Où sont nos plus belles années?

Où sont nos plus belles années?

Les débuts d’année scolaire, empreints de promesses, m’émeuvent. Il faut voir les petits nouveaux, aussi inquiets que fiers, arriver par la grande porte. La fin des vacances marque leur entrée dans l’adolescence. À partir de maintenant, ils ne seront plus traités comme des enfants. Pour les encourager, on en trouvera toujours quelques-uns pour leur dire qu’ils s’apprêtent à vivre «la plus belle période de leur vie». Cette réflexion, pleine de bonnes intentions, est traversée de sous-entendus qui méritent d’être discutés.

Jugement de valeur

La mémoire faisant bien les choses, les souvenirs que nous chérissons sont souvent tronqués, déformés. Nous nous attachons à une vision idéalisée du passé. En sciences de la mémoire, on parle d’un pic de réminiscence: peu importe les conditions réelles de la vie, nous nous souviendrons avec affection de l’époque où nous étions âgés de quinze à vingt-cinq ans. Nous sommes condamnés, en quelque sorte, à devenir de vieux nostalgiques.

Mais ce jeunisme ne saurait résulter du simple biais cognitif. Dans nos sociétés, nous vouons un véritable culte à la jeunesse. Au détriment des jeunes eux-mêmes, nous valorisons l’insouciance, la nouveauté, le plaisir. Nous plaquons sur eux le fantasme d’une innocence qui leur est étrangère. Car les ados, de leur côté, nous implorent de prendre nos responsabilités.

No future

Dans le film La déesse des mouches à feu, tiré du roman du même nom, on suit les tribulations de Catherine, seize ans, dans sa découverte de la drogue et de la sexualité. Ses parents, consumés par leur divorce, achètent son amour à coups de cadeaux. La jeune femme vit hors du temps, dans un éternel présent. Avec son groupe d’amis, elle évolue dans un univers parallèle où la mort rôde. Rien, dans le quotidien de Catherine, n’est idyllique, sinon la nature où elle se réfugie.

Dans la vie, soit on vieillit, soit on meurt. Étais-je destinée à perdre en valeur à mesure que je gagnerais en expérience?

Si l’adolescente avait vécu trente ans plus tard, soit en 2020, elle n’aurait pu échapper aussi aisément aux pressions extérieures. Hyperconnectée, elle aurait été informée en temps réel des ravages des feux de forêt comme des nouveautés en maquillage. Une alerte envoyée par le portail de son école lui aurait rappelé un devoir en retard. Elle aurait été sollicitée par son employeur pour faire un quart de travail supplémentaire, pénurie de main-d’œuvre oblige.

À seize ans, on croit souvent porter le poids du monde sur ses épaules.

Pour quoi vivre

Dans mes premières années d’exercice en pastorale, on me félicitait régulièrement pour ma jeunesse. Ces commentaires, au lieu de me réjouir, éveillaient en moi une certaine angoisse. Dans la vie, soit on vieillit, soit on meurt. Je n’y échapperai pas. Étais-je destinée à perdre en valeur à mesure que je gagnerais en expérience?

Le deuil accompagne toutes les transitions, dont l’adolescence, censée conduire à l’âge adulte. Si cette phase constitue le summum de l’existence, à quoi bon construire pour l’avenir?

Nous vivrons tous des pertes, c’est inéluctable.

Pour que ces passages soient sources de vie, il faut pouvoir y entrer librement.

Ne plaçons pas des chimères sur le chemin de ceux qui suivent.

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