Le texte suivant, rédigé par deux biologistes et traduit depuis l’anglais, est tiré d’un livre intitulé Sex and Gender : A contemporary Reader, publié sous la direction d’Alice Sullivan et de Selina Todd en août 2023.
Pourquoi les sexes sont, en fait, toujours au nombre de deux.
—Sir Ronald Fisher, 1930
Le sexe est un mécanisme évolué de reproduction, fondamental pour l’existence de la quasi-totalité des formes de vie complexes, constituant un modèle biologique non seulement descriptif de la forme mais aussi prédictif de la fonction. La propriété fonctionnelle du sexe est si fondamentale qu’un astrobiologiste découvrant une forme de vie extraterrestre complexe — se reproduisant nécessairement en tant qu’individus, considérés comme soumis à la sélection naturelle agissant sur la variation de la forme physique et ayant connu les transitions majeures qui mènent à la vie complexe (Levin et al. 2019) — y chercherait probablement des mécanismes sexuels (même si, bien entendu, la forme physique de ces extraterrestres pourrait être assez différente de la nôtre). Cependant, les faits empiriques et les principes du sexe, établis et synthétisés au cours de siècles d’études scientifiques, sont souvent omis par les commentateurs postmodernes, désireux de présenter le sexe comme une construction sociale humaine — et donc malléable.
L’objectif de ce chapitre consiste à passer en revue la connaissance biologique du sexe. Dans la première section, nous posons la question : pourquoi le sexe existe-t-il ? Nous expliquons ses origines évolutives et le système gamétique binaire sur lequel il repose — « femelle » et « mâle ». Nous explorons une partie de la vaste diversité du sexe dans le monde naturel et remarquons comment les corps reproducteurs sont néanmoins organisés autour de deux rôles reproductifs. Dans la deuxième partie, nous nous concentrons sur la biologie du développement et sur la manière dont le sexe se manifeste chez l’être humain : comment nous faisons des bébés et comment les hommes et les femmes se développent. Dans la dernière partie, nous critiquons la désinformation contemporaine concernant le sexe, propagée par un mouvement antiscience issu de l’idéologie de l’identité de genre, et abordons les arguments qui affirment l’existence d’un troisième sexe (ou de plus encore) chez l’être humain, qui cherchent à déconstruire la compréhension du sexe comme un phénomène binaire et qui présentent le sexe comme une construction sociale.
La propagation d’informations idéologiques erronées concernant le sexe dans les domaines universitaires de la médecine et de la biologie génère de la confusion dans la recherche et présente un potentiel de nuisance. Le sexe importe dans la recherche fondamentale et appliquée en matière de santé (Wizemann and Pardue 2001) et les principales organisations de santé. Les organismes de financement de la recherche et les revues universitaires exigent de plus en plus que les chercheuses et chercheurs tiennent compte du « sexe en tant que variable biologique » dans leur conception, leurs analyses et leurs rapports, qu’il s’agisse d’études portant sur des animaux entiers ou de simples lignées cellulaires. Malgré cela, le Service national de santé du Royaume-Uni impose un système dans lequel le sexe biologique ne peut être ventilé dans les dossiers des patients (Forstater 2021) et l’Organisation mondiale de la santé (WHO, 2022) promet d’« obtenir un plus grand impact [en utilisant] des données ventilées par sexe » (WHO/Health topics/Gender) tout en mettant à jour ses directives pour soutenir que « le sexe ne se limite pas à mâle ou femelle ».
Une note sur le vocabulaire. Le physiologiste Ernst Wilhelm von Brucke a déclaré : « La téléologie est une dame sans laquelle aucun biologiste ne peut vivre. Pourtant, il a honte de se montrer avec elle en public » (Davis et Uhrin 1991, 549–552). Dans les discussions portant sur la biologie de l’évolution, il est possible d’éviter le langage téléologique, mais les constructions de phrases sont souvent verbeuses et maladroites. Pour faciliter la lecture, nous utilisons parfois un langage téléologique, mais, comme le dit le zoologiste Simon Maddrell (1998), « [i]l ne faut pas en déduire que l’évolution procède autrement que par des mutations dues au hasard, celles qui confèrent un avantage étant retenues par la sélection naturelle » (2461).
Qu’est-ce que le sexe ?
Et pourquoi le sexe existe-t-il ? Il n’est pas rare, aujourd’hui, de tomber sur des articles prétendument scientifiques qui négligent de mentionner sa fonction évoluée dans la reproduction (par exemple, Ainsworth 2015 ; Sun 2019). Le fait que des vulgarisateurs ou vulgarisatrices scientifiques qui écrivent sur le sexe négligent sa fonction signifie que, contrairement à ce qui est prétendu, ces articles n’abordent pas réellement le phénomène biologique du sexe : à quoi correspond-il ? Pourquoi existe-t-il ? Pourquoi les êtres humains ont-ils des corps sexués ? Ces articles examinent plutôt la manière dont le sexe d’un individu donné peut être identifié à l’aide d’une liste de caractéristiques physiques liées au sexe qui, ironiquement, ne peuvent être perçues comme telles que si l’on comprend comment ces caractéristiques physiques sont associées à une fonction. Nous reviendrons sur cette confusion entre le sexe (ce à quoi il correspond) et les caractéristiques physiques associées au sexe (comment nous reconnaissons le sexe d’un individu donné) dans la dernière section de ce chapitre.
La reproduction
Le phénomène du sexe est ancré dans la reproduction, le processus par lequel de nouveaux individus sont produits à partir de parents. Il existe deux types de reproduction dans le monde naturel : la reproduction asexuée et la reproduction sexuée. Dans la reproduction asexuée, un parent réplique son information génétique et génère une progéniture génétiquement identique au moyen de processus tels que la fission binaire — la division d’un parent en deux cellules similaires, observée, par exemple, chez les bactéries — et le bourgeonnement — la génération d’un nouvel individu à partir d’une excroissance parentale, observée, par exemple, chez la levure. L’expansion, par reproduction asexuée, d’une population génétiquement identique présente un coût biologique relativement faible pour chaque parent et est rapide à mettre en œuvre : voyez à quelle vitesse les moisissures, qui peuvent se reproduire de manière asexuée par la production de spores, peuvent coloniser une miche de pain. Cela offre également des avantages pour un parent, étant donné que son information génétique est transmise dans son intégralité à la génération suivante.
Pourtant, malgré l’existence de cette méthode de reproduction peu coûteuse et plutôt simple, le monde naturel est dominé par des espèces qui emploient une stratégie de reproduction différente : la reproduction sexuée. Contrairement à la reproduction asexuée, la reproduction sexuée implique deux parents, presque toujours issus de deux classes différentes d’individus appelés « femelles » et « mâles ». Chacun d’entre eux fournit une moitié de son matériel génétique — porté par les chromosomes — afin de générer un nouvel individu génétiquement unique. Ce brassage du matériel génétique de chaque parent est réalisé dans le cadre d’un processus appelé « fécondation », par la fusion de deux cellules spécialisées appelées « gamètes ». Les gamètes, qui ne portent que la moitié des chromosomes d’un parent, constituent un type de cellule unique avec une fonction singulière : assurer la reproduction sexuée.
La reproduction sexuée est biologiquement coûteuse. Du point de vue des gènes, la proximité génétique entre le parent et sa progéniture est deux fois moins importante que celle obtenue par reproduction asexuée. Et étant donné la perte de grandes quantités d’informations génétiques à chaque cycle de reproduction — une pénalité énorme par rapport à la reproduction asexuée —, les individus doivent investir des ressources biologiques dans une progéniture multiple afin de maximiser leur héritage génétique (« le coût de la méiose », où « méiose » désigne le processus cellulaire qui divise en deux le matériel génétique lors de la formation des gamètes ; Williams 1975 ). Au sein de la plupart des populations à reproduction sexuée, la moitié de la progéniture correspondra à des mâles qui ne peuvent pas eux-mêmes avoir de progéniture. Ces populations connaîtront des taux de croissance plus faibles que les populations asexuées au sein desquelles toute la progéniture peut engendrer une progéniture (« le coût des mâles » ; Maynard Smith 1978 ). Enfin, au niveau de l’organisme, les individus doivent investir des ressources dans des systèmes de production de cellules spécialisées. Et l’accouplement nécessite de l’énergie pour se déplacer, localiser et s’assurer un·e partenaire, avec les risques sanitaires associés tels que la transmission de maladies et l’exposition aux prédateurs. La question de savoir pourquoi, malgré les coûts, la reproduction sexuée se perpétue au sein des espèces complexes a été qualifiée de « reine des problèmes de la biologie évolutive » (Bell 1982).
Les bénéfices de la reproduction sexuée doivent être importants pour compenser ses coûts biologiques. Sa prévalence suggère un fort avantage évolutif en faveur d’un mécanisme de reproduction qui brasse le matériel génétique. Cet avantage est généralement associé à de nouvelles combinaisons de gènes et des changements à l’intérieur de ces derniers (mutations) sur lesquels la sélection évolutive peut agir — le fondement de la théorie de l’évolution par sélection naturelle de Darwin (1859). Il peut être divisée en deux grandes hypothèses : l’accumulation de changements génétiques bénéfiques et/ou l’élimination des mutations génétiques préjudiciables. L’accumulation de traits génétiques bénéfiques est avantageuse pour l’adaptation à des environnements changeants (le « modèle Fisher-Muller » ; Fisher 1930 ; Muller 1932) ou pour la coadaptation avec des espèces qui tentent de vous nuire (délicieusement appelée « hypothèse de la reine rouge » d’après le personnage de Lewis Carroll (1871) dans Alice de l’autre côté du miroir, où il est écrit : « Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu’on peut pour rester au même endroit » ; van Valen 1973 ). Cependant, les avantages liés au regroupement de traits génétiques utiles au cours de la reproduction sexuée sont tempérés par la possibilité que des traits bénéfiques déjà coexistants se retrouvent séparés parmi la progéniture (Desai and Fisher 2007). Enfin, la reproduction sexuée permet d’éliminer les mutations génétiques nuisibles — celles qui compromettent l’adaptation à l’évolution — afin d’éviter qu’elles ne s’accumulent dans une population (voir le « cliquet de Muller » à partir de Muller 1964 ; ainsi que la « hachette de Kondrashov » à partir de Kondrashov 1988).
L’avantage adaptatif que confère la reproduction sexuée contribue à expliquer sa quasi-omniprésence parmi les espèces complexes, bien que plusieurs biologistes affirment que cet avantage ne compense pas ses coûts. Même si le tableau évolutif complet n’est pas encore évident, il est clair que la reproduction sexuée est une stratégie évolutive incroyablement fructueuse. La plupart des espèces complexes, y compris l’être humain, ont complètement perdu la capacité de se reproduire de manière asexuée au profit d’une reproduction sexuée obligatoire. Cela étant, il arrive que certaines espèces à reproduction sexuée connaissent des phénomènes de reproduction asexuée spontanée (par exemple, lorsqu’une femelle génère une progéniture à partir d’un ovule non fécondé, un processus appelé « parthénogenèse »). Mais cette reproduction asexuée ne l’emporte généralement pas sur les mécanismes de reproduction sexuée, malgré les avantages prévisibles que pourrait en retirer une population de femelles se reproduisant de manière asexuée. Les plantes et les espèces animales simples qui se reproduisent généralement de manière asexuée dans les conditions environnementales exemptes de stress auxquelles elles sont confortablement adaptées peuvent recourir à la reproduction sexuée en période de stress, lorsque le brassage génétique est susceptible de procurer un avantage de survie parmi la progéniture (Becks et Agrawal 2010).
Les gamètes et les sexes
S’il existe des mécanismes d’échange génétique par lesquels l’ADN est transféré entre différents individus de manière non sexuée, par exemple entre bactéries et entre virus et hôte (Callier 2019), l’origine évolutive de la reproduction sexuée par le biais de gamètes spécialisés remonte à l’évolution de la multicellularité, il y a au moins 1,5 milliard d’années (Fu et al. 2019). Pour ce qui concerne les gamètes, la modélisation de multiples scénarios évolutifs visant à maximiser des propriétés comme la fréquence de fusion et la santé de la progéniture montre que l’évolution d’un système binaire, comprenant des petits et des grands gamètes, et impliquant une fusion exclusive entre petit et grand gamètes (pas de fusions petit-petit ou grand-grand), est optimale. Face à cette divergence extrême des types de gamètes, le biologiste évolutionniste Brian Charlesworth suggère que « tout ce qui se trouve entre les deux [des ovules plus petits mais moins robustes ou des spermatozoïdes plus gros mais plus lents] serait désavantagé sur le plan sélectif » (rapporté dans Schaffer 2007). Ce système gamétique binaire est appelé « anisogamie », et il existe chez presque tous les animaux et de nombreuses plantes. Pour une excellente vue d’ensemble de l’évolution des gamètes de l’isogamie à l’anisogamie, voir Lehtonen et Parker (2014) et les références qui y figurent.
Chez les espèces anisogames, le grand gamète (et la biologie qui lui est associée) est appelé « femelle » et le petit gamète (et la biologie qui lui est associée) est appelé « mâle ». Chez les animaux, les gamètes femelles et mâles prennent respectivement les formes familières de l’ovule et du spermatozoïde (chez les plantes, les gamètes femelles et mâles sont contenus respectivement dans les ovules et le pollen). Les gamètes de petite et de grande taille ont évolué vers des spécialisations différentes. Le gamète femelle, dont le volume physique est plus important, fournit à lui seul à l’embryon en développement les composants cellulaires de base, de nombreuses molécules et signaux nécessaires pour orienter sa croissance précoce et des sources d’énergie (des organites dotés de leur propre ADN et se répliquant par fission binaire) appelés « mitochondries ». L’héritage maternel des composants cellulaires est typique de l’anisogamie et l’on estime qu’il favorise la santé de l’embryon en éliminant les effets négatifs susceptibles de résulter de la compétition entre des mitochondries incompatibles héritées de deux parents (Greiner et al. 2015) ; en effet, ce processus et sa coordination optimale peuvent imposer l’existence de seulement deux types de gamètes (voir, par exempe, Hurst 1996). En conséquence de l’héritage maternel, le gamète mâle se contente de contribuer à l’information génétique pendant la fécondation. Il y participe à la suite d’un processus compétitif, s’étant généralement spécialisé dans la mobilité pour mieux accéder aux gamètes femelles — en témoignent les structures en forme de queue des spermatozoïdes qui les propulsent vers l’ovule (Lessels et al. 2009) et les grains de pollen qui collent aux pattes des abeilles (Hu et al. 2008). Les gamètes mâles sont en outre créés en grand nombre afin d’améliorer leurs chances de rencontrer un gamète femelle et de surpasser en nombre les petits gamètes des autres mâles (Parker et Lehtonen 2014).
L’anisogamie représente l’origine évolutive du sexe, c’est-à-dire des rôles reproductifs associés aux gamètes femelles ou mâles. L’évolution de deux classes d’individus, une pour chaque rôle reproductif, serait apparue à plusieurs reprises chez les animaux et les plantes, ce qui suggère un avantage évolutif. La divergence en deux sexes distincts d’individus a été décrite comme « une conséquence presque inévitable de la reproduction sexuelle dans les organismes multicellulaires complexes » (Lehtonen et Parker 2014 ; en réponse à la question « Pourquoi y a‑t-il des filles et pourquoi y a‑t-il des garçons ? »).
Nous avons ouvert ce chapitre par une citation partielle ; la voici dans son intégralité,
« Aucun biologiste s’intéressant à la reproduction sexuée ne saurait être amené à élaborer les conséquences détaillées vécues par les organismes ayant trois sexes ou plus ; pourtant, que faire d’autre s’il veut comprendre pourquoi les sexes sont, en fait, toujours au nombre de deux ? »
(Fisher 1930, ix)
Alors pourquoi seulement deux sexes, et pas plus ? Compte tenu de la nature de la reproduction sexuelle, de l’évolution des gamètes et de l’anatomie, nous réprondons à cette question par une question (un défi, peut-être) : quelle fonction pourrait avoir un troisième sexe ? La science-fiction (et nous insistons ici sur le mot « fiction ») explore des possibilités. Concernant les Tralfamadoriens de Kurt Vonnegut, dans Abattoir 5 ou la Croisade des enfants, Billy Pèlerin se demande :
« Ils prétendaient que les équipages des soucoupes volantes n’y avaient pas identifié moins de sept sexes, tous indispensables à la conservation de l’espèce. C’est bien simple : Billy ne réussissait pas à comprendre ce que cinq de ces sept sexes avaient à voir dans la conception d’un bébé, puisque leur champ d’activité se réduisait à la quatrième dimension. […] C’était du chinois pour Billy. » (145–146)
Les systèmes et les corps sexués
À travers presque toute la vie complexe, l’évolution a favorisé l’existence de seulement deux sexes. Cela étant, il existe des variations dans la façon dont les sexes sont distribués au sein des différentes espèces au niveau de l’individu et de la population (on parle alors de « système sexuel » ; Charnov 1982). Bien que nous soyons principalement familiers de l’attribution de la répartition des deux sexes en deux classes d’individus (« gonochorisme »), le biologiste de l’évolution Lukas Scharer (2017) nous éclaire : « Les sexes mâle et femelle ne constituent pas deux types d’individus ; ils représentent deux stratégies reproductives différentes. Et dans de nombreux organismes, ces deux stratégies sont réparties entre les individus d’une population de multiples manières. » En d’autres termes, dans le monde naturel, il existe diverses façons de répartir les sexes mâle et femelle au sein des individus et entre eux, ainsi qu’au sein des populations.
La quasi-totalité des animaux se reproduisent selon le principe du gonochorisme. En règle générale, le sexe masculin ou féminin est fixé dès le début du développement embryonnaire et ne change pas au cours de la vie d’un individu. Même si, bien entendu, les caractéristiques physiques associées au sexe peuvent subir des changements liés à l’âge ou à la suite d’une blessure ou d’une maladie (ou, chez l’humain, d’une intervention chirurgicale). Les humains ne sont pas des organismes hermaphrodites — c’est-à-dire qui assument à la fois les rôles reproductifs mâle et femelle au cours de leur vie. Cela étant, l’hermaphrodisme constitue une structure corporel naturel chez de nombreuses espèces anisogames et peut représenter une stratégie stable pour l’attribution des sexes. De nombreuses plantes — en particulier les plantes à fleurs — et quelques animaux moins complexes sont des hermaphrodites simultanés : les deux sexes coexistent dans les mêmes fleurs et/ou dans la même plante ou le même animal à un moment donné de leur vie.
Quelques espèces aquatiques, dont la plus connue est le poisson-clown, sont des hermaphrodites séquentiels. Elles changent de rôle reproductif au cours de la vie (« changement de sexe »), ce qui est mis en évidence par le passage de la production d’un type de gamète à l’autre, et par les changements anatomiques que cela implique dans les tissus produisant les gamètes (gonades). Dans le cas du poisson-clown, ce changement de sexe (mâle à femelle) est provoqué par la perte de l’unique femelle reproductrice de la colonie (Casas et al. 2016). L’hermaphrodisme séquentiel ne semble se produire que chez les espèces où le « changement de sexe » ne nécessite pas de restructuration de l’anatomie reproductrice brute, ou seulement un remodelage minime. Les poissons-clowns mâles et femelles, qui se fécondent de manière externe, possèdent tous deux un système canalaire similaire qui permet aux spermatozoïdes et aux ovules, respectivement, de pénétrer dans l’environnement aquatique. En raison de la présence d’anatomies reproductives hautement spécialisées et qualitativement différentes, qu’il semble difficile de restructurer après le développement, le « changement de sexe » chez l’humain est impossible.
Tout bien considéré, l’évolution offre un éventail éblouissant d’anatomies et d’apparences. Il est souvent vrai que les mâles d’espèces gonochoriques, dont le rôle reproductif consiste à fournir des spermatozoïdes, ont développé des appendices permettant de les introduire directement à l’intérieur des femelles, tandis que les femelles de nombreuses espèces ont développé une biologie interne conçue pour accueillir les spermatozoïdes et protéger la progéniture en développement du monde extérieur. Mais les apparences peuvent être trompeuses. Par exemple, les hippocampes mâles possèdent une poche incubatrice dans laquelle sont couvés les hippocampes en développement, un rôle fonctionnel plus communément associé aux individus femelles dans le monde naturel. Cependant, ces hippocampes appartiennent à la classe de sexe qui fournit le spermatozoïde à la progéniture, et c’est cela, et non leur anatomie brute, qui les définit comme des mâles. Autre exemple curieux, celui des hyènes tachetées femelles, qui possèdent un clitoris hypertrophié ressemblant à un pénis. Cela étant, produisant des ovules, elles sont, par définition, des femelles. En matière d’anatomie, les projections biologiques anthropocentrés, qui comprennent, par exemple, les appendices péniens chez les mâles et la grossesse chez les femelles, sont sans aucun doute trop étroites pour rendre compte de la diversité des corps sexués dans le monde naturel.
Les hermaphrodites intègrent à la fois les sexes mâle et femelle, et les gonochoristes l’un ou l’autre. Si le gonochorisme et l’hermaphrodisme simultané représentent des arrangements stables des deux sexes au sein d’une espèce, de nombreuses espèces vont à l’encontre de ces tendances. Il existe des espèces composées de femelles et d’hermaphrodites (McCauley and Bailey 2009), de mâles et d’hermaphrodites (Weeks et al. 2009), et de mâles, de femelles et d’hermaphrodites (Oyarzun et al. 2020). Les deux sexes peuvent être répartis différemment chez les individus et entre les espèces. Pourtant, malgré la variété des corps et des systèmes sexuels que l’on observe dans le monde naturel, la reproduction au sein des individus et entre eux se produit par la rencontre de gamètes femelles et mâles, un de chaque type, dans cette combinaison précise, selon un schéma qui s’incarne à travers presque toute la vie complexe. Le système binaire du sexe est un fil évolutif cousu à travers la vie sur terre.
Le sexe chez l’espèce humaine
Du point de vue de l’évolution, nous avons exposé ce qu’est le sexe (le rôle reproductif relatif au type de gamètes) et avons établi que, malgré la fascinante diversité des manifestations des deux sexes au sein des individus et des populations, il n’existe que deux sexes. Dans cette section, nous aborderons la biologie du développement — l’étude de la croissance des organismes — et le développement de l’être humain reproducteur.
La biologie du développement qui sous-tend cette section provient en grande partie de manuels de référence standard. Les lectrices et lecteurs intéressé·es peuvent consulter Baresi et Gilbert (2020), Developmental Biology et Wolpert et al. (2019), Principles of Development.
Faire un bébé
Les humains sont des mammifères gonochoriques divisés en deux classes d’individus en fonction de leurs rôles reproductifs. Chez l’humain, l’acte de reproduction proprement dit nécessite, en premier lieu, que des spermatozoïdes mâles fécondent des ovules femelles, ce qui se produit lors de rapports sexuels entre deux personnes sexuellement matures. L’anatomie reproductive mâle comprend les testicules, contenus dans le sac scrotal, qui produisent les spermatozoïdes destinés à être transmis à la femelle par le canal déférent, puis le pénis. Les testicules et le pénis sont des organes externes, tandis que l’anatomie reproductive femelle est presque entièrement interne. Elle comprend des ovaires qui libèrent périodiquement des ovules matures, recueillis par les oviductes voisins et transportés vers l’utérus, l’espace musculaire dans lequel, après une fécondation réussie, un bébé se développera. L’utérus est relié, via le col de l’utérus, au vagin, qui émerge du corps au niveau de la vulve, où se trouvent le clitoris et l’orifice de l’urètre, entourés de plis cutanés appelés lèvres.
Pendant les rapports sexuels, le sperme (spermatozoïdes mélangés à de l’eau et à des lubrifiants provenant des vésicules séminales et de la prostate) est délivré dans le corps de la femelle par éjaculation. Le sperme est acheminé vers les oviductes où, si un ovule mature est prêt, la fécondation a lieu. L’ovule fécondé est transporté puis implanté dans la paroi utérine ; à ce stade, la femme est enceinte. En l’absence d’une fécondation réussie, l’utérus, qui a déjà préparé une muqueuse riche en sang et spongieuse adaptée à l’implantation, décompose cette muqueuse et l’expulse par le vagin pendant les menstruations. Chez l’humain, la gestation — la croissance d’un bébé dans la femme enceinte — dure environ neuf mois, après quoi la femme accouche, généralement par voie vaginale (bien que des interventions chirurgicales comme la césarienne puissent être employées, par nécessité dans des circonstances médicales négatives, ou par choix).
La détermination du sexe
L’anatomie reproductive d’un bébé en pleine croissance se développe in utero en une série d’étapes anatomiques coordonnées. La première étape consiste à déterminer le sexe du nouvel embryon : femelle ou mâle ? Chez l’humain, le sexe est génétiquement déterminé lors de la fécondation par le biais du système de détermination XY des chromosomes sexuels. Les femelles possèdent deux chromosomes X, tandis que les mâles possèdent un X et un Y. Étant donné que les chromosomes sexuels appariés, comme toutes les autres paires de chromosomes, sont séparés lors de la fabrication des gamètes, chaque ovule humain contient un chromosome X, tandis que les spermatozoïdes humains contiennent soit un chromosome X, soit un chromosome Y. Le sexe du bébé dépend donc du type de chromosome (X ou Y) que porte le spermatozoïde qui féconde l’ovule.
Le schéma chromosomique d’un individu est appelé « caryotype ». Comme tous les chromosomes, les chromosomes sexuels portent des gènes. Chez l’être humain, un gène clé déterminant le sexe est appelé SRY (sex-determining region Y). Chez les individus qui connaissent un développement génétique normal, le gène SRY est porté par le chromosome Y (Kashimada and Koopman 2010 ; Sinclair et al. 1990). Le gène SRY agit comme un « déclencheur majeur » pour le développement mâle. Sa présence — ou son absence — induit une cascade de signaux moléculaires qui orientent la première étape anatomique du développement d’un corps humain sexué à travers la différenciation des gonades.
Le développement embryonnaire
La différenciation des gonades se produit à environ six semaines in utero, lorsqu’une paire de gonades bipotentielles — de petites excroissances de tissu dans la cavité abdominale — est amenée à former des ovaires ou des testicules, qui constituent les tissus producteurs de gamètes chez les femelles et les mâles, respectivement. Les embryons XY porteurs d’un gène SRY fonctionnel déclenchent la différenciation des testicules via un réseau de signaux moléculaires ; en l’absence d’un gène SRY actif, les gonades embryonnaires XX activent des signaux moléculaires distincts et commencent à se différencier en ovaires (Lecluze et al. 2020 ; Mamsen et al. 2017). Il existe une rétroaction entre ces voies de différenciation ; par exemple, un signal requis pour le développement ovarien et la maturation ultérieure des ovules supprime également la différenciation précoce des testicules (Jaaskelainen et al. 2010).
Les gamètes ne naissent pas dans les gonades en croissance. Elles proviennent de cellules souches spécialisées qui migrent dans la région de la gonade en cours de différenciation, où elles sont intégrées en tant que cellules précurseuses qui deviendront des ovules ou des spermatozoïdes, selon le type de gonade (Magnusdottir and Surani 2014). Le développement continu des gonades en tissus matures producteurs d’ovules ou de spermatozoïdes repose sur des types de cellules spécifiques à chaque sexe, un processus qui nécessite l’action d’hormones sexo-spécifiques. Grâce au milieu hormonal sexo-spécifique que chaque gonade génère, elles dirigent également le développement d’une anatomie reproductive appareillée au type de gamète mature que l’individu est censé produire. En d’autres termes, les ovaires, destinés à produire des ovules, entraîneront un développement anatomique femelle, tandis que les testicules, destinés à produire des spermatozoïdes, entraîneront un développement mâle. Les gonades peuvent donc être considérées comme des tissus organisateurs. Et l’absence de fonction future des gamètes — l’infertilité — ne contredit pas la compréhension du sexe humain en tant que modèle anatomique organisé autour de la fonction gamétique.
Les premiers objectifs embryonnaires de l’organisation des gonades, à partir d’environ huit semaines in utero, sont deux paires de canaux (paramésonéphriques et mésonéphriques) situés à côté des gonades, qui deviendront respectivement les organes génitaux internes femelles ou mâles. Les embryons femelles et mâles développent initialement les deux paires de canaux ; l’action hormonale sexo-spécifique favorise ensuite la croissance d’une des deux. Les testicules mâles sécrètent deux hormones principales qui agissent sur ces paires de canaux. La testostérone favorise le développement du canal mésonéphrique en organes génitaux internes masculins, tandis que l’hormone antimüllérienne déclenche la dégénérescence du canal paramésonéphrique, éliminant ainsi le canal qui se serait développé en organes génitaux internes féminins. Chez les femelles, la faible production de testostérone ne permet pas la croissance des structures du canal mésonéphrique, de même que celle de l’hormone antimüllérienne est insuffisante pour déclencher la dégénérescence des structures du canal paramésonéphrique, qui poursuivent alors leur développement en organes génitaux internes féminins.
Le deuxième objectif embryonnaire de l’organisation gonadique, à partir d’environ 10 semaines in utero, est le développement des organes génitaux externes. Les organes génitaux externes — vagin, clitoris et lèvres chez la femelle, prostate, pénis et scrotum chez le mâle — sont issus de tissus précurseurs communs. Sous l’influence d’hormones sexo-spécifiques, ces tissus prennent une forme mâle ou femelle. Plus précisément, un dérivé de la testostérone (dihydrotestostérone) est produit localement dans les tissus précurseurs des mâles, qui est un puissant inducteur des organes génitaux externes mâles. Inversement, un faible taux de testostérone et de dihydrotestostérone chez les femelles permet à ce tissu précurseur de se développer en organes génitaux externes femelles. Étant donné que les organes génitaux externes mâles et femelles se développent à partir du même tissu embryonnaire sous différentes influences hormonales, des structures analogues peuvent être identifiées : le clitoris et le pénis partagent de nombreuses caractéristiques structurelles, tandis que les lèvres représentent une version non fusionnée du scrotum.
Le sexe du bébé est généralement constaté à la naissance, de manière très fiable, par examen visuel et palpation (« toucher ») des organes génitaux externes. Par ailleurs, le sexe du bébé est de plus en plus couramment identifié in utero par observation des organes génitaux externes ou par analyse génétique. Ces méthodes constatives ne correspondent pas à une assignation — « l’action d’assigner, de prescrire ». L’utilisation du terme « assignation » n’a de sens que dans le cadre des décisions médicales relatives aux pathologies cliniques du système reproductif (examinées plus loin).
La puberté et les caractères sexuels secondaires
Le développement de l’anatomie reproductive in utero est appelé « développement primaire du sexe ». Il en résulte un corps capable d’exercer le rôle reproducteur femelle ou mâle. Le développement du sexe humain connaît une deuxième phase de développement lors de la puberté, entre 10 et 18 ans, environ. Cette phase de « développement sexuel secondaire » entraîne une divergence entre les formes corporelles des femelles et des mâles — le « dimorphisme sexuel » — qui a évolué sous la pression de la sélection en vue d’augmenter les chances d’accouplement, selon deux grandes stratégies : la séduction et la domination. Femelles et mâles gagnent en taille et en densité osseuse et manifestent des symptômes typiques de l’adolescence comme l’apparition de la libido, de l’acné et des odeurs corporelles. Sous l’influence de l’hormone œstrogène, l’anatomie reproductive femelle évolue, l’ovulation et la menstruation commencent, la largeur des hanches augmente et le tissu mammaire se développe. En plus de faire l’expérience de la maturation typique de l’anatomie reproductive mâle (augmentation du volume des testicules et de la longueur du pénis), les mâles grandissent davantage que les femmes, développent une pilosité faciale, une voix plus grave et des épaules plus larges, et acquièrent une quantité de muscles squelettiques beaucoup plus importante que les femmes.
Le développement sexuel atypique
Il existe de nombreux points où le développement sexuel humain, qui constitue un système complexe impliquant de multiples intrants et processus biologiques, peut connaître une tournure atypique ou pathogène. Les conditions entraînant un développement atypique de l’appareil reproducteur sont appelées troubles (ou, dans le langage euphémique destiné aux patients, « différences ») du développement sexuel (differences ou disorders of sexual development, DSD). Il existe environ 40 DSD connus chez l’humain, la plupart résultant de mutations dans des gènes dont dépend le développement sexuel in utero (Arboleda et al. 2014). Leurs effets vont de simples différences anatomiques et hormonales chez des individus par ailleurs en bonne santé à des troubles accompagnés de séquelles cliniques aiguës susceptibles de causer des dommages postnatals ou même la mort et qui nécessitent une prise en charge continue tout au long de la vie.
Historiquement, les DSD ont été décrits par des termes comme hermaphrodisme et intersexualité — qui tombe actuellement en désuétude. Ces termes sont désormais considérés comme cliniquement inexacts et stigmatisants pour les patients. La nomenclature approuvée pour catégoriser les DSD les relie au caryotype et au sexe. Ainsi, les principales catégories de DSD sont les DSD des chromosomes sexuels, les DSD XY (mâles) et les DSD XX (femelles). Les DSD des chromosomes sexuels correspondent par exemple aux syndrome de Turner et de Klinefelter. Les individus qui en sont atteints possèdent un nombre anormal de chromosomes sexuels et développent une anatomie reproductive typique, mais connaissent des problèmes hormonaux qui compromettent la maturation sexuelle et la fertilité. Parmi les autres DSD, nous pouvons mentionner les embryons femelles exposés à un excès de testostérone in utero qui développent un clitoris hypertrophié (un DSD XX appelé hyperplasie congénitale des surrénales), ou les embryons mâles qui ne parviennent pas à produire la dihydrotestostérone nécessaire à la croissance du pénis (un DSD XY appelé déficit en 5‑alpha réductase). D’excellentes ressources sur les DSD ont été compilées par l’organisation caritative britannique DSD Families et sont disponibles sur son site web (https://dsdfamilies.org).
La fréquence des DSD fait l’objet d’une importante désinformation. La biologiste Anne Fausto-Sterling et ses collègues qualifient d’« intersexe » tout écart par rapport au corps « idéal platonicien ». Selon des travaux qu’ils ont effectués, 1,7 % des humains seraient atteints de DSD (Blackless et al. 2000 ; Fausto-Sterling 2000). Cette définition large des DSD englobe un grand nombre de personnes dont le sexe ne présente aucune ambiguïté biologiquement significative (la grande majorité d’entre elles sont des femmes qui ne présentent aucune ambiguïté sexuelle, souvent des mères qui souffrent d’hyperplasie surrénalienne tardive et qui, à un moment donné après la naissance, sécrètent des taux élevés de testostérone en raison d’un problème de surrénales). Le taux de 1,7 % a été ramenée à 0,4 % par Hull et Fausto-Sterling (2003), après identification de nombreuses lacunes dans l’étude initiale, comme le fait de ne pas tenir compte de la nature sexo-spécifique de nombreux DSD.
Lorsque l’on évalue la fréquence des DSD en se limitant rationnellement aux personnes dotées d’une anatomie reproductive ambiguë ou affichant une discordance entre leur sexe reproductif et leurs organes génitaux externes, le taux d’incidence des DSD chute de façon spectaculaire à environ 0,018 % (Sax 2002). Néanmoins, le taux surévalué de 1,7 % est régulièrement évoqué comme une vérité établie (par exemple par Amnesty en 2018). De surcroît, en dépit d’un développement sexuel atypique, presque tous les cas de DSD sont rattachables au sexe féminin ou masculin. La médecine moderne offre des procédures permettant d’identifier le sexe des personnes présentant une ambiguïté sexuelle (cartographie des organes génitaux internes, du caryotype et profils hormonaux). L’appréhension des DSD dans le cadre des trajectoires de développement typiquement femelle et mâle aide à diagnostiquer ces troubles cliniques et nous renseigne sur la gestion pronostique des conditions spécifiques sur le plan de la fonction sexuelle et des perspectives de fertilité. Lorsque la fertilité est possible, les personnes atteintes de DSD utilisent, comme tous les êtres humains, soit des ovules, soit des spermatozoïdes. Les DSD ne constituent pas un nouveau (troisième) sexe.
Les mythes sur le sexe
Dans une lettre publiée dans l’Irish Journal of Medical Science (Revue de science médicale irlandaise) en 2021, nous avons affirmé que « le discours public sur le sexe cherche de plus en plus à nier les faits fondamentaux de la biologie humaine » (Hilton et Wright et al. 2021). L’idéologie de l’identité de genre prétend qu’une identité privée relative au sexe d’une personne définit son sexe : si une personne s’identifie (selon une sorte de sentiment interne et invérifiable) comme une femme ou un homme, alors cette personne est littéralement une femme ou un homme. En conséquence, nombreux sont ceux qui cherchent à discréditer la compréhension scientifique commune du sexe en tant que phénomène biologique réel et important, en faveur d’une catégorisation totalement subjective et infalsifiable basée sur un ressenti personnel et interne — appelé « identité de genre ». Dans cette section, nous critiquons les malentendus émergents autour du sexe.
Mythe : le sexe est un ensemble de parties du corps
Les désinformations idéologiques qui entourent le sexe reposent sur un amalgame entre des descriptions ancrées dans la fonction biologique et des descriptions individuelles basées sur une liste de contrôle de diverses caractéristiques physiques. Un éditorial de la revue Nature (2018) affirme que le sexe est « une classification basée sur des caractéristiques corporelles internes et externes », tout en omettant de mentionner la fonction reproductive et la raison d’être des corps sexués. La question qui s’impose est la suivante : une classification basée sur des caractéristiques corporelles internes et externes chez quelle espèce ? Bien entendu, l’espèce de référence est l’humain — une vision particulièrement autocentrée d’un phénomène biologique commun à la quasi-totalité de la vie complexe. Dans la même veine, étant donné la diversité des caractéristiques physiques associées au sexe dans le monde vivant, chaque espèce a‑t-elle sa propre définition du sexe ? Même si tel était le cas, la liste des caractéristiques associées, par exemple, aux hyènes mâles et femelles ne peut être établie qu’en les rattachant au sexe en tant que fonction biologique.
Dans le magazine britannique The Skeptic, la généticienne Sarah Hearne (2021) définit avec précision le terme « femelle » comme « les organismes dont les gamètes sont […] des ovules ou des œufs », tout en affirmant qu’« à moins d’être un médecin spécialiste de la fertilité, il est peu probable que vous rencontriez beaucoup d’ovules, de sorte que nous devons utiliser d’autres définitions dans la vie de tous les jours ». S’il est exact que nous ne pouvons pas directement connaître le type de gamète des gens que nous croisons, il ne s’ensuit pas que nous utilisions d’autres « définitions » pour identifier le sexe des individus ; nous utilisons d’autres marqueurs du sexe : ceux qui découlent des effets de l’organisation des gonades au cours du développement. Hearne le reconnaît : si des caractéristiques comme les organes génitaux externes — couramment dissimulés — et la taille des seins — artificiellement augmentée par les soutiens-gorge — ne suffisent pas à identifier le sexe d’une personne, nous le faisons à l’aide de caractéristiques comme « la quantité et la répartition des muscles et de la graisse, la longueur et la répartition des cheveux, la taille et ainsi de suite ». Le psychiatre Nirao Shah, qui étudie les différences comportementales entre femelles et mâles, considère que l’identification correcte du sexe est « une décision fondamentale que prennent les animaux » (voir Goldman, 2019). Outre l’évaluation de la forme du corps, à travers la largeur des épaules et des hanches, les humains sont des experts du visage : l’identification du sexe représente « un aspect spontané, ne requérant pas le moindre effort, de la perception des visages » qui déclenche une activité cérébrale différentielle (Kaul et al. 2011). Curieusement, les femmes semblent mieux reconnaître les visages de femmes que les hommes, même en l’absence d’indices genrés comme la longueur des cheveux (Lewin et Herlitz 2002). Les humains évaluent également les mouvements, comme la démarche, dans leur identification du sexe (Pollick et al. 2005). Cependant, aucun de ces éléments ne constitue, comme l’affirme Hearne, une « définition » alternative du sexe. Il s’agit simplement d’une reconnaissance du sexe au moyen de caractéristiques morphologiques. Par analogie, la roche ignée est définie comme étant issue de la lave volcanique ; mais nous reconnaissons la roche ignée à des caractéristiques comme sa texture et sa densité.
Écartant sa fonction pour définir le sexe comme une forme — explicite dans des articles portant des titres tels que « Sex Redefined » [Le sexe redéfini] (Ainsworth, 2015) —, la déconstruction du sexe en tant que catégorie biologique commence par des affirmations relatives à la variabilité des caractéristiques physiques. Et notamment en invoquant les personnes atteintes de DSD et d’un développement reproductif atypique. Les descriptions physiques des caractéristiques des personnes atteintes de DSD divisent souvent le système reproducteur en éléments constitutifs comme le « sexe génétique » et le « sexe gonadique » afin de mieux comprendre les caractéristiques incongrues, la prise en charge clinique et le pronostic (Arboleda et al. 2014). Pour la quasi-totalité des DSD, ces éléments constitutifs sont concordants ou ne divergent pas de manière significative. Si une telle désagrégation est utile, ce n’est pas pour brouiller les définitions des termes « femelle » et « mâle », mais en vue d’affiner les flux de travail qui génèrent un tableau clinique d’ensemble pour les personnes atteintes de DSD. Cependant, depuis l’invention de l’« identité de genre » par John Money dans les années 1960, les caractéristiques fragmentées du sexe ont parfois inclus le sexe « psychologique » et « social » (Moore 1968), permettant ainsi à l’« identité de genre » d’être considérée non seulement comme une caractéristique sexuée, mais aussi comme une caractéristique qui supplante désormais les caractéristiques physiques et fonctionnelles.
Un argument connexe évoque le recoupement des caractéristiques sexuelles entre les sexes pour tenter de démontrer qu’« il n’existe aucun paramètre unique faisant qu’une personne est biologiquement mâle ou femelle » (Elsesser 2020). Certes, beaucoup de femmes sont plus grandes que tout un tas d’hommes et quelques hommes présentent des taux de testostérone inférieurs à ceux de certaines femmes. Toutefois, ces arguments occultent un point que nous avons déjà abordé : nous ne savons que les hommes sont généralement plus grands et ont des taux de testostérone plus élevés que les femmes que parce que nous disposons d’une caractéristique de référence pour le sexe, indépendante de la taille et du taux de testostérone, permettant de diviser et de mesurer les gens. Et ce sont des siècles d’étude de l’organisation anatomique et moléculaire de l’espèce humaine autour du sexe en tant que fonction biologique qui servent de point d’ancrage. En d’autres termes, il serait impossible d’affirmer qu’un taux de testostérone faible ou élevé est corrélé avec le fait d’être une femme ou un homme, respectivement, si les catégories « femme » et « homme » ne possédaient pas déjà des significations établies avec lesquelles les taux de testostérone sont corrélés. Il en va de même pour tous les autres corrélats du sex.
Mythe : le sexe n’est pas binaire
Après avoir déplacé la définition du sexe de la fonction à la forme et introduit des exceptions à la forme, les idéologues s’attaquent à la description du sexe en tant que système binaire. Bien souvent, ils ne comprennent pas ce que le terme binaire signifie dans ce contexte. Par exemple, dans le Guardian, Heggie (2015) affirme que la « binarité du sexe » signifie « qu’il y a des hommes et des femmes et qu’ils peuvent être clairement distingués ». Le système fonctionnel du sexe est régulièrement décrit comme « binaire » (y compris, à de nombreuses reprises, par nous), ce qui signifie « de, se rapportant à, caractérisé par, ou composé de deux » (Oxford English Dictionary). Ce terme désigne simplement un système biologique à deux composantes et suit le même schéma étymologique que celui par lequel, par exemple, un système composé de deux masses stellaires est décrit comme une étoile binaire.
Le rejet du terme « binaire » s’étend au rejet du terme « deux » lui-même. Certaines personnes présentent des descriptions quantitatives du sexe comme l’alternative nécessaire aux descriptions catégorielles. La distribution quantitative (continue) la plus couramment invoquée est une distribution bimodale, dans laquelle les caractéristiques quantifiables associées au sexe, comme la taille et le taux de testostérone, sont conceptualisées comme des distributions multiples qui se chevauchent. Ces distributions qui se chevauchent sont censées générer deux modes qui représentent la femme et l’homme moyens ou typiques (décrits par une combinaison de leurs caractéristiques sexuelles moyennes ou typiques). Couramment représenté sur un axe horizontal platement appelé « sexe », ce cadre suggère que le sexe d’une personne est un score statistique. En commentaire d’une représentation graphique très diffusée du « sexe bimodal », Hildreth (2022) décrit les modes comme des « pics dans un graphique [qui] représentent des groupes de probabilité ». En outre, aux affirmations selon lesquelles le sexe serait bimodal s’ajoutent celles selon lesquelles « le sexe est un continuum », une distribution continue qui remplace les modes par, selon les termes de Brusman (2019), « des options illimitées ». Ce qui suggère que le sexe de chaque être humain serait unique, propre à cet individu ou, pour reprendre les termes de Fausto-Sterling (2000), que « le sexe et le genre sont mieux conceptualisés comme des points dans un espace multidimensionnel ».
Il en résulte qu’à chaque individu est assigné un pourcentage censé indiquer à quel point, en quelque sorte, il est femme ou homme. Ce que signifie une telle grille de lecture, c’est qu’un homme ayant un taux de testostérone inférieur à la moyenne, de petite taille et doté d’un pénis plus petit que la moyenne est « plus femme » que ses homologues ayant un taux de testostérone moyen ou haut, une grande taille et un grand pénis. Ces jugements préjudiciables s’appliquent également aux femmes ayant un clitoris hypertrophié, une petite poitrine ou une musculature accrue, qui sont présentées comme « plus mâles » que leurs congénères dotées d’une plus forte poitrine et moins athlétiques. La manière dont les données catégorielles comme le type de gonade et le caryotype peuvent être représentées sur de telles distributions continues demeure inexpliquée.
Tandis que le sexe, dans une distribution continue, devient affaire de glissement vers la gauche ou la droite, vers et à partir de la femme et de l’homme typiques, le milieu de cette représentation est considéré comme un no man’s land où se retrouvent les personnes atteintes de DSD (les promoteurs de cette représentation ne réalisent pas que, selon leur propre logique, les femmes extrêmement grandes et les hommes extrêmement petits peuvent également se situer dans cette « zone médiane »). Pour celles et ceux qui s’imaginent que les personnes atteintes de DSD possèdent « les deux types de parties génitales », cela semble intuitif. Cependant, comme nous l’avons expliqué, les DSD ne diffèrent pas simplement sur le plan quantitatif : ils représentent des dizaines de conditions avec des étiologies uniques qui se manifestent de manière disparate. Les tentatives visant à forcer les DSD à figurer dans une distribution continue sont, étant donné leurs différences qualitatives, vouées à l’échec (voir, par exemple, Montanez, 2017).
Mythe : le sexe est une construction sociale
La toile des arguments décrits ci-avant, comprenant également l’invocation régulière du fait que le développement est très compliqué (Sun, 2019) — comme si les biologistes n’étaient pas bien formés pour identifier les principes fondamentaux dans les systèmes complexes —, culmine avec l’idée selon laquelle le sexe serait une construction sociale. Butler (1990) écrit que « peut-être que cette construction appelée “sexe” est aussi culturellement construite que le genre ». Alors les scientifiques qui observent le monde naturel développent un langage et des modèles permettant de le décrire, il n’est simplement pas sérieux de prétendre que les phénomènes ainsi observés sont des constructions humaines (voir Stock, dans ce volume). Si tel était le cas, les humains auraient inventé non seulement le sexe, mais aussi l’or, les nuages et les pingouins.
L’argument selon lequel le sexe est socialement construit vaut, là encore, pour les personnes dont la biologie est atypique et qui ont été présentées comme incatégorisables ; le fait d’affirmer que les délinéations des catégories sont arbitraires permet de prétendre que les catégories elles-mêmes sont « arbitraires », c’est-à-dire socialement construites. Mais le fait que le sexe puisse être ambigu pour certaines personnes (ou même le fait trivial que certaines femmes soient anormalement grandes) ne signifie pas que ses catégories sont arbitraires. Cet argument revient à affirmer que les deux faces d’une pièce de monnaie sont arbitraires parce qu’occasionnellement, une pièce peut tomber sur sa tranche.
Mythe : les biologistes utilisent d’autres conceptions du sexe
Enfin, nous contestons l’idée selon laquelle un nouveau consensus scientifique sur le sexe aurait émergé. Dans un article paru dans DW, Sterzik (2021) affirme que « le large consensus scientifique semble désormais différent : le sexe est un continuum ». En vérité, les définitions et les conceptions du sexe que nous présentons dans ce chapitre ne sont pas controversées. Elles figurent dans les dictionnaires, les principaux manuels de biologie et des déclarations de consensus médical comme celle publiée par l’Endocrine Society (Barghava et al. 2021). Une vaste littérature scientifique dépend, explicitement ou implicitement, de cette conception du sexe. Une recherche sur la base de données de publications scientifiques PubMed pour « mâle » [ET] « spermatozoïde » ou « femelle » [ET] « ovule » donne environ 100 000 résultats, y compris de nombreuses et récentes publications de lauréats du prix Nobel de physiologie et de médecine et d’un large éventail de disciplines biologiques et médicales.
Des recherches dans la base de données PubMed (effectuées le 9 juillet 2022) pour des expressions comme « sexe bimodal », « continuum du sexe » ou « le sexe est une construction sociale » ne donnent aucun résultat dans la littérature biologique ou médicale, bien que deux correspondances proches pour « le sexe est un continuum » aient été trouvées. La première est une étude sur la manière dont le sexe (femelle ou mâle) affecte le spectre des variations génétiques acquises dans le chromosome X au cours de la vie (Agarwal and Przeworski 2019). La seconde est une étude sur la manière dont le sexe du fœtus (femelle ou mâle) affecte le spectre des conditions placentaires rencontrées pendant la grossesse (Murji et al 2012). Aucune de ces études n’indique la moindre confusion sur la nature du sexe, et toutes deux illustrent l’importance de la compréhension du sexe dans un contexte clinique. Manifestement, les affirmations selon lesquelles il existerait un nouveau consensus scientifique — ou, de manière plus modérée, un débat académique — concernant le sexe sont largement exagérées, fabriquées par des idéologues et utilisées comme des appels à l’autorité.
Conclusion
Nous avons expliqué que le mécanisme de reproduction le plus répandu chez les espèces complexes s’est stabilisé autour d’un système binaire comprenant deux types de gamètes différents et de l’évolution ultérieure de types de corps associés à ce système binaire. La majorité des espèces, y compris l’espèce humaine, sont composées d’individus femelles et d’individus mâles, définis par leur rôle reproductif, c’est-à-dire par leur contribution au processus de la génération. Contribution correspondant à des gamètes de grande taille et riches en énergie (comme les ovules) pour les femelles ou à des gamètes de petite taille (comme les spermatozoïdes) pour les mâles.
Chez l’humain, il existe deux types anatomiques évolués, chacun correspondant à l’une des deux fonctions reproductives. In utero, femelles et mâles développent des caractéristiques primaires sexo-spécifiques et essentielles pour la reproduction, en premier lieu la différenciation du type de gonade qui orientera la fonction future de la femelle ou du mâle. Les gonades — ovaires ou testicules, déterminés chez le mâle par des mécanismes génétiques — organisent à la fois le développement des gamètes matures (ovules ou spermatozoïdes) et le développement coordonné de l’anatomie reproductive correspondante (chez le mâle, testicules externes, structures génitales internes comme le canal déférent, un pénis externe et un scrotum ; chez la femelle, ovaires internes, structures génitales internes comme un utérus, un vagin, et une vulve externe comprenant le clitoris).
Enfin, nous avons étudié les arguments qui prétendent remettre en question cette conception fondamentale du sexe. Nous avons retracé leur redéfinition du sexe, d’un système anatomique intégré organisé autour d’une fonction évolutive à une liste de contrôle de caractéristiques physiques décomposées et anthropocentrées. Cette redéfinition permet ensuite d’utiliser la variabilité de ces caractéristiques physiques (dans le développement naturel ou pathologique) pour tenter de rejeter la réalité binaire du sexe, pour faire du sexe une construction de l’esprit humain afin, suivant certains intérêts politiques, de lui dénier la moindre signification. Après examen, nous rejetons ces arguments, qui ne sont pas pris au sérieux par la communauté scientifique, qui sont dénués de tout pouvoir explicatif et, en fin de compte, fallacieux. Derrière cette confusion argumentaire, le fondement de la fonction binaire du sexe transparaît, étayant les pics bimodaux des traits des distributions continues que propagent les idéologues ou, plus prosaïquement, dictant avec quel autre « point de l’espace multidimensionnel » une personne peut espérer se reproduire.
Emma Hilton et Colin Wright
Traduction : Nicolas Casaux
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