Aux origines du transgenrisme #3 : quelques points historiques (par Audrey A. et Nicolas Casaux)

Aux origines du transgenrisme #3 : quelques points historiques (par Audrey A. et Nicolas Casaux)

I.

Par­mi les « pion­niers de la chi­rur­gie affir­ma­tive du genre » célé­brés sur divers sites pro­mou­vant le trans­gen­risme figure le chi­rur­gien alle­mand Erwin Gohr­bandt, un des tout pre­miers (sinon le pre­mier) méde­cins à avoir effec­tué des opé­ra­tions de trans­sexua­li­sa­tion (à par­tir de 1922). Il est notam­ment connu pour avoir pra­ti­qué, sur Einar Magnus Andreas Wege­ner, qui devien­dra dès lors « Lili Elbe », une cas­tra­tion, une pénec­to­mie et l’implantation d’un ovaire dans l’abdomen, réité­rant sur ce même patient en 1931 avec l’implantation d’un uté­rus qui cau­se­ra sa mort, quelques mois après. Pen­dant la Seconde Guerre mon­diale, Gohr­bandt, entre autres choses, tra­vailla sur des expé­riences humaines (des tor­tures) dans le camp de concen­tra­tion nazi de Dachau. En février 1945, il fut déco­ré de la Rit­ter­kreuz des Krieg­sver­dienst­keuzes (la croix du Mérite de guerre) sur recom­man­da­tion per­son­nelle d’Hit­ler. Après la guerre, il ne fut pas inquié­té et recom­men­ça à exer­cer (il reçut même plu­sieurs prix liés à ses acti­vi­tés de pro­fes­seur et de chirurgien).

II.

Un des pre­miers méde­cins (endo­cri­no­logue et sexo­logue) à avoir sou­te­nu la trans­sexua­li­sa­tion médi­co-chi­rur­gi­cale s’ap­pe­lait Har­ry Ben­ja­min. Consi­dé­ré comme une « figure emblé­ma­tique » de l’histoire trans, et cré­di­té pour l’invention du terme « trans­sexua­lisme », Har­ry Ben­ja­min nait en Alle­magne en 1885, et s’installe aux États-Unis en 1914. Ben­ja­min est à l’origine de l’actuelle « Asso­cia­tion pro­fes­sion­nelle mon­diale pour la san­té des per­sonnes trans­genres » (WPATH pour « World Pro­fes­sio­nal Asso­cia­tion for Trans­gen­der Health », en anglais), qui est la prin­ci­pale orga­ni­sa­tion inter­na­tio­nale d’élaboration de recom­man­da­tions, de normes, de poli­tiques et de pro­grammes d’éducation pro­fes­sion­nelle pour la ges­tion et le trai­te­ment des per­sonnes trans­genres « et de genre non-conforme ». En effet, jusqu’en 2006, la WPATH s’appelait la Har­ry Ben­ja­min Inter­na­tio­nal Gen­der Dys­pho­ria Asso­cia­tion (soit l’« Asso­cia­tion inter­na­tio­nale Har­ry Ben­ja­min pour la dys­pho­rie de genre »). En 1962, Har­ry Ben­ja­min pré­fa­ça élo­gieu­se­ment un livre inti­tu­lé For­bid­den Sexual Beha­vior And Mora­li­ty : An Objec­tive Re-Exa­mi­na­tion Of Per­verse Sex Prac­tices In Dif­ferent Cultures (soit « Com­por­te­ment sexuel inter­dit et mora­li­té : Un réexa­men objec­tif des pra­tiques sexuelles per­verses dans dif­fé­rentes cultures »). Son auteur, le sexo­logue Robert E.L. Mas­ters, y fai­sait la pro­mo­tion de la pédo­phi­lie, de la zoo­phi­lie (« bes­tia­li­té ») et d’une sorte de dépé­na­li­sa­tion de toutes les « offenses sexuelles ». Dans la pré­face, Ben­ja­min défen­dait en outre la pros­ti­tu­tion, laquelle avait selon lui été ana­ly­sée « objec­ti­ve­ment, non-émo­tion­nel­le­ment et scien­ti­fi­que­ment par des sexo­logues », par­ve­nus à la conclu­sion que « les “ser­vices sexuels” ache­tables pou­vaient avoir des avan­tages pour la socié­té et ne devaient pas être condam­nés ». (L’alliance actuelle entre pro­mo­teurs du trans­gen­risme, du proxé­né­tisme (de la pros­ti­tu­tion) et de la nor­ma­li­sa­tion de diverses para­phi­lies réel­le­ment pro­blé­ma­tiques n’est donc pas nouvelle.)

III.

John Money est consi­dé­ré comme le sexo­logue ayant théo­ri­sé la notion d’« iden­ti­té de genre » (selon Bea­triz Pre­cia­do, figure contem­po­raine du trans­gen­risme et de la théo­rie queer, « Money est à l’histoire de la sexua­li­té ce que Hegel est à l’histoire de la phi­lo­so­phie et Ein­stein à la concep­tion de l’espace-temps »). Pour Money, l’« iden­ti­té de genre » dési­gnait une sorte d’identité sexuée, un sen­ti­ment pré­ten­du­ment immuable que les indi­vi­dus déve­loppent, dans la petite enfance (avant 3 ans), d’être d’un sexe ou de l’autre. Il a cher­ché à prou­ver la vali­di­té de cette notion en menant des expé­riences qui furent par la suite dénon­cées comme contraires à l’é­thique. En effet, ses cobayes les plus célèbres furent les jumeaux homo­zy­gotes Rei­mer. L’un des jumeaux, Bruce, eut son pénis presque entiè­re­ment détruit à l’âge de 8 mois à cause d’une pro­cé­dure médi­cale ratée (c’était en 1966). Ses parents cher­chèrent de l’aide auprès des pro­fes­sion­nels médi­caux. John Money répon­dit à l’ap­pel : avec des jumeaux, il pour­rait véri­fier sa théo­rie dans le cadre d’une expé­rience contrô­lée. À l’âge de 22 mois, sur les conseils de Money, Bruce subit une orchi­dec­to­mie bila­té­rale, au cours de laquelle on lui reti­ra ses tes­ti­cules et lui fabri­qua une vulve arti­fi­cielle rudi­men­taire. Bruce fut ensuite éle­vé comme une fille, et son pré­nom chan­gé en Bren­da. Ini­tia­le­ment, Money pré­ten­dit que son expé­rience était un suc­cès et les médias la pré­sen­tèrent comme tel. Bruce était deve­nu Bren­da, la sœur jumelle de Brian. Mais la réa­li­té était tout autre. Afin de prou­ver que les « rôles de genre » (gen­der roles) étaient socia­le­ment construits (ce qui est exact) et que l’« iden­ti­té de genre » s’établissait immua­ble­ment dès la petite enfance par le biais de la socia­li­sa­tion (ce qui est en revanche lar­ge­ment faux, notam­ment parce que la notion d’« iden­ti­té de genre » est confuse, inco­hé­rente et qu’elle se sub­sti­tue à tout un ensemble de traits de per­son­na­li­té tels que les goûts et les pré­fé­rences, et donc sus­cep­tibles d’évoluer et de chan­ger au cours de la vie), Money s’était livré à des actes que l’on pou­vait qua­li­fier de pédo­philes. Il avait exploi­té les deux enfants dans le cadre de spec­tacles pédo­por­no­gra­phiques pri­vés sous cou­vert de soins médi­caux : durant leurs nom­breuses séances thé­ra­peu­tiques fil­mées, il leur avait fait regar­der de la por­no­gra­phie, pré­ten­du­ment pour « induire le genre » fémi­nin en Bruce/Brenda (alors de tous jeunes enfants) puis pra­ti­quer des actes sexuels l’un sur l’autre, afin d’inscrire en pro­fon­deur le « genre fémi­nin » dans Bruce/Brenda. En gran­dis­sant, les deux enfants ne vou­laient plus se rendre aux séances. Bruce/Brenda finit par se rebel­ler et vou­loir tout arrê­ter. Ses parents obtem­pé­rèrent. Les non-dits écla­tèrent au grand jour. Bruce/Brenda ces­sa de prendre ses hor­mones. Ayant appris tout ce qui lui avait été fait, Bruce/Brenda, alors âgé de 14 ans, déci­da de réadop­ter l’identité d’un homme et de s’appeler David. Plus tard, en décembre 1997, il dévoi­la à un jour­na­liste du maga­zine The Rol­ling Stone ce que Money leur avait fait subir. Bruce/Brenda, deve­nu David, finit par se sui­ci­der en 2004, à l’âge de 38 ans, deux ans après la mort par over­dose de son frère, qui avait som­bré dans les drogues. Les cau­che­mar­desques expé­riences de Money furent un ter­rible échec. Rien de tout ceci ne qua­li­fiait pour un quel­conque pro­to­cole de méde­cine fon­dée sur des preuves. Il s’agissait plu­tôt de la mise en scène des fan­tasmes per­vers et pédo­philes d’un obsé­dé sexuel qui opé­rait en tant que pro­fes­sion­nel médi­cal. (John Money était en outre un défen­seur de l’inceste et de la pédo­phi­lie. Selon lui, il fal­lait dis­tin­guer le bon inceste du mau­vais, et la bonne pédo­phi­lie de la mauvaise.)

IV.

Contrai­re­ment à ce que pré­tendent nombre de mili­tants trans, l’i­dée (fausse) selon laquelle le sexe ne serait pas binaire, mais « un spectre », selon laquelle il y aurait de mul­tiples sexes, voire une infi­ni­té de sexes, loin d’être le fruit des toutes der­nières avan­cées scien­ti­fiques, est une vieille idée absurde théo­ri­sée il y a plus d’un siècle. Elle a notam­ment été pro­mue par le phi­lo­sophe autri­chien Otto Wei­nin­ger dans son livre Sexe et carac­tère, ini­tia­le­ment publié en alle­mand en 1903. Comme le rap­porte l’historienne Joanne Meye­ro­witz dans son livre sur l’histoire du trans­sexua­lisme inti­tu­lé How Sex Chan­ged : A His­to­ry of Trans­sexua­li­ty in the Uni­ted States (« Com­ment le sexe a chan­gé : Une his­toire de la trans­sexua­li­té aux États-Unis », non tra­duit, paru en 2002) : « Wei­nin­ger envi­sa­geait le sexe comme un spectre conti­nu “dans lequel les dif­fé­rents degrés se suc­cèdent sans rup­ture de série” ». Et comme elle le note aus­si : « Cette concep­tion du sexe n’était pas néces­sai­re­ment plus éga­li­taire que le concept de sexes sépa­rés et oppo­sés. Il est tout à fait pos­sible de pro­mou­voir la thèse du sexe comme un spectre sans remettre en ques­tion la hié­rar­chie attri­buant au mâle une valeur supé­rieure à la femelle. » En outre « le livre de Wei­nin­ger ver­sait […] dans une dia­tribe miso­gyne et anti­sé­mite. Il asso­ciait l’ex­tré­mi­té fémi­nine du spectre aux “men­songes et erreurs”, au mau­vais juge­ment, à l’illo­gisme et à la “faus­se­té pro­fonde”. Et puis il asso­ciait les femmes aux Juifs. Comme les femmes, selon lui, les Juifs man­quaient d’“idées ori­gi­nales et pro­fon­dé­ment enra­ci­nées” et ne par­ve­naient pas à “par­ta­ger une vie méta­phy­sique supé­rieure”. Mais contrai­re­ment aux femmes, les juifs, c’est-à-dire les hommes juifs, pos­sé­daient une “agres­si­vi­té cer­taine” et ne croyaient “en rien”. » Le spectre de l’« iden­ti­té de genre » (sachant que dans la reli­gion Trans, l’« iden­ti­té de genre » se confond sou­vent avec le sexe) que pro­meut par exemple l’organisation trans Mer­maids est tout aus­si miso­gyne, dans la mesure où son extré­mi­té fémi­nine est asso­ciée aux prin­cesses et aux barbies.

Le « spectre [ou conti­nuum] de l’i­den­ti­té de genre » pro­mu par l’as­so­cia­tion trans bri­tan­nique Mermaids.

V.

Un des prin­ci­paux moyens grâce aux­quels les mili­tants trans contem­po­rains par­viennent à empê­cher toute réflexion ration­nelle consiste à évo­quer la menace du sui­cide à tout bout de champ. Il s’agit en réa­li­té d’une très ancienne tac­tique de chan­tage. Dans son livre sur l’histoire du trans­sexua­lisme (sus­men­tion­né), l’historienne Joanne Meye­ro­witz, pour­tant (absur­de­ment) favo­rable aux idées trans, sou­li­gnait com­ment, dès les années 1960, les trans­sexuels n’hésitaient pas à men­tir pour par­ve­nir à leurs fins : « Les patients [les trans­sexuels] se mirent à dire aux méde­cins ce qu’ils pen­saient que les méde­cins vou­laient entendre. Même avec des méde­cins com­pré­hen­sifs, ils adap­taient par­fois leurs récits pour qu’ils cor­res­pondent aux caté­go­ries diag­nos­tiques recon­nues. […] Comme un MTF [male-to-female, trans­sexuel homme-vers-femme] l’affirmait : “Pour obte­nir une inter­ven­tion chi­rur­gi­cale, vous devez dire au méde­cin que si vous ne l’ob­te­nez pas, vous vous sui­ci­de­rez.” » (L’argument du sui­cide, aujourd’hui évo­qué n’importe com­ment à tout va, est une honte, et un dan­ger, dans la mesure où il peut très bien agir comme une pro­phé­tie auto­réa­li­sa­trice. Non seule­ment il s’agit d’un chan­tage ignoble visant à court-cir­cui­ter toute réflexion ration­nelle, mais en outre il s’agit d’un men­songe, ain­si que l’ont signa­lé celles et ceux qui ont fait l’effort d’aller voir d’où pro­viennent les rares sta­tis­tiques convo­quées à l’appui de ce chan­tage. Voir aus­si cette page — en anglais — sur le mythe du sui­cide des per­sonnes trans.)

VI.

Le concept d’« iden­ti­té de genre », notam­ment popu­la­ri­sé par les sexo­logues états-uniens John Money (sus­men­tion­né) et Robert Stol­ler, a été créé à l’intersection de l’intersexuation et du sexisme ordi­naire. Comme le note Ber­nice Haus­man dans son livre Chan­ging Sex : Trans­sexua­lism, Tech­no­lo­gy, and the Idea of Gen­der (« Chan­ge­ment de sexe : Le trans­sexua­lisme, la tech­no­lo­gie et l’i­dée de genre »), paru en 1995, il ser­vait de « base phi­lo­so­phique pour les pro­to­coles de trai­te­ment de l’in­ter­sexua­li­té ». Haus­man cite une inter­view de John Money résu­mant la créa­tion de l’expression « iden­ti­té de genre » : « En tra­vaillant avec des her­ma­phro­dites, Money fut confron­té à un nou­veau pro­blème : com­ment par­ler non seule­ment des rôles copu­la­toires mais aus­si de l’é­tat d’es­prit de per­sonnes dont le sexe social ou légal est en désac­cord avec leur sta­tut chro­mo­so­mique, gona­dique ou cor­po­rel. […] Money emprun­ta le mot “genre” à la phi­lo­lo­gie, l’é­tude des langues. Le genre signi­fie le sta­tut per­son­nel, social et juri­dique d’une per­sonne en tant que mâle ou femelle sans réfé­rence aux organes sexuels. Il en tira l’ex­pres­sion “rôle de genre”. L’ex­pres­sion s’est répan­due et, aujourd’­hui, presque tout le monde l’u­ti­lise sans tou­jours savoir pré­ci­sé­ment de quoi il s’a­git. Pour Money, le rôle de genre désigne les choses qu’une per­sonne dit ou fait pour se révé­ler comme ayant le sta­tut de gar­çon ou d’homme, de fille ou de femme. Il a rapi­de­ment jugé néces­saire de com­bi­ner le terme en identité/rôle de genre. L’i­den­ti­té de genre est deve­nue l’ex­pé­rience pri­vée du genre ; le rôle de genre, la pré­sen­ta­tion publique d’une per­sonne en tant qu’­homme ou femme. » Autre­ment dit, en un sens, l’identité de genre ser­vait à mesu­rer l’adhésion d’un indi­vi­du au sexisme ambiant. Plu­tôt que d’en finir pure­ment et sim­ple­ment avec le sys­tème binaire assi­gnant la mas­cu­li­ni­té aux mâles (garçons/hommes) et la fémi­ni­té aux femelles (filles/femmes), Money encou­ra­geait l’altération chi­rur­gi­cale des organes sexuels des enfants inter­sexués (mais dont le sexe était tout de même déter­mi­nable, ce qui est le cas pour la majo­ri­té des indi­vi­dus inter­sexués) qui pré­sen­taient « des com­por­te­ments consi­dé­rés comme appro­priés pour l’autre sexe ». La théo­rie de l’identité de genre relève donc de l’homophobie et de la miso­gy­nie. Selon elle, un homme « effé­mi­né » aurait dû être une femme, est men­ta­le­ment une femme. Une fille que le sexisme ordi­naire dit « gar­çon man­qué » est sans doute lit­té­ra­le­ment une sorte de gar­çon man­qué. Elle sug­gère que cer­tains goûts, cer­taines pré­fé­rences (ves­ti­men­taires, ali­men­taires, etc.), cer­tains com­por­te­ments ne conviennent pas à cer­tains types d’anatomies. La véri­table libé­ra­tion consiste au contraire à s’affranchir de ces croyances (qui consti­tuent ce qu’on appelle le genre), à réa­li­ser que l’anatomie n’induit aucune obli­ga­tion de se confor­mer à un rôle social, à un ensemble de sté­réo­types com­por­te­men­taux, à un ensemble de pré­fé­rences, cultu­rel­le­ment asso­ciés à un sexe ou à l’autre. C’est la socié­té qui impose cette confor­mi­té, au tra­vers du sys­tème du genre (« sys­tème de bica­té­go­ri­sa­tion hié­rar­chi­sée entre les sexes (hommes/femmes) et entre les valeurs et repré­sen­ta­tions qui leur sont asso­ciées (masculin/féminin) »). Et c’est la socié­té qu’il faut chan­ger. C’est le genre qu’il faut abolir.

VII.

Le trans­sexua­lisme se déve­loppe ini­tia­le­ment et en grande par­tie comme un désir lié au sexe, un fan­tasme sexuel. Comme l’écrit l’historienne Joanne Meye­ro­witz, « la trans­sexua­li­té » avait « sa com­po­sante éro­tique ». Ce n’est pas un hasard si le trans­sexua­lisme émerge (prin­ci­pa­le­ment, il en exis­tait des formes et des traces avant) au cours de la « révo­lu­tion sexuelle » des années 1960. À cette époque, un cer­tain nombre de maga­zines, revues et jour­naux sont créés qui font pêle-mêle la pro­mo­tion du tra­ves­tisme, du trans­sexua­lisme ou des « imi­ta­teurs de femmes » (female imper­so­na­tors). Comme le maga­zine The TV-TS Tapes­try créé en 1978, ensuite renom­mé Tapes­try, puis The Tapes­try Jour­nal avant de deve­nir Trans­gen­der Tapes­try en 1995 (voir aus­si la cou­ver­ture de cet article). Comme l’écrit Meye­ro­witz : « Cette nou­velle approche reflé­tait en par­tie le nombre crois­sant de MTF [male-to-female, homme-vers-femme] et leur plus grande diver­si­té d’o­ri­gines et d’ex­pé­riences. Mais sur­tout, les his­toires et les pho­tos reflé­taient l’é­vo­lu­tion de l’é­thique sexuelle. De plus en plus de MTF se mon­traient dis­po­sés à par­ler de leur vie sexuelle et à poser pour des pho­tos éro­tiques. Et de plus en plus d’é­di­teurs sai­sirent l’oc­ca­sion de tirer pro­fit de ce phé­no­mène. À par­tir de la fin des années 1950, les tri­bu­naux sup­pri­mèrent gra­duel­le­ment les lois sur l’obs­cé­ni­té et per­mirent à un plus grand nombre de films, de livres et de maga­zines éro­tiques d’é­chap­per aux pour­suites judi­ciaires. La sexua­li­sa­tion des MTF est allée de pair avec la léga­li­sa­tion et la com­mer­cia­li­sa­tion de l’ex­pres­sion sexuelle. Dans ce cli­mat sexuel chan­geant, les tabloïds et les fas­ci­cules pré­sen­taient des his­toires tour­nant moins autour de ce que la presse grand public appe­lait “des vies déses­pé­ré­ment mal­heu­reuses” et plus autour d’aventures émous­tillantes. […] Dans la presse grand public, les ques­tions de sexua­li­té appa­rais­saient en fond de la trans­sexua­li­té ; dans la presse à sen­sa­tion, elles étaient au pre­mier plan. » Selon la défi­ni­tion la plus récente du terme « trans­genre », les tra­ves­tis sont des trans­genres. Cet état de fait reflète bien les ori­gines du trans­gen­risme, qui se trouvent dans le trans­sexua­lisme, qui était lui-même proche du tra­ves­tisme (même si cer­tains tra­ves­tis s’y oppo­saient fer­me­ment), et de son aspect érotique/sexuel. Le déve­lop­pe­ment his­to­rique du trans­sexua­lisme et ulté­rieu­re­ment du trans­gen­risme est en (bonne) par­tie lié aux fan­tasmes sexuels/érotiques d’un cer­tain type d’homme. Le DSM‑5 com­prend d’ailleurs tou­jours le féti­chisme de tra­ves­tis­se­ment (trans­ves­tic disor­der) et l’au­to­gy­né­phi­lie (le fait pour un homme d’être sexuel­le­ment exci­té à l’i­dée d’être une femme), clas­sés dans la caté­go­rie des « para­phi­lies ». Mais que le déve­lop­pe­ment du trans­sexua­lisme puis du trans­gen­risme soit lié à des fan­tasmes sexuels d’hommes ne signi­fie pas que tous les hommes qui se disent trans­genres (ou « femmes trans ») aujourd’hui le font en rai­son de fan­tasmes sexuels. Les rai­sons pour les­quelles des indi­vi­dus sont ame­nés à se pen­ser trans à l’époque contem­po­raine sont mul­tiples — mais tou­jours inco­hé­rentes, tou­jours basées sur quelques idées fon­da­men­tales et erro­nées (pour ne pas dire absurde, sexiste, miso­gyne ou homo­phobe) comme la théo­rie de l’identité de genre.

VIII.

Les prin­ci­pales reven­di­ca­tions trans récem­ment — au cours des dix der­nières années — ava­li­sées par les légis­la­tions d’un cer­tain nombre de pays riches (France y com­pris) ont été conçues par des hommes il y a près de 30 ans. En effet, elles figurent déjà dans la « Charte inter­na­tio­nale des droits du genre » rédi­gée par une poi­gnée d’hommes et publiée en 1995. Les recom­man­da­tions lis­tées dans cette Charte sont ensuite reprises et retra­vaillées dans les Prin­cipes de Jogya­kar­ta rédi­gés lors d’une ren­contre orga­ni­sée en novembre 2006 en Indo­né­sie (l’histoire de cette ren­contre est aus­si très signi­fi­ca­tive), puis com­plé­tés en 2017. Ces Prin­cipes de Jog­ja­kar­ta, qui n’ont pas été pro­mul­gués par un orga­nisme ayant la moindre juris­pru­dence, sont pour­tant men­tion­nés comme des prin­cipes à suivre dans les légis­la­tions des États (y com­pris dans la légis­la­tion française).

Audrey A. et Nico­las Casaux

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