par Karine Bechet-Golovko.
Le pion Navalny reste au centre de l’intensification du conflit entre le monde globaliste et la Russie. Après son interpellation à l’aéroport, la communauté internationale, sans grande surprise, fait monter la pression sur le mode déjà classique du « Libérez le prisonnier politique ! ». Les déclarations politiques s’enchaînent, les coalitions se renforcent, notamment autour du G7 et de l’UE, ce qui finalement est bien le but : utiliser Navalny pour déstabiliser la situation politique intérieure, tout en faisant un chantage international à la Russie, qui si elle veut continuer à faire partie de la gouvernance globale, elle doit renoncer. À elle-même. La Russie a opposé un ferme refus et ainsi l’opération Navalny est à double tranchant pour le monde globaliste : avec son mouvement de recul, la Russie met en danger la globalité même de ce monde – et donc sa puissance. D’arme globaliste, Navalny peut ainsi devenir, sans le vouloir, le grain de sable qui risque de gripper la mécanique.
Des manifestations dans tout le pays ont été prévues et organisées pour le 23 janvier. Si l’on vous dit que les États-Unis sont derrière, certains peuvent soupirer en disant, mais oui, bien sûr comme toujours. Pourtant, un indice n’est pas trompeur : le 22 janvier, la veille du Jour J, l’ambassade des États-Unis en Russie a publié sur son site la liste des villes, les heures et les lieux de manifestation (voir ici).
Si ce n’est pas de l’ingérence, ça y ressemble beaucoup. Le Ministère des Affaires étrangères russe a prévenu que « n’importe quelle ingérence flagrante de cette sorte dans les affaires intérieures de notre pays entraînera une réaction adéquate ».
Le schéma est simple : organiser des manifestations, organiser des provocations lors de ces manifestations, qui obligeront à des interpellations, parfois musclées, pour ensuite lancer la machine internationale.
C’est exactement ce qui s’est passé. Le 21 janvier, la mission américaine de l’OSCE publie sur son site une condamnation de l’interpellation de Navalny et, comme les « leaders du monde libre », exige sa libération. Ensuite, comme annoncé par l’Ambassade américaine le 22 janvier, des manifestations ont lieu le 23 janvier dans une trentaine de villes en Russie. À Moscou, environ 4 000 personnes, à Perm 2 000 dont les deux tiers sont des écoliers ou des étudiants, etc. Bref, nous ne sommes pas face au soulèvement de tout un peuple, bien loin de là. Mais peu importe, le but est atteint : des interpellations. Et la machine se met en route, chacun se fend d’une condamnation des manifestants. Ce ne sont plus des « terroristes intérieurs » comme au Capitole, mais des manifestants – puisqu’ils sont en Russie et aux ordres de la globalisation.
Des affaires pénales sont ouvertes, les procédures judiciaires sont lancées et la communauté internationale continue à jouer l’indignation, pendant que la Russie n’y prête pas plus d’attention que cela ne le mérite. Mais la machine continue à tourner et le 26 janvier, les membres du G7, avec le haut représentant de l’UE, publient une déclaration commune, condamnant la Russie, défendant le Bien contre le Mal. Il n’y a rien d’original, mais cette déclaration change le niveau de la communication en formalisant les griefs.
En allant de plus en plus loin dans l’agression politique, le monde globaliste prend de très sérieux risques. Le Ministère des Affaires étrangères russe, après avoir annoncé une sérieuse discussion avec la mission diplomatique des États-Unis à Moscou, se tourne vers l’UE et estime qu’il devient impossible de collaborer avec cette institution : sans vouloir fermer toutes les voies de communication, en cumulant l’ingérence en Biélorussie et l’apothéose des actes inamicaux avec le fameux « empoisonnement » de Navalny, la possibilité même d’une coopération avec l’Europe est en question, déclarent-ils.
De son côté, le président russe Vladimir Poutine, lors de son intervention à Davos, a lui aussi souligné l’anormalité des relations internationales aujourd’hui, le degré exceptionnel de conflictualité et le dangereux potentiel de généralisation des conflits. Si la Russie est prête pour une normalisation des relations, cela ne peut se faire de manière unilatérale. Autrement dit, aucun renoncement n’est prévu et le prudent recul de la Russie face à l’interminable poussée hystérique du Covid, autant que face aux géants IT américains, qui entrent en concurrence avec les États comme le souligne Poutine, montre ses réticences face à ce que le président a nommé à juste titre comme l’avancée vers une utopie triste.
Le risque pour ce monde global est de perdre sa globalité. En se radicalisant, il pousse à réfléchir et à reculer des pays, comme la Russie, qui étaient prêts à un compromis, mais pas au prix de leur existence. Or, si la Russie maintient son virage actuel, le monde global aura perdu : car sans la Russie, il ne peut être global. Et la tentative d’exclusion politique à laquelle nous assistons, voulant exclure de sa réalité ce qu’il ne peut intégrer, est plus un signe de faiblesse que de force. La Russie existe politiquement, indépendamment de la volonté des globalistes, tant qu’elle protège ses intérêts stratégiques nationaux.
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