L’annonce par le ministre des Comptes publics Gerald Darmanin d’une coupe globale dans le budget de 2017 de 4,5 milliards se traduisait pour la Défense par une réduction de son budget de 850 millions ce qui revenait à effacer l’actualisation de la loi de programmation militaire votée après les attentats de 2015. De Villiers, amer, exprima devant la commission de la Défense de l’Assemblée sa déception et souligna avec une petite phrase sa détermination à ne pas se laisser ‘avoir’ ainsi. Cette saillie peu protocolaire dite dans la rudesse d’un langage de caserne peut laisser supposer qu’une promesse faite par l’ancien candidat Macron à une fraction de l’armée pour son soutien à la course vers l’Élysée n’a pas été tenue. En effet, le Général De Villiers, alors chef d’état-major des Armées demandait fin 2016 que le budget de la Défense soit rehaussé à 2% du PIB et qu’il passe de 37,5 milliards d’euros à 41 milliards avant la fin de 2022. De Villiers plaidait pour l’accroissement des moyens face au terrorisme ainsi qu’à la menace nouvelle émanant d’États émergents. Cet appel au pays à fournir un effort de guerre fait écho à l’exigence des Usa exprimée auprès de ses alliés de l’OTAN d’augmenter leur budget militaire pour qu’il atteigne…2% du PIB, pour la France, il était de 1,79% en 2016.
Le remplacement de matériels obsolescents justifie pour les responsables militaires qu’il faille étoffer les moyens de l’armée, sans cesse rognés, par l’austérité. Néanmoins, l’insertion de la France dans le commandement intégré de l’Otan pèse dans les choix stratégiques des responsables de la Défense, de moins en moins nationale puisque l’alliance tend à imposer ses orientations y compris dans l’équipement et les efforts financiers.
Au sein de l’union européenne, le ‘couple’ franco-allemand a fait office de partenaires antagonistes qui ont permuté leur position en deux ans face aux exigences de Trump. Merkel affirmait en 2018 qu’il fallait s’affranchir de la tutelle de défense étasunienne juste avant de prendre (en 2019) à contrepied Macron qui voulait enterrer l’OTAN en mort cérébrale selon lui.
La dépendance étroite du capital et des firmes allemandes vis-à-vis des États-Unis est trop grande pour revendiquer une quelconque autonomie. La tentative de créer un ‘véhicule’ spécial sans connexion avec le dollar ou les systèmes d’échanges interbancaires étasuniens pour contourner les sanctions étasuniennes prises à l’encontre de l’Iran a vite avorté.
Le Ministère de la Justice des EU ayant compétence pour étendre la législation du pays de façon extraterritoriale, les amendes qu’il a extorquées aux entreprises européennes se sont élevées entre 2007 et 2018 à 5 339 milliards de dollars. Les frappes du gendarme du monde sont aussi économiques, elles précèdent dans de nombreux cas les frappes réputées chirurgicales.
Fragmentation territoriale
Incapable de défendre Total, BNP ou Alstom, Monarc 1er serait bien en peine de pouvoir prétendre à une quelconque souveraineté de la France dans quelque domaine que ce soit. La vassalité économique, diplomatique et culturelle de la France comme de tout le Vieux Continent vis-à-vis des EU est évidente depuis la guerre de 1939-1945 mais c’est bien la première fois qu’un chef de l’exécutif français quémande un meilleur traitement de sa politique auprès de la presse dominante étasunienne. Il est vrai que la nouvelle doctrine de l’occupant des ors et de la vaisselle du palais de l’Élysée qui consiste à accabler de toutes ses difficultés à gouverner la fraction musulmane du peuple français est incompréhensible pour le droitdelhommisme ambiant. Une économie en berne depuis le dévoilement de l’impéritie des banques étasuniennes en 2008, appelée improprement crise des subprimes, des interventions militaires extérieures sans bénéfice immédiat ni lointain pour la France, la révolte populaire des Gilets Jaunes, une épidémie gérée pitoyablement, tout ce contexte socio-économique, assombri par une chute du PIB de -10%, ne mérite pas d’autre traitement que la lutte contre un ‘séparatisme’ fantasmé. La France serait menacée par la constitution de la République fédérale autonome de Clichy-sous-Bois et Montfermeil, de la Commune libre des 4000 de la Courneuve ou encore de l’Etat islamique des Quartiers Nord de Marseille !
Le Ministère de l’Intérieur et des cultes dispose dans l’heure qui suit la prière du vendredi le prêche des imams et par le travail d’indicateurs correctement répartis, il contrôle la fréquentation des mosquées sur tout le territoire.
Dans un souci « électoraliste » en direction d’une droite réputée islamophobe – le centre et la gauche sont estimés perdus pour l‘entité politique chimérique LREM – le distributeur de logement en échange de services sexuels procède à une nouvelle révocation de l’Édit de Nantes en fermant des mosquées pour frapper les esprits. On peut s’offusquer de l’existence de cinq mosquées d’obédience différente à Trappes mais pas s’en étonner. Ancienne ville cheminote, elle a vu affluer dans les années soixante dix les familles ouvrières immigrées qui ont quitté les bidonvilles de la périphérie de Paris.
La moitié de ses 30 000 habitants a moins de trente ans et 80% de son habitat est constitué de logements HLM. Cette singularité en fait un territoire urbain d’exclusion, ce qui est exactement l’inverse d’une supposée attitude séparatiste, où trop souvent les enfants ont le choix entre crever d’héroïne dans une cave ou se faire embrigader dans une mosquée pour aller rejoindre les djihadistes en Irak ou en Syrie. A ces enfants-là pour lesquels feraient défaut les ‘valeurs’ républicaines ne s’est pas posée à l’âge où se joue l’avenir professionnel la question de choisir entre une prépa filière écoles de commerce ou prépa scientifique. La ségrégation territoriale qu’ils subissent n’est pas leur projet politique. Elle ne l’était pas non plus pour les Gueules Noires qui avaient leurs quartiers et leurs villes et qui ont développé leur propre culture populaire. Faut-il devoir faire observer que la fonction économique répartit le peuple selon des murs infranchissables en catégories séparées qui occupent des lieux distincts et développent une idéologie de survie distincte ? La plus ou moins lente urbanisation d’un peuple français initialement paysan en une société d’abord industrielle puis de services qui a adopté un mode de vie étasunien est en voie d’achèvement. Cette évolution ne l’a pas homogénéisé puisque la part héritée d’un passé impérial, les immigrés, tout comme celle résiduelle qui n’est pas agglomérée autour des grandes métropoles et réside encore dans les campagnes, est manifestement (et se vit comme) exclue.
Le ton de la partition
L’arrivée au pouvoir de Trump qui n’a été que l’exacte traduction de l’échec des Démocrates bellicistes et globalistes a permis aux ‘minorités’ une propulsion et une promotion sans précédent. Le mouvement des Black Lives Matter a permis un déchaînement contrôlé de manifestations sur l’ensemble des EU, faisant craindre et espérer pour certains une révolution dans la foulée de la réapparition du chômage que l’on peut lier à l’épidémie.
Les tentatives louables de création de villes ou de communes autonomes ont vite échoué, le tissu économique est enserré dans les mailles sans faille du capitalisme.
Les dernières manifestations en France contre les lois sécuritaires et contre le séparatisme en sont un répondant lointain et atténué.
Après le ton morigénant Monarc 1er du New York Times, le magazine Time a élu Assa Traore comme gardienne de la démocratie. La consécration d’un groupuscule construit autour de la contestation des violences policières qui ne sont rien d’autre qu’une violence d’un Etat constitue une ingérence impérialiste caractérisée et un nouveau camouflet à l’administration du fondé de pouvoir Macron. Il lui est signifié qu’il est périlleux d’alimenter le feu qui couve d’une guerre civile. Les précaires et les précarisés, de plus en plus nombreux et laissés sur le carreau par une économie qui peut se passer d’eux, vont prendre prétexte de la défense des libertés et s’engouffrer dans des luttes pour leur survie.
Il n’est plus l’heure de jouer le souverainisme assorti d’un racisme réel ou supposé, il conviendrait plutôt de flatter les minorités, trouver un Obama ou une Kamala Harris qui accomplirait la comédie de l’apaisement. Pour parfaire l’accélération de la transformation des 1% contre les 99% pour les 0,01% contre les 99,99%, un amortisseur des conflits sociaux est requis. On ne voit pas en France de personnel politique bronzé disponible à l’horizon des prochaines élections présidentielles.
L’homme au képi sorti du chapeau
A défaut de personnage de couleur, Pierre de Villiers, un homme à képi, est alors avancé dans l’échiquier. Il peut être auréolé d’attributs comme l’autorité, l’intégrité, une certaine rigueur morale versus le laxisme des mœurs et des compromissions très voisines de la délinquance en col blanc. Sans passé politique puisque ayant appartenu au grand corps de la Grande Muette, il présente l’avantage d’alerter contre les risques d’une guerre civile. Il est recruté huit mois après sa démission par le groupe étasunien BCG (Boston Consulting Group), l’une des firmes les plus prestigieuses en conseil de stratégie. Il écrit des livres-programmes, est invité sur des chaînes télé. De Villiers n’a de commun avec De Gaule que l’uniforme, c’est un homme résolument pro-OTAN, très attaché à la disparition de la France sous le manteau bleu à étoiles d’or européen et très libéral, entendre néo-libéral. Il présente l’avantage de pouvoir éliminer définitivement le Rassemblement National qui conserve malgré ses mutations un parfum entêtant devenu encombrant de colonialisme à la mode d’antan, celui des deux siècles derniers. Le chassé-croisé de la chorégraphie droitière de Monarc 1er qui ignore désormais le ‘en même temps’ conduit vers lui. S’il saupoudre son discours avec quelques pépites du répertoire BLM, la presse dominante peut l’amener à occuper le palais de l’Élysée pour cinq ans. Comme elle l’avait fait pour le post pubère Macron.
Le 4 décembre 2018, à l’acmé du mouvement des Gilets Jaunes, est une date qui a installé la peur chez Monarc 1er. C’est elle qui semble inspirer ses réformes sécuritaires. Dénué de tout charisme, il a perdu son peu de crédit auprès d’une majorité de Français que sa gestion de la crise sanitaire laisse insatisfaits. Moqué à l’international comme jamais Président de la France ne le fut avant lui, il ne peut espérer gouverner par la coercition. La violence pure, dictatoriale, est rejetée comme modalité politique à la périphérie car cette partie du monde se gouverne encore sur le mode d’un consensus fabriqué.
Sans discussion, l’homme au képi pourra augmenter le budget de la Défense au-delà même des 2% et sauter pieds joints dans la future guerre étasunienne que mènera l’équipe Biden contre la Russie.
Ce sera sans doute l’ultime tentative de sauver une hégémonie anglo-saxonne vouée à disparaître.
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir