I.
Parmi les « pionniers de la chirurgie affirmative du genre » célébrés sur divers sites promouvant le transgenrisme figure le chirurgien allemand Erwin Gohrbandt, un des tout premiers (sinon le premier) médecins à avoir effectué des opérations de transsexualisation (à partir de 1922). Il est notamment connu pour avoir pratiqué, sur Einar Magnus Andreas Wegener, qui deviendra dès lors « Lili Elbe », une castration, une pénectomie et l’implantation d’un ovaire dans l’abdomen, réitérant sur ce même patient en 1931 avec l’implantation d’un utérus qui causera sa mort, quelques mois après. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Gohrbandt, entre autres choses, travailla sur des expériences humaines (des tortures) dans le camp de concentration nazi de Dachau. En février 1945, il fut décoré de la Ritterkreuz des Kriegsverdienstkeuzes (la croix du Mérite de guerre) sur recommandation personnelle d’Hitler. Après la guerre, il ne fut pas inquiété et recommença à exercer (il reçut même plusieurs prix liés à ses activités de professeur et de chirurgien).
II.
Un des premiers médecins (endocrinologue et sexologue) à avoir soutenu la transsexualisation médico-chirurgicale s’appelait Harry Benjamin. Considéré comme une « figure emblématique » de l’histoire trans, et crédité pour l’invention du terme « transsexualisme », Harry Benjamin nait en Allemagne en 1885, et s’installe aux États-Unis en 1914. Benjamin est à l’origine de l’actuelle « Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres » (WPATH pour « World Professional Association for Transgender Health », en anglais), qui est la principale organisation internationale d’élaboration de recommandations, de normes, de politiques et de programmes d’éducation professionnelle pour la gestion et le traitement des personnes transgenres « et de genre non-conforme ». En effet, jusqu’en 2006, la WPATH s’appelait la Harry Benjamin International Gender Dysphoria Association (soit l’« Association internationale Harry Benjamin pour la dysphorie de genre »). En 1962, Harry Benjamin préfaça élogieusement un livre intitulé Forbidden Sexual Behavior And Morality : An Objective Re-Examination Of Perverse Sex Practices In Different Cultures (soit « Comportement sexuel interdit et moralité : Un réexamen objectif des pratiques sexuelles perverses dans différentes cultures »). Son auteur, le sexologue Robert E.L. Masters, y faisait la promotion de la pédophilie, de la zoophilie (« bestialité ») et d’une sorte de dépénalisation de toutes les « offenses sexuelles ». Dans la préface, Benjamin défendait en outre la prostitution, laquelle avait selon lui été analysée « objectivement, non-émotionnellement et scientifiquement par des sexologues », parvenus à la conclusion que « les “services sexuels” achetables pouvaient avoir des avantages pour la société et ne devaient pas être condamnés ». (L’alliance actuelle entre promoteurs du transgenrisme, du proxénétisme (de la prostitution) et de la normalisation de diverses paraphilies réellement problématiques n’est donc pas nouvelle.)
III.
John Money est considéré comme le sexologue ayant théorisé la notion d’« identité de genre » (selon Beatriz Preciado, figure contemporaine du transgenrisme et de la théorie queer, « Money est à l’histoire de la sexualité ce que Hegel est à l’histoire de la philosophie et Einstein à la conception de l’espace-temps »). Pour Money, l’« identité de genre » désignait une sorte d’identité sexuée, un sentiment prétendument immuable que les individus développent, dans la petite enfance (avant 3 ans), d’être d’un sexe ou de l’autre. Il a cherché à prouver la validité de cette notion en menant des expériences qui furent par la suite dénoncées comme contraires à l’éthique. En effet, ses cobayes les plus célèbres furent les jumeaux homozygotes Reimer. L’un des jumeaux, Bruce, eut son pénis presque entièrement détruit à l’âge de 8 mois à cause d’une procédure médicale ratée (c’était en 1966). Ses parents cherchèrent de l’aide auprès des professionnels médicaux. John Money répondit à l’appel : avec des jumeaux, il pourrait vérifier sa théorie dans le cadre d’une expérience contrôlée. À l’âge de 22 mois, sur les conseils de Money, Bruce subit une orchidectomie bilatérale, au cours de laquelle on lui retira ses testicules et lui fabriqua une vulve artificielle rudimentaire. Bruce fut ensuite élevé comme une fille, et son prénom changé en Brenda. Initialement, Money prétendit que son expérience était un succès et les médias la présentèrent comme tel. Bruce était devenu Brenda, la sœur jumelle de Brian. Mais la réalité était tout autre. Afin de prouver que les « rôles de genre » (gender roles) étaient socialement construits (ce qui est exact) et que l’« identité de genre » s’établissait immuablement dès la petite enfance par le biais de la socialisation (ce qui est en revanche largement faux, notamment parce que la notion d’« identité de genre » est confuse, incohérente et qu’elle se substitue à tout un ensemble de traits de personnalité tels que les goûts et les préférences, et donc susceptibles d’évoluer et de changer au cours de la vie), Money s’était livré à des actes que l’on pouvait qualifier de pédophiles. Il avait exploité les deux enfants dans le cadre de spectacles pédopornographiques privés sous couvert de soins médicaux : durant leurs nombreuses séances thérapeutiques filmées, il leur avait fait regarder de la pornographie, prétendument pour « induire le genre » féminin en Bruce/Brenda (alors de tous jeunes enfants) puis pratiquer des actes sexuels l’un sur l’autre, afin d’inscrire en profondeur le « genre féminin » dans Bruce/Brenda. En grandissant, les deux enfants ne voulaient plus se rendre aux séances. Bruce/Brenda finit par se rebeller et vouloir tout arrêter. Ses parents obtempérèrent. Les non-dits éclatèrent au grand jour. Bruce/Brenda cessa de prendre ses hormones. Ayant appris tout ce qui lui avait été fait, Bruce/Brenda, alors âgé de 14 ans, décida de réadopter l’identité d’un homme et de s’appeler David. Plus tard, en décembre 1997, il dévoila à un journaliste du magazine The Rolling Stone ce que Money leur avait fait subir. Bruce/Brenda, devenu David, finit par se suicider en 2004, à l’âge de 38 ans, deux ans après la mort par overdose de son frère, qui avait sombré dans les drogues. Les cauchemardesques expériences de Money furent un terrible échec. Rien de tout ceci ne qualifiait pour un quelconque protocole de médecine fondée sur des preuves. Il s’agissait plutôt de la mise en scène des fantasmes pervers et pédophiles d’un obsédé sexuel qui opérait en tant que professionnel médical. (John Money était en outre un défenseur de l’inceste et de la pédophilie. Selon lui, il fallait distinguer le bon inceste du mauvais, et la bonne pédophilie de la mauvaise.)
IV.
Contrairement à ce que prétendent nombre de militants trans, l’idée (fausse) selon laquelle le sexe ne serait pas binaire, mais « un spectre », selon laquelle il y aurait de multiples sexes, voire une infinité de sexes, loin d’être le fruit des toutes dernières avancées scientifiques, est une vieille idée absurde théorisée il y a plus d’un siècle. Elle a notamment été promue par le philosophe autrichien Otto Weininger dans son livre Sexe et caractère, initialement publié en allemand en 1903. Comme le rapporte l’historienne Joanne Meyerowitz dans son livre sur l’histoire du transsexualisme intitulé How Sex Changed : A History of Transsexuality in the United States (« Comment le sexe a changé : Une histoire de la transsexualité aux États-Unis », non traduit, paru en 2002) : « Weininger envisageait le sexe comme un spectre continu “dans lequel les différents degrés se succèdent sans rupture de série” ». Et comme elle le note aussi : « Cette conception du sexe n’était pas nécessairement plus égalitaire que le concept de sexes séparés et opposés. Il est tout à fait possible de promouvoir la thèse du sexe comme un spectre sans remettre en question la hiérarchie attribuant au mâle une valeur supérieure à la femelle. » En outre « le livre de Weininger versait […] dans une diatribe misogyne et antisémite. Il associait l’extrémité féminine du spectre aux “mensonges et erreurs”, au mauvais jugement, à l’illogisme et à la “fausseté profonde”. Et puis il associait les femmes aux Juifs. Comme les femmes, selon lui, les Juifs manquaient d’“idées originales et profondément enracinées” et ne parvenaient pas à “partager une vie métaphysique supérieure”. Mais contrairement aux femmes, les juifs, c’est-à-dire les hommes juifs, possédaient une “agressivité certaine” et ne croyaient “en rien”. » Le spectre de l’« identité de genre » (sachant que dans la religion Trans, l’« identité de genre » se confond souvent avec le sexe) que promeut par exemple l’organisation trans Mermaids est tout aussi misogyne, dans la mesure où son extrémité féminine est associée aux princesses et aux barbies.
V.
Un des principaux moyens grâce auxquels les militants trans contemporains parviennent à empêcher toute réflexion rationnelle consiste à évoquer la menace du suicide à tout bout de champ. Il s’agit en réalité d’une très ancienne tactique de chantage. Dans son livre sur l’histoire du transsexualisme (susmentionné), l’historienne Joanne Meyerowitz, pourtant (absurdement) favorable aux idées trans, soulignait comment, dès les années 1960, les transsexuels n’hésitaient pas à mentir pour parvenir à leurs fins : « Les patients [les transsexuels] se mirent à dire aux médecins ce qu’ils pensaient que les médecins voulaient entendre. Même avec des médecins compréhensifs, ils adaptaient parfois leurs récits pour qu’ils correspondent aux catégories diagnostiques reconnues. […] Comme un MTF [male-to-female, transsexuel homme-vers-femme] l’affirmait : “Pour obtenir une intervention chirurgicale, vous devez dire au médecin que si vous ne l’obtenez pas, vous vous suiciderez.” » (L’argument du suicide, aujourd’hui évoqué n’importe comment à tout va, est une honte, et un danger, dans la mesure où il peut très bien agir comme une prophétie autoréalisatrice. Non seulement il s’agit d’un chantage ignoble visant à court-circuiter toute réflexion rationnelle, mais en outre il s’agit d’un mensonge, ainsi que l’ont signalé celles et ceux qui ont fait l’effort d’aller voir d’où proviennent les rares statistiques convoquées à l’appui de ce chantage. Voir aussi cette page — en anglais — sur le mythe du suicide des personnes trans.)
VI.
Le concept d’« identité de genre », notamment popularisé par les sexologues états-uniens John Money (susmentionné) et Robert Stoller, a été créé à l’intersection de l’intersexuation et du sexisme ordinaire. Comme le note Bernice Hausman dans son livre Changing Sex : Transsexualism, Technology, and the Idea of Gender (« Changement de sexe : Le transsexualisme, la technologie et l’idée de genre »), paru en 1995, il servait de « base philosophique pour les protocoles de traitement de l’intersexualité ». Hausman cite une interview de John Money résumant la création de l’expression « identité de genre » : « En travaillant avec des hermaphrodites, Money fut confronté à un nouveau problème : comment parler non seulement des rôles copulatoires mais aussi de l’état d’esprit de personnes dont le sexe social ou légal est en désaccord avec leur statut chromosomique, gonadique ou corporel. […] Money emprunta le mot “genre” à la philologie, l’étude des langues. Le genre signifie le statut personnel, social et juridique d’une personne en tant que mâle ou femelle sans référence aux organes sexuels. Il en tira l’expression “rôle de genre”. L’expression s’est répandue et, aujourd’hui, presque tout le monde l’utilise sans toujours savoir précisément de quoi il s’agit. Pour Money, le rôle de genre désigne les choses qu’une personne dit ou fait pour se révéler comme ayant le statut de garçon ou d’homme, de fille ou de femme. Il a rapidement jugé nécessaire de combiner le terme en identité/rôle de genre. L’identité de genre est devenue l’expérience privée du genre ; le rôle de genre, la présentation publique d’une personne en tant qu’homme ou femme. » Autrement dit, en un sens, l’identité de genre servait à mesurer l’adhésion d’un individu au sexisme ambiant. Plutôt que d’en finir purement et simplement avec le système binaire assignant la masculinité aux mâles (garçons/hommes) et la féminité aux femelles (filles/femmes), Money encourageait l’altération chirurgicale des organes sexuels des enfants intersexués (mais dont le sexe était tout de même déterminable, ce qui est le cas pour la majorité des individus intersexués) qui présentaient « des comportements considérés comme appropriés pour l’autre sexe ». La théorie de l’identité de genre relève donc de l’homophobie et de la misogynie. Selon elle, un homme « efféminé » aurait dû être une femme, est mentalement une femme. Une fille que le sexisme ordinaire dit « garçon manqué » est sans doute littéralement une sorte de garçon manqué. Elle suggère que certains goûts, certaines préférences (vestimentaires, alimentaires, etc.), certains comportements ne conviennent pas à certains types d’anatomies. La véritable libération consiste au contraire à s’affranchir de ces croyances (qui constituent ce qu’on appelle le genre), à réaliser que l’anatomie n’induit aucune obligation de se conformer à un rôle social, à un ensemble de stéréotypes comportementaux, à un ensemble de préférences, culturellement associés à un sexe ou à l’autre. C’est la société qui impose cette conformité, au travers du système du genre (« système de bicatégorisation hiérarchisée entre les sexes (hommes/femmes) et entre les valeurs et représentations qui leur sont associées (masculin/féminin) »). Et c’est la société qu’il faut changer. C’est le genre qu’il faut abolir.
