Philip K. Dick, le dernier des voyants ?

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Philip Kindred Dick : « Dr. Futurity » et la vision raciale et eschatologique du prophète américain.

Une présentation par Tetyana, grande lectrice du génie américain oublié.

Déjà en 1954 Dick écrivait une nouvelle intitulée « Time Pawn » qui donnera six ans plus tard un petit roman, « Dr. Futur ». Comme on sait, pour Dick la science-fiction n’était qu’un moyen pour saisir et interpréter les choses qu’il sentait venir.

Son héros – est, comme d’habitude, un simple Américain de la côte Ouest, et pour une fois il est content de sa vie et de son époque, de plus – il est même fier de son métier : il est un médecin ordinaire et libre qui connaît bien son travail et qui aime guérir les gens. D’ailleurs le thème du Guérisseur divin, du médecin Asclépios et des miracles des guérisons évangéliques apparaîtra chez Dick dans ses derniers romans.

Le personnage principal – le jeune docteur Jim Parsons, originaire de notre époque (les années 2000) se retrouve dans un futur éloigné où la première personne qu’il voit est un jeune homme ou plutôt un adolescent avec des « cheveux longs et luisants ; la peau couleur café ; le visage aux pommettes larges. Ses yeux étaient brillants comme des olives ; son nez était grand. Romain ? Non, plutôt d’un Hittite. Et les cheveux noirs…

Le mélange des races. Aucun doute. Les mâchoires d’un mongoloïde ; les yeux d’un méditerranéen et les cheveux d’un noir. La peau d’une couleur rouge-noire. Un Polynésien ? Il portait une jupe, une tunique et des babouches… » .

On pense ici à un film terrifiant de Tony Scott « Domino » de 2005 où dans la discussion initiale à la télé les invités du programme se disputent sur leur appartenance raciale sans savoir comme se définir.

En pensant à la disparition et à l’altération de nos belles langues, on découvre que les langues habituelles n’existent plus, remplacées par un mélange babylonien et universel couvrant toute la planète. La syntaxe a presque disparu de la langue, les phrases se composent de mots anglais, espagnols, allemands, latins, chinois, russe, grec etc.

Quand le docteur Parsons se retrouve dans une ville du futur, sa première impression est assez positive – il voit ce on aimerait voir – une foule jeune, gaie, énergique, active : « Comme ils sont tous jeunes ! Presque des enfants. Les garçons et les filles joyeux et pétillants de vie ».

Mais, peu après, il découvre que dans les yeux des jeunes gens il apparaît, lui, comme une personne effrayante : sa peau si blanche leur donne l’impression qu’il est malade – ils sont horrifiés et dégoûtés de sa présence. La foule des adolescents devient hostile. Un peu plus tard il est même pris pour un homme masqué à cause de son visage blanc. L’appartenance de notre héros à la race anglo-saxonne est dégoûtante, même pour les rebelles de cette civilisation bizarre (« Il est de type caucasien, – dit Waid en grimaçant, comme s’il mastiquait dans sa bouche quelque chose d’atroce »).

Ces rebelles ont inventé la machine à remonter le temps en vue de l’utiliser pour leur cause. En comparant ce texte avec celui de H. G. Wells, on peut souligner que le futur y est aussi dystopique mais que les gens qui y vivent ne sont pas débiles comme les eloi. Chez Dick c’est la société où l’homme est un loup pour l’homme, c’est la guerre constante survivaliste. On peut tracer des parallèles entre le roman de Dick et la fantaisie de Wells et sa machine à remonter le temps, dans le film « Time after time » de Malcolm McDowell où Jack L’éventreur se sent comme chez lui dans les années 1970.

Le Docteur Parsons sauve la vie d’une jeune femme rebelle battue par la police ; et c’est pour cela qu’il se retrouve arrêté et accusé. Son métier n’existe plus dans le futur, il est méprisé et interdit.

Quelques mots sur cette police du futur en pensant à l’explosion de la délinquance infantile aux États Unis : elle est formée de jeunes délinquants « brainwashés » dans des camps  – « ils ont des conditions de vie très dures. De cette manière on forme chez eux une intransigeance envers les ennemis de l’état … Ils ont le droit de détruire tout ce qu’ils considèrent comme nuisible ». Ils exterminent même un de leurs propres camarades uniquement parce qu’il avait mal après un coup reçu du docteur.

Le juge explique au docteur que le but de cette société (pensons à la science et la politique d’aujourd’hui qui nous expliquent que nous sommes trop nombreux sur la planète) : « le maintien d’une population stable dans la mesure de 2 750 000 000 individus »; où chaque mort permet de vivre à un autre zygote. La population est divisée en tribus qui rivalisent l’un avec l’autre. La durée de vie dans ce futur est de quinze ans ; et presque tous les hommes sont stérilisés et les femmes n’ont pas le droit de tomber enceinte ni de mettre au monde un enfant – tout cela se fait dans les laboratoires génétiques. Le matériel pour ces laboratoires est obtenu grâce aux compétitions entre les tribus où les concours sélectionnent les meilleurs, ainsi ils améliorent leur race. Ceux qui perdent peuvent même se suicider, pour le bien de tous.

Prophétiquement Dick souligne la notion des « euthanators » – l’euthanasie des personnes indésirables est bien populaire et ne choque personne, les « euthanators » sont les seuls « docteurs » de cette société.

Le livre de Dick prend une dimension encore plus choquante et plus dure dans les chapitres suivants, quand le héros apprend pour quelles raisons il a été amené dans le futur : les rebelles veulent faire revivre leur chef blessé. Peu à peu le docteur découvre que les rebelles sont la tribu des loups des indiens du nord (iroquois) qui ont réussi de garder la pureté de leur sang et qui dominent dans les concours organisés entre tribus. Ils ont décidé de changer le futur et «d’effacer de l’histoire les cinq cents ans maudits… l’époque de la domination de la race blanche », exterminer les navigateurs, les conquistadores, en commençant par sir Francis Drake…,. Faire payer les visages pâles. Tous. Comme dit Philip K. Dick « la soif innée de vengeance, la haine et le rêve de la justice historique »…  Son personnage principal s’attriste en imaginant l’histoire du monde sans Voltaire et « sans grands d’Espagne, sans la noblesse élisabéthaine, sans marchands des pays-bas »…

Le final, comme souvent chez Dick, est plutôt optimiste et semi-ouvert : le héros rentre dans son époque et laisse dans le futur ses enfants métis nés de sa femme indienne; enfants qui, comme il l’espère, doivent réconcilier les races et rendre à son métier de médecin, l’honneur perdu.

Mais, de retour dans le “présent” du docteur Parsons, nous continuons de vivre en dystopie avec le BLM, avec une censure de plus en plus dure ; cette époque où l’on apprend à l’école qu’il y a trop de gens sur terre et qu’il faut faire quelque chose ; cette époque où l’on a légalisé l’euthanasie sur la moitié de la planète, on l’on peut avorter à neuf mois ou commander un enfant chez les généticiens.

Ainsi la réalité et la fiction de Philip K. Dick se mêlent dans le flot épouvantable du « progrès » moderne.

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