­ba­ble­ment des méca­nismes sexuels (même si, bien enten­du, la forme phy­sique de ces extra­ter­restres pour­rait être assez dif­fé­rente de la nôtre). Cepen­dant, les faits empi­riques et les prin­cipes du sexe, éta­blis et syn­thé­ti­sés au cours de siècles d’é­tudes scien­ti­fiques, sont sou­vent omis par les com­men­ta­teurs post­mo­dernes, dési­reux de pré­sen­ter le sexe comme une construc­tion sociale humaine — et donc malléable.

L’ob­jec­tif de ce cha­pitre consiste à pas­ser en revue la connais­sance bio­lo­gique du sexe. Dans la pre­mière sec­tion, nous posons la ques­tion : pour­quoi le sexe existe-t-il ? Nous expli­quons ses ori­gines évo­lu­tives et le sys­tème gamé­tique binaire sur lequel il repose — « femelle » et « mâle ». Nous explo­rons une par­tie de la vaste diver­si­té du sexe dans le monde natu­rel et remar­quons com­ment les corps repro­duc­teurs sont néan­moins orga­ni­sés autour de deux rôles repro­duc­tifs. Dans la deuxième par­tie, nous nous concen­trons sur la bio­lo­gie du déve­lop­pe­ment et sur la manière dont le sexe se mani­feste chez l’être humain : com­ment nous fai­sons des bébés et com­ment les hommes et les femmes se déve­loppent. Dans la der­nière par­tie, nous cri­ti­quons la dés­in­for­ma­tion contem­po­raine concer­nant le sexe, pro­pa­gée par un mou­ve­ment anti­science issu de l’i­déo­lo­gie de l’i­den­ti­té de genre, et abor­dons les argu­ments qui affirment l’exis­tence d’un troi­sième sexe (ou de plus encore) chez l’être humain, qui cherchent à décons­truire la com­pré­hen­sion du sexe comme un phé­no­mène binaire et qui pré­sentent le sexe comme une construc­tion sociale.

La pro­pa­ga­tion d’in­for­ma­tions idéo­lo­giques erro­nées concer­nant le sexe dans les domaines uni­ver­si­taires de la méde­cine et de la bio­lo­gie génère de la confu­sion dans la recherche et pré­sente un poten­tiel de nui­sance. Le sexe importe dans la recherche fon­da­men­tale et appli­quée en matière de san­té (Wize­mann and Par­due 2001) et les prin­ci­pales orga­ni­sa­tions de san­té. Les orga­nismes de finan­ce­ment de la recherche et les revues uni­ver­si­taires exigent de plus en plus que les cher­cheuses et cher­cheurs tiennent compte du « sexe en tant que variable bio­lo­gique » dans leur concep­tion, leurs ana­lyses et leurs rap­ports, qu’il s’a­gisse d’é­tudes por­tant sur des ani­maux entiers ou de simples lignées cel­lu­laires. Mal­gré cela, le Ser­vice natio­nal de san­té du Royaume-Uni impose un sys­tème dans lequel le sexe bio­lo­gique ne peut être ven­ti­lé dans les dos­siers des patients (Fors­ta­ter 2021) et l’Or­ga­ni­sa­tion mon­diale de la san­té (WHO, 2022) pro­met d’« obte­nir un plus grand impact [en uti­li­sant] des don­nées ven­ti­lées par sexe » (WHO/Health topics/Gender) tout en met­tant à jour ses direc­tives pour sou­te­nir que « le sexe ne se limite pas à mâle ou femelle ».

Une note sur le voca­bu­laire. Le phy­sio­lo­giste Ernst Wil­helm von Brucke a décla­ré : « La téléo­lo­gie est une dame sans laquelle aucun bio­lo­giste ne peut vivre. Pour­tant, il a honte de se mon­trer avec elle en public » (Davis et Uhrin 1991, 549–552). Dans les dis­cus­sions por­tant sur la bio­lo­gie de l’évolution, il est pos­sible d’é­vi­ter le lan­gage téléo­lo­gique, mais les construc­tions de phrases sont sou­vent ver­beuses et mal­adroites. Pour faci­li­ter la lec­ture, nous uti­li­sons par­fois un lan­gage téléo­lo­gique, mais, comme le dit le zoo­lo­giste Simon Mad­drell (1998), « [i]l ne faut pas en déduire que l’é­vo­lu­tion pro­cède autre­ment que par des muta­tions dues au hasard, celles qui confèrent un avan­tage étant rete­nues par la sélec­tion natu­relle » (2461).

Qu’est-ce que le sexe ?

Et pour­quoi le sexe existe-t-il ? Il n’est pas rare, aujourd’hui, de tom­ber sur des articles pré­ten­du­ment scien­ti­fiques qui négligent de men­tion­ner sa fonc­tion évo­luée dans la repro­duc­tion (par exemple, Ains­worth 2015 ; Sun 2019). Le fait que des vul­ga­ri­sa­teurs ou vul­ga­ri­sa­trices scien­ti­fiques qui écrivent sur le sexe négligent sa fonc­tion signi­fie que, contrai­re­ment à ce qui est pré­ten­du, ces articles n’a­bordent pas réel­le­ment le phé­no­mène bio­lo­gique du sexe : à quoi cor­res­pond-il ? Pour­quoi existe-t-il ? Pour­quoi les êtres humains ont-ils des corps sexués ? Ces articles exa­minent plu­tôt la manière dont le sexe d’un indi­vi­du don­né peut être iden­ti­fié à l’aide d’une liste de carac­té­ris­tiques phy­siques liées au sexe qui, iro­ni­que­ment, ne peuvent être per­çues comme telles que si l’on com­prend com­ment ces carac­té­ris­tiques phy­siques sont asso­ciées à une fonc­tion. Nous revien­drons sur cette confu­sion entre le sexe (ce à quoi il cor­res­pond) et les carac­té­ris­tiques phy­siques asso­ciées au sexe (com­ment nous recon­nais­sons le sexe d’un indi­vi­du don­né) dans la der­nière sec­tion de ce chapitre.

La reproduction

Le phé­no­mène du sexe est ancré dans la repro­duc­tion, le pro­ces­sus par lequel de nou­veaux indi­vi­dus sont pro­duits à par­tir de parents. Il existe deux types de repro­duc­tion dans le monde natu­rel : la repro­duc­tion asexuée et la repro­duc­tion sexuée. Dans la repro­duc­tion asexuée, un parent réplique son infor­ma­tion géné­tique et génère une pro­gé­ni­ture géné­ti­que­ment iden­tique au moyen de pro­ces­sus tels que la fis­sion binaire — la divi­sion d’un parent en deux cel­lules simi­laires, obser­vée, par exemple, chez les bac­té­ries — et le bour­geon­ne­ment — la géné­ra­tion d’un nou­vel indi­vi­du à par­tir d’une excrois­sance paren­tale, obser­vée, par exemple, chez la levure. L’ex­pan­sion, par repro­duc­tion asexuée, d’une popu­la­tion géné­ti­que­ment iden­tique pré­sente un coût bio­lo­gique rela­ti­ve­ment faible pour chaque parent et est rapide à mettre en œuvre : voyez à quelle vitesse les moi­sis­sures, qui peuvent se repro­duire de manière asexuée par la pro­duc­tion de spores, peuvent colo­ni­ser une miche de pain. Cela offre éga­le­ment des avan­tages pour un parent, étant don­né que son infor­ma­tion géné­tique est trans­mise dans son inté­gra­li­té à la géné­ra­tion suivante.

Pour­tant, mal­gré l’exis­tence de cette méthode de repro­duc­tion peu coû­teuse et plu­tôt simple, le monde natu­rel est domi­né par des espèces qui emploient une stra­té­gie de repro­duc­tion dif­fé­rente : la repro­duc­tion sexuée. Contrai­re­ment à la repro­duc­tion asexuée, la repro­duc­tion sexuée implique deux parents, presque tou­jours issus de deux classes dif­fé­rentes d’in­di­vi­dus appe­lés « femelles » et « mâles ». Cha­cun d’entre eux four­nit une moi­tié de son maté­riel géné­tique — por­té par les chro­mo­somes — afin de géné­rer un nou­vel indi­vi­du géné­ti­que­ment unique. Ce bras­sage du maté­riel géné­tique de chaque parent est réa­li­sé dans le cadre d’un pro­ces­sus appe­lé « fécon­da­tion », par la fusion de deux cel­lules spé­cia­li­sées appe­lées « gamètes ». Les gamètes, qui ne portent que la moi­tié des chro­mo­somes d’un parent, consti­tuent un type de cel­lule unique avec une fonc­tion sin­gu­lière : assu­rer la repro­duc­tion sexuée.

