Géostratégie du Grotesque

Géostratégie du Grotesque

La structure ternaire de l’extension du domaine de la confrontation simulée ressemble de plus en plus à la configuration ternaire du monde dystopique imaginé par l’écrivain britannique George Orwell- Éric Blair de son vrai nom, un ancien propagandiste du Mi6 dans son célèbre roman “1984”.

Structure ternaire et triangulaire s’étendant de l’Ukraine à la question du nucléaire iranien et s’achevant dans le détroit de Formose, la composante de la stratégie de la tension tente de polariser la perception d’une menace incluant la Russie, menacée dans son flanc occidental, l’Iran auquel on reproche son programme nucléaire et la Chine dans son intégrité territoriale affirmée, les trois villains officiels de la narration manipulatoire d’un empire formé par une kyrielle de bases militaires disséminées autour de la planète et par dessus tout sur la manipulation des marchés monétaires et financiers. C’est une configuration assez inquiétante qui annonce des temps fort difficiles.

La menace planant sur la Russie est d’autant plus extrême qu’elle se focalise sur le sanctuaire historique de la nation russe et rappelle par sa nature les plus sombres moments de l’histoire de la Russie depuis les invasions mongoles de 1223-1236, la destruction de Moscou par les Ottomans en 1571, la guerre avec la Pologne de 1605 à 1618, l’invasion suédoise avortée de 1707, la Grande Armée de Napoléon en 1812, l’annexion nipponne de Sakhaline en 1905, la Première Guerre mondiale (perte du Bélarus, de l’Ukraine et des pays Baltes), l’intervention japonaise en Sibérie en plein guerre civile russe entre 1918 et 1922, suivie par ce que l’on peut considérer comme le plus profond traumatisme national russe avec l’intervention des alliés dans la guerre civile russe puis, moins de deux décennies plus tard, la gigantesque opération Barbarossa de 1941. L’ex-Union Soviétique a payé un très lourd tribut humain et matériel durant la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est pas un hasard si les services secrets russes ont divulgué récemment des documents concernant l’opération Kantokuen, un plan japonais prévoyant l’invasion de l’Extrême-Orient russe en 1941 ou encore l’opération Unthinkable, un plan britannique très audacieux portant sur une invasion anglo-américaine de l’ex-Union Soviétique en 1945-1946.

Les récentes déclarations du président russe Vladimir Poutine sur la compromission du pouvoir russe au lendemain de l’effondrement de l’Union Soviétique en 1991 ne constituent nullement une surprise. Dès 1992, la Russie fut taillée en pièces par des mafias dans ce qui s’apparente à une opération de démolition contrôlée par une nébuleuse d’agents de la CIA entourant les plus hauts dignitaires du pays. Ce fut une descente aux enfers semblable à ce que devrait subir un pays vaincu dans une guerre déclarée. La Russie des années 90 offrait un spectacle désolant d’un pays anéanti sous la botte d’oligarques compradores et de mafias ultra-violentes et cette période est maintenant considérée comme une forme de guerre hybride ayant failli détruire une ex-super puissance disposant d’un immense territoire, du feu thermonucléaire et capable d’envoyer des hommes en orbite et des sondes automatiques sur d’autres planètes du système solaire.

C’est pour cela que l’extension continue de l’Otan vers l’Est est non seulement perçue par les Russes comme une continuation du Lebansraum du régime National-Socialiste Allemand des années 30 et 40 mais comme une menace existentielle visant la Russie en tant que nation. Dans ces conditions, il faudra s’attendre à une réaction très violente de la Russie à partir d’un certain seuil critique.

Plus au Sud, la question du nucléaire iranien est utilisé à la fois comme un moyen de pression et un prétexte à un casus belli. Une attaque israélienne en solo contre l’Iran est un scénario totalement exclu car Israël ne partira jamais en guerre sans mobiliser une large coalition mondiale comme celle des Alliés durant la Seconde Guerre Mondiale. C’est sa marque de fabrique. L’Iran souffre de très nombreuses lacunes dans tous les domaines mais demeure l’un des pays disposant d’une redoutable force balistique ainsi que d’une certaine capacité de manœuvre au Liban via le Hezbollah, au détroit d’Hormuz mais également près de Bab-el-Mendeb en Mer rouge. Sans les États-Unis d’Amérique, Israël ne bougera pas même si ses espions et ses saboteurs sont très actifs à l’intérieur de l’Iran (destruction d’infrastructures, sabotage du réseau électrique, cyberattaques, piratages des bases de données, émission de fausse monnaie, assassinats, dispersion d’agents biologiques génétiquement modifiés, etc.).

La question de Taïwan est une question fondamentale pour la Chine populaire. Une Chine populaire qui a beaucoup changé. La Chine a longtemps eu une philosophie pacifiste méprisant la guerre comme une manifestation d’un manque de civilisation. Longtemps en profil bas, la Chine n’hésitera pas à utiliser la force. L’intervention militaire US à Taïwan, longtemps niée, est perçue à Beijing comme le franchissement d’une ligne rouge et une atteinte intolérable au concept d’une Chine unie. Dans cette affaire, l’Empire joue à ses risques et périls car contrairement aux Russes dont les réactions sont souvent prévisibles, celles des Chinois demeurent des inconnues. Les analystes ont tendance à sous-estimer une Chine encerclée mais dont ils ignorent les capacités réelles en dépit de ce que l’on a pu entrevoir à travers le petit miroir nord-coréen. Un éventuel conflit autour de Taïwan ne sera pas du tout une mince affaire.

Ce qui est certain est que ces trois points de tension sont suceptibles d’aboutir à un conflit mondial global et que l’ensemble des alliés et des vassaux de Washington seront entraînés dans une spirale de destruction festive et infernale qui n’épargnera aucun d’entre-eux. Un marché de dupes vers l’abattoir. Une mort grotesque dans un monde qui se voulait cynique. Ainsi passe la gloire du monde.

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À propos de l'auteur Strategika 51

« Portail indépendant de l’information stratégique asymétrique et non linéaire. »Journal of a Maverick. A Pre-Socratic and a Non-linear Observer of the World. Carnet de bord d'un observateur de crise, pré-socratique, iconoclaste et évoluant en mode non-linéaire.Contact: strategika51link@gmail.com

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