DANIEL DUCHARME — Georges est un roman d’Alexandre Dumas publié en 1843. Bien qu’il ne constitue pas une œuvre de jeunesse, il précède les grands romans populaires de l’auteur comme Les trois mousquetaires (1844), Le Comte de Monte-Cristo (1845) ou La reine Margot (1845). Selon Noël Lebeaupin, de la Société des amis d’Alexandre Dumas [http://www.dumaspere.com], le collaborateur de Dumas à cette époque – pour ne pas recourir au mot détestable de nègre – serait Félicien Malville, homme inconnu au bataillon contrairement à Auguste Paquet que le film français L’autre Dumas, réalisé en 2010, a rappelé à nos mémoires. Georges n’est sans doute par un « grand » roman d’Alexandre Dumas, mais il présente au moins trois points d’intérêt.
Premièrement, l’action se déroule à l’île Maurice, alors appelée Isle-de-France, au moment où celle-ci passe aux mains des Britanniques vers 1810. Sauf erreur, à l’exception de Paul et Virginie de Bernadin de Saint-Pierre (1737-1814), on ne connaît nulle trace d’œuvres romanesques ayant pour cadre l’île Maurice dans la littérature française du dix-neuvième siècle. Aujourd’hui, on compte plusieurs titres, notamment le très beau Dernière frère de Nathacha Appanah dont j’ai fait le compte rendu sur ÉLP [http://www.ecouterlirepenser.com/textes/dd_lc_appanah.htm].
Deuxièmement, l’écrivain, lui-même métis, offre un roman tout entier porté par le combat contre le « préjugé » envers les Noirs. Bien entendu, époque oblige, on ne parle jamais de racisme dans le roman de Dumas, mais bel et bien de préjugé, penchant dont l’auteur n’était pas exempt lui-même. Quand deux tonneaux remplis d’alcool suffisent à tuer dans l’œuf une révolte d’esclaves noirs, on imagine bien la piètre opinion que Dumas avait des Noirs, même s’il en était lui-même issu par sa mère antillaise. Et je passe sous silence les nombreux passages où il est question de la « nature primitive » et de « l’âme simple » des Noirs dans cette œuvre de Dumas.
Troisièmement, ce que j’ai aimé dans Georges et qui constitue en soi une rareté, c’est le rôle que jouent les personnages de Nazim et de Laïza, deux Comoriens de l’île d’Anjouan. Le premier veut retourner à Anjouan par tous les moyens possibles alors que le second préfère rester à Maurice pour prendre la tête de la révolte des esclaves. Toutefois, l’un et l’autre préfèrent mourir plutôt que de continuer à vivre dans l’esclavage. Je vous laisse lire le roman pour savoir ce qu’il advient de ces personnages secondaires, certes, mais combien intéressants, surtout pour moi qui ait eu le privilège de vivre deux ans dans cet archipel de l’océan Indien.
Même si Georges n’est pas un roman de la trempe du Comte de Monte-Cristo, il réunit tous les ingrédients d’une recette qui fait de Dumas un écrivain incontournable pour ceux et celles qui souhaitent quitter leur aire spatio-temporelle pour pénétrer un monde n’ayant plus rien de commun avec leur routine habituelle. En effet, chez Dumas, les mœurs sont simples, les sentiments sont exaltés et les cœurs sont purs. On n’a nul besoin surtout de se couper les cheveux en quatre pour savoir qui sont les bons, qui sont les méchants, même si certains personnages de Georges, comme Williams Murrey, le gouverneur anglais qui est devenu, par orgueil sans doute, l’ennemi du héros, ne se laissent pas classer facilement parmi les méchants. Même chose pour le comportement de Georges qu’on pourrait aisément qualifier d’irresponsable dans la mesure où, au nom de ses principes, il n’hésite pas à mettre en danger ceux qui l’aiment et va jusqu’à entraîner dans la mort les nombreux hommes ayant servi son père. Bref, un peu de négociation aurait pu éviter bien des dégâts… et cela n’aurait pas fait un roman aussi enlevant !
Je ne vous résumerai pas l’histoire de Georges. Si vous le souhaitez, vous pouvez lire la fiche descriptive que lui consacre Noël Lebeaupin sur le site de la Société des amis d’Alexandre Dumas [http://www.dumaspere.com/pages/dictionnaire/georges.html].
Alexandre Dumas, Georges. Montréal, Bibliothèque électronique du Québec, c1843
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