La repro­duc­tion sexuée est bio­lo­gi­que­ment coû­teuse. Du point de vue des gènes, la proxi­mi­té géné­tique entre le parent et sa pro­gé­ni­ture est deux fois moins impor­tante que celle obte­nue par repro­duc­tion asexuée. Et étant don­né la perte de grandes quan­ti­tés d’in­for­ma­tions géné­tiques à chaque cycle de repro­duc­tion — une péna­li­té énorme par rap­port à la repro­duc­tion asexuée —, les indi­vi­dus doivent inves­tir des res­sources bio­lo­giques dans une pro­gé­ni­ture mul­tiple afin de maxi­mi­ser leur héri­tage géné­tique (« le coût de la méiose », où « méiose » désigne le pro­ces­sus cel­lu­laire qui divise en deux le maté­riel géné­tique lors de la for­ma­tion des gamètes ; Williams 1975 ). Au sein de la plu­part des popu­la­tions à repro­duc­tion sexuée, la moi­tié de la pro­gé­ni­ture cor­res­pon­dra à des mâles qui ne peuvent pas eux-mêmes avoir de pro­gé­ni­ture. Ces popu­la­tions connaî­tront des taux de crois­sance plus faibles que les popu­la­tions asexuées au sein des­quelles toute la pro­gé­ni­ture peut engen­drer une pro­gé­ni­ture (« le coût des mâles » ; May­nard Smith 1978 ). Enfin, au niveau de l’or­ga­nisme, les indi­vi­dus doivent inves­tir des res­sources dans des sys­tèmes de pro­duc­tion de cel­lules spé­cia­li­sées. Et l’ac­cou­ple­ment néces­site de l’éner­gie pour se dépla­cer, loca­li­ser et s’as­su­rer un·e par­te­naire, avec les risques sani­taires asso­ciés tels que la trans­mis­sion de mala­dies et l’ex­po­si­tion aux pré­da­teurs. La ques­tion de savoir pour­quoi, mal­gré les coûts, la repro­duc­tion sexuée se per­pé­tue au sein des espèces com­plexes a été qua­li­fiée de « reine des pro­blèmes de la bio­lo­gie évo­lu­tive » (Bell 1982).

Les béné­fices de la repro­duc­tion sexuée doivent être impor­tants pour com­pen­ser ses coûts bio­lo­giques. Sa pré­va­lence sug­gère un fort avan­tage évo­lu­tif en faveur d’un méca­nisme de repro­duc­tion qui brasse le maté­riel géné­tique. Cet avan­tage est géné­ra­le­ment asso­cié à de nou­velles com­bi­nai­sons de gènes et des chan­ge­ments à l’intérieur de ces der­niers (muta­tions) sur les­quels la sélec­tion évo­lu­tive peut agir — le fon­de­ment de la théo­rie de l’é­vo­lu­tion par sélec­tion natu­relle de Dar­win (1859). Il peut être divi­sée en deux grandes hypo­thèses : l’ac­cu­mu­la­tion de chan­ge­ments géné­tiques béné­fiques et/ou l’é­li­mi­na­tion des muta­tions géné­tiques pré­ju­di­ciables. L’ac­cu­mu­la­tion de traits géné­tiques béné­fiques est avan­ta­geuse pour l’a­dap­ta­tion à des envi­ron­ne­ments chan­geants (le « modèle Fisher-Mul­ler » ; Fisher 1930 ; Mul­ler 1932) ou pour la coadap­ta­tion avec des espèces qui tentent de vous nuire (déli­cieu­se­ment appe­lée « hypo­thèse de la reine rouge » d’a­près le per­son­nage de Lewis Car­roll (1871) dans Alice de l’autre côté du miroir, où il est écrit : « Ici, vois-tu, on est obli­gé de cou­rir tant qu’on peut pour res­ter au même endroit » ; van Valen 1973 ). Cepen­dant, les avan­tages liés au regrou­pe­ment de traits géné­tiques utiles au cours de la repro­duc­tion sexuée sont tem­pé­rés par la pos­si­bi­li­té que des traits béné­fiques déjà coexis­tants se retrouvent sépa­rés par­mi la pro­gé­ni­ture (Desai and Fisher 2007). Enfin, la repro­duc­tion sexuée per­met d’é­li­mi­ner les muta­tions géné­tiques nui­sibles — celles qui com­pro­mettent l’a­dap­ta­tion à l’é­vo­lu­tion — afin d’é­vi­ter qu’elles ne s’ac­cu­mulent dans une popu­la­tion (voir le « cli­quet de Mul­ler » à par­tir de Mul­ler 1964 ; ain­si que la « hachette de Kon­dra­shov » à par­tir de Kon­dra­shov 1988).

L’a­van­tage adap­ta­tif que confère la repro­duc­tion sexuée contri­bue à expli­quer sa qua­si-omni­pré­sence par­mi les espèces com­plexes, bien que plu­sieurs bio­lo­gistes affirment que cet avan­tage ne com­pense pas ses coûts. Même si le tableau évo­lu­tif com­plet n’est pas encore évident, il est clair que la repro­duc­tion sexuée est une stra­té­gie évo­lu­tive incroya­ble­ment fruc­tueuse. La plu­part des espèces com­plexes, y com­pris l’être humain, ont com­plè­te­ment per­du la capa­ci­té de se repro­duire de manière asexuée au pro­fit d’une repro­duc­tion sexuée obli­ga­toire. Cela étant, il arrive que cer­taines espèces à repro­duc­tion sexuée connaissent des phé­no­mènes de repro­duc­tion asexuée spon­ta­née (par exemple, lors­qu’une femelle génère une pro­gé­ni­ture à par­tir d’un ovule non fécon­dé, un pro­ces­sus appe­lé « par­thé­no­ge­nèse »). Mais cette repro­duc­tion asexuée ne l’emporte géné­ra­le­ment pas sur les méca­nismes de repro­duc­tion sexuée, mal­gré les avan­tages pré­vi­sibles que pour­rait en reti­rer une popu­la­tion de femelles se repro­dui­sant de manière asexuée. Les plantes et les espèces ani­males simples qui se repro­duisent géné­ra­le­ment de manière asexuée dans les condi­tions envi­ron­ne­men­tales exemptes de stress aux­quelles elles sont confor­ta­ble­ment adap­tées peuvent recou­rir à la repro­duc­tion sexuée en période de stress, lorsque le bras­sage géné­tique est sus­cep­tible de pro­cu­rer un avan­tage de sur­vie par­mi la pro­gé­ni­ture (Becks et Agra­wal 2010).

Les gamètes et les sexes

S’il existe des méca­nismes d’é­change géné­tique par les­quels l’ADN est trans­fé­ré entre dif­fé­rents indi­vi­dus de manière non sexuée, par exemple entre bac­té­ries et entre virus et hôte (Cal­lier 2019), l’o­ri­gine évo­lu­tive de la repro­duc­tion sexuée par le biais de gamètes spé­cia­li­sés remonte à l’é­vo­lu­tion de la mul­ti­cel­lu­la­ri­té, il y a au moins 1,5 mil­liard d’an­nées (Fu et al. 2019). Pour ce qui concerne les gamètes, la modé­li­sa­tion de mul­tiples scé­na­rios évo­lu­tifs visant à maxi­mi­ser des pro­prié­tés comme la fré­quence de fusion et la san­té de la pro­gé­ni­ture montre que l’é­vo­lu­tion d’un sys­tème binaire, com­pre­nant des petits et des grands gamètes, et impli­quant une fusion exclu­sive entre petit et grand gamètes (pas de fusions petit-petit ou grand-grand), est opti­male. Face à cette diver­gence extrême des types de gamètes, le bio­lo­giste évo­lu­tion­niste Brian Char­les­worth sug­gère que « tout ce qui se trouve entre les deux [des ovules plus petits mais moins robustes ou des sper­ma­to­zoïdes plus gros mais plus lents] serait désa­van­ta­gé sur le plan sélec­tif » (rap­por­té dans Schaf­fer 2007). Ce sys­tème gamé­tique binaire est appe­lé « ani­so­ga­mie », et il existe chez presque tous les ani­maux et de nom­breuses plantes. Pour une excel­lente vue d’en­semble de l’é­vo­lu­tion des gamètes de l’i­so­ga­mie à l’a­ni­so­ga­mie, voir Leh­to­nen et Par­ker (2014) et les réfé­rences qui y figurent.

Chez les espèces ani­so­games, le grand gamète (et la bio­lo­gie qui lui est asso­ciée) est appe­lé « femelle » et le petit gamète (et la bio­lo­gie qui lui est asso­ciée) est appe­lé « mâle ». Chez les ani­maux, les gamètes femelles et mâles prennent res­pec­ti­ve­ment les formes fami­lières de l’o­vule et du sper­ma­to­zoïde (chez les plantes, les gamètes femelles et mâles sont conte­nus res­pec­ti­ve­ment dans les ovules et le pol­len). Les gamètes de petite et de grande taille ont évo­lué vers des spé­cia­li­sa­tions dif­fé­rentes. Le gamète femelle, dont le volume phy­sique est plus impor­tant, four­nit à lui seul à l’embryon en déve­lop­pe­ment les com­po­sants cel­lu­laires de base, de nom­breuses molé­cules et signaux néces­saires pour orien­ter sa crois­sance pré­coce et des sources d’éner­gie (des orga­nites dotés de leur propre ADN et se répli­quant par fis­sion binaire) appe­lés « mito­chon­dries ». L’hé­ri­tage mater­nel des com­po­sants cel­lu­laires est typique de l’a­ni­so­ga­mie et l’on estime qu’il favo­rise la san­té de l’embryon en éli­mi­nant les effets néga­tifs sus­cep­tibles de résul­ter de la com­pé­ti­tion entre des mito­chon­dries incom­pa­tibles héri­tées de deux parents (Grei­ner et al. 2015) ; en effet, ce pro­ces­sus et sa coor­di­na­tion opti­male peuvent impo­ser l’exis­tence de seule­ment deux types de gamètes (voir, par exempe, Hurst 1996). En consé­quence de l’hé­ri­tage mater­nel, le gamète mâle se contente de contri­buer à l’in­for­ma­tion géné­tique pen­dant la fécon­da­tion. Il y par­ti­cipe à la suite d’un pro­ces­sus com­pé­ti­tif, s’étant géné­ra­le­ment spé­cia­li­sé dans la mobi­li­té pour mieux accé­der aux gamètes femelles — en témoignent les struc­tures en forme de queue des sper­ma­to­zoïdes qui les pro­pulsent vers l’o­vule (Les­sels et al. 2009) et les grains de pol­len qui collent aux pattes des abeilles (Hu et al. 2008). Les gamètes mâles sont en outre créés en grand nombre afin d’améliorer leurs chances de ren­con­trer un gamète femelle et de sur­pas­ser en nombre les petits gamètes des autres mâles (Par­ker et Leh­to­nen 2014).

