Le pendule de la censure d’Internet bascule à nouveau à gauche — Caitlin JOHNSTONE

Le pendule de la censure d’Internet bascule à nouveau à gauche — Caitlin JOHNSTONE

Il y a eu une purge des comptes de gauche dans les médias sociaux, les organisations socialistes étant ciblées par Facebook et de nombreux comptes associés à Antifa ayant été suspendus de Twitter.

« Nous venons de confirmer que Facebook a désactivé la page de l’International Youth and Students for Social Equality de l’Université du Michigan, ainsi que les comptes de tous les administrateurs », a tweeté aujourd’hui le rédacteur en chef du site World Socialist Website. « Il s’agit d’une attaque sans précédent contre les droits d’expression d’un groupe officiel d’étudiants du campus ».

Le site World Socialist Website rapporte également ce qui suit :

Vendredi, Facebook a procédé à une purge des pages et comptes de gauche, anti-guerre et progressistes, y compris des membres dirigeants du Parti socialiste pour l’égalité. Facebook n’a donné aucune explication sur la raison de la désactivation des comptes, ni même une reconnaissance publique que les suppressions avaient eu lieu.

Au moins une demi-douzaine de membres dirigeants du Parti socialiste pour l’égalité ont vu leur compte Facebook désactivé de manière permanente. Parmi eux, le compte public de Genevieve Leigh, secrétaire nationale de l’International Youth and Students for Social Equality, et le compte personnel de Niles Niemuth, rédacteur en chef américain du World Socialist Web Site. En 2016, Niemuth était le candidat du Parti socialiste pour l’égalité à la vice-présidence des États-Unis.

Facebook a également désactivé la page Facebook du London Bus Drivers Rank-and-File Committee, qui a été créée avec le soutien du Socialist Equality Party (UK) pour organiser l’opposition des chauffeurs de bus. Cette initiative fait suite à un appel largement débattu en faveur d’un retrait des chauffeurs de bus pour exiger des protections élémentaires contre la pandémie de COVID-19.

Aucune des personnes dont les comptes ont été désactivés n’a enfreint la politique de Facebook. En essayant de faire appel de la suppression de leur compte, ils ont reçu un message d’erreur indiquant « Nous ne pouvons pas revoir la décision de désactiver votre compte ».

Le New York Post rapporte ceci :

Twitter a suspendu plusieurs comptes populaires ayant des liens présumés avec Antifa – qui comptent plus de 71 000 adeptes réunis – à la suite des émeutes du jour de l’inauguration.

Au moins quatre comptes liés au groupe militant ont été mis hors ligne – dont @TheBaseBK, le compte du centre anarchiste de Bushwick, à Brooklyn.

Les pages web archivées des comptes montrent qu’ils partageaient plus de 71 000 adeptes et datent d’aussi loin que 2012.

Leurs pages indiquent maintenant « Compte suspendu » pour avoir enfreint les règles de Twitter.

Cette mesure fait suite à une purge massive des comptes de droite à la suite de l’émeute du Capitole au début du mois, un retour du pendule de la censure qui ne surprend que ceux qui ne comprennent rien de rien. Cette purge a été largement soutenue par des libéraux de merde (« shitlibs« ) et un pourcentage étonnamment important de la vraie gauche, malgré la quantité impressionnante et croissante de preuves qu’il est impossible de cautionner la censure pour d’autres sans cautionner votre propre censure.

J’ai entendu de nombreux arguments à gauche en faveur de la purge de la droite , et aucun d’entre eux n’était recevable.

« Ils n’interdisent que les fascistes », m’a-t-on dit. « Pourquoi défendez-vous les fascistes ? »

Eh bien tout d’abord, il n’y a jamais eu de preuve que ces médias sociaux ne faisaient que purger les fascistes. Nous savons par exemple que des dizaines de milliers de personnes qui relayaient QAnon ont été emportées par la vague, des personnes qui, bien qu’ignorantes et faisant fausse route, ne correspondaient pas dans la plupart des cas à la définition de « fasciste ». Nous ne savons pas qui d’autre a été éliminé lors de la purge, mais il est idiot de croire, sur une foi aveugle, que Facebook et Twitter ne visaient que les fascistes qui veulent renverser violemment le gouvernement américain. 

En réalité, ces géants des médias sociaux n’ont jamais prétendu « interdire les fascistes », et il n’y a aucune raison de croire que c’est leur politique ; les nationalistes blancs comme Richard Spencer sont toujours présents. Et même si ces médias avaient une politique d’ »interdiction des fascistes », quelle définition du terme « fasciste » utilisent-ils ? Les partisans de la censure de la Silicon Valley croient-ils qu’ils utiliseront leur définition personnelle du fascisme pour déterminer quel discours politique est interdit ? Pensez-vous qu’ils vous appelleront personnellement pour vous consulter sur les personnes à interdire ? Comment pensez-vous que cela fonctionne exactement ?

