La murale des rapaces

La murale des rapaces

Le multidisciplinaire René Derouin, Artiste pour la Paix de l’année 2016[i], fait l’objet d’un documentaire diffusé par ART-TV le 5 avril à 20h, le 8 à minuit, le 10 à 6h et le 11 à 1h 30 qui sera disponible à Ici Tout.tv à partir du 12 avril. Sa réalisatrice, Julie Corbeil, a suivi l’artiste dans sa création de deux murales pour une école secondaire, non loin de Val-David où il habite, et pour l’École des Jardins des Patriotes à St-Eustache. Contrairement à la quasi-totalité de ses collègues créateurs québécois, ce n’est pas dans la tradition européenne que Derouin est allé puiser son inspiration principale, mais plutôt au Mexique où  dès 1955, à l’âge de dix-neuf ans avec à peine les sous pour entreprendre le voyage, il va admirer non seulement l’art mural, mais aussi les cultures précolombiennes mayas et autres. Le Mexique vient d’accueillir La murale des rapaces (voir illustration), inspirée à la fois de son observation des oiseaux de proie et des muralistes, tel Diego Rivera. Notre sculpteur empreint d’américanité et de métissage poursuit donc la lignée des grandes œuvres marquées de patrimoine amérindien et d’oies sauvages de Riopelle, ce dernier, présentement objet d’une exposition au Musée des Beaux-Arts de Montréal (cette institution, en renvoyant Nathalie Bondil, a-t-elle compromis le succès d’un grand projet de lieu spécifique qui lui serait consacré? On verra si la malédiction attachée à Borduas continuera dans notre société qui a peur de ses artistes, au point qu’aucun journal de la « grande presse officielle » n’ose même citer le site pacifique APLP!).

L’engagement écologique de Derouin est célèbre dans ses Jardins du Précambrien, peuplés de sculptures du monde haïtien, ainsi que la création de la page de garde[ii] des deux mémoires APLP adressés au BAPE en 2016 pour stopper un projet de pipeline Enbridge sous le fleuve Saint-Laurent : on salue le travail de Marie Saint-Arnaud qui, avec un nouveau dossier Centr’Ère/UQAM, dénonce l’absurde projet GNL-Saguenay, auquel le BAPE vient d’accorder une retentissante note d’échec. Derouin se voit filmé à part égale lors de son séjour au Mexique, indigné en 2017 par la volonté de l’ex-président Donald Trump – rapace super-riche mangeant les appauvris qu’il traite de voleurs, violeurs et drogués – de couper l’Amérique en deux par un mur raciste. Toujours émerveillé de la débrouillardise du peuple mexicain qui sait se réinventer, même dans des circonstances difficiles, Derouin n’hésite pas en retour à dénoncer la société yankee de rapaces organisés en mafias criminelles profitant des paradis fiscaux. Il estime ne pas vouloir faire œuvre de propagande mais plutôt habiter pleinement une société, ce qui le force à l’interroger à la lueur de ses œuvres antérieures sur les migrants, symbolisés par la mouvance des trains transcontinentaux. Affirmant que le seul avenir de l’humanité est d’apprendre à vivre ensemble, il exprime avec force son engagement et se solidarise de tous les membres de la société américaine qu’il considère une et indivise, selon l’image prégnante véhiculée par Bolivar.

S’estimant choyé par de nombreuses galeries qui vendent ses tableaux et lui permettent ainsi de bien vivre de son métier, René Derouin considère de son devoir civique supplémentaire, grâce à une équipe d’assistants dévoués tel Guy Davidson, de s’attaquer à « des murales semblables à des films, en ce sens qu’elles ne comportent pas un centre mais habitent un espace perceptible gratuitement tout au long par un public déambulatoire …d’enfants curieux ». Témoignage accompagné de commentaires éclairants du professeur d’art à l’UQAM Gilles Lapointe, ne ratez pas ce documentaire à propos d’un immense artiste, intransigeant et admirable de dignité, qui persévère dans la création à 85 ans, appuyé par sa femme Jeanne Molleur, artiste inébranlable avec qui il a commencé à collaborer en 1967 et à qui il rend grâce.

 

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