Extrait de Revendiquer pour construire. Ma vision du syndicalisme enseignant, par José Scalabrini (Septentrion, 2020) >>
Le phénomène de l’école à trois vitesses s’est intensifié au Québec. Les élèves de la province sont maintenant divisés entre l’école privée, les programmes publics sélectifs et l’école dite « ordinaire ». Dans certaines régions du Québec, jusqu’à 40 % des élèves fréquentent le privé. Pour freiner cet exode des élèves, les établissements publics multiplient, depuis plusieurs années, des programmes particuliers sélectifs, comme les sports-études, concentration langues, profils artistiques, informatiques, entrepreneuriaux, etc.
La classe « ordinaire » a ainsi été dépouillée, au cours des deux dernières décennies, de ses élèves les plus forts et de ceux qui ont les caractéristiques socio-économiques les plus propices à la réussite. En d’autres mots, la classe ordinaire n’a plus rien d’ordinaire. Elle regroupe souvent beaucoup d’élèves en difficulté ou issus de milieux plus difficiles.
Cette ségrégation scolaire basée sur les aptitudes et le revenu des parents a des conséquences extrêmement négatives sur l’ensemble des élèves, mais aussi sur le personnel enseignant. En concentrant dans les mêmes classes les élèves en difficulté, on alourdit considérablement la tâche des enseignants, en plus d’offrir à ces élèves, qui sont les plus vulnérables, des conditions d’apprentissage très peu favorables à la réussite. Du même coup, on renforce la perception que l’école privée est supérieure à l’école publique.
Pourtant, à l’issue d’une étude d’envergure, Statistique Canada concluait en 2015 que les écarts entre le public et le privé ne sont pas causés par la qualité de l’enseignement ou par les pratiques des établissements, mais qu’elles sont plutôt imputables à deux facteurs : les élèves qui fréquentent les écoles privées sont plus susceptibles d’avoir des caractéristiques socio-économiques associées au succès scolaire, et d’avoir des pairs qui possèdent les mêmes caractéristiques.
La mixité scolaire est la clé pour favoriser la réussite du plus grand nombre. D’ailleurs, les travaux d’une vingtaine de chercheurs multidisciplinaires menés dans plusieurs pays ont montré que les systèmes scolaires les plus hiérarchisés sont globalement les moins performants. En bref, cette ségrégation scolaire, issue de notre système scolaire à trois vitesses, ne profite à personne. Et quand on sait que les écoles privées sont financées à près de 60 % par le gouvernement, il est temps de remettre en question cette façon de faire, et de se poser de sérieuses questions pour l’avenir de notre système d’éducation public. Il doit rester, selon moi, un rempart qui assure l’égalité des chances au Québec.
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