L’a­ni­so­ga­mie repré­sente l’o­ri­gine évo­lu­tive du sexe, c’est-à-dire des rôles repro­duc­tifs asso­ciés aux gamètes femelles ou mâles. L’é­vo­lu­tion de deux classes d’in­di­vi­dus, une pour chaque rôle repro­duc­tif, serait appa­rue à plu­sieurs reprises chez les ani­maux et les plantes, ce qui sug­gère un avan­tage évo­lu­tif. La diver­gence en deux sexes dis­tincts d’in­di­vi­dus a été décrite comme « une consé­quence presque inévi­table de la repro­duc­tion sexuelle dans les orga­nismes mul­ti­cel­lu­laires com­plexes » (Leh­to­nen et Par­ker 2014 ; en réponse à la ques­tion « Pour­quoi y a‑t-il des filles et pour­quoi y a‑t-il des garçons ? »).

Nous avons ouvert ce cha­pitre par une cita­tion par­tielle ; la voi­ci dans son intégralité,

« Aucun bio­lo­giste s’in­té­res­sant à la repro­duc­tion sexuée ne sau­rait être ame­né à éla­bo­rer les consé­quences détaillées vécues par les orga­nismes ayant trois sexes ou plus ; pour­tant, que faire d’autre s’il veut com­prendre pour­quoi les sexes sont, en fait, tou­jours au nombre de deux ? »

(Fisher 1930, ix)

Alors pour­quoi seule­ment deux sexes, et pas plus ? Compte tenu de la nature de la repro­duc­tion sexuelle, de l’é­vo­lu­tion des gamètes et de l’a­na­to­mie, nous répron­dons à cette ques­tion par une ques­tion (un défi, peut-être) : quelle fonc­tion pour­rait avoir un troi­sième sexe ? La science-fic­tion (et nous insis­tons ici sur le mot « fic­tion ») explore des pos­si­bi­li­tés. Concer­nant les Tral­fa­ma­do­riens de Kurt Von­ne­gut, dans Abat­toir 5 ou la Croi­sade des enfants, Billy Pèle­rin se demande :

« Ils pré­ten­daient que les équi­pages des sou­coupes volantes n’y avaient pas iden­ti­fié moins de sept sexes, tous indis­pen­sables à la conser­va­tion de l’espèce. C’est bien simple : Billy ne réus­sis­sait pas à com­prendre ce que cinq de ces sept sexes avaient à voir dans la concep­tion d’un bébé, puisque leur champ d’activité se rédui­sait à la qua­trième dimen­sion. […] C’était du chi­nois pour Billy. » (145–146)

Les systèmes et les corps sexués

À tra­vers presque toute la vie com­plexe, l’é­vo­lu­tion a favo­ri­sé l’existence de seule­ment deux sexes. Cela étant, il existe des varia­tions dans la façon dont les sexes sont dis­tri­bués au sein des dif­fé­rentes espèces au niveau de l’in­di­vi­du et de la popu­la­tion (on parle alors de « sys­tème sexuel » ; Char­nov 1982). Bien que nous soyons prin­ci­pa­le­ment fami­liers de l’at­tri­bu­tion de la répar­ti­tion des deux sexes en deux classes d’in­di­vi­dus (« gono­cho­risme »), le bio­lo­giste de l’évolution Lukas Scha­rer (2017) nous éclaire : « Les sexes mâle et femelle ne consti­tuent pas deux types d’in­di­vi­dus ; ils repré­sentent deux stra­té­gies repro­duc­tives dif­fé­rentes. Et dans de nom­breux orga­nismes, ces deux stra­té­gies sont répar­ties entre les indi­vi­dus d’une popu­la­tion de mul­tiples manières. » En d’autres termes, dans le monde natu­rel, il existe diverses façons de répar­tir les sexes mâle et femelle au sein des indi­vi­dus et entre eux, ain­si qu’au sein des populations.

La qua­si-tota­li­té des ani­maux se repro­duisent selon le prin­cipe du gono­cho­risme. En règle géné­rale, le sexe mas­cu­lin ou fémi­nin est fixé dès le début du déve­lop­pe­ment embryon­naire et ne change pas au cours de la vie d’un indi­vi­du. Même si, bien enten­du, les carac­té­ris­tiques phy­siques asso­ciées au sexe peuvent subir des chan­ge­ments liés à l’âge ou à la suite d’une bles­sure ou d’une mala­die (ou, chez l’humain, d’une inter­ven­tion chi­rur­gi­cale). Les humains ne sont pas des orga­nismes her­ma­phro­dites — c’est-à-dire qui assument à la fois les rôles repro­duc­tifs mâle et femelle au cours de leur vie. Cela étant, l’her­ma­phro­disme consti­tue une struc­ture cor­po­rel natu­rel chez de nom­breuses espèces ani­so­games et peut repré­sen­ter une stra­té­gie stable pour l’at­tri­bu­tion des sexes. De nom­breuses plantes — en par­ti­cu­lier les plantes à fleurs — et quelques ani­maux moins com­plexes sont des her­ma­phro­dites simul­ta­nés : les deux sexes coexistent dans les mêmes fleurs et/ou dans la même plante ou le même ani­mal à un moment don­né de leur vie.

Quelques espèces aqua­tiques, dont la plus connue est le pois­son-clown, sont des her­ma­phro­dites séquen­tiels. Elles changent de rôle repro­duc­tif au cours de la vie (« chan­ge­ment de sexe »), ce qui est mis en évi­dence par le pas­sage de la pro­duc­tion d’un type de gamète à l’autre, et par les chan­ge­ments ana­to­miques que cela implique dans les tis­sus pro­dui­sant les gamètes (gonades). Dans le cas du pois­son-clown, ce chan­ge­ment de sexe (mâle à femelle) est pro­vo­qué par la perte de l’u­nique femelle repro­duc­trice de la colo­nie (Casas et al. 2016). L’her­ma­phro­disme séquen­tiel ne semble se pro­duire que chez les espèces où le « chan­ge­ment de sexe » ne néces­site pas de restruc­tu­ra­tion de l’a­na­to­mie repro­duc­trice brute, ou seule­ment un remo­de­lage minime. Les pois­sons-clowns mâles et femelles, qui se fécondent de manière externe, pos­sèdent tous deux un sys­tème cana­laire simi­laire qui per­met aux sper­ma­to­zoïdes et aux ovules, res­pec­ti­ve­ment, de péné­trer dans l’en­vi­ron­ne­ment aqua­tique. En rai­son de la pré­sence d’anatomies repro­duc­tives hau­te­ment spé­cia­li­sées et qua­li­ta­ti­ve­ment dif­fé­rentes, qu’il semble dif­fi­cile de restruc­tu­rer après le déve­lop­pe­ment, le « chan­ge­ment de sexe » chez l’humain est impossible.

Tout bien consi­dé­ré, l’évolution offre un éven­tail éblouis­sant d’a­na­to­mies et d’ap­pa­rences. Il est sou­vent vrai que les mâles d’espèces gono­cho­riques, dont le rôle repro­duc­tif consiste à four­nir des sper­ma­to­zoïdes, ont déve­lop­pé des appen­dices per­met­tant de les intro­duire direc­te­ment à l’intérieur des femelles, tan­dis que les femelles de nom­breuses espèces ont déve­lop­pé une bio­lo­gie interne conçue pour accueillir les sper­ma­to­zoïdes et pro­té­ger la pro­gé­ni­ture en déve­lop­pe­ment du monde exté­rieur. Mais les appa­rences peuvent être trom­peuses. Par exemple, les hip­po­campes mâles pos­sèdent une poche incu­ba­trice dans laquelle sont cou­vés les hip­po­campes en déve­lop­pe­ment, un rôle fonc­tion­nel plus com­mu­né­ment asso­cié aux indi­vi­dus femelles dans le monde natu­rel. Cepen­dant, ces hip­po­campes appar­tiennent à la classe de sexe qui four­nit le sper­ma­to­zoïde à la pro­gé­ni­ture, et c’est cela, et non leur ana­to­mie brute, qui les défi­nit comme des mâles. Autre exemple curieux, celui des hyènes tache­tées femelles, qui pos­sèdent un cli­to­ris hyper­tro­phié res­sem­blant à un pénis. Cela étant, pro­dui­sant des ovules, elles sont, par défi­ni­tion, des femelles. En matière d’a­na­to­mie, les pro­jec­tions bio­lo­giques anthro­po­cen­trés, qui com­prennent, par exemple, les appen­dices péniens chez les mâles et la gros­sesse chez les femelles, sont sans aucun doute trop étroites pour rendre compte de la diver­si­té des corps sexués dans le monde naturel.

