Victor Hugo: Pour l’amnistie

Victor Hugo: Pour l’amnistie
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Au camp de Satory, juillet 1871.

ÉLP éditeur, 2013.

ALLAN ERWAN BERGER   Après la reddition de la France du Second Empire à Sedan, malgré l’opposition totale des députés, la République est proclamée. Ceci se passe le 4 septembre 1870, sous l’impulsion de Gambetta. Voilà pourquoi, à Paris, une rue porte cette date, et un boulevard ce nom. La France continue la guerre.

Malheureusement, quelques victoires ne compensent pas les défaites face à un ennemi toujours plus nombreux. Mi-septembre, Paris est assiégée ; fin janvier, Paris capitule. Une trêve est négociée, des élections sont organisées. Le thème est : pour ou contre la poursuite des combats.

Les monarchistes, les républicains modérés et les conservateurs veulent la paix. Les départements en guerre veulent la guerre, les département en paix veulent la paix. La France vote, mais dans ses chef-lieux uniquement : du coup, l’abstention est énorme. La paix l’emporte, les Allemands et les monarchistes s’installent.

Thiers devient le chef de l’exécutif. Bismarck lui remet ses conditions : elles sont exorbitantes. L’Assemblée nationale, majoritairement provinciale et royaliste, se prononce : tout est accepté. Mais les députés de Paris ont voté contre ; et aussi ceux d’Alsace, ceux de Lorraine. Le scandale est énorme. L’Assemblée voit quantité de républicains démissionner. La Gauche en conclut que cette chambre n’est plus représentative.

Paris gronde. Le 10 mars 1871, par prudence, l’Assemblée déménage à Versailles. Là, ses premiers ordres plongent le petit peuple et ses artisans dans la misère. Des journaux de gauche sont interdits. On nomme aux postes de commandement des hommes détestés.

Paris n’appartient plus à Paris ; aux humiliations de la défaite succèdent le mépris de classe, et le joug insensé d’un pressurage économique que rien ne justifie sinon la haine de la Droite pour le populo.

C’en est trop. Lorsque, le 18 mars, Versailles tente de s’emparer des canons de la Garde Nationale, qui ont été fabriqués avec l’argent des Parisiens pour contrer les armées prussiennes, la Garde se révolte et Paris se dresse. Un Conseil de commune est élu. La Commune est née.

Les mesures de ce conseil communal sont intéressantes ; aujourd’hui encore, on peut les tenir pour bien modernes :

  • Séparation de l’Église et de l’État ;
  • Adoption du drapeau rouge ;
  • Interdiction du cumul des mandats ;
  • Instruction laïque gratuite et obligatoire ;
  • Interdiction de l’enseignement confessionnel ;
  • Nationalisation des biens religieux ;
  • Justice gratuite, jurys élus ;
  • Liberté de la presse – la Droite en profite.

22 mars, jour de démocratie extrême : « Les membres de l’assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l’opinion, sont révocables, comptables et responsables ». Bigre ! Ça ne pouvait que mettre Versailles en furie. Thiers réagit, et fait rassembler une armée.

Pour le gouvernement de la France, c’est une nécessité. Une des conditions exigées par Bismarck est le désarmement de Paris. L’armistice ne durera pas toujours ; il faut donc impérativement récupérer la ville pour être en mesure de signer la paix. Le vainqueur comprend cela, et dès lors ne s’oppose pas aux mouvements des troupes gouvernementales. Au besoin, il les secondera.

Le 21 mars, le siège de Paris commence. Les projectiles qui tombent dans la ville sont français et allemands. Cette alliance d’intérêts se retrouvera au cours du siècle suivant. Nous frôlons aujourd’hui une époque où de semblables rassemblements de forces pourraient surgir de nouveau.

Le 21 mai, une poterne est ouverte au bastion 64, par où Versailles s’infiltre et se répand. Commence la Semaine sanglante, qui va jusqu’au 29 mai 1871. Il faudra seulement ces neuf jours aux armées réactionnaires, appuyées par les troupes d’invasion allemandes, pour récupérer Paris insurgé. C’est Mac Mahon, le vaincu de Sedan, qui commande la reconquête avec la bénédiction du vainqueur.

La semaine, qui a commencé par une trahison, se poursuit par de la mollesse – Le Conseil communal ne réagit pas immédiatement aux alertes – avant de sombrer dans la désorganisation et le carnage. Si les soldats versaillais du premier rang combattent sur les fronts, au contact des barricades, ceux du second rang procèdent au nettoyage : ils collent des civils aux murs – femmes, enfants, tout ce qui est suspect y passe. Les quartiers sont enlevés les uns après les autres ; certains sont pris à revers, en faisant passer, au besoin, les troupes d’épuration à travers les banlieues tenues par l’envahisseur.

Exécutions de masse à Montmartre. Le Panthéon résiste. Le 24, la Banque de France se retrouve versaillaise. Les territoires encore tenus par les insurgés se réduisent. La défaite devient inéluctable. La Commune exécute alors les principaux de ses prisonniers : des politiques, des religieux, des militaires. Pendant ce temps elle perd ses dernières barricades. Le 27, Versailles tire sur Belleville. Le 29, les Allemands emportent le fort de Vincennes. Paris est ouvert béant, la Commune s’effondre.

On poursuit les insurgés jusque dans les catacombes. Qui héberge un combattant est fusillé. Les dénonciations pullulent, les soldats nettoient, les tribunaux exécutent à la chaîne. Entre trois et sept mille fédérés sont tués soit au combat, soit devant les pelotons. On parle aussi de trente mille civils. Des milliers d’habitants sont enlevés, et conduits au camp d’internement de Satory, près de Versailles. Cet endroit devient un mouroir et un champ de tortures. Les déportations vont commencer, en wagons plombés, jusqu’aux pontons des ports de l’Atlantique, puis vers la Nouvelle-Calédonie. La réaction franco-prussienne a gagné.

coverMais dès 1872, on commence à réclamer une amnistie. La proposition ci-contre, portée par Victor Hugo, est de mai 1876. Cette édition s’appuie sur la mise à disposition en 2013 par le Sénat français de la copie numérisée du manuscrit original de Victor Hugo. Les passages raturés par l’auteur ont été enlevés, ses modifications enregistrées. Le texte prononcé sera légèrement différent, surtout dans son introduction. Je l’ai mis à la suite, car il n’est pas inintéressant de connaître quels passages Hugo a finalement fait sauter. Il est disponible dans : Hugo, Victor, Actes et paroles, XXXII, L’amnistie au Sénat.


Présentation du texte, avec un commentaire très intéressant de Paul Laurendeau, un extrait, et le lien vers la fiche d’achat sur Immatériel.
Présentation de la nouvelle collection  : La Malle aux trésors.
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