Qu’est-ce que l’autogynéphilie ? Un entretien avec le Dr Ray Blanchard

Qu’est-ce que l’autogynéphilie ? Un entretien avec le Dr Ray Blanchard

L’interview sui­vante a ini­tia­le­ment été publiée, en anglais, sur le site Quillette, le 6 novembre 2019. Des notes de la tra­duc­trice sont insé­rées dans le texte entre crochets.


Ray Blan­chard est un pro­fes­seur asso­cié de psy­chia­trie à l’Université de Toron­to spé­cia­li­sé dans l’étude de la sexua­li­té humaine, et plus par­ti­cu­liè­re­ment dans l’o­rien­ta­tion sexuelle, les para­phi­lies et les troubles de l’i­den­ti­té de genre [main­te­nant appe­lé « dys­pho­rie de genre »]. Dans les années 1980 et 1990, il a éla­bo­ré une théo­rie sur les causes de la dys­pho­rie de genre chez les hommes connue sous le nom de « typo­lo­gie du trans­sexua­lisme de Blan­chard ». Cette typo­lo­gie — qui conti­nue à sus­ci­ter de nom­breuses contro­verses [par­ti­cu­liè­re­ment chez les auto­gy­né­philes] — caté­go­rise les hommes tran­si­den­ti­fiés (c’est-à-dire les hommes qui s’identifient comme des femmes et qui sont dits « femmes trans ») en deux groupes distincts.

Le pre­mier groupe est com­po­sé d’hommes tran­si­den­ti­fiés (femmes trans) « andro­philes » (par­fois appe­lés « homo­sexuels »), sexuel­le­ment exclu­si­ve­ment atti­rés par les hommes et dont le com­por­te­ment et l’apparence sont net­te­ment « fémi­nins dès leur plus jeune âge » [c’est-à-dire que leur com­por­te­ment a été inter­pré­té par les adultes de leur entou­rage comme n’étant pas « conforme » à la mas­cu­li­ni­té viriar­cale de notre culture]. Ils entament géné­ra­le­ment le pro­ces­sus de tran­si­tion médi­cale avant l’âge de 30 ans.

Le second groupe est moti­vé par ce que Blan­chard appelle l’« auto­gy­né­phi­lie » : une orien­ta­tion sexuelle [typi­que­ment mas­cu­line] défi­nie par une exci­ta­tion sexuelle à la pen­sée ou à l’image de soi en tant que femme. Les auto­gy­né­philes sont géné­ra­le­ment atti­rés sexuel­le­ment par les femmes, bien qu’ils puissent aus­si s’identifier comme asexuels ou bisexuels. Ils sont plus sus­cep­tibles de faire leur tran­si­tion plus tard dans leur vie et d’avoir vécu jusqu’alors en confor­mi­té avec la mas­cu­li­ni­té conventionnelle.

Bien que la typo­lo­gie de Blan­chard soit sou­te­nue par un large éven­tail de sexo­logues et d’autres cher­cheurs, elle est for­te­ment reje­tée par la plu­part des mili­tants trans qui contestent l’existence de l’autogynéphilie. [Très cer­tai­ne­ment parce que ces mili­tants trans sont eux-mêmes auto­gy­né­philes, à l’instar de « Julia Sera­no ».] L’historienne de la méde­cine Alice Dre­ger [deve­nue, entre-temps, une acti­viste trans ins­tru­men­ta­li­sant l’existence des per­sonnes nées avec des troubles du déve­lop­pe­ment sexuel pour jus­ti­fier fal­la­cieu­se­ment la notion d’identité de genre et l’inclusion des hommes dans les espaces et les sports des femmes], dont le livre Gali­leo’s Middle Fin­ger, publié en 2015, com­prend un compte ren­du de la contro­verse sur l’autogynéphilie, résume le conflit :

« Il y a une dif­fé­rence essen­tielle entre l’autogynéphilie et la plu­part des autres orien­ta­tions sexuelles : la plu­part des autres orien­ta­tions ne sont pas éro­ti­que­ment contra­riées par le simple fait d’être éti­que­tées. Lorsque vous qua­li­fiez un homo­sexuel typique d’homosexuel, vous ne per­tur­bez pas ses espoirs et ses dési­rs sexuels. En revanche, l’autogynéphilie se com­prend mieux en étant consi­dé­rée comme un “amour” [nos guille­mets] qui pré­fé­re­rait vrai­ment qu’on ne dise pas son nom. L’érotisme ultime de l’autogynéphilie réside dans l’idée de deve­nir ou d’être réel­le­ment une femme, et non dans le fait d’être un homme qui désire être une femme. »

[Dans Shame and Nar­cis­sis­tic Rage in Auto­gy­ne­phi­lic Trans­sexua­lism (« Honte et rage nar­cis­sique chez les trans­sexuels auto­gy­né­philes ») Anne Law­rence, un trans­sexuel, psy­cho­logue et sexo­logue, parle de la « rage nar­cis­sique » que mani­festent nombre d’autogynéphiles lorsque leurs inter­lo­cu­teurs refusent de se prê­ter au jeu (sexuel pour eux) de les consi­dé­rer comme des femmes, et remarque que les auto­gy­né­philes sont plus sus­cep­tibles de mani­fes­ter des traits com­por­te­men­taux liés au trouble de la per­son­na­li­té nar­cis­sique. N’importe qui ayant eu affaire aux tran­sac­ti­vistes com­pren­dra ins­tan­ta­né­ment ce qu’entend Law­rence par « rage nar­cis­sique ».]

J’ai inter­viewé Ray Blan­chard par cour­riel et par Skype. Le texte a été légè­re­ment modi­fié pour plus de clarté.

* * *

Louise Perry : Quelle a été la réaction à votre travail sur l’autogynéphilie, tant au sein de la communauté trans qu’à l’extérieur ?

Ray Blan­chard : J’ai intro­duit le mot et le concept d’autogynéphilie — la ten­dance de cer­tains hommes à être sexuel­le­ment exci­tés par la pen­sée ou l’image d’eux-mêmes en tant que femmes — en 1989 comme une exten­sion du concept de féti­chisme de tra­ves­tis­se­ment. Dans le diag­nos­tic DSM, le féti­chisme de tra­ves­tis­se­ment était défi­ni — en psy­chia­trie à cette époque — par des pul­sions et des fan­tasmes sexuels impli­quant le tra­ves­tis­se­ment chez les hommes hétérosexuels.