Les her­ma­phro­dites intègrent à la fois les sexes mâle et femelle, et les gono­cho­ristes l’un ou l’autre. Si le gono­cho­risme et l’her­ma­phro­disme simul­ta­né repré­sentent des arran­ge­ments stables des deux sexes au sein d’une espèce, de nom­breuses espèces vont à l’en­contre de ces ten­dances. Il existe des espèces com­po­sées de femelles et d’her­ma­phro­dites (McCau­ley and Bai­ley 2009), de mâles et d’her­ma­phro­dites (Weeks et al. 2009), et de mâles, de femelles et d’her­ma­phro­dites (Oyar­zun et al. 2020). Les deux sexes peuvent être répar­tis dif­fé­rem­ment chez les indi­vi­dus et entre les espèces. Pour­tant, mal­gré la varié­té des corps et des sys­tèmes sexuels que l’on observe dans le monde natu­rel, la repro­duc­tion au sein des indi­vi­dus et entre eux se pro­duit par la ren­contre de gamètes femelles et mâles, un de chaque type, dans cette com­bi­nai­son pré­cise, selon un sché­ma qui s’incarne à tra­vers presque toute la vie com­plexe. Le sys­tème binaire du sexe est un fil évo­lu­tif cou­su à tra­vers la vie sur terre.

Le sexe chez l’espèce humaine

Du point de vue de l’é­vo­lu­tion, nous avons expo­sé ce qu’est le sexe (le rôle repro­duc­tif rela­tif au type de gamètes) et avons éta­bli que, mal­gré la fas­ci­nante diver­si­té des mani­fes­ta­tions des deux sexes au sein des indi­vi­dus et des popu­la­tions, il n’existe que deux sexes. Dans cette sec­tion, nous abor­de­rons la bio­lo­gie du déve­lop­pe­ment — l’é­tude de la crois­sance des orga­nismes — et le déve­lop­pe­ment de l’être humain reproducteur.

La bio­lo­gie du déve­lop­pe­ment qui sous-tend cette sec­tion pro­vient en grande par­tie de manuels de réfé­rence stan­dard. Les lec­trices et lec­teurs intéressé·es peuvent consul­ter Bare­si et Gil­bert (2020), Deve­lop­men­tal Bio­lo­gy et Wol­pert et al. (2019), Prin­ciples of Deve­lop­ment.

Faire un bébé

Les humains sont des mam­mi­fères gono­cho­riques divi­sés en deux classes d’in­di­vi­dus en fonc­tion de leurs rôles repro­duc­tifs. Chez l’humain, l’acte de repro­duc­tion pro­pre­ment dit néces­site, en pre­mier lieu, que des sper­ma­to­zoïdes mâles fécondent des ovules femelles, ce qui se pro­duit lors de rap­ports sexuels entre deux per­sonnes sexuel­le­ment matures. L’a­na­to­mie repro­duc­tive mâle com­prend les tes­ti­cules, conte­nus dans le sac scro­tal, qui pro­duisent les sper­ma­to­zoïdes des­ti­nés à être trans­mis à la femelle par le canal défé­rent, puis le pénis. Les tes­ti­cules et le pénis sont des organes externes, tan­dis que l’a­na­to­mie repro­duc­tive femelle est presque entiè­re­ment interne. Elle com­prend des ovaires qui libèrent pério­di­que­ment des ovules matures, recueillis par les ovi­ductes voi­sins et trans­por­tés vers l’u­té­rus, l’es­pace mus­cu­laire dans lequel, après une fécon­da­tion réus­sie, un bébé se déve­lop­pe­ra. L’u­té­rus est relié, via le col de l’u­té­rus, au vagin, qui émerge du corps au niveau de la vulve, où se trouvent le cli­to­ris et l’o­ri­fice de l’u­rètre, entou­rés de plis cuta­nés appe­lés lèvres.

Pen­dant les rap­ports sexuels, le sperme (sper­ma­to­zoïdes mélan­gés à de l’eau et à des lubri­fiants pro­ve­nant des vési­cules sémi­nales et de la pros­tate) est déli­vré dans le corps de la femelle par éja­cu­la­tion. Le sperme est ache­mi­né vers les ovi­ductes où, si un ovule mature est prêt, la fécon­da­tion a lieu. L’o­vule fécon­dé est trans­por­té puis implan­té dans la paroi uté­rine ; à ce stade, la femme est enceinte. En l’ab­sence d’une fécon­da­tion réus­sie, l’u­té­rus, qui a déjà pré­pa­ré une muqueuse riche en sang et spon­gieuse adap­tée à l’im­plan­ta­tion, décom­pose cette muqueuse et l’ex­pulse par le vagin pen­dant les mens­trua­tions. Chez l’humain, la ges­ta­tion — la crois­sance d’un bébé dans la femme enceinte — dure envi­ron neuf mois, après quoi la femme accouche, géné­ra­le­ment par voie vagi­nale (bien que des inter­ven­tions chi­rur­gi­cales comme la césa­rienne puissent être employées, par néces­si­té dans des cir­cons­tances médi­cales néga­tives, ou par choix).

La détermination du sexe

L’a­na­to­mie repro­duc­tive d’un bébé en pleine crois­sance se déve­loppe in ute­ro en une série d’é­tapes ana­to­miques coor­don­nées. La pre­mière étape consiste à déter­mi­ner le sexe du nou­vel embryon : femelle ou mâle ? Chez l’humain, le sexe est géné­ti­que­ment déter­mi­né lors de la fécon­da­tion par le biais du sys­tème de déter­mi­na­tion XY des chro­mo­somes sexuels. Les femelles pos­sèdent deux chro­mo­somes X, tan­dis que les mâles pos­sèdent un X et un Y. Étant don­né que les chro­mo­somes sexuels appa­riés, comme toutes les autres paires de chro­mo­somes, sont sépa­rés lors de la fabri­ca­tion des gamètes, chaque ovule humain contient un chro­mo­some X, tan­dis que les sper­ma­to­zoïdes humains contiennent soit un chro­mo­some X, soit un chro­mo­some Y. Le sexe du bébé dépend donc du type de chro­mo­some (X ou Y) que porte le sper­ma­to­zoïde qui féconde l’ovule.

Le sché­ma chro­mo­so­mique d’un indi­vi­du est appe­lé « caryo­type ». Comme tous les chro­mo­somes, les chro­mo­somes sexuels portent des gènes. Chez l’être humain, un gène clé déter­mi­nant le sexe est appe­lé SRY (sex-deter­mi­ning region Y). Chez les indi­vi­dus qui connaissent un déve­lop­pe­ment géné­tique nor­mal, le gène SRY est por­té par le chro­mo­some Y (Kashi­ma­da and Koop­man 2010 ; Sin­clair et al. 1990). Le gène SRY agit comme un « déclen­cheur majeur » pour le déve­lop­pe­ment mâle. Sa pré­sence — ou son absence — induit une cas­cade de signaux molé­cu­laires qui orientent la pre­mière étape ana­to­mique du déve­lop­pe­ment d’un corps humain sexué à tra­vers la dif­fé­ren­cia­tion des gonades.

Le développement embryonnaire

La dif­fé­ren­cia­tion des gonades se pro­duit à envi­ron six semaines in ute­ro, lors­qu’une paire de gonades bipo­ten­tielles — de petites excrois­sances de tis­su dans la cavi­té abdo­mi­nale — est ame­née à for­mer des ovaires ou des tes­ti­cules, qui consti­tuent les tis­sus pro­duc­teurs de gamètes chez les femelles et les mâles, res­pec­ti­ve­ment. Les embryons XY por­teurs d’un gène SRY fonc­tion­nel déclenchent la dif­fé­ren­cia­tion des tes­ti­cules via un réseau de signaux molé­cu­laires ; en l’ab­sence d’un gène SRY actif, les gonades embryon­naires XX activent des signaux molé­cu­laires dis­tincts et com­mencent à se dif­fé­ren­cier en ovaires (Lecluze et al. 2020 ; Mam­sen et al. 2017). Il existe une rétro­ac­tion entre ces voies de dif­fé­ren­cia­tion ; par exemple, un signal requis pour le déve­lop­pe­ment ova­rien et la matu­ra­tion ulté­rieure des ovules sup­prime éga­le­ment la dif­fé­ren­cia­tion pré­coce des tes­ti­cules (Jaas­ke­lai­nen et al. 2010).

Les gamètes ne naissent pas dans les gonades en crois­sance. Elles pro­viennent de cel­lules souches spé­cia­li­sées qui migrent dans la région de la gonade en cours de dif­fé­ren­cia­tion, où elles sont inté­grées en tant que cel­lules pré­cur­seuses qui devien­dront des ovules ou des sper­ma­to­zoïdes, selon le type de gonade (Magnus­dot­tir and Sur­ani 2014). Le déve­lop­pe­ment conti­nu des gonades en tis­sus matures pro­duc­teurs d’o­vules ou de sper­ma­to­zoïdes repose sur des types de cel­lules spé­ci­fiques à chaque sexe, un pro­ces­sus qui néces­site l’ac­tion d’hor­mones sexo-spé­ci­fiques. Grâce au milieu hor­mo­nal sexo-spé­ci­fique que chaque gonade génère, elles dirigent éga­le­ment le déve­lop­pe­ment d’une ana­to­mie repro­duc­tive appa­reillée au type de gamète mature que l’individu est cen­sé pro­duire. En d’autres termes, les ovaires, des­ti­nés à pro­duire des ovules, entraî­ne­ront un déve­lop­pe­ment ana­to­mique femelle, tan­dis que les tes­ti­cules, des­ti­nés à pro­duire des sper­ma­to­zoïdes, entraî­ne­ront un déve­lop­pe­ment mâle. Les gonades peuvent donc être consi­dé­rées comme des tis­sus orga­ni­sa­teurs. Et l’absence de fonc­tion future des gamètes — l’in­fer­ti­li­té — ne contre­dit pas la com­pré­hen­sion du sexe humain en tant que modèle ana­to­mique orga­ni­sé autour de la fonc­tion gamétique.

Les pre­miers objec­tifs embryon­naires de l’or­ga­ni­sa­tion des gonades, à par­tir d’en­vi­ron huit semaines in ute­ro, sont deux paires de canaux (para­mé­so­né­phriques et méso­né­phriques) situés à côté des gonades, qui devien­dront res­pec­ti­ve­ment les organes géni­taux internes femelles ou mâles. Les embryons femelles et mâles déve­loppent ini­tia­le­ment les deux paires de canaux ; l’ac­tion hor­mo­nale sexo-spé­ci­fique favo­rise ensuite la crois­sance d’une des deux. Les tes­ti­cules mâles sécrètent deux hor­mones prin­ci­pales qui agissent sur ces paires de canaux. La tes­to­sté­rone favo­rise le déve­lop­pe­ment du canal méso­né­phrique en organes géni­taux internes mas­cu­lins, tan­dis que l’hor­mone antimül­lé­rienne déclenche la dégé­né­res­cence du canal para­mé­so­né­phrique, éli­mi­nant ain­si le canal qui se serait déve­lop­pé en organes géni­taux internes fémi­nins. Chez les femelles, la faible pro­duc­tion de tes­to­sté­rone ne per­met pas la crois­sance des struc­tures du canal méso­né­phrique, de même que celle de l’hormone antimül­lé­rienne est insuf­fi­sante pour déclen­cher la dégé­né­res­cence des struc­tures du canal para­mé­so­né­phrique, qui pour­suivent alors leur déve­lop­pe­ment en organes géni­taux internes féminins.

Le deuxième objec­tif embryon­naire de l’or­ga­ni­sa­tion gona­dique, à par­tir d’en­vi­ron 10 semaines in ute­ro, est le déve­lop­pe­ment des organes géni­taux externes. Les organes géni­taux externes — vagin, cli­to­ris et lèvres chez la femelle, pros­tate, pénis et scro­tum chez le mâle — sont issus de tis­sus pré­cur­seurs com­muns. Sous l’in­fluence d’hor­mones sexo-spé­ci­fiques, ces tis­sus prennent une forme mâle ou femelle. Plus pré­ci­sé­ment, un déri­vé de la tes­to­sté­rone (dihy­dro­tes­to­sté­rone) est pro­duit loca­le­ment dans les tis­sus pré­cur­seurs des mâles, qui est un puis­sant induc­teur des organes géni­taux externes mâles. Inver­se­ment, un faible taux de tes­to­sté­rone et de dihy­dro­tes­to­sté­rone chez les femelles per­met à ce tis­su pré­cur­seur de se déve­lop­per en organes géni­taux externes femelles. Étant don­né que les organes géni­taux externes mâles et femelles se déve­loppent à par­tir du même tis­su embryon­naire sous dif­fé­rentes influences hor­mo­nales, des struc­tures ana­logues peuvent être iden­ti­fiées : le cli­to­ris et le pénis par­tagent de nom­breuses carac­té­ris­tiques struc­tu­relles, tan­dis que les lèvres repré­sentent une ver­sion non fusion­née du scrotum.

Le sexe du bébé est géné­ra­le­ment consta­té à la nais­sance, de manière très fiable, par exa­men visuel et pal­pa­tion (« tou­cher ») des organes géni­taux externes. Par ailleurs, le sexe du bébé est de plus en plus cou­ram­ment iden­ti­fié in ute­ro par obser­va­tion des organes géni­taux externes ou par ana­lyse géné­tique. Ces méthodes consta­tives ne cor­res­pondent pas à une assi­gna­tion — « l’action d’assigner, de pres­crire ». L’utilisation du terme « assi­gna­tion » n’a de sens que dans le cadre des déci­sions médi­cales rela­tives aux patho­lo­gies cli­niques du sys­tème repro­duc­tif (exa­mi­nées plus loin).

La puberté et les caractères sexuels secondaires

Le déve­lop­pe­ment de l’a­na­to­mie repro­duc­tive in ute­ro est appe­lé « déve­lop­pe­ment pri­maire du sexe ». Il en résulte un corps capable d’exercer le rôle repro­duc­teur femelle ou mâle. Le déve­lop­pe­ment du sexe humain connaît une deuxième phase de déve­lop­pe­ment lors de la puber­té, entre 10 et 18 ans, envi­ron. Cette phase de « déve­lop­pe­ment sexuel secon­daire » entraîne une diver­gence entre les formes cor­po­relles des femelles et des mâles — le « dimor­phisme sexuel » — qui a évo­lué sous la pres­sion de la sélec­tion en vue d’augmenter les chances d’ac­cou­ple­ment, selon deux grandes stra­té­gies : la séduc­tion et la domi­na­tion. Femelles et mâles gagnent en taille et en den­si­té osseuse et mani­festent des symp­tômes typiques de l’a­do­les­cence comme l’ap­pa­ri­tion de la libi­do, de l’ac­né et des odeurs cor­po­relles. Sous l’in­fluence de l’hor­mone œstro­gène, l’a­na­to­mie repro­duc­tive femelle évo­lue, l’o­vu­la­tion et la mens­trua­tion com­mencent, la lar­geur des hanches aug­mente et le tis­su mam­maire se déve­loppe. En plus de faire l’expérience de la matu­ra­tion typique de l’a­na­to­mie repro­duc­tive mâle (aug­men­ta­tion du volume des tes­ti­cules et de la lon­gueur du pénis), les mâles gran­dissent davan­tage que les femmes, déve­loppent une pilo­si­té faciale, une voix plus grave et des épaules plus larges, et acquièrent une quan­ti­té de muscles sque­let­tiques beau­coup plus impor­tante que les femmes.

Le développement sexuel atypique

Il existe de nom­breux points où le déve­lop­pe­ment sexuel humain, qui consti­tue un sys­tème com­plexe impli­quant de mul­tiples intrants et pro­ces­sus bio­lo­giques, peut connaître une tour­nure aty­pique ou patho­gène. Les condi­tions entraî­nant un déve­lop­pe­ment aty­pique de l’ap­pa­reil repro­duc­teur sont appe­lées troubles (ou, dans le lan­gage euphé­mique des­ti­né aux patients, « dif­fé­rences ») du déve­lop­pe­ment sexuel (dif­fe­rences ou disor­ders of sexual deve­lop­ment, DSD). Il existe envi­ron 40 DSD connus chez l’humain, la plu­part résul­tant de muta­tions dans des gènes dont dépend le déve­lop­pe­ment sexuel in ute­ro (Arbo­le­da et al. 2014). Leurs effets vont de simples dif­fé­rences ana­to­miques et hor­mo­nales chez des indi­vi­dus par ailleurs en bonne san­té à des troubles accom­pa­gnés de séquelles cli­niques aiguës sus­cep­tibles de cau­ser des dom­mages post­na­tals ou même la mort et qui néces­sitent une prise en charge conti­nue tout au long de la vie.

His­to­ri­que­ment, les DSD ont été décrits par des termes comme her­ma­phro­disme et inter­sexua­li­té — qui tombe actuel­le­ment en désué­tude. Ces termes sont désor­mais consi­dé­rés comme cli­ni­que­ment inexacts et stig­ma­ti­sants pour les patients. La nomen­cla­ture approu­vée pour caté­go­ri­ser les DSD les relie au caryo­type et au sexe. Ain­si, les prin­ci­pales caté­go­ries de DSD sont les DSD des chro­mo­somes sexuels, les DSD XY (mâles) et les DSD XX (femelles). Les DSD des chro­mo­somes sexuels cor­res­pondent par exemple aux syn­drome de Tur­ner et de Kli­ne­fel­ter. Les indi­vi­dus qui en sont atteints pos­sèdent un nombre anor­mal de chro­mo­somes sexuels et déve­loppent une ana­to­mie repro­duc­tive typique, mais connaissent des pro­blèmes hor­mo­naux qui com­pro­mettent la matu­ra­tion sexuelle et la fer­ti­li­té. Par­mi les autres DSD, nous pou­vons men­tion­ner les embryons femelles expo­sés à un excès de tes­to­sté­rone in ute­ro qui déve­loppent un cli­to­ris hyper­tro­phié (un DSD XX appe­lé hyper­pla­sie congé­ni­tale des sur­ré­nales), ou les embryons mâles qui ne par­viennent pas à pro­duire la dihy­dro­tes­to­sté­rone néces­saire à la crois­sance du pénis (un DSD XY appe­lé défi­cit en 5‑alpha réduc­tase). D’ex­cel­lentes res­sources sur les DSD ont été com­pi­lées par l’or­ga­ni­sa­tion cari­ta­tive bri­tan­nique DSD Fami­lies et sont dis­po­nibles sur son site web (https://dsdfamilies.org).

La fré­quence des DSD fait l’ob­jet d’une impor­tante dés­in­for­ma­tion. La bio­lo­giste Anne Faus­to-Ster­ling et ses col­lègues qua­li­fient d’« inter­sexe » tout écart par rap­port au corps « idéal pla­to­ni­cien ». Selon des tra­vaux qu’ils ont effec­tués, 1,7 % des humains seraient atteints de DSD (Bla­ck­less et al. 2000 ; Faus­to-Ster­ling 2000). Cette défi­ni­tion large des DSD englobe un grand nombre de per­sonnes dont le sexe ne pré­sente aucune ambi­guï­té bio­lo­gi­que­ment signi­fi­ca­tive (la grande majo­ri­té d’entre elles sont des femmes qui ne pré­sentent aucune ambi­guï­té sexuelle, sou­vent des mères qui souffrent d’hy­per­pla­sie sur­ré­na­lienne tar­dive et qui, à un moment don­né après la nais­sance, sécrètent des taux éle­vés de tes­to­sté­rone en rai­son d’un pro­blème de sur­ré­nales). Le taux de 1,7 % a été rame­née à 0,4 % par Hull et Faus­to-Ster­ling (2003), après iden­ti­fi­ca­tion de nom­breuses lacunes dans l’étude ini­tiale, comme le fait de ne pas tenir compte de la nature sexo-spé­ci­fique de nom­breux DSD.

Lorsque l’on éva­lue la fré­quence des DSD en se limi­tant ration­nel­le­ment aux per­sonnes dotées d’une ana­to­mie repro­duc­tive ambi­guë ou affi­chant une dis­cor­dance entre leur sexe repro­duc­tif et leurs organes géni­taux externes, le taux d’incidence des DSD chute de façon spec­ta­cu­laire à envi­ron 0,018 % (Sax 2002). Néan­moins, le taux sur­éva­lué de 1,7 % est régu­liè­re­ment évo­qué comme une véri­té éta­blie (par exemple par Amnes­ty en 2018). De sur­croît, en dépit d’un déve­lop­pe­ment sexuel aty­pique, presque tous les cas de DSD sont rat­ta­chables au sexe fémi­nin ou mas­cu­lin. La méde­cine moderne offre des pro­cé­dures per­met­tant d’i­den­ti­fier le sexe des per­sonnes pré­sen­tant une ambi­guï­té sexuelle (car­to­gra­phie des organes géni­taux internes, du caryo­type et pro­fils hor­mo­naux). L’appréhension des DSD dans le cadre des tra­jec­toires de déve­lop­pe­ment typi­que­ment femelle et mâle aide à diag­nos­ti­quer ces troubles cli­niques et nous ren­seigne sur la ges­tion pro­nos­tique des condi­tions spé­ci­fiques sur le plan de la fonc­tion sexuelle et des pers­pec­tives de fer­ti­li­té. Lorsque la fer­ti­li­té est pos­sible, les per­sonnes atteintes de DSD uti­lisent, comme tous les êtres humains, soit des ovules, soit des sper­ma­to­zoïdes. Les DSD ne consti­tuent pas un nou­veau (troi­sième) sexe.

Les mythes sur le sexe

Dans une lettre publiée dans l’Irish Jour­nal of Medi­cal Science (Revue de science médi­cale irlan­daise) en 2021, nous avons affir­mé que « le dis­cours public sur le sexe cherche de plus en plus à nier les faits fon­da­men­taux de la bio­lo­gie humaine » (Hil­ton et Wright et al. 2021). L’i­déo­lo­gie de l’i­den­ti­té de genre pré­tend qu’une iden­ti­té pri­vée rela­tive au sexe d’une per­sonne défi­nit son sexe : si une per­sonne s’i­den­ti­fie (selon une sorte de sen­ti­ment interne et invé­ri­fiable) comme une femme ou un homme, alors cette per­sonne est lit­té­ra­le­ment une femme ou un homme. En consé­quence, nom­breux sont ceux qui cherchent à dis­cré­di­ter la com­pré­hen­sion scien­ti­fique com­mune du sexe en tant que phé­no­mène bio­lo­gique réel et impor­tant, en faveur d’une caté­go­ri­sa­tion tota­le­ment sub­jec­tive et infal­si­fiable basée sur un res­sen­ti per­son­nel et interne — appe­lé « iden­ti­té de genre ». Dans cette sec­tion, nous cri­ti­quons les mal­en­ten­dus émer­gents autour du sexe.

Mythe : le sexe est un ensemble de parties du corps

Les dés­in­for­ma­tions idéo­lo­giques qui entourent le sexe reposent sur un amal­game entre des des­crip­tions ancrées dans la fonc­tion bio­lo­gique et des des­crip­tions indi­vi­duelles basées sur une liste de contrôle de diverses carac­té­ris­tiques phy­siques. Un édi­to­rial de la revue Nature (2018) affirme que le sexe est « une clas­si­fi­ca­tion basée sur des carac­té­ris­tiques cor­po­relles internes et externes », tout en omet­tant de men­tion­ner la fonc­tion repro­duc­tive et la rai­son d’être des corps sexués. La ques­tion qui s’im­pose est la sui­vante : une clas­si­fi­ca­tion basée sur des carac­té­ris­tiques cor­po­relles internes et externes chez quelle espèce ? Bien enten­du, l’es­pèce de réfé­rence est l’humain — une vision par­ti­cu­liè­re­ment auto­cen­trée d’un phé­no­mène bio­lo­gique com­mun à la qua­si-tota­li­té de la vie com­plexe. Dans la même veine, étant don­né la diver­si­té des carac­té­ris­tiques phy­siques asso­ciées au sexe dans le monde vivant, chaque espèce a‑t-elle sa propre défi­ni­tion du sexe ? Même si tel était le cas, la liste des carac­té­ris­tiques asso­ciées, par exemple, aux hyènes mâles et femelles ne peut être éta­blie qu’en les rat­ta­chant au sexe en tant que fonc­tion biologique.

Dans le maga­zine bri­tan­nique The Skep­tic, la géné­ti­cienne Sarah Hearne (2021) défi­nit avec pré­ci­sion le terme « femelle » comme « les orga­nismes dont les gamètes sont […] des ovules ou des œufs », tout en affir­mant qu’« à moins d’être un méde­cin spé­cia­liste de la fer­ti­li­té, il est peu pro­bable que vous ren­con­triez beau­coup d’o­vules, de sorte que nous devons uti­li­ser d’autres défi­ni­tions dans la vie de tous les jours ». S’il est exact que nous ne pou­vons pas direc­te­ment connaître le type de gamète des gens que nous croi­sons, il ne s’en­suit pas que nous uti­li­sions d’autres « défi­ni­tions » pour iden­ti­fier le sexe des indi­vi­dus ; nous uti­li­sons d’autres mar­queurs du sexe : ceux qui découlent des effets de l’or­ga­ni­sa­tion des gonades au cours du déve­lop­pe­ment. Hearne le recon­naît : si des carac­té­ris­tiques comme les organes géni­taux externes — cou­ram­ment dis­si­mu­lés — et la taille des seins — arti­fi­ciel­le­ment aug­men­tée par les sou­tiens-gorge — ne suf­fisent pas à iden­ti­fier le sexe d’une per­sonne, nous le fai­sons à l’aide de carac­té­ris­tiques comme « la quan­ti­té et la répar­ti­tion des muscles et de la graisse, la lon­gueur et la répar­ti­tion des che­veux, la taille et ain­si de suite ». Le psy­chiatre Nirao Shah, qui étu­die les dif­fé­rences com­por­te­men­tales entre femelles et mâles, consi­dère que l’i­den­ti­fi­ca­tion cor­recte du sexe est « une déci­sion fon­da­men­tale que prennent les ani­maux » (voir Gold­man, 2019). Outre l’é­va­lua­tion de la forme du corps, à tra­vers la lar­geur des épaules et des hanches, les humains sont des experts du visage : l’i­den­ti­fi­ca­tion du sexe repré­sente « un aspect spon­ta­né, ne requé­rant pas le moindre effort, de la per­cep­tion des visages » qui déclenche une acti­vi­té céré­brale dif­fé­ren­tielle (Kaul et al. 2011). Curieu­se­ment, les femmes semblent mieux recon­naître les visages de femmes que les hommes, même en l’ab­sence d’in­dices gen­rés comme la lon­gueur des che­veux (Lewin et Her­litz 2002). Les humains éva­luent éga­le­ment les mou­ve­ments, comme la démarche, dans leur iden­ti­fi­ca­tion du sexe (Pol­lick et al. 2005). Cepen­dant, aucun de ces élé­ments ne consti­tue, comme l’af­firme Hearne, une « défi­ni­tion » alter­na­tive du sexe. Il s’agit sim­ple­ment d’une recon­nais­sance du sexe au moyen de carac­té­ris­tiques mor­pho­lo­giques. Par ana­lo­gie, la roche ignée est défi­nie comme étant issue de la lave vol­ca­nique ; mais nous recon­nais­sons la roche ignée à des carac­té­ris­tiques comme sa tex­ture et sa densité.

Écar­tant sa fonc­tion pour défi­nir le sexe comme une forme — expli­cite dans des articles por­tant des titres tels que « Sex Rede­fi­ned » [Le sexe redé­fi­ni] (Ains­worth, 2015) —, la décons­truc­tion du sexe en tant que caté­go­rie bio­lo­gique com­mence par des affir­ma­tions rela­tives à la varia­bi­li­té des carac­té­ris­tiques phy­siques. Et notam­ment en invo­quant les per­sonnes atteintes de DSD et d’un déve­lop­pe­ment repro­duc­tif aty­pique. Les des­crip­tions phy­siques des carac­té­ris­tiques des per­sonnes atteintes de DSD divisent sou­vent le sys­tème repro­duc­teur en élé­ments consti­tu­tifs comme le « sexe géné­tique » et le « sexe gona­dique » afin de mieux com­prendre les carac­té­ris­tiques incon­grues, la prise en charge cli­nique et le pro­nos­tic (Arbo­le­da et al. 2014). Pour la qua­si-tota­li­té des DSD, ces élé­ments consti­tu­tifs sont concor­dants ou ne divergent pas de manière signi­fi­ca­tive. Si une telle désa­gré­ga­tion est utile, ce n’est pas pour brouiller les défi­ni­tions des termes « femelle » et « mâle », mais en vue d’affiner les flux de tra­vail qui génèrent un tableau cli­nique d’ensemble pour les per­sonnes atteintes de DSD. Cepen­dant, depuis l’in­ven­tion de l’« iden­ti­té de genre » par John Money dans les années 1960, les carac­té­ris­tiques frag­men­tées du sexe ont par­fois inclus le sexe « psy­cho­lo­gique » et « social » (Moore 1968), per­met­tant ain­si à l’« iden­ti­té de genre » d’être consi­dé­rée non seule­ment comme une carac­té­ris­tique sexuée, mais aus­si comme une carac­té­ris­tique qui sup­plante désor­mais les carac­té­ris­tiques phy­siques et fonctionnelles.

Un argu­ment connexe évoque le recou­pe­ment des carac­té­ris­tiques sexuelles entre les sexes pour ten­ter de démon­trer qu’« il n’existe aucun para­mètre unique fai­sant qu’une per­sonne est bio­lo­gi­que­ment mâle ou femelle » (Elses­ser 2020). Certes, beau­coup de femmes sont plus grandes que tout un tas d’hommes et quelques hommes pré­sentent des taux de tes­to­sté­rone infé­rieurs à ceux de cer­taines femmes. Tou­te­fois, ces argu­ments occultent un point que nous avons déjà abor­dé : nous ne savons que les hommes sont géné­ra­le­ment plus grands et ont des taux de tes­to­sté­rone plus éle­vés que les femmes que parce que nous dis­po­sons d’une carac­té­ris­tique de réfé­rence pour le sexe, indé­pen­dante de la taille et du taux de tes­to­sté­rone, per­met­tant de divi­ser et de mesu­rer les gens. Et ce sont des siècles d’é­tude de l’or­ga­ni­sa­tion ana­to­mique et molé­cu­laire de l’es­pèce humaine autour du sexe en tant que fonc­tion bio­lo­gique qui servent de point d’an­crage. En d’autres termes, il serait impos­sible d’af­fir­mer qu’un taux de tes­to­sté­rone faible ou éle­vé est cor­ré­lé avec le fait d’être une femme ou un homme, res­pec­ti­ve­ment, si les caté­go­ries « femme » et « homme » ne pos­sé­daient pas déjà des signi­fi­ca­tions éta­blies avec les­quelles les taux de tes­to­sté­rone sont cor­ré­lés. Il en va de même pour tous les autres cor­ré­lats du sex.

Mythe : le sexe n’est pas binaire

Après avoir dépla­cé la défi­ni­tion du sexe de la fonc­tion à la forme et intro­duit des excep­tions à la forme, les idéo­logues s’at­taquent à la des­crip­tion du sexe en tant que sys­tème binaire. Bien sou­vent, ils ne com­prennent pas ce que le terme binaire signi­fie dans ce contexte. Par exemple, dans le Guar­dian, Heg­gie (2015) affirme que la « bina­ri­té du sexe » signi­fie « qu’il y a des hommes et des femmes et qu’ils peuvent être clai­re­ment dis­tin­gués ». Le sys­tème fonc­tion­nel du sexe est régu­liè­re­ment décrit comme « binaire » (y com­pris, à de nom­breuses reprises, par nous), ce qui signi­fie « de, se rap­por­tant à, carac­té­ri­sé par, ou com­po­sé de deux » (Oxford English Dic­tio­na­ry). Ce terme désigne sim­ple­ment un sys­tème bio­lo­gique à deux com­po­santes et suit le même sché­ma éty­mo­lo­gique que celui par lequel, par exemple, un sys­tème com­po­sé de deux masses stel­laires est décrit comme une étoile binaire.

Le rejet du terme « binaire » s’é­tend au rejet du terme « deux » lui-même. Cer­taines per­sonnes pré­sentent des des­crip­tions quan­ti­ta­tives du sexe comme l’al­ter­na­tive néces­saire aux des­crip­tions caté­go­rielles. La dis­tri­bu­tion quan­ti­ta­tive (conti­nue) la plus cou­ram­ment invo­quée est une dis­tri­bu­tion bimo­dale, dans laquelle les carac­té­ris­tiques quan­ti­fiables asso­ciées au sexe, comme la taille et le taux de tes­to­sté­rone, sont concep­tua­li­sées comme des dis­tri­bu­tions mul­tiples qui se che­vauchent. Ces dis­tri­bu­tions qui se che­vauchent sont cen­sées géné­rer deux modes qui repré­sentent la femme et l’homme moyens ou typiques (décrits par une com­bi­nai­son de leurs carac­té­ris­tiques sexuelles moyennes ou typiques). Cou­ram­ment repré­sen­té sur un axe hori­zon­tal pla­te­ment appe­lé « sexe », ce cadre sug­gère que le sexe d’une per­sonne est un score sta­tis­tique. En com­men­taire d’une repré­sen­ta­tion gra­phique très dif­fu­sée du « sexe bimo­dal », Hil­dreth (2022) décrit les modes comme des « pics dans un gra­phique [qui] repré­sentent des groupes de pro­ba­bi­li­té ». En outre, aux affir­ma­tions selon les­quelles le sexe serait bimo­dal s’a­joutent celles selon les­quelles « le sexe est un conti­nuum », une dis­tri­bu­tion conti­nue qui rem­place les modes par, selon les termes de Brus­man (2019), « des options illi­mi­tées ». Ce qui sug­gère que le sexe de chaque être humain serait unique, propre à cet indi­vi­du ou, pour reprendre les termes de Faus­to-Ster­ling (2000), que « le sexe et le genre sont mieux concep­tua­li­sés comme des points dans un espace multidimensionnel ».

Il en résulte qu’à chaque indi­vi­du est assi­gné un pour­cen­tage cen­sé indi­quer à quel point, en quelque sorte, il est femme ou homme. Ce que signi­fie une telle grille de lec­ture, c’est qu’un homme ayant un taux de tes­to­sté­rone infé­rieur à la moyenne, de petite taille et doté d’un pénis plus petit que la moyenne est « plus femme » que ses homo­logues ayant un taux de tes­to­sté­rone moyen ou haut, une grande taille et un grand pénis. Ces juge­ments pré­ju­di­ciables s’ap­pliquent éga­le­ment aux femmes ayant un cli­to­ris hyper­tro­phié, une petite poi­trine ou une mus­cu­la­ture accrue, qui sont pré­sen­tées comme « plus mâles » que leurs congé­nères dotées d’une plus forte poi­trine et moins ath­lé­tiques. La manière dont les don­nées caté­go­rielles comme le type de gonade et le caryo­type peuvent être repré­sen­tées sur de telles dis­tri­bu­tions conti­nues demeure inexpliquée.

Tan­dis que le sexe, dans une dis­tri­bu­tion conti­nue, devient affaire de glis­se­ment vers la gauche ou la droite, vers et à par­tir de la femme et de l’homme typiques, le milieu de cette repré­sen­ta­tion est consi­dé­ré comme un no man’s land où se retrouvent les per­sonnes atteintes de DSD (les pro­mo­teurs de cette repré­sen­ta­tion ne réa­lisent pas que, selon leur propre logique, les femmes extrê­me­ment grandes et les hommes extrê­me­ment petits peuvent éga­le­ment se situer dans cette « zone médiane »). Pour celles et ceux qui s’imaginent que les per­sonnes atteintes de DSD pos­sèdent « les deux types de par­ties géni­tales », cela semble intui­tif. Cepen­dant, comme nous l’a­vons expli­qué, les DSD ne dif­fèrent pas sim­ple­ment sur le plan quan­ti­ta­tif : ils repré­sentent des dizaines de condi­tions avec des étio­lo­gies uniques qui se mani­festent de manière dis­pa­rate. Les ten­ta­tives visant à for­cer les DSD à figu­rer dans une dis­tri­bu­tion conti­nue sont, étant don­né leurs dif­fé­rences qua­li­ta­tives, vouées à l’é­chec (voir, par exemple, Mon­ta­nez, 2017).

Mythe : le sexe est une construction sociale

La toile des argu­ments décrits ci-avant, com­pre­nant éga­le­ment l’invocation régu­lière du fait que le déve­lop­pe­ment est très com­pli­qué (Sun, 2019) — comme si les bio­lo­gistes n’é­taient pas bien for­més pour iden­ti­fier les prin­cipes fon­da­men­taux dans les sys­tèmes com­plexes —, culmine avec l’idée selon laquelle le sexe serait une construc­tion sociale. But­ler (1990) écrit que « peut-être que cette construc­tion appe­lée “sexe” est aus­si cultu­rel­le­ment construite que le genre ». Alors les scien­ti­fiques qui observent le monde natu­rel déve­loppent un lan­gage et des modèles per­met­tant de le décrire, il n’est sim­ple­ment pas sérieux de pré­tendre que les phé­no­mènes ain­si obser­vés sont des construc­tions humaines (voir Stock, dans ce volume). Si tel était le cas, les humains auraient inven­té non seule­ment le sexe, mais aus­si l’or, les nuages et les pingouins.

L’ar­gu­ment selon lequel le sexe est socia­le­ment construit vaut, là encore, pour les per­sonnes dont la bio­lo­gie est aty­pique et qui ont été pré­sen­tées comme inca­té­go­ri­sables ; le fait d’af­fir­mer que les déli­néa­tions des caté­go­ries sont arbi­traires per­met de pré­tendre que les caté­go­ries elles-mêmes sont « arbi­traires », c’est-à-dire socia­le­ment construites. Mais le fait que le sexe puisse être ambi­gu pour cer­taines per­sonnes (ou même le fait tri­vial que cer­taines femmes soient anor­ma­le­ment grandes) ne signi­fie pas que ses caté­go­ries sont arbi­traires. Cet argu­ment revient à affir­mer que les deux faces d’une pièce de mon­naie sont arbi­traires parce qu’occasionnellement, une pièce peut tom­ber sur sa tranche.

Mythe : les biologistes utilisent d’autres conceptions du sexe

Enfin, nous contes­tons l’idée selon laquelle un nou­veau consen­sus scien­ti­fique sur le sexe aurait émer­gé. Dans un article paru dans DW, Ster­zik (2021) affirme que « le large consen­sus scien­ti­fique semble désor­mais dif­fé­rent : le sexe est un conti­nuum ». En véri­té, les défi­ni­tions et les concep­tions du sexe que nous pré­sen­tons dans ce cha­pitre ne sont pas contro­ver­sées. Elles figurent dans les dic­tion­naires, les prin­ci­paux manuels de bio­lo­gie et des décla­ra­tions de consen­sus médi­cal comme celle publiée par l’Endocrine Socie­ty (Bar­gha­va et al. 2021). Une vaste lit­té­ra­ture scien­ti­fique dépend, expli­ci­te­ment ou impli­ci­te­ment, de cette concep­tion du sexe. Une recherche sur la base de don­nées de publi­ca­tions scien­ti­fiques Pub­Med pour « mâle » [ET] « sper­ma­to­zoïde » ou « femelle » [ET] « ovule » donne envi­ron 100 000 résul­tats, y com­pris de nom­breuses et récentes publi­ca­tions de lau­réats du prix Nobel de phy­sio­lo­gie et de méde­cine et d’un large éven­tail de dis­ci­plines bio­lo­giques et médicales.

Des recherches dans la base de don­nées Pub­Med (effec­tuées le 9 juillet 2022) pour des expres­sions comme « sexe bimo­dal », « conti­nuum du sexe » ou « le sexe est une construc­tion sociale » ne donnent aucun résul­tat dans la lit­té­ra­ture bio­lo­gique ou médi­cale, bien que deux cor­res­pon­dances proches pour « le sexe est un conti­nuum » aient été trou­vées. La pre­mière est une étude sur la manière dont le sexe (femelle ou mâle) affecte le spectre des varia­tions géné­tiques acquises dans le chro­mo­some X au cours de la vie (Agar­wal and Prze­wors­ki 2019). La seconde est une étude sur la manière dont le sexe du fœtus (femelle ou mâle) affecte le spectre des condi­tions pla­cen­taires ren­con­trées pen­dant la gros­sesse (Mur­ji et al 2012). Aucune de ces études n’indique la moindre confu­sion sur la nature du sexe, et toutes deux illus­trent l’im­por­tance de la com­pré­hen­sion du sexe dans un contexte cli­nique. Mani­fes­te­ment, les affir­ma­tions selon les­quelles il exis­te­rait un nou­veau consen­sus scien­ti­fique — ou, de manière plus modé­rée, un débat aca­dé­mique — concer­nant le sexe sont lar­ge­ment exa­gé­rées, fabri­quées par des idéo­logues et uti­li­sées comme des appels à l’autorité.

Conclusion

Nous avons expli­qué que le méca­nisme de repro­duc­tion le plus répan­du chez les espèces com­plexes s’est sta­bi­li­sé autour d’un sys­tème binaire com­pre­nant deux types de gamètes dif­fé­rents et de l’é­vo­lu­tion ulté­rieure de types de corps asso­ciés à ce sys­tème binaire. La majo­ri­té des espèces, y com­pris l’espèce humaine, sont com­po­sées d’individus femelles et d’individus mâles, défi­nis par leur rôle repro­duc­tif, c’est-à-dire par leur contri­bu­tion au pro­ces­sus de la géné­ra­tion. Contri­bu­tion cor­res­pon­dant à des gamètes de grande taille et riches en éner­gie (comme les ovules) pour les femelles ou à des gamètes de petite taille (comme les sper­ma­to­zoïdes) pour les mâles.

Chez l’humain, il existe deux types ana­to­miques évo­lués, cha­cun cor­res­pon­dant à l’une des deux fonc­tions repro­duc­tives. In ute­ro, femelles et mâles déve­loppent des carac­té­ris­tiques pri­maires sexo-spé­ci­fiques et essen­tielles pour la repro­duc­tion, en pre­mier lieu la dif­fé­ren­cia­tion du type de gonade qui orien­te­ra la fonc­tion future de la femelle ou du mâle. Les gonades — ovaires ou tes­ti­cules, déter­mi­nés chez le mâle par des méca­nismes géné­tiques — orga­nisent à la fois le déve­lop­pe­ment des gamètes matures (ovules ou sper­ma­to­zoïdes) et le déve­lop­pe­ment coor­don­né de l’a­na­to­mie repro­duc­tive cor­res­pon­dante (chez le mâle, tes­ti­cules externes, struc­tures géni­tales internes comme le canal défé­rent, un pénis externe et un scro­tum ; chez la femelle, ovaires internes, struc­tures géni­tales internes comme un uté­rus, un vagin, et une vulve externe com­pre­nant le clitoris).

Enfin, nous avons étu­dié les argu­ments qui pré­tendent remettre en ques­tion cette concep­tion fon­da­men­tale du sexe. Nous avons retra­cé leur redé­fi­ni­tion du sexe, d’un sys­tème ana­to­mique inté­gré orga­ni­sé autour d’une fonc­tion évo­lu­tive à une liste de contrôle de carac­té­ris­tiques phy­siques décom­po­sées et anthro­po­cen­trées. Cette redé­fi­ni­tion per­met ensuite d’utiliser la varia­bi­li­té de ces carac­té­ris­tiques phy­siques (dans le déve­lop­pe­ment natu­rel ou patho­lo­gique) pour ten­ter de reje­ter la réa­li­té binaire du sexe, pour faire du sexe une construc­tion de l’es­prit humain afin, sui­vant cer­tains inté­rêts poli­tiques, de lui dénier la moindre signi­fi­ca­tion. Après exa­men, nous reje­tons ces argu­ments, qui ne sont pas pris au sérieux par la com­mu­nau­té scien­ti­fique, qui sont dénués de tout pou­voir expli­ca­tif et, en fin de compte, fal­la­cieux. Der­rière cette confu­sion argu­men­taire, le fon­de­ment de la fonc­tion binaire du sexe trans­pa­raît, étayant les pics bimo­daux des traits des dis­tri­bu­tions conti­nues que pro­pagent les idéo­logues ou, plus pro­saï­que­ment, dic­tant avec quel autre « point de l’es­pace mul­ti­di­men­sion­nel » une per­sonne peut espé­rer se reproduire.

Emma Hil­ton et Colin Wright


Tra­duc­tion : Nico­las Casaux

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