Echo de Fukushima dix ans après l’accident

Echo de Fukushima dix ans après l’accident

Cela fait dix ans qu’une catastrophe naturelle et anthropique s’est produite au Japon. Trois malheurs à la fois se sont abattus sur ce pays: un puissant séisme, un terrible tsunami et l’accident à la centrale nucléaire de Fukushima, où des réacteurs ont été endommagés. Pendant la lutte contre les conséquences de la catastrophe, de l’eau radioactive a été déversée dans l’environnement. Les courants océaniques l’ont emportée vers l’est, puis vers l’Alaska. En contournant le continent nord-américain cette eau a atteint la Californie.

Le 13 avril dernier, le gouvernement japonais a annoncé avoir donné l’autorisation à la compagnie Tokyo Electric Power Co (Tepco), opérateur de la centrale nucléaire de Fukushima, de préparer le déversement de l’eau des réservoirs de la centrale accidentée dans l’océan Pacifique. Cette préparation inclut la purification d’eau des radionucléides. Des réservoirs hermétiques d’une capacité totale de l’équivalent de 500 piscines olympiques ont été construits après la catastrophe afin de stocker l’eau utilisée pour refroidir les réacteurs accidentés. Son déversement progressif à hauteur de 1,3 million de tonnes pourrait s’étendre sur trente ans.

La décision définitive a demandé près de cinq ans au gouvernement japonais, qui étudiait 5 options, dont l’évaporation et la construction de nouveaux réservoirs. L’option de déversement dans l’océan étant la moins coûteuse. En 2019 déjà des écologues ont obtenu l’information que Tokyo était favorable à l’option « océanique » de recyclage. Mais les autorités japonaises tardaient jusqu’au bout à prendre une décision: le réservoir sera rempli d’ici la fin de l’année, les travaux de préparation demanderont beaucoup de temps, en automne 2022 il est prévu d’entamer le déversement. A noter qu’en cas de retard dans les délais la compagnie Tepco a promis de construire un réservoir supplémentaire.

D’après le premier ministre japonais, « le déversement de l’eau traitée est une partie inévitable du processus de retrait du service de la centrale nucléaire de Fukushima ». Les craintes des écologues et d’autres spécialistes à cet égard au vu des risques pour la santé des gens, par exemple à cause de l’accumulation de la radiation dans les produits marins, ont été qualifiées de rumeurs par le chef du gouvernement. Il est prévu de déverser des quantités d’eau réduites pendant une trentaine d’années. Mais le fait est que le système de purification d’eau, bien qu’il neutralise plus de 62 types de radionucléides, est incapable de neutraliser le tritium. Ainsi, la pénétration du tritium dans l’océan est inévitable, même si, selon les affirmations de Tokyo, sa concentration sera largement inférieure aux normes de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), avec laquelle ce problème a été évoqué. L’impact de ce radionucléide sur l’organisme humain n’a pas été étudié très en détail, reconnaissent les chercheurs. Selon eux, il ne représente pas un danger significatif comparable à d’autres types. Mais la décision de Tokyo a fait beaucoup parler d’elle aussi bien dans le pays qu’en dehors.

En prenant une telle décision, le gouvernement japonais s’est retrouvé face à un choix difficile. Il y existe deux aspects: national et international.

En ce qui concerne la situation intérieure, cela affecte les intérêts des pêcheurs et des fermiers, de la population dans l’ensemble. Le commerce lié à la production de produits marins fait partie du « lobby agraire » conservateur qui exerce une certaine influence sur la politique nationale du Japon. Les compagnies de pêche vivent déjà une période difficile, les ressources biologiques de la mer diminuent pour différentes raisons, dont notamment la pêche active et le réchauffement climatique. Les pêcheurs craignent à présent une future baisse de la confiance des consommateurs quant à la sécurité des produits marins. Le gouvernement tente de calmer la situation. Cependant, la compagnie Tepco a déjà manipulé plusieurs fois ses rapports, et les problèmes techniques lors de la purification et du déversement de l’eau ne sont pas exclus.

En ce qui concerne l’aspect extérieur, la critique des « défenseurs mondiaux de l’écologie » ne s’est pas fait attendre. Un communiqué de Greenpeace affirme que le Japon a simplement décidé de faire des économies. Cependant, Tokyo, comme d’autres pays d’Asie orientale, considère généralement l’activité des organisations telles que Greenpeace comme une ingérence dans la souveraineté nationale.

Même si cette fois les avis des écologues occidentaux et des puissances du monde confucianiste ont coïncidé. Le ministère des Affaires étrangères de la Chine a exprimé sa protestation au Japon suite à sa décision de déversement susceptible de contaminer par la radiation les eaux de l’océan Pacifique. Ce communiqué a été publié sur le site du ministère.

Pékin désapprouve également le fait que du point de vue de Tokyo l’approbation du « grand frère » de Washington suffise pour commettre de tels actes, qui affectent les intérêts de la population des pays voisins, et qu’il ne soit pas nécessaire de se consulter avec les voisins. D’ailleurs, l’AIEA a suggéré au Japon de créer un groupe technique conjoint pour évaluer les scénarios.

La Corée du Sud partage l’avis de Pékin. Séoul a l’intention de saisir le Tribunal international pour le droit de la mer. Des protestations ont été organisées, notamment devant l’ambassade et les consulats du Japon. Ainsi qu’un nouveau slogan est apparu: « le terrorisme nucléaire ».

Le Conseil de l’énergie atomique de Taïwan a trouvé regrettable la décision du gouvernement japonais. Taipei a annoncé qu’il installerait 33 dispositifs dans les eaux près de Taïwan pour détecter tout signe de radioactivité.

Le ministère russe des Affaires étrangères a exprimé son regret et sa profonde préoccupation suite à la décision du Japon de déverser les eaux techniques de la centrale sans consulter les pays voisins, dont la Russie.

Cependant, Washington a soutenu son allié. « Nous remercions le Japon pour ses efforts transparents dans le déversement des eaux traitées de Fukushima », a déclaré le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken.

Le soutien américain a été exprimé à la veille du voyage du premier ministre japonais Yoshihide Suga aux Etats-Unis. Les deux dirigeants se rencontrent notamment pour remettre les pendules à l’heure en prévision du sommet sur le climat prévu pour les 22-24 avril, où le Japon devrait annoncer ses plans pour limiter les émissions des gaz à effet de serre. Mais pour la neutralité carbonique zéro d’ici 2050, annoncée par Yoshihide Suga encore pendant son premier discours au parlement en automne dernier, le Japon devra non seulement lancer tous les réacteurs arrêtés, mais également en construire de nouveaux.

Alexandre Lemoine

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