Photo de couverture : Robert Oppenheimer (à droite), physicien états-unien, directeur du projet Manhattan, « père de la bombe atomique », en train de discuter du champignon atomique créé par une explosion nucléaire.
Greta Thunberg ne cesse de le répéter :
« Il faut que nous nous contentions de transmettre ce message, sans formuler de demandes, sans formuler aucune demande. Nous n’avons pas l’éducation qu’il faut pour nous permettre de formuler des demandes, il faut laisser cela aux scientifiques. Nous devrions simplement nous concentrer sur le fait de parler au nom des scientifiques, dire aux gens qu’il faut les écouter eux. Et c’est ce que j’essaie de faire. Ne pas avoir d’opinions vous-mêmes, mais toujours vous référer à la science. »
Et aussi : « Écoutez les scientifiques. »
Ou encore : « Ne m’écoutez pas. Écoutez la science. »
Marianne déplore et s’inquiète : « la France se fâche avec la science »
Emmanuel Macron s’inquiète aussi, dans un entretien avec L’Express, « de la “crise d’autorité” qui touche la politique mais aussi la science ».
La science, sur laquelle repose la quasi-totalité de la civilisation industrielle — son infrastructure, sa technologie, etc. —, doit rester l’autorité absolue. Les « antisciences » sont raillés, moqués, dénigrés — et tous mis dans le même panier ; et peu importe qu’il en existe de différentes sortes, et que la plupart de ceux qui sont mis en avant ne critiquent en réalité pas la science du tout (à l’instar des fans de Didier Raoult, ou des « climatosceptiques » à la Claude Allègre, qui se contentent juste de nier certains résultats scientifiques au profit d’autres études ou propositions qui se veulent tout-à-fait scientifiques). Critiquer la science, douter de son autorité ou de son bien-fondé, « cela ne se fait pas : la Science est politiquement neutre, même lorsque quelqu’un la laisse par mégarde tomber sur Hiroshima[1] », ironisait amèrement le mathématicien français Roger Godement.
À l’instar de Roger Godement, un autre mathématicien français, mondialement célèbre, dénonçait en son temps le « rôle de la science et des scientifiques dans l’évolution de la société moderne ». Né d’une mère hambourgeoise et d’un père militant anarchiste ukrainien, déporté et tué à Auschwitz en 1942, alors qu’il n’avait que quatorze ans, Alexandre Grothendieck allait par la suite devenir « le plus grand mathématicien du XXe siècle » (selon Philippe Pajot et Stéphane Foucart, écrivant pour Le Monde).
Le 27 janvier 1972, il donnait une conférence au Centre Européen de Recherches Nucléaires (CERN), dont voici quelques extraits[2] :
« En fait, c’est cela la chose remarquable, quand on pose la question : “à quoi sert socialement la science ?”, pratiquement personne n’est capable de répondre. Les activités scientifiques que nous faisons ne servent à remplir directement aucun de nos besoins, aucun des besoins de nos proches, de gens que nous puissions connaître. Il y a aliénation parfaite entre nous-même et notre travail.
Ce n’est pas un phénomène qui soit propre à l’activité scientifique, je pense que c’est une situation propre à presque toutes les activités professionnelles à l’intérieur de la civilisation industrielle. C’est un des très grands vices de cette civilisation industrielle. […]
Au début, nous étions si l’on peut dire [..] écrasés par la multiplicité des problèmes extrêmement enchevêtrés, de telle façon qu’il semblait impossible de toucher à aucun d’eux sans, en même temps, amener tous les autres. Finalement, on se serait laissé aller à une sorte de désespoir, de pessimisme noir, si on n’avait pas fait le changement d’optique suivant : à l’intérieur du système de référence habituel où nous vivons, à l’intérieur du type de civilisation donné, appelons-la civilisation occidentale ou civilisation industrielle, il n’y a pas de solution possible ; l’imbrication des problèmes économiques, politiques, idéologiques et scientifiques, si vous voulez, est telle qu’il n’y a pas d’issues possibles. […]
Lorsqu’il y a près de deux ans, j’envisageai la disparition de la civilisation, j’étais encore trop prisonnier de ses conditionnements : j’identifiais la civilisation, la seule que je connaissais, avec l’humanité. La destruction de cette civilisation m’apparaissait effectivement sous une image apocalyptique de fin de l’espèce humaine. Or, voici une demi-heure ou une heure, j’ai expliqué que cette vision a entièrement changé maintenant. L’écroulement de cette civilisation n’est pas une vision apocalyptique ; c’est, disons, quelque chose qui me semble hautement souhaitable. Je considère même que c’est notre grande chance qu’il existe, disons, une base biologique de la société humaine qui se refuse à suivre la voie de la civilisation industrielle dominante. »
Dans le numéro 9 de la revue Survivre et vivre, qu’il avait participé à fonder, « le plus grand mathématicien du XXème siècle » signait un article intitulé « La nouvelle église universelle », dans lequel il dénonçait « le scientisme, ou l’idéologie scientiste », en commentant les principaux mythes qui le composent[3].
