Caricatures, insultes, accusations complotistes… Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, les messages de haine à l’encontre de personnalités identifiées comme « juives » essaiment sur les réseaux sociaux et certains forums. Des plaintes ont été déposées.
Ce sont des messages antisémites diffusés dans des groupes Facebook qui comptent plusieurs milliers d’utilisateurs. Ce sont des tweets accompagnés d’une caricature antisémite qui ont été massivement relayés avant d’être supprimés. Ce sont des vidéos Youtube complotistes visionnées des centaines de milliers de fois sous lesquelles on trouve des commentaires antisémites « likés » parfois par près de 300 personnes. C’est un forum très populaire où la haine des juifs resurgit à l’aune de l’épidémie.
Pour certains internautes, il faut absolument trouver un responsable à l’épidémie de coronavirus, et ce coupable est tout trouvé : « le juif », « les juifs » ou tout du moins des personnes catégorisées comme juives, souvent sur la base de leur simple nom de famille. Derrière les attaques se cachent régulièrement des soupçons complotistes, qui renvoient au fantasme d’une « communauté organisée » tirant les ficelles dans les coulisses du pouvoir.
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Sur Twitter, Agnès Buzyn est particulièrement ciblée et même davantage : caricaturée. Sur des images relayées par des utilisateurs, l’ancienne ministre de la Santé est ainsi présentée avec un nez crochu outrancier, se frottant les mains comme si elle ourdissait un complot, ou encore en train d’empoisonner un puits, une accusation dont la communauté juive a été fréquemment la cible au Moyen-Âge et qui a mené à des pogroms (nous avons choisi de flouter la caricature).
Un autre tweet conspirationniste et antisémite, faisant toujours référence à ces puits, très relayé sur Twitter et depuis supprimé par son auteur, a été épinglé par Conspiracy Watch :
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Le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA) a bien repéré cette résurgence d’une haine des juifs sur internet en lien avec l’épidémie. Il a d’ores et déjà déposé une douzaine de plaintes en lien avec des contenus antisémites liés au Covid-19, fait savoir son président Sammy Ghozlan, joint par France Inter.
« C’est apparu il y a une semaine, avec d’abord ce complotisme autour d’Agnès Buzyn, qualifiée « d’empoisonneuse de puits », signale Sammy Ghozlan. Nous déposons plainte systématiquement. »
Une dizaine de personnes épluchent ainsi Internet à la recherche de messages pouvant tomber sous le coup de la loi. « Elles écument, vont un peu partout. Elles sont attentives à tout et nous préviennent immédiatement dès qu’elles considèrent que le post ou la photo est antisémite. »
« Dans l’une des vidéos antisémites qui nous a été signalée, il y a l’idée que les églises sont fermées, les mosquées aussi, et que seuls les Juifs sont autorisés à prier dans les synagogues. C’est faux : les synagogues sont fermées dans toute la France. »
Les plaintes sont déposées auprès du procureur de la République de Paris. « Ce serait bien que les enquêtes soient vite engagées, pour identifier et sanctionner leurs auteurs », presse Sammy Ghozlan.
Le président du BNVCA épingle aussi une responsabilité selon lui des réseaux sociaux : « Ils ne modèrent pas du tout. Les fournisseurs devraient faire attention et mieux modérer. Cela encourage les uns et les autres à s’exprimer et à jeter leur venin. Ça se répand vite, tout le monde reçoit et transmet, c’est le virus de la haine anti-juifs. »
Comment expliquer ce déferlement antisémite sur les réseaux ? Le politologue et sociologue Pierre-André Taguieff, dans un long entretien au site Conspiracy Watch, décortique le phénomène.
« Dans la mise en accusation d’Agnès Buzyn, d’Yves Lévy et de Jérôme Salomon, dont la commune judéité est soulignée par les caricaturistes, la dénonciation complotiste s’entrecroise avec une incrimination de complicité dans une opération criminelle, dans laquelle on peut voir une forme dérivée de l’accusation de meurtre rituel. Résurgence d’une mentalité archaïque », explique M. Taguieff, également auteur de l’ouvrage Criminaliser les juifs.
Soit le retour d’un stéréotype en la figure du juif bouc émissaire : « l’hypothèse selon laquelle, dans les situations d’incertitude et de désarroi, lorsque se propage le sentiment d’une menace et que les explications officielles ne satisfont pas l’opinion, les juifs sont accusés d’être liés d’une manière ou d’une autre au phénomène qui provoque des peurs, voire des paniques. »
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Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation