Le désordre des choses du monde

Le désordre des choses du monde

Le désordre des choses du monde

12 octobre 2023 (13H20) – On fait un petit tour d’horizon, petit mais vertigineux parce que l’horizon lui-même est vertigineux, – vous-même et moi-même, nous pouvons en témoigner. On ne dira pas qu’Israël-Hamas a changé la donne parce qu’il n’y a pas “une donne”. Les cartes, – les crises en réalité, ou ‘sous-crises’ comme j’aime à les désigner pour leur rabaisser leur caquet, – se découvrent les unes après les autres, s’additionnent, s’empilent, forment une masse crisique d’une puissance dynamique époustouflante. C’est la GrandeCrise, bien sûr.

Nous n’allons pas détailler parce que nous chevauchons l’inconnaissance, qui nous permet d’aller plus vite, plus loin et surtout plus haut. Sur cette crise devenue paroxystique depuis samedi, deux choses, directement et indirectement.

• Directement, il faut écouter l’intervention très longue (les vingt premières minutes) d’Alastair Crooke dans une vidéo avec Alexander Mercouris et Glenn Diesen. Crooke décrit en détail l’actuel affrontement autour de la mosquée al-Aqsa et de son destin ; affrontement entrer l’aile extrémiste juives du gouvernement et les forces qu’elle représente contre le bloc laïc juif (opposition). Bien entendu, le destin d’al-Aqsar et le projet de reconstruction du Temple est au centre de l’affrontement avec le Hamas, – mais il ne faut surtout pas oublier cette division en Israël qui fracture irrémédiablement le pays depuis des mois. L’exposé de Crooke, jusqu’aux perspectives actuelles, est fascinant ; les perspectives de la situation sur le terrain, elles, sont effrayantes.

Solitude de Mister Z (suite)

• Le deuxième point est indirect mais immédiatement opérationnel. Il s’agit de la confirmation de la débâcle de l’Ukraine dans l’intelligence occidentale réduite depuis des années, cette intelligence-là, à un album d’images et de clichés.

« Pour ‘Ukrisis’, la crise ukrainienne, c’est la première fois depuis le 24 février 2022 que les Russes sont complètement libérés, – temporairement, en principe, – de la main de fer de la communication antirusse qui s’est déchaînée contre eux. Cela ne signifie pas que l’on ne parle plus de l’Ukraine mais que l’Ukraine n’est plus l’épicentre de la GrandeCrise. Pour la Russie, c’est une opportunité, voire une victoire stratégique inespérée et nous verrons ce qu’ils en font et en feront, – ce pourquoi l’on dit ce que l’on dit à propos de leur poussée sur le front. »

La conséquence de cette défaite stratégique de l’image, c’est pour la Russie la porte ouverte aux avancées sur tous les fronts face à une direction ukrainienne complètement désorientée et aux abois puisque privée d’images et de clichés. Larry Johnson se charge du travail en mettant en évidence le point le plus important : le changement de mode, du kaki de combat au noir funèbre, des vêtements de Zelenski.

« Il est étonnant de voir à quelle vitesse l'attention de l'Occident est passée de la guerre en Ukraine à la guerre en Israël. Comme je l'ai noté dans des interviews récentes, le président ukrainien Zelensky est effrayé et stupéfait par ce revirement et tente désespérément de rester pertinent et d'attirer l'attention de l'Occident. Bonne chance. Les médias préfèrent se concentrer sur le nouveau récit des hordes arabes s'abattant sur les civils israéliens plutôt que d'essayer de trouver des excuses à l'échec de l'Ukraine, qui n'a même pas réussi à franchir la première ligne de défense de Sourovikine. Un signe visible de la panique de Zelenski est qu'il a changé sa garde-robe. Désormais, lorsqu'il apparaît en public, au lieu de porter son costume de Fidel Castro (c'est-à-dire un t-shirt ou un sweat-shirt vert militaire et un pantalon tactique), il est maintenant habillé comme une version plus jeune et plus courte de Johnny Cash. Le noir est la nouvelle couleur à la mode.

» Alors que l'Occident a les yeux rivés sur le Moyen-Orient, la Russie passe à l'offensive et repousse les Ukrainiens tout au long de la ligne de contact. Le correspondant de guerre russe Marat nous en parle. »

Une vision de l’inconnaissance

Ce qu’il nous faut, c’est une vision globale, générale, marquée par l’inconnaissance, c’est-à-dire le refus de prendre systématiquement en compte les évènements tactiques et même stratégiques dans nos espaces si satisfaits d’eux-mêmes à partir du moment où ces évènements sont en cours et sollicitent tel ou tel engagement terrestre de nos esprits infestés d’images et de clichés.

Il me semble rencontrer incontestablement cette démarche que je cherche moi-même à suivre, dans ces quelques remarques si précises et si large d’un court texte d’Alexander Douguine. Il faut donc les lire en s’ôtant de l’esprit selon que l’on est, si c’est le cas, pro-Israël ou pro-Hamas, hors de toutes ces conceptions morales et affectivistes inévitables vu l’ampleur et l’horreur du drame, mais qui ne nous disent rien de l’essentiel. Il faut les lire en faisant l’effort de n’être plus des ”civilisés” tels que nous sommes devenus, ragoût de moutons, traîtres à nos origines, indifférents à nos croyances, civilisés comme des ‘barbares intérieurs’ (Mattei), – extrêmement sélectifs, voire sophistiqués dans nos indignations, comme en peuvent témoigner quelques amis reconnaissants, des Afghans aux Irakiens.

« La Russie est un pôle d'un monde multipolaire.

» L'islam est un pôle d’un monde multipolaire.

» Ces deux pôles s'opposent aux tentatives désespérées de l'Occident pour sauver l'unipolarité et sa domination mondiale à tout prix – même au prix d'une guerre mondiale. Le conflit palestinien avec Israël n'était pas la ligne de front du conflit des civilisations. Aujourd'hui, c'est le cas. Tout comme les frictions entre la Russie et l'Ukraine étaient régionales jusqu'à ce que l'Occident soutienne les nazis de Kiev. La guerre en Ukraine est alors devenue la ligne de front de la confrontation mondiale entre la multipolarité et l'unipolarité.

» L'ampleur de cette confrontation ne cesse de croître. La situation devient de plus en plus inquiétante. Des milliards de personnes sur la planète sont déjà convaincues que l'Occident collectif et ses alliés sont le mal absolu et la civilisation de l'Antéchrist. »

Retour dans notre Occident-compulsif

… C’est-à-dire, après s’en être extraits, que s’impose un “retour” aux évènements courants une fois l’esprit lavé par l’inconnaissance. Alors, leur signification apparaît, beaucoup plus lumineuse, celle de nos mortelles contradictions, de nos nœuds gordiens de notre moraline sans fin, nous les si-importants et les si contents-de-nous. Ce que le conflit paroxystique Israël-Hamas met en lumière d’une manière absolument tragique, ce sont les pièces pesantes, – façon howitzer 155mm, – du long et lourd défilé des contradictions frontales de nos vertus innombrables.

Incontestablement, il y a du nouveau. En France l’on parle beaucoup, et avec grand dégoût, de cette extrême-gauche, de LFI aux indigénistes et autres wokenistes, qui soutient Hamas, – c’est-à-dire, logique impitoyablement induite, Hamas et ses massacres. Mais c’est aux USA que le phénomène est le plus important : les ‘Black Lives Matter’, nombre d’organisations genristes et sociétales ont ouvertement pris position pour Hamas et l’ont fait savoir pendant deux-trois jours par le canal de ‘X’, ex-Tweeter. L’ampleur du massacre en Israël a révélé à beaucoup l’inconfort de la cohabitation avec ces organisations, y compris quelques gros donateurs dont, évidemment, un certain nombre de juifs américains fortunés jusqu’alors aveuglément progressistes et qui révisent leurs copies.

ZeroHedge.com’ ne manque pas de nous donner un vaste échantillon de messages-X, avec à peine quelques commentaires tant les choses vont d’elles-mêmes.

« Comme l'a fait remarquer notre ami Isaac Simpson, ce type de messages pro-Hamas aurait peut-être rencontré moins de résistance s'il s'était agi d'une attaque terroriste typiquement inefficace, mais l'ampleur et la sauvagerie de celle-ci ont finalement amené certaines élites américaines à repenser leur tolérance à l'égard de l'approbation de la violence politique par la gauche. […]

» Malheureusement pour les gauchistes des universités et des grandes écoles, leurs messages pro-Hamas ont également attiré l'attention de leurs futurs employeurs.

» Le gestionnaire de fonds spéculatifs Bill Ackman et d'autres ont commencé à demander les noms des étudiants à l'origine des organisations de Harvard qui ont publié des déclarations pro-Hamas. »

Si la gauche extrême se trouve en grandes difficultés, la droite peut se retrouver égale à elle-même, couteau entre les dents et “Sus aux infidèles !”. Cette avancée ne donne pas beaucoup plus de crédit à ce champ politique qui a toujours vanté la tradition tout en favorisant le capitalisme hypermoderniste et globaliste ; de ce côté, moins d’erreurs parce que moins d’actes, juste quelques poussières, débris d’autres temps plus heureux qu’un peu de sable efface.

Où faire son choix, entre cette droite et ses anathème, et cette gauche et son hystérie ? Je préfère ne pas m’attarder dans les dédales et l’on passe son chemin en comptant les points qui sont marqués dans le grand sablier conduisant à la GrandeCrise. C’est possible mais il faut se raviser et tout de même sacrifier à un choix sélectif selon des références connues de notre “âme poétique” seule, car les évènements du temps, eux, désignent la victime sacrificielle de la crise dans l’Occident-compulsif. Le progressisme-social, dit “de gauche” et wokenisme inclus, est beaucoup, beaucoup plus exposé et vulnérable que la droite qui a peur de son ombre et croit encore à la Sainte-Amérique et sa protégée née du Pentagone, ‘Tsahal’ repeint aux couleurs modernistes et devenu IDF (‘Israel Defense Force’). Justement, la susdite Sainte est dans un bel embarras à avoir soutenu, par sa “gauche-chic” de l’antiracisme aux folies de tous les genres, Hamas comme elle le fit et, par “logique impitoyablement induite”, les massacres qui en résultent.

Des écumes de tempête

Voilà donc comment nous déchirent impitoyablement ces sous-crises terribles. Tout ce que nous avons décrit d’opérationnel est nécessairement accessoire et n’engage rien d’assuré. Disons que c’est l’écume de la GrandeCrise ; mais parfois, lorsque l’écume est bouillonnante et très haute, nous avons l’indication certaine, – c’est un vieux loup de mer reclus et couturé de tempêtes qui vous le dit, –que les vagues peuvent être monstrueuses, comme si l’on se trouvait, vent debout,

« entre les  “Quarantièmes rugissants”  et les “Cinquantièmes hurlants” des latitudes correspondantes vers le Sud extrême des étendues glacées où jamais le vent ne s’arrête de souffler et la mer de déferler, où les marins disent qu’au-delà vers l’au-delà du Sud Dieu n’est plus.[…]

» …un vieux dicton des vieux marins des Temps Anciens disait de ces terribles latitudes d’un Sud ressemblant à l’Enfer glacé : Sous les 40 degrés, il n’y a plus de loi, mais sous les 50 degrés, il n’y a plus de Dieu”. »

Israël-Hamas, après ‘Ukrisis’ qui continue bien sûr, porte un nouveau coup de bélier à notre forteresse assiégée.

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

À propos de l'auteur Dedefensa.org

« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

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