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Plusieurs décennies avant Grothendieck, les anarchistes naturiens, fin XIXe, début XXe, dénonçaient déjà « le Progrès et la Science, dont l’un décapite, l’autre empoisonne lentement ou brutalement ». Le progrès et la science, en effet, « n’ont jamais fait autant de bien à l’humanité qu’ils lui ont fait de mal, puisque le Progrès donne de plus en plus naissance à de nouvelles calamités et à de nouveaux engins meurtriers soit en machinisme, soit en ustensiles de guerre, on lui adjoint la Science pour l’aider, et il faut combattre les deux ensemble. » (Honoré Bigot, La Nouvelle humanité n° 3, octobre 1895).
Dans le troisième numéro de L’État naturel et la part du prolétaire dans la civilisation, en date de juillet-août 1897, Émile Bisson notait :
« Et pourtant cet ouvrier, qui reste tout le jour devant les fours par une température de 40 à 60 degrés, qui l’a anémié, qui l’a mis dans cet état déplorable ?
La Science !
Qui a apporté l’usage des toxiques, que l’on ne trouve dans la nature qu’à l’état neutre, c’est-à-dire à l’état de corps simple ?
La Science !
Qui a apporté l’usage de la céruse, du phosphore qui donne la nécrose, des acides nombreux, et de tant d’autres choses qui chaque année font une si effroyable consommation d’humains ?
La Science !
Qui a embrigadé l’homme pour le faire descendre dans les mines où il ne reçoit ni lumière, ni air respirable ?
La Science !
Qui a apporté l’usage de la lumière artificielle qui atrophie la vue ?
La Science !
Qui a construit ces lourds vaisseaux chargés d’hommes qui si souvent s’abîment sous les flots et dont les victimes ne peuvent plus se compter ?
La Science !
Au lieu d’accuser faussement la nature, qui nulle part cependant ne nous oblige à braver les éléments, pourquoi l’homme, devant ces grandes catastrophes, ne songe-t-il pas à en accuser son imprudence, c’est-à-dire :
La Science !
Et les chemins de fer ?
C’est l’invention qui a peut-être fait le plus de mal à l’humanité, et, au lieu de lui apporter ce qu’il était en droit d’en attendre, l’ouvrier, au contraire, n’a vu que s’accroître sa misère et son esclavage, les chemins de fer ayant surtout favorisé la spéculation, l’agiotage et particulièrement la concurrence. C’est donc encore un méfait de la science ! […]
Au point de vue moral, je ne vois pas que la science nous soit très profitable ! Au contraire : en pénétrant l’individu de son rationalisme outrancier, elle a incontestablement tué chez lui tout idéal. »
(Plus d’un siècle plus tard, nous pourrions longuement prolonger son questionnement critique en nous demandant : à qui devons-nous la bombe nucléaire, le nucléaire en général, toutes les armes modernes hautement destructrices, le flashball, le LBD, le chevalet de pompage de pétrole, le smartphone, l’ordinateur, la voiture, le bagger 293, les drones de surveillance, la reconnaissance faciale ou encore la télévision ? Toujours au même coupable : la science !)
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La science, en effet, n’a jamais été neutre. Ainsi que Guillaume Carnino le rappelle dans son excellent livre L’Invention de la science. La nouvelle religion de l’âge industriel, l’emploi de l’expression « la science », au singulier — l’idée de « la science », singulière — se développe au XIXe siècle, au moment où l’État et le capitalisme créent l’institution scientifique, le complexe industriel scientifique qui existe encore aujourd’hui. On parlait auparavant de sciences au pluriel, et plus couramment encore, peut-être, de « philosophies naturelles ». La science, au singulier, à l’instar du complexe industriel scientifique, est indissociable de l’État et du pouvoir. Guillaume Carnino commente[4]:
« La notion de science au singulier émerge à la même période [au cours du XIXème siècle]. Il existait auparavant des philosophes naturels, des gens qui œuvraient dans les sciences, alors même qu’ils étaient “pluridisciplinaires”, selon nos critères contemporains : Descartes ou Leibniz sont connus pour leurs apports mathématiques, physiques, aussi bien que philosophiques, théologiques, etc. Au moment même où les disciplines se segmentent et se cloisonnent, l’idée d’une science au singulier apparaît. On va alors retrouver ses racines chez des fondateurs comme Bacon, Galilée ou Newton (que l’on réinvente au passage), alors même que leurs projets n’étaient pas posés en ces termes.
Mais le retournement le plus intéressant reste celui qui aboutit à l’idée de science pure. Cette idée émerge à l’époque où les scientifiques sont justement, à l’issue de la seconde révolution industrielle, les plus impliqués dans les développements technoscientifiques modernes. Au moment où sciences, techniques et grand capital travaillent presque toujours main dans la main, l’idée d’une science pure apparaît. Sa fonction d’idéologie mystificatrice est évidente, et une telle idée n’avait guère de sens pour un Galilée qui dédiait les satellites de Jupiter à Cosimo de Médicis. Elle devient par contre nécessaire au moment où la science est censée détenir le Vrai, ce qui lui permet de concevoir, articuler, graisser et réparer – mais surtout légitimer – les mécanismes et rouages du pouvoir politique, industriel et financier dans les sociétés contemporaines. […]
La science au singulier, la science contemporaine, la science impérialiste, naît et prolifère grâce au capitalisme industriel et à l’État moderne. On peut gager qu’elle les servira encore longtemps. »
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Quelques conseils de lecture sur ce sujet de la critique de la science (si l’on devait n’en retenir qu’un, ou en conseiller un par lequel commencer, ce serait L’Invention de la science de Guillaume Carnino) :
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Dans un texte intitulé « État, pouvoir et science », publié dans un livre collectif, Sciences, technologies et société de A à Z, l’historien québécois Stéphane Castonguay récapitule brièvement le lien entre la science et le pouvoir :
« L’avènement du laboratoire industriel fait ensuite du savoir un puissant outil de domination économique, puis militaire, comme en témoigne le succès de l’industrie chimique allemande à la fin du XIXe siècle. Succès que les États-Unis ont tôt fait d’imiter, une fois mises en place les grandes universités de recherche et les grandes corporations qui se dotent parallèlement de marchés en constante expansion, de départements de recherche et de développement. Les liens se solidifient ensuite entre ces universités de recherche et les agences technoscientifiques qu’établissent les gouvernements à la charnière du XIXe et du XXe siècle (voir Université et Invention et innovation).
La mobilisation de la science, qui sert la guerre commerciale que se livrent les puissances occidentales et les entreprises transnationales à cette époque, est transposée de nouveau sur le terrain militaire après le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Des pays comme la Grande-Bretagne, les États-Unis, l’Australie et le Canada mettent en place des conseils nationaux de la recherche pour intégrer l’entreprise scientifique à l’effort de guerre totale. Devant les succès obtenus par les chimistes durant la Grande Guerre, ces pays sont suivis par les autres nations industrielles durant l’entre-deux-guerres et fondent en partie l’effort de remilitarisation sur la recherche scientifique. D’ailleurs, durant la Seconde Guerre mondiale, ce sont les sciences physiques qui deviennent le moteur de l’innovation et de la stratégie militaires (voir Guerre, science et technologie). Pendant les Trente Glorieuses, en même temps que l’État se fait de plus en plus interventionniste, la science connaît elle aussi une période faste dans les universités, les instituts privés de recherche et les laboratoires gouvernementaux et industriels. De grands programmes de recherche, pour conquérir l’espace ou vaincre le cancer, jouxtent la mobilisation technoscientifique en contexte de Guerre froide, pour situer la science au cœur d’une administration publique et militaire en pleine expansion (voir Politique des sciences et des technologies et Territoires et sciences). »
Le sociologue états-unien Stanley Aronowitz le résume ainsi : « Le capitalisme, tel que nous le connaissons, n’existerait pas sans la science. Et la science, telle que nous la connaissons, a été formée et déformée par le capitalisme durant tout son développement[5]. »
L’emploi du qualificatif « neutre », pour caractériser la science, la technologie, ou autre, est toujours une tromperie, un artifice rhétorique, une prétention à la divinité, l’intouchabilité. Les affaires humaines ne sont jamais « neutres ».