VII.
Le transsexualisme se développe initialement et en grande partie comme un désir lié au sexe, un fantasme sexuel. Comme l’écrit l’historienne Joanne Meyerowitz, « la transsexualité » avait « sa composante érotique ». Ce n’est pas un hasard si le transsexualisme émerge (principalement, il en existait des formes et des traces avant) au cours de la « révolution sexuelle » des années 1960. À cette époque, un certain nombre de magazines, revues et journaux sont créés qui font pêle-mêle la promotion du travestisme, du transsexualisme ou des « imitateurs de femmes » (female impersonators). Comme le magazine The TV-TS Tapestry créé en 1978, ensuite renommé Tapestry, puis The Tapestry Journal avant de devenir Transgender Tapestry en 1995 (voir aussi la couverture de cet article). Comme l’écrit Meyerowitz : « Cette nouvelle approche reflétait en partie le nombre croissant de MTF [male-to-female, homme-vers-femme] et leur plus grande diversité d’origines et d’expériences. Mais surtout, les histoires et les photos reflétaient l’évolution de l’éthique sexuelle. De plus en plus de MTF se montraient disposés à parler de leur vie sexuelle et à poser pour des photos érotiques. Et de plus en plus d’éditeurs saisirent l’occasion de tirer profit de ce phénomène. À partir de la fin des années 1950, les tribunaux supprimèrent graduellement les lois sur l’obscénité et permirent à un plus grand nombre de films, de livres et de magazines érotiques d’échapper aux poursuites judiciaires. La sexualisation des MTF est allée de pair avec la légalisation et la commercialisation de l’expression sexuelle. Dans ce climat sexuel changeant, les tabloïds et les fascicules présentaient des histoires tournant moins autour de ce que la presse grand public appelait “des vies désespérément malheureuses” et plus autour d’aventures émoustillantes. […] Dans la presse grand public, les questions de sexualité apparaissaient en fond de la transsexualité ; dans la presse à sensation, elles étaient au premier plan. » Selon la définition la plus récente du terme « transgenre », les travestis sont des transgenres. Cet état de fait reflète bien les origines du transgenrisme, qui se trouvent dans le transsexualisme, qui était lui-même proche du travestisme (même si certains travestis s’y opposaient fermement), et de son aspect érotique/sexuel. Le développement historique du transsexualisme et ultérieurement du transgenrisme est en (bonne) partie lié aux fantasmes sexuels/érotiques d’un certain type d’homme. Le DSM‑5 comprend d’ailleurs toujours le fétichisme de travestissement (transvestic disorder) et l’autogynéphilie (le fait pour un homme d’être sexuellement excité à l’idée d’être une femme), classés dans la catégorie des « paraphilies ». Mais que le développement du transsexualisme puis du transgenrisme soit lié à des fantasmes sexuels d’hommes ne signifie pas que tous les hommes qui se disent transgenres (ou « femmes trans ») aujourd’hui le font en raison de fantasmes sexuels. Les raisons pour lesquelles des individus sont amenés à se penser trans à l’époque contemporaine sont multiples — mais toujours incohérentes, toujours basées sur quelques idées fondamentales et erronées (pour ne pas dire absurde, sexiste, misogyne ou homophobe) comme la théorie de l’identité de genre.
VIII.
Les principales revendications trans récemment — au cours des dix dernières années — avalisées par les législations d’un certain nombre de pays riches (France y compris) ont été conçues par des hommes il y a près de 30 ans. En effet, elles figurent déjà dans la « Charte internationale des droits du genre » rédigée par une poignée d’hommes et publiée en 1995. Les recommandations listées dans cette Charte sont ensuite reprises et retravaillées dans les Principes de Jogyakarta rédigés lors d’une rencontre organisée en novembre 2006 en Indonésie (l’histoire de cette rencontre est aussi très significative), puis complétés en 2017. Ces Principes de Jogjakarta, qui n’ont pas été promulgués par un organisme ayant la moindre jurisprudence, sont pourtant mentionnés comme des principes à suivre dans les législations des États (y compris dans la législation française).
Audrey A. et Nicolas Casaux
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