Et bien sûr, s’opposer à la normalisation des oligarques monopolistiques de la Silicon Valley liés au gouvernement qui contrôlent le discours politique mondial sur les plateformes qu’un nombre croissant de personnes utilisent pour communiquer des idées importantes n’est pas « défendre les fascistes ». S’opposer au contrôle autoritaire des oligarques est exactement le contraire de défendre le fascisme.

« Ils censurent toujours la gauche », m’a-t-on dit. « Nous sommes juste contents que maintenant ils censurent aussi les fascistes. » 

Vous imaginez donc que cela ne peut pas être pire ? Nous venons de voir une escalade majeure contre les comptes de gauche ces derniers jours ; pensez-vous que c’est la fin de tout cela ? Que pensez-vous qu’il se passera si la gauche est proche de menacer les intérêts des puissants après que vous ayez aidé à fabriquer le consentement pour la normalisation de la censure sur Internet à chaque étape ?

Cela peut toujours s’aggraver. La gauche en ligne n’a pas encore fait l’expérience d’une censure de masse du discours politique ; elle a perdu quelques comptes ici et là. Vous n’avez encore rien vu. Certains gens de gauche sur Twitter semblent vraiment penser que se faire suspendre parce que les partisans de Kamala Harris les ont dénoncés en masse sur un tweet méchant, c’est toucher le fond. Si votre objectif est de menacer le pouvoir à un moment donné (et si vous êtes vraiment de gauche, cela devrait être le cas), alors vous devez vous opposer à la normalisation de toute politique pouvant être utilisée pour faire taire ceux qui menacent les puissants.

« Ce n’est pas comme si la révolution de gauche allait être planifiée sur les médias sociaux de toute façon », m’a-t-on dit.

Vous n’utilisez pas les médias sociaux pour planifier la révolution de gauche, vous les utilisez pour créer plus de gens de gauche. Vous les utilisez pour apporter de la conscience et de la compréhension à vos idées et à vos causes. Consentir à l’institutionnalisation de la censure du discours politique, c’est consentir à votre propre silence sur ce front, ce qui signifie que les seules personnes qui pourront rapidement partager des idées et des informations en ligne avec le grand public seront celles qui soutiennent les structures de pouvoir auxquelles vous vous opposez.

Et ne vous y trompez pas, les gestionnaires impériaux du discours ont très certainement besoin du consentement du public pour la censure d’Internet. Ils ne dépensent pas des fortunes considérables pour obtenir le consentement sur des actions malveillantes par plaisir, ils le font parce qu’ils ont besoin du consentement du public. Le totalitarisme de l’empire ne tient que parce qu’ils sont capables de maintenir l’illusion de la liberté et de la démocratie ; le silence d’un discours politique sain ne peut se produire que si le public a été amené à croire que c’est une bonne chose. Chaque étape du renforcement de la censure fait partie de ce mouvement, et si vous y consentez, vous les aidez.

« En fin de compte, ce mouvement de modération des contenus va rétablir un système où la seule voie autorisée pour toucher un public de masse passe par un partenaire institutionnel majeur », a récemment observé le journaliste Matt Taibbi. 

C’est tout. C’est l’objectif. Ils ont essayé de tolérer la liberté d’expression en ligne tout en nous martelant simplement de propagande pour nous faire dormir, mais les gens voulaient toujours utiliser la démocratisation de l’information qu’Internet leur permettait pour parler de l’horreur du statu quo. Alors maintenant, ils travaillent à rétablir la suprématie des gardiens du courant dominant.

Quand vous réalisez que le vrai gouvernement des Etats-Unis, ce sont les entreprises, l’argument « ce n’est pas de la censure si c’est une entreprise privée qui le fait » est une plaisanterie. Quand vous apprenez que cette censure est activement coordonnée avec le gouvernement officiel, ça l’est encore moins.

Soutenir la censure de la parole en ligne, c’est soutenir l’autorité des oligarques monopolistiques de la technologie pour exercer un contrôle de plus en plus global sur la communication humaine. Quelle que soit votre opinion à l’égard de quelqu’un, soutenir la fermeture de ses comptes sociaux ne peut être qu’autodestructeur.

Caitlin Johnstone

Traduction « Big Tech n’est ni cool, ni ton ami » par Viktor Dedaj avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

»» https://caitlinjohnstone.substack.com/p/the-pendulum-of-internet-censorship

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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