J’ai publié mes pre­miers écrits sur l’autogynéphilie dans des revues spé­cia­li­sées à très faible tirage. Je les des­ti­nais à un petit lec­to­rat de cli­ni­ciens spé­cia­li­sés dans l’évaluation et la prise en charge des patients dys­pho­riques (gen­der-dys­pho­ric). Cepen­dant, ces tra­vaux ont atti­ré l’attention de deux per­sonnes qui ont déci­dé de les pro­mou­voir plus lar­ge­ment, la pre­mière le fit en ligne (Anne A. Law­rence) [lui-même auto­gy­né­phile et s’efforçant d’adopter le rôle social assi­gné aux femmes dans notre culture] et la seconde dans un livre (J. Michael Bai­ley). Ces efforts, en par­ti­cu­lier le livre, ont pro­vo­qué la fureur de trois hommes tran­si­den­ti­fiés influents[1] — dont deux uni­ver­si­taires de haut rang — qui ont ten­té de faire ren­voyer Bai­ley de son poste d’enseignant à l’université Nor­th­wes­tern pour avoir écrit ce livre [des années plus tard, une cam­pagne de cybe­rhar­cè­le­ment a été orga­ni­sée par des tran­sac­ti­vistes via Face­book, allant jusqu’à impli­quer des menaces et des scé­na­rios pédo­philes incluant ses jeunes enfants]. Cette cam­pagne a été docu­men­tée en détail par Alice D. Dre­ger, his­to­rienne de la méde­cine. Para­doxa­le­ment, les efforts des tran­sac­ti­vistes, à l’époque et aujourd’hui, pour sup­pri­mer toute men­tion de l’autogynéphilie des dis­cus­sions publiques ont eu pour effet de sen­si­bi­li­ser davan­tage le public à ce phé­no­mène. Je pense que le com­por­te­ment auto­des­truc­teur des tran­sac­ti­vistes a per­sis­té parce que l’idée de l’autogynéphilie vise droit dans le mille. Si l’idée n’avait eu aucun écho chez eux, ils l’auraient tout sim­ple­ment igno­rée, et l’idée de l’autogynéphilie ne serait qu’une des nom­breuses hypo­thèses oubliées comme cause du trouble de l’identité de genre.

Par la suite, d’autres évé­ne­ments étranges et inat­ten­dus (pour moi) se sont abat­tus sur ma notion d’autogynéphilie. Les tran­sac­ti­vistes modernes se sont réap­pro­prié le transsexualisme/transgenrisme comme un pro­blème poli­tique et non plus un pro­blème cli­nique. Le déni caté­go­rique de l’existence de l’autogynéphilie est deve­nu l’un des canons du tran­sac­ti­visme moderne, le tran­sac­ti­visme est deve­nu une sous-divi­sion des mou­ve­ments pour la jus­tice sociale, et les mou­ve­ments pour la jus­tice sociale sont deve­nus les prin­ci­paux com­bat­tants [SJW pour « social jus­tice war­riors »] de cette guerre cultu­relle omniprésente.

[Il ne s’agit pas tant d’une guerre cultu­relle de conser­va­teurs de droite contre pro­gres­sistes de gauche que de la guerre que dif­fé­rents groupes patriar­caux mènent pour gar­der le contrôle sur le corps des femmes et leurs capa­ci­tés repro­duc­tives et sexuelles (ayant depuis plu­sieurs mil­lé­naires sépa­rés les deux), et dans laquelle les pro­gres­sistes défendent les sté­réo­types conser­va­teurs les plus miso­gynes et les plus sexistes sous cou­vert d’identité de genre. Le résul­tat est la des­truc­tion des droits des femmes au tra­vers du rem­pla­ce­ment, dans la loi, de la réa­li­té du sexe par la fic­tion de l’identité de genre, et ain­si l’immobilisation de leur mou­ve­ment de libé­ra­tion. La réi­fi­ca­tion dans la loi de notions ima­gi­naires pen­sées dans la tête des hommes est au fon­de­ment des ins­ti­tu­tions patriarcales/viriarcales.]

En consé­quence, la plu­part des tran­sac­ti­vistes — et, par soli­da­ri­té, leurs « alliés » — nient l’existence de l’autogynéphilie. [Ils nient aujourd’hui l’existence du sexe.] La plu­part des psy­cho­logues, socio­logues et pro­fes­seurs de sciences humaines étant des « alliés », le sujet de l’autogynéphilie est mis à l’écart ou igno­ré dans les cours sur la sexua­li­té humaine et dans les études de genre, et ce pour une géné­ra­tion entière. L’autre camp de la guerre cultu­relle (quel que soit le nom qu’on veuille lui don­ner) est prêt à recon­naître l’existence de l’autogynéphilie, mais il a ten­dance à l’utiliser comme une insulte à jeter au visage des hommes tran­si­den­ti­fiés (male-to-female trans, MTF) qui l’offensent. Ce n’était évi­dem­ment pas mon inten­tion lorsque j’ai inven­té ce terme il y a 30 ans.

[Blan­chard est un homme. Il se sou­cie bien peu des consé­quences que cette idéo­lo­gie et cette para­phi­lie ont sur les femmes et leurs droits. Il parle ici d’hommes conser­va­teurs, tels Matt Walsh et Ben Sha­pi­ro de la chaîne Daly Wire, d’hommes qui adhèrent aux valeurs de la mas­cu­li­ni­té viriar­cale et pour les­quels les hommes « fémi­nins » sont une aber­ra­tion.]

À l’heure actuelle, de nom­breux MTF (hommes qui se disent femmes) hété­ro­sexuels — qui, selon leur point de vue, sont des « femmes trans les­biennes » — passent leur temps à sur­veiller les forums en ligne à la recherche de toute men­tion d’autogynéphilie. Si un nou­veau venu écrit qu’il pense que l’autogynéphilie décrit sa propre expé­rience, ils lui feront rapi­de­ment savoir que c’est un crime de pen­sée (wrong­think) et que l’autogynéphilie n’existe pas. Il est donc dif­fi­cile de se faire une idée du nombre d’autogynéphiles dys­pho­riques (gen­der dys­pho­rics) qui pensent secrè­te­ment que l’autogynéphilie cor­res­pond à leur propre expé­rience, car le fait de l’affirmer en ligne sus­cite le mépris et d’autres réac­tions négatives.

[Il existe des chaînes You­Tube d’hommes auto­gy­né­philes qui parlent ouver­te­ment de leur condi­tion, dont un qui s’identifie en tant que « trans » et un détransitionniste :

https://www.youtube.com/watch?v=hG9jBXGPnxE

https://www.youtube.com/watch?v=LnesyY9dHD0

https://www.youtube.com/watch?v=7sJJd3QJy48]

La prévalence de l’autogynéphilie a‑t-elle augmenté au cours des dernières décennies, ou les autogynéphiles sont-ils simplement plus susceptibles de faire une transition qu’auparavant ?

Je doute fort que la pré­va­lence de l’autogynéphilie per se, ou la pré­va­lence de la dys­pho­rie de genre auto­gy­né­phile ait aug­men­té. Je pense que ce qui a chan­gé, c’est la pro­por­tion de trans auto­gy­né­philes qui ont fait leur « coming out » auprès de leur famille, de leurs amis et de leur employeur, et non pas le nombre total de trans auto­gy­né­philes. Il y a qua­rante ans, la déci­sion d’un auto­gy­né­phile d’endosser le rôle fémi­nin avait sou­vent des consé­quences néga­tives dans la sphère per­son­nelle et pro­fes­sion­nelle. [Bien évi­dem­ment, le soin aux parents âgés et aux enfants, effec­tué à 75% par des femmes dans le monde, ain­si que le tra­vail domes­tique non rému­né­ré, effec­tué à 90% par des femmes, ain­si que les dif­fé­rences de reve­nus, etc., ne font pas par­tie du rôle qu’ils sou­haitent endos­ser.] Aujourd’hui, une telle déci­sion a autant de chances d’être louée pour sa « bra­voure » que d’être cri­ti­quée pour son égoïsme et son irresponsabilité.

Le chan­ge­ment, en ce qui concerne les consé­quences du coming out sur les indi­vi­dus trans andro­philes, a été beau­coup moins impor­tant. Ils ont ten­dance à avoir des manières osten­si­ble­ment « fémi­nines » (ou effé­mi­nées), même lorsqu’ils essaient d’être « virils », ce qui était aus­si vrai il y a 40 ans que main­te­nant. Les indi­vi­dus trans andro­philes avaient moins de sta­tut social à perdre en chan­geant de sexe à l’époque, et c’est éga­le­ment encore vrai aujourd’hui.

[On parle ici d’hommes qui ne se conforment pas à la mas­cu­li­ni­té viriar­cale, qu’ils le veuillent ou non, et qui sont reje­tés par les autres hommes afin de conser­ver la mas­cu­li­ni­té viriar­cale intacte. S’ils accep­taient ces hommes par­mi eux, alors, le sens de leur exis­tence s’en trou­ve­rait mena­cé, étant don­né que les hommes viriar­caux de notre culture ou d’autres cultures tra­di­tion­nelles se défi­nissent uni­que­ment en rela­tion à la fémi­ni­té, leur anti­pode infé­rieur et mépri­sé. C’est pour­quoi les cultures aux normes socio­sexuelles rigides créent géné­ra­le­ment une troi­sième classe socio­sexuelle pour y reje­ter ces hommes. Quid des femmes « les­biennes » ou « non fémi­nines » ? Elles ne menacent en rien la mas­cu­li­ni­té, elles sont igno­rées ou « cor­ri­gées » (par le viol). Les troi­sièmes classes socio­sexuelles (ou « troi­sième genre ») servent à ras­sem­bler les hommes non conformes aux valeurs de la mas­cu­li­ni­té viriar­cale en marge de la socié­té, et à les lais­ser vivre en leur accor­dant des fonc­tions spi­ri­tuelles et/ou reli­gieuses spé­ciales.]

En 1987, lorsque j’étudiais les ratios d’hommes auto­gy­né­philes et d’hommes andro­philes dys­pho­riques [par­mi les « trans »], les cas d’autogynéphilie étaient déjà majo­ri­taires, appro­chant les 60 %. Cette pro­por­tion avait atteint 75 % en 2010, et elle pour­rait être encore plus éle­vée aujourd’hui. [Les hommes qu’il appelle « andro­philes » sont des hommes homo­sexuels au com­por­te­ment et/ou à l’apparence jugée « non virile »] 

Il n’existe pas à ma connais­sance de preuve de l’existence de popu­la­tions signi­fi­ca­tives de trans auto­gy­né­philes MTF [hommes qui se disent femmes] dans les pays non occi­den­taux. Cela ne signi­fie pas que ces indi­vi­dus n’existent pas. Cela pour­rait sim­ple­ment signi­fier que, pour les hommes non homo­sexuels, le coût social du coming out en tant que trans y est beau­coup plus éle­vé dans les cultures non occidentales.

Recommanderiez-vous une transition médicale comme moyen de traiter la dysphorie de genre chez les patients atteints d’autogynéphilie ?

Cela dépend de l’intensité de l’autogynéphilie et, peut-être plus impor­tant encore, de la gra­vi­té de la dys­pho­rie de genre qui en découle. Dans le cas d’une dys­pho­rie de genre légère ou inter­mit­tente, des conseils ou une thé­ra­pie cog­ni­ti­vo-com­por­te­men­tale devraient suf­fire à aider le patient à sur­mon­ter les « pous­sées » de dys­pho­rie. Il s’agit d’un choix logique de trai­te­ment si le patient veut pré­ser­ver un mariage ou une car­rière impor­tante qui en pâti­rait s’il se met­tait à endos­ser un rôle [socio­sexuel] féminin.

[Et par endos­ser un rôle fémi­nin, encore une fois, il faut entendre « per­for­mer » des sté­réo­types sexistes : mettre des talons, por­ter une robe et/ou des sous-vête­ments sexys, se maquiller, sou­rire niai­se­ment, etc., mais pas se mettre à faire le ménage sérieu­se­ment, quand bien même ils peuvent être exci­tés à l’idée d’agiter un plu­meau.]

Dans le cas d’une dys­pho­rie de genre grave et sou­te­nue, le trai­te­ment hor­mo­nal et la chi­rur­gie de réas­si­gna­tion sexuelle peuvent consti­tuer la meilleure chance pour le patient d’avoir une cer­taine tran­quilli­té d’esprit et une meilleure qua­li­té de vie. À mon avis, les cli­ni­ciens res­pon­sables devraient exi­ger que les patients vivent pen­dant une période signi­fi­ca­tive « dans le rôle de l’autre sexe » avant de les auto­ri­ser à subir une inter­ven­tion chi­rur­gi­cale. Un an serait le strict mini­mum, mais je pense que deux ans sont préférables.

Je ne crois pas que l’autogynéphilie en elle-même — ou toute autre para­phi­lie ou orien­ta­tion sexuelle — puisse être sup­pri­mée par un trai­te­ment. À mon avis, on peut apprendre aux gens à se rete­nir de lais­ser libre cours à leurs dési­rs — lorsque ce qu’ils dési­rent est dan­ge­reux pour eux-mêmes ou pour les autres [Blan­chard s’est éga­le­ment inté­res­sé aux pédo­philes et aux tra­vaux de James Can­tor, qu’il connaît] — mais on ne peut pas leur apprendre à ne pas dési­rer ce qu’ils dési­rent. [La pédo­phi­lie, l’autogynéphilie, l’apotemnophilie et toutes les per­ver­sions sexuelles seraient des condi­tions qui ne se « soignent » pas, mais qui se gèrent seule­ment. En tout cas dans le contexte de la civi­li­sa­tion industrielle.] 

Ray Blan­chard

Que répondez-vous à l’affirmation selon laquelle l’autogynéphilie est également fréquente chez les femmes ?

Je ne crois pas que l’autogynéphilie se pro­duise chez les femmes (natal females). La seule « preuve » de son exis­tence est une mau­vaise étude qui a posé des ques­tions biai­sées à un petit nombre de femmes non repré­sen­ta­tives. Cette étude, réa­li­sée par Charles Moser, M.D., a été immé­dia­te­ment accla­mé par les membres de la com­mu­nau­té trans parce qu’elle affir­mait ce que beau­coup de trans MTF [hommes qui se disent femmes] vou­laient déses­pé­ré­ment croire : que leurs expé­riences per­son­nelles de l’autogynéphilie ne contre­disent pas leur convic­tion selon laquelle ils sont psy­cho­lo­gi­que­ment iden­tiques aux femmes bio­lo­giques, étant don­né que les femmes bio­lo­giques font aus­si l’expérience de l’autogynéphilie.

L’étude de Moser a été cri­ti­quée pour des rai­sons métho­do­lo­giques par un autre méde­cin, Anne A. Law­rence, M.D. Law­rence, qui a écrit la mono­gra­phie la plus com­plète sur l’autogynéphilie : Men Trap­ped in Men’s Bodies (« Des hommes coin­cés dans des corps d’hommes »), et est lui-même un trans­sexuel auto­gy­né­phile post­opé­ra­toire [un homme auto­gy­né­phile trans­sexuel, un homme qui a été opé­ré et qui vit en tant que sté­réo­type social de femme et qui est auto­gy­né­phile]. [Il] sou­tient que les élé­ments du ques­tion­naire que Moser a uti­li­sé pour mesu­rer l’autogynéphilie chez les femmes (29 employées d’hôpitaux) ne per­mettent pas d’évaluer cor­rec­te­ment l’élément essen­tiel de l’autogynéphiliel’excitation sexuelle à la simple pen­sée d’être une femme — parce qu’ils ne mettent tout sim­ple­ment pas l’accent sur cet aspect.

Mes propres argu­ments contre l’affirmation selon laquelle l’autogynéphilie serait fré­quente chez les femmes (natal females) étaient d’ordre plus géné­ral et ne visaient pas l’étude de Moser. J’ai écrit, par exemple, que l’idée selon laquelle les femmes (natal females) peuvent être éro­ti­que­ment exci­tées par — et par­fois même se mas­turbent sur — la pen­sée ou l’image d’elles-mêmes en tant que femmes peut sem­bler cré­dible si l’on consi­dère uni­que­ment les fan­tasmes conven­tion­nels des femmes qui s’imaginent belles et sédui­santes dans l’acte d’attirer un homme (ou une femme) beau et dési­rable. [N’est-ce pas le prin­cipe d’un fan­tasme ou d’une fan­tai­sie sexuelle ?] Cela semble beau­coup moins cré­dible si l’on prend en consi­dé­ra­tion les diverses autres façons dont cer­tains hommes auto­gy­né­philes se repré­sentent en tant que femmes dans leurs fan­tasmes masturbatoires.

Par­mi les exemples que j’ai recueillis, citons : les fan­tasmes sexuels de mens­trua­tion et les rituels mas­tur­ba­toires qui simulent les mens­trua­tions [😨] ; se don­ner un lave­ment anal, tout en ima­gi­nant que l’anus est un vagin et que le lave­ment est une douche vagi­nale [et être en érec­tion à cette idée 😨] ; aider la femme de ménage à net­toyer la mai­son [et être en érec­tion à cette idée 😨] ; s’asseoir dans une classe de filles à l’école [et être en érec­tion à cette idée 😨] ; tri­co­ter en com­pa­gnie d’autres femmes [et être en érec­tion à cette idée 😨] ; et mon­ter sur un vélo de fille [et être en érec­tion à cette idée 😨]. Ces exemples montrent que les fan­tasmes sexuels auto­gy­né­philes ont un carac­tère féti­chiste qui les rend qua­li­ta­ti­ve­ment dif­fé­rents de toute idéa­tion super­fi­ciel­le­ment simi­laire chez les femmes.

Il y a aus­si le phé­no­mène révé­la­teur des auto­gy­né­philes qui sont invo­lon­tai­re­ment exci­tés par des idées de tra­ves­tis­se­ment ou de chan­ge­ment de sexe, et qui se plaignent de dif­fi­cul­tés à revê­tir des vête­ments fémi­nins sans avoir une érec­tion ou une éja­cu­la­tion. Il est pro­bable que peu de femmes rap­portent des dif­fi­cul­tés à se vêtir sans que cela ne leur déclenche une lubri­fi­ca­tion vagi­nale ou un orgasme.

Pensez-vous qu’il arrive que des femmes (natal females) fassent l’expérience d’autoandrophilie (excitation sexuelle à la pensée ou à l’image de soi en tant qu’homme) ?

Les men­tions cli­niques de femmes hété­ro­sexuelles pré­sen­tant de « forts traits mas­cu­lins » qui disent avoir l’impression d’être des hommes homo­sexuels et qui se sentent for­te­ment atti­rées par des hommes effé­mi­nés remontent à plus de 100 ans. Je ne pense pas qu’il s’agisse de l’équivalent fémi­nin des auto­gy­né­philes, et pour sou­li­gner ce point, j’ai com­men­cé à les appe­ler des auto­ho­moé­ro­tiques (auto­ho­moe­ro­tics). Cer­taines de ces per­sonnes déve­loppent une dys­pho­rie de genre cli­ni­que­ment signi­fi­ca­tive, et il est bien docu­men­té qu’au moins quelques auto­ho­moé­ro­tiques ont subi une réas­si­gna­tion sexuelle chi­rur­gi­cale et ont été satis­faites de leur décision.

[L’auto-andro-hubris, terme que nous employons pour décrire le fait que cer­taines femmes ne peuvent s’aimer (amour-propre) et se res­pec­ter qu’en tant qu’homme, existe en revanche chez les femmes qui veulent tran­si­tion­ner. L’auto-andro-hubris est le pen­dant de l’auto-misogynie qu’elles éprouvent vis-à-vis de leurs corps sexués et d’elles-mêmes, induite par la culture miso­gyne dans laquelle elle vivent, mais n’est pas le fait d’une exci­ta­tion sexuelle à l’idée d’être un homme. Au contraire, ces femmes se pro­jettent dans des rela­tions sexuelles avec des hommes, leur sexua­li­té n’est pas para­phile, ni homo­sexuelle, mais tour­née vers le sexe oppo­sé.]

Jusqu’à une époque récente, les trans­sexuelles auto­ho­moé­ro­tiques FTM [femmes tran­si­den­ti­fiées en hommes] étaient assez rares. Les dif­fé­rences entre l’autogynéphilie chez l’homme et l’autohomoérotisme chez la femme peuvent sem­bler sub­tiles. Les dys­pho­riques de genre auto­gy­né­philes (hommes) sont atti­rés par l’idée d’avoir un corps de femme ; les dys­pho­riques de genre auto­ho­moé­ro­tiques (femmes) sont atti­rés par l’idée de par­ti­ci­per à des rela­tions sexuelles homo­sexuelles mas­cu­lines. Pour les auto­gy­né­philes, deve­nir une femme les­bienne est un objec­tif secon­daire — la consé­quence logique d’être atti­ré par les femmes et de vou­loir deve­nir une femme. Pour les auto­ho­moé­ro­tiques, deve­nir un homme gay semble être l’objectif prin­ci­pal ou très proche de celui-ci.

Il existe éga­le­ment des dif­fé­rences frap­pantes dans l’histoire déve­lop­pe­men­tale de cette condi­tion. De nom­breux trans auto­gy­né­philes font le récit d’une période de leur vie, géné­ra­le­ment pen­dant la puber­té, où ils ont enfi­lé des sous-vête­ments fémi­nins (sou­vent « emprun­tés » à leur mère ou à leur sœur) et se sont mas­tur­bés jusqu’à l’orgasme. En revanche, l’histoire des femmes auto­ho­moé­ro­tiques ne com­prend pas de mas­tur­ba­tion jusqu’à l’orgasme dans des sous-vête­ments masculins.

[Ni de mas­tur­ba­tion dans des vête­ments typi­que­ment mas­cu­lins tout court. Cela n’a rien à voir, car il ne s’agit pas d’une para­phi­lie mais d’une sexua­li­té de dépla­ce­ment. Les jeunes filles, qui sont constam­ment expo­sées à l’hypersexualisation du corps des femmes dans notre culture (et à une inter­dic­tion de faire quoi que ce soit aux époques anté­rieures, leur sta­tut étant celui d’êtres humains mineurs pri­vés de droits) déve­loppent une rela­tion com­pli­quée à leur propre corps lors de la puber­té, tout en valo­ri­sant les hommes. Les repré­sen­ta­tions por­no­gra­phiques mains­tream se concentrent sur l’avilissement du corps des femmes, sou­mises à des vio­lences, des humi­lia­tions et tout un tas de bru­ta­li­sa­tions ignobles pour la satis­fac­tion sexuelle d’hommes malades du por­no. Une par­tie des jeunes filles vont déve­lop­per leur ima­gi­na­tion éro­tique en dehors de ces repré­sen­ta­tions en regardant/lisant des animes/manga/fictions fan­tai­sistes met­tant en scène ce qu’elles s’imaginent être des hommes gays, une niche mar­ke­ting rapi­de­ment venue cap­ti­ver ce public orphe­lin d’adolescentes et de jeunes femmes à prendre pour modèles. Ima­gi­ner qu’elles sont des hommes leur per­met de contour­ner le for­ma­tage por­no­gra­phique omni­pré­sent du corps fémi­nin avi­li. Mais ce n’est pas le fait de s’imaginer « en homme » qui éveille leur éro­tisme, c’est le fait de s’imaginer rela­tion­ner sexuel­le­ment avec des hommes — sans l’aspect avilissement/brutalisation asso­cié à leur corps fémi­nin. Cer­taines peuvent évi­dem­ment repro­duire des scé­na­rios par exci­ta­tion trau­ma­tique (pas­sifs de vio­lences sexuelles, enfants inces­tées, sexuel­le­ment exploi­tées…) dans le véhi­cule ima­gi­naire du corps d’un homme, mais l’objet du fan­tasme ou du scé­na­rio sera tou­jours une rela­tion à un autre homme. Réfé­rences ? Tous les forums de rôle-play tenus par de jeunes femmes exis­tants.]

Pourquoi les paraphilies touchent-elles essentiellement les hommes ?

Pour savoir pour­quoi la plu­part des para­phi­lies sont plus fré­quentes chez les hommes que chez les femmes, il fau­drait éga­le­ment connaître les causes de chaque type de para­phi­lie. Par exemple, nous com­pre­nons pour­quoi l’ostéoporose est plus fré­quente chez les femmes âgées que chez les hommes âgés parce que nous savons que l’ostéoporose est liée à de faibles niveaux d’hormones.

Je pense que nous sommes très loin de connais­sances com­pa­rables sur les causes des para­phi­lies. Pour mettre cette igno­rance en pers­pec­tive, consi­dé­rons la recherche sur l’orientation sexuelle. L’homosexualité n’est pas une para­phi­lie, mais elle sert de point de com­pa­rai­son utile. L’homosexualité a fait l’objet de beau­coup plus de recherches en labo­ra­toire que n’importe quelle para­phi­lie, et pour­tant nous ne savons tou­jours que peu de choses sur les fac­teurs qui influencent l’orientation sexuelle.

Pensez-vous qu’il soit possible de discuter de l’autogynéphilie sans déclencher de polémique ?

Je sais qu’il est pos­sible de dis­cu­ter de l’autogynéphilie de manière franche et dépas­sion­née, voire avec com­pas­sion, car j’en ai été témoin sur mon fil Twit­ter. [SIC]

À quelques reprises, des auto­gy­né­philes (ano­nymes) ont publié des fils de dis­cus­sion syn­thé­tiques et bien orga­ni­sés expli­quant ce qu’ils res­sentent lorsqu’ils pensent ou se repré­sentent en tant que femmes, com­ment ces sen­ti­ments sexuels sont liés à leur aver­sion émer­gente pour leur corps mas­cu­lin et à leur désir de pos­sé­der un corps fémi­nin, ain­si que les effets délé­tères de l’autogynéphilie et de la dys­pho­rie de genre sur leurs rela­tions per­son­nelles, leur humeur géné­rale et leur vie quo­ti­dienne. Ces fils de dis­cus­sion ont tou­jours inci­té quelques autres adeptes à pos­ter des mes­sages de féli­ci­ta­tions pour leur hon­nê­te­té et leur cou­rage, ain­si que des décla­ra­tions de sym­pa­thie. Per­sonne n’a jamais dit : « Main­te­nant que je com­prends mieux ce que tu es, tu me dégoûtes encore plus » — alors même que sur Twit­ter, les gens sont en géné­ral très loin de mani­fes­ter de la rete­nue et encore moins de la bienveillance.

En atten­dant, je ne sais pas si une telle dis­cus­sion a déjà exis­té, ou si elle ne sera jamais pos­sible dans des espaces de dis­cus­sion plus géné­raux. Ce n’est en tout cas pas pos­sible pour le moment à cause de la poli­ti­sa­tion de la notion d’autogynéphilie.


Tra­duc­tion : Audrey A.


Annexe : les nouvelles générations trans et la classification de Blanchard

La clas­si­fi­ca­tion de Blan­chard éta­blit une dis­tinc­tion entre deux arché­types clai­re­ment sépa­rés. En for­çant le trait, il y aurait la caté­go­rie des « gen­tils » homo­sexuels effé­mi­nés qu’il appelle les trans « andro­philes », et la caté­go­rie des hommes hété­ro­sexuels « per­vers » auto­gy­né­philes. Au pas­sage, on rap­pel­le­ra que le terme « para­phi­lie » a été intro­duit par des sexo­logues au cours du 20ème siècle comme un euphé­misme pour dési­gner ce qui était autre­fois qua­li­fié de « per­ver­sion sexuelle ». Il s’agissait de déstig­ma­ti­ser les pédo­philes et divers féti­chistes en tous genres de manière à ne pas les dis­sua­der d’être pris en charge et d’oser deman­der de l’aide au lieu de com­mettre des actes de délin­quance ou de cri­mi­na­li­té (dans le cas des pédo­cri­mi­nels) sexuelle, voire de nor­ma­li­ser cer­taines pra­tiques (Cf. le livre de Lars Ullers­tam, publié en anglais en 1966 et inti­tu­lé Les Mino­ri­tés éro­tiques : une charte des droits sexuels). On rap­pel­le­ra aus­si que l’homosexualité n’est pas une para­phi­lie, mais sim­ple­ment une orien­ta­tion sexuelle.

Tou­te­fois, on remarque que des hommes andro­philes mani­festent cer­tains traits asso­ciés à l’autogynéphilie, tels que des troubles de la per­son­na­li­té nar­cis­sique. Cer­tains d’entre eux sont de viru­lents tran­sac­ti­vistes, comme India Willough­by ou Dylan Mul­va­ney. Cepen­dant, l’excitation de ces hommes ne réside pro­ba­ble­ment pas tant dans le fait de s’imaginer être des femmes que dans le fait de s’imaginer être des femmes en train d’avoir des rela­tions sexuelles avec des hommes. Que l’homophobie inté­rio­ri­sée puissent jouer une part impor­tante dans leur tran­si­den­ti­té ne fait aucun doute : nom­breux sont les tran­sac­ti­vistes andro­philes à expri­mer des pro­pos homo­phobes hor­ri­fiants tels que « les homo­sexuels sont des lâches qui n’osent pas deve­nir des femmes » ou « les homo­sexuels sont des femmes ratées ». Ce type de dis­cours est expri­mé par des hommes tran­si­den­ti­fiés andro­philes, et mis en lumière, par exemple, sur le compte @TransHomophobes sur Twit­ter.

Le prin­ci­pal aspect de l’autogynéphilie est l’excitation sexuelle que res­sentent les hommes à l’idée d’être des femmes, et peut donc se pro­duire par le simple fait d’enfiler un vête­ment asso­cié à la féminité.

En outre, la typo­lo­gie de Blan­chard peut être consi­dé­rée comme un conti­nuum (contrai­re­ment au sexe !) allant de l’autogynéphilie pure et dure jusqu’au tra­ves­tis­se­ment des hommes andro­philes homo­sexuels pour les­quels ima­gi­ner qu’ils sont des femmes est l’expédient psy­chique qui leur per­met de sur­vivre en socié­té viriar­cales. Entre ces deux extré­mi­tés, tout un spectre de com­por­te­ments, y com­pris des hommes auto­gy­né­philes bisexuels, dont la bisexua­li­té est indé­pen­dante de l’autogynéphilie, et d’autres chez les­quels la bisexua­li­té est une « pseu­do-bisexua­li­té » telle que défi­nie par Blan­chard, cau­sée par l’autogynéphilie : en effet l’homme auto­gy­né­phile fera feu de tout bois, c’est-à-dire que qui­conque valide son fétiche en le consi­dé­rant comme une femme par­ti­cipe à son exci­ta­tion sexuelle et consti­tue donc pour lui un par­te­naire contri­buant à son plai­sir sexuel.

Une nouvelle culture de revendication de l’autogynéphilie

Les réseaux sociaux nous offrent de nom­breux exemples d’hommes auto­gy­né­philes au féti­chisme de tra­ves­tis­se­ment fla­grant, sou­vent d’âge moyen ou même assez vieux, et bien sou­vent très repous­sants. Des groupes de dis­cus­sion sur Red­dit, Face­book, Ins­ta­gram et des comptes Twit­ter sont consa­crés à l’exhibitionnisme auto­gy­né­philes de ces hommes — créés et tenus par eux-mêmes pour leurs sem­blables. Tou­te­fois, bien qu’ils consti­tuent le gros des bataillons par leur exhi­bi­tion­nisme sans rete­nue, les plus jeunes géné­ra­tions ont déve­lop­pé une culture qui leur est propre.

Aujourd’hui, les jeunes hommes tran­si­den­ti­fiés ont déve­lop­pé une culture qui mêle homo­sexua­li­té et auto­gy­né­phi­lie de manière inex­tri­cable. On le remar­quait déjà chez les xénials et les mil­lé­nials (géné­ra­tions X et Y). Voir par exemple le cas d’Ashton Chal­le­nor. Le phé­no­mène des trans­maxxers illustre cette culture du côté de jeunes hommes en rup­ture avec la socié­té, qui sont, à la base, des hété­ro­sexuels en grande dif­fi­cul­té affec­tive et qui se qua­li­fiaient eux-mêmes d’incels. Ces deux sous-cultures sont rejointes et gros­sies par les rangs d’hommes mal­heu­reux et iso­lés, mais ces cas de figure sont loin d’être les plus représentatifs.

Nombre de jeunes hommes tran­si­den­ti­fiés par­viennent à s’épanouir et à vivre faci­le­ment leurs fétiches depuis que les droits sexo-spé­ci­fiques des femmes et des filles ont été abro­gés par les diverses légis­la­tions trans. Pre­nons l’exemple de l’affaire William « Lia » Tho­mas, le tri­cheur de l’U­ni­ver­si­té de « Penis-syl­va­nie » admis dans la caté­go­rie femme en com­pé­ti­tion de nata­tion, et qui a pul­vé­ri­sé tous les records des caté­go­ries de nata­tion fémi­nines. En dépit du scan­dale, du mépris des droits des femmes à une com­pé­ti­tion équi­table, des expo­si­tions indé­centes de son pénis atta­ché à sa grosse car­rure d’homme dans les ves­tiaires des filles et des pro­tes­ta­tions des ath­lètes fémi­nines, l’U‑peen a per­sis­té et signé en accor­dant à Tho­mas le titre uni­ver­si­taire de « femme de l’année ».

William « Lia » Tho­mas et son corps d’homme pas du tout avan­ta­geux pour la natation.

C’est tout ce que nous connais­sions jusqu’ici au sujet de Tho­mas. Mais qui est-il dans sa vie pri­vée et ses loi­sirs ? N’est-il qu’un impos­teur d’un bout à l’autre de son his­toire ou est-ce plus com­pli­qué que cela ? Mal­heu­reu­se­ment, il s’avère que Tho­mas n’a pas feint sa tran­si­den­ti­té pour accé­der aux com­pé­ti­tions des femmes. Tho­mas est un « trans auto­gy­né­phile » revendiqué.

Son entou­rage social est consti­tué de jeunes hommes dans sa situa­tion, tous reven­di­quant fiè­re­ment leur féti­chisme de tra­ves­tis­se­ment et leurs féti­chisme ana­to­mique, selon la typo­lo­gie de Bai­leys que nous pré­sen­tons plus bas. Tho­mas et ses par­te­naires expriment publi­que­ment leur auto­gy­né­phi­lie par de nom­breux par­tages de publi­ca­tions et de conte­nus ouver­te­ment « auto­gy­né­philes », loin de la honte et de l’exclusion que ren­con­trait cette notion il y a encore quelques années. Le « petit ami » prin­ci­pal de Tho­mas s’identifie lui-même comme autogynéphile.

Ses pro­fils sur les réseaux sociaux montrent un jeune homme pris dans une culture d’hypersexualisation avec d’autres jeunes hommes tran­si­den­ti­fiés reven­di­quant leur auto­gy­né­phi­lie, et qui se fré­quentent les uns les autres dans le cadre de rela­tions sexuelles et roman­tiques de groupes : sont-ils tous homo­sexuels ? Leur auto­gy­né­phi­lie est-elle ce qui va les pous­ser dans des rela­tions homo­sexuelles ? Ou est-ce leur homo­sexua­li­té qui prime et qui a déter­mi­né leur auto­gy­né­phi­lie ? Il est dif­fi­cile de l’établir sans en dis­cu­ter avec eux indi­vi­duel­le­ment. Ces jeunes hommes se dis­tinguent eux-mêmes des trans qu’ils appellent « HSTS », soit homo­sexuels trans­sexuels, les « homo­sexuels andro­philes » de la typo­lo­gie clas­sique. Ray Blan­chard gagne­rait à s’entretenir avec ces jeunes géné­ra­tions qui reven­diquent leur para­phi­lie autogynéphile.

Lia­thi­mas est le compte pri­vé de William « Lia « Tho­mas, il est sui­vi par le compte de l’é­quipe de nata­tion de l’u­ni­ver­si­té de Pen­syl­va­nie et n’a donc rien d’une « vie secrète ». C’est au grand jour que Tho­mas vit son autogynéphilie.

Quelques publi­ca­tions likées par « lia­thi­mas » ou publiées par ses proches :

Une bonne illus­tra­tion d’un homme sexuel­le­ment exci­tée devant l’i­mage de lui « en femme ».
Texte en haut à gauche : « Moi en train de par­ler sexua­li­té avec mes potes HSTS (Trans­sexuels homo­sexuels », soit les trans andro­philes de la clas­si­fi­ca­tion de Blan­chard). Texte en haut à droite : « Moi en train de par­ler sexua­li­té avec les potes autogynéphiles. »
« Je pense que je suis AGP [Auto­Gy­né­Phile] parce que je m’aime. Tu penses que tu es AGP parce que tu te détestes. »
Des­sin pos­té par « Gwen » Weis­kopf, le petit ami « offi­ciel » de Tho­mas, sur son compte Instagram
Le compte Ins­ta­gram de « Gwen » Weis­kopf, le petit ami de Tho­mas, n’est pas pri­vé : il affiche clai­re­ment ses acces­soires féti­chistes sur son mur.
Weis­kopf et Tho­mas se disent dans une rela­tion poly­amou­reuse. Cette pho­to montre le groupe de leur « nid sexuel ». Ils appellent ceci un « poly­cule » : un groupe de per­sonnes reliées entre elles par leurs rela­tions sexuelles et amou­reuses. On note que le pseu­do­nyme de Weis­kopf, « estrog­wein­ti­gone », signi­fie qu’il reven­dique fiè­re­ment la prise d’hormones fémi­nines. Ces hommes ne souffrent nul­le­ment de dys­pho­rie, ils sont seule­ment para­philes autogynéphiles.

Ici William Lia Tho­mas pose à côté d’un de ses amis, dont le pseu­do est « crybaby_hellbitch ».
Cet indi­vi­du a lui aus­si l’air de ver­ser dans cer­taines pra­tiques sexuelles…
« crybaby_hellbitch » semble être un autre homme tran­si­den­ti­fié (homme qui se dit femme) avec un féti­chisme sexuel basé sur la vio­lence. On voit ici un corps plein de bleus et des com­men­taires de gens qui se réjouissent. Le fait d’être « endom­ma­gé comme s’il sor­tait d’une bataille » semble super exci­tant pour eux.

Nous vous invi­tons à aller voir par vous-même l’en­semble du fil Twit­ter. Sur une des pho­tos, le petit ami de Tho­mas pose fiè­re­ment avec des tes­ti­cules dans un bocal, après se les être fait enle­ver chirurgicalement.

Le petit ami de Tho­mas appa­raît ain­si comme un auto­gy­né­phile ana­to­mique, étant allé jusqu’à l’opération pour satis­faire son féti­chisme sexuel. Michel Bai­ley, le psy­cho­logue qui a été hor­ri­ble­ment har­ce­lé à la sor­tie de son livre The Man Who Would Be Queen (« L’homme qui vou­lait être reine »), a théo­ri­sé les 4 types d’autogynéphilie : phy­sio­lo­gique, com­por­te­men­tale, ana­to­mique et travestie :

Le but n’est pas ici de pré­sen­ter ces jeunes hommes comme des malades men­taux ou des obsé­dés sexuels, bien qu’ils soient pos­si­ble­ment l’un et l’autre, mais de faire prendre conscience au public que c’est pour le féti­chisme sexuel et les para­phi­lies de ces hommes que les droits des femmes et des filles sont détruits. Que William Tho­mas soit un auto­gy­né­phile et vive plei­ne­ment sa para­phi­lie aux côtés de ses sem­blables n’est pas le pro­blème. Le pro­blème, c’est que le tran­sac­ti­visme a réus­si à convaincre la socié­té que ces hommes étaient « nés dans le mau­vais corps », qu’ils sont des femmes et qu’ils souffrent hor­ri­ble­ment de dys­pho­rie de genre, alors qu’il n’en est rien. Et, avant tout, le pro­blème, c’est que les mili­tants trans ont réus­si à modi­fier les lois pour qu’elles leur per­mettent de réa­li­ser leurs fantasmes.

L’autogynéphilie peut cau­ser une dys­pho­rie parce qu’elle est liée à l’obsession sexuelle de ces hommes. Qu’ils reçoivent tous les soins les plus appro­priés, de la psy­cho­thé­ra­pie à la chi­rur­gie si telle est la meilleure solu­tion pour amé­lio­rer leur qua­li­té de vie (mais que cela se fasse aux frais de la socié­té devrait a mini­ma être débat­tu), soit. Mais ces hommes ne sont pas des femmes. Il est temps que la socié­té réa­lise que ces hommes n’ont pas à par­ta­ger les ves­tiaires et les pri­sons des femmes, qu’il est into­lé­rable qu’ils brisent les car­rières uni­ver­si­taires de femmes, qu’ils prennent les places de femmes dans des com­pé­ti­tions spor­tives, des listes poli­tiques, des bourses universitaires.

Ces hommes sont des hommes dans des corps d’hommes avec une sexua­li­té para­phi­lique appe­lée « autogynéphilie ».

Audrey A.


  1. Lynn Conway (infor­ma­ti­cien de renom­mée mon­diale à l’u­ni­ver­si­té du Michi­gan), Andrea James (défen­seur des trans-consom­ma­teurs à Hol­ly­wood et consul­tante en entre­prise sur les ques­tions trans) et Deirdre McClos­key (pro­fes­seur émé­rite d’é­co­no­mie, d’his­toire, d’an­glais et de com­mu­ni­ca­tion à l’u­ni­ver­si­té de l’Illi­nois à Chi­ca­go).
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