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En ce qui la concerne, la « méthode scientifique », si elle parvient bel et bien à des résultats, si ses effets sont réels — en témoigne le monde moderne —, n’est pas neutre non plus. Stanley Aronowitz encore :
« Qu’est-ce qu’une expérience de laboratoire ? Au départ, il s’agit d’isoler, d’abstraire, dans la multiplicité des objets et des relations qui constituent le monde, une part à étudier. Pour conduire une expérience de laboratoire, la première chose à faire est d’expurger le monde. D’expurger l’émotion. D’expurger l’éthique. D’expurger la nature, en quelque sorte. D’expurger le cosmos. De créer une situation de pure abstraction. À partir de quoi, nous pensons pouvoir extrapoler des propositions qui correspondent au monde et à ses phénomènes. Du moins, les scientifiques le croient-ils. Et ces propositions correspondent au monde, tant que nous ignorons le véritable monde physique et ses contingences[6]. »
Dans un livre encore à paraître aux éditions La Lenteur, intitulé La Réappropriation contre le Progrès, Bertrand Louart[7] note que « la principale limite » de la science, « consiste dans le fait que si les sciences cherchent la vérité du monde matériel, force est de constater que, de par leur méthode, elles négligent le contexte vivant et humain dans lequel ce monde matériel est nécessairement inclus. »
Et ajoute :
« Or l’existence même de la domination constitue une fraude et un mensonge sur la condition humaine ; on ne peut “chercher la vérité” dans quelque domaine que ce soit, sans dénoncer d’abord cette imposture. La connaissance du monde ne peut s’élaborer sans tenir compte du contexte, des conditions sociales de sa production, de sa transmission et de son usage. La recherche de la vérité sur le monde ne peut donc se faire que dans la perspective politique de l’émancipation vis-à-vis de toutes les formes de domination, d’exploitation, d’aliénation et d’oppression. »
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Le fait que l’on n’ait d’autre choix que de s’en remettre aux opinions de scientifiques, d’experts et de spécialistes concernant les développements de la civilisation industrielle illustre la dépossession générale, l’impuissance politique dans laquelle nous sommes plongés. S’il y a des experts et des spécialistes, c’est parce que nous n’avons pas de pouvoir décisionnaire sur le cours des choses. Les experts, spécialistes, scientifiques, sont des émanations de la structure hiérarchique de la civilisation. Et plus il y a d’experts et de spécialistes « qui dénient aux individus la capacité de juger et les soumettent à un pouvoir “éclairé” se réclamant de l’intérêt supérieur d’une cause qui dépasse leur entendement » (André Gorz), et plus nous sommes dépossédés.
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C’est aussi à la science que nous devons la « nouvelle Pangée », ce phénomène de rapprochement spatiotemporel de toutes les régions du globe au travers des technologies et des infrastructures de transports de masse à grande vitesse qui le quadrillent — routes et autoroutes terrestres, routes aériennes, routes maritimes, voies ferrées —, charriant virus, bactéries et autres agents pathogènes.
Il est d’ailleurs possible, comme le note Etienne Decroly, directeur de recherche au CNRS, que le SARS-CoV‑2 soit lui-même un produit de la science et de ses laboratoires :
« On ne peut éliminer cette hypothèse, dans la mesure où le SARS-CoV qui a émergé en 2003 est sorti au moins quatre fois de laboratoires lors d’expérimentations. Par ailleurs, il faut savoir que les coronavirus étaient largement étudiés dans les laboratoires proches de la zone d’émergence du SARS-CoV‑2 qui désiraient entre autres comprendre les mécanismes de franchissement de la barrière d’espèce. Toutefois, pour l’instant, les analyses fondées sur la phylogénie des génomes complets de virus ne permettent pas de conclure définitivement quant à l’origine évolutive du SARS-CoV‑2[8]. »
Le vaccin, merveilleuse invention suivant celle de la maladie, est un autre produit phare de la glorieuse science et du génie civilisé. Le vaccin permet aux « ressources humaines » de prospérer malgré les conditions terriblement propices à l’émergence et la propagation de maladies infectieuses que leur fait le Progrès, à les déposséder de tout pouvoir sur le déroulement de leurs propres existences, et donc de tout contrôle sur la nature et l’horizon dudit Progrès, à les agglutiner dans des espaces toujours plus restreints, dans des complexes toujours plus populeux — villes, métropoles, mégalopoles, mégapoles —, à concentrer pareillement, à leur côté, pléthore d’autres animaux également domestiques — chiens, chats, etc. —, à les faire circuler toujours plus rapidement et massivement de long en large à travers le globe, de même que transite le bétail des animaux dits d’élevage — ressources non humaines cultivées dans d’autres complexes prévus à cet effet —, à perturber toujours plus en profondeur toujours plus de milieux naturels, de biomes, afin d’y exploiter ou d’en extirper de toujours plus nombreuses ressources, libérant au passage toutes sortes d’agents pathogènes possiblement infectieux, etc.
Les apologistes de la science et de la vaccination ont bien raison. Si l’on souhaite que ce merveilleux état de choses perdure, si l’on souhaite perpétuer la magnifique aventure humaine que constitue la civilisation industrielle, il se pourrait que la vaccination soit essentielle. Sans vaccination, les « ressources humaines » risqueraient de se dégrader sous le coup de diverses maladies infectieuses (de même que sans vaccination, ou a minima sans médicaments pharmaco-industriels — antibiotiques, etc. —, les autres animaux d’élevage, porcs, poulets, etc., ne survivraient pas à leur agglutination), ce qui menacerait d’enrayer tout le fonctionnement de la mégamachine.
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La science louangée par Greta Thunberg aussi bien que par Emmanuel Macron ou Étienne Klein (directeur de recherches au CEA et un des plus médiatiques défenseurs de la Science) est un instrument du pouvoir, reposant tout entier sur les hiérarchies sociales qui structurent la civilisation industrielle. C’est pourquoi les institutions et les scientifiques de premier plan préconisent des solutions aux problèmes dominants qui obéissent aux logiques dominantes, capitalistes et industrialistes. Il ne s’agit jamais de désindustrialiser le monde, de le démarchandiser, de défaire la civilisation industrielle — ce qui signerait la fin du complexe industrielle scientifique —, il s’agit de développer de nouvelles industries de stockage et capture du carbone, de production d’énergie dite « renouvelable », « verte », « neutre en carbone » (centrales solaires, parcs éoliens, fusion nucléaire, etc.).
Le constat du philosophe Edmund Husserl n’a rien perdu de sa justesse : « Dans la détresse de notre vie […], cette science n’a rien à nous dire. Les questions qu’elle exclut par principe sont précisément les questions qui sont les plus brûlantes à notre époque malheureuse pour une humanité abandonnée aux bouleversements du destin : ce sont les questions qui portent sur le sens ou l’absence de sens de toute cette existence humaine[9]. »
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Face à la catastrophe qu’elle a assez largement participé à générer, qu’elle continue d’alimenter, et qu’elle continuera d’alimenter, « la science » ne nous sera d’aucune aide.
N’écoutez pas la Science et ses apologistes — ce qui, bien entendu, ne signifie pas : « arrêtez de prendre du doliprane ».
Écoutez ceux qui voyaient venir la catastrophe en cours, et qui, bien souvent, nous mettaient en garde face au rôle de la science dans son développement.
Nous n’avons jamais eu besoin de la science pour vivre, et vivre bien. Depuis son avènement, au XIXe siècle, l’emprise de la machine n’a eu de cesse de croître et de nous enfermer plus solidement dans la civilisation industrielle. En parallèle, la dévastation de la planète par la civilisation a été démultipliée — pas juste corrélation : causalité. La science est le support fondamental du monde-machine.
Dans les laboratoires de R&D, les instruments de la domestication, de l’oppression, de la répression et de la surveillance de demain[10], pire encore que celles d’aujourd’hui, sont en gestation ; aux côtés de ceux qui permettront une exploitation et une dévastation toujours plus poussées du monde naturel.
Nicolas Casaux
- Roger Godement, Analyse mathématique, 1997. Voir : http://rogergodement.com/gallery/extraits%20de%20la%20préface%20&%20postface%20intégrale%20issues%20de%20analyse%20mathématique%20(1997).pdf ↑
- Pour lire le texte complet de son intervention, c’est par ici : https://sniadecki.wordpress.com/2012/05/20/grothendieck-recherche/ ↑
- https://sniadecki.wordpress.com/2012/05/16/grothendieck-scientisme/ ↑
- https://www.partage-le.com/2019/11/26/la-science-instrument-de-letat-et-du-capitalisme-industriel-par-guillaume-carnino/ ↑
- Derrick Jensen, Truths Among Us : Conversations on Building a New Culture ↑
- Ibidem. ↑
- Dont le site est une très riche mine d’informations concernant la science et sa critique : http://sniadecki.wordpress.com ↑
- https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-question-de-lorigine-du-sars-cov-2-se-pose-serieusement ↑
- Edmund Husserl, La Crise des sciences européennes et la Phénoménologie transcendantale. Les sectateurs de Jancovici l’illustrent tristement, quasiment incapables de raisonner en termes de sens, de sensible, d’éthique, seulement en termes de chiffres, données, statistiques (taux de CO2, tonnes d’uranium, moyenne des températures, GW de puissance électrique, pourcentage d’efficacité énergétique, etc.). ↑
- Un petit exemple parmi beaucoup : https://www.franceculture.fr/sciences/soldat-augmente-le-feu-vert-du-ministere-des-armees ↑
Source: Lire l'article complet de Le Partage