Image d’illustration. © SICCOLI PATRICK/SIPA
Malgré la crise de confiance démocratique aux Etats-Unis, le vote par correspondance pourrait être généralisé suite à un amendement discrètement déposé par des députés LREM. Un nouveau signal autoritaire de la Macronie contre la démocratie, affirme l’essayiste Grégory Roose dans sa nouvelle chronique.
Les élections américaines ont montré toute la fragilité qui pèse sur un système démocratique dans lequel les votes par correspondance ont fait basculer les résultats d’une élection qui semblait acquise au président sortant Donald Trump après des heures de dépouillement. Alors qu’au matin du 4 novembre 2020, Trump était en tête dans la course à la Maison-Blanche, des millions de votes par correspondance prétendument acquis à Joe Biden, nous avertissaient les médias depuis de longues semaines, restaient à dépouiller. Or, la pandémie du Covid-19 a largement assoupli les règles du vote par correspondance et de son contrôle aux Etats-Unis puisque seuls dix pour cent des États ont demandé un justificatif pour pouvoir avoir recours au vote à distance, ce qui a considérablement augmenté les risques de fraudes, le retard dans le dépouillement et provoqué, surtout, une crise de confiance sans précédent envers le système démocratique américain. D’autant que le candidat Joe Biden avait lâché un inquiétant lapsus pendant la campagne électorale, déclarant avoir mis en place « la plus extensive et inclusive organisation de fraude électorale de l’Histoire de la politique américaine ». Nous connaissons tous la suite de l’histoire. Les accusations de fraude électorale ont été balayées à grands coups de renfort médiatico-politique malgré des soupçons difficiles à démontrer, mais le mal est fait : des millions d’Américains ne croient pas les résultats d’une élection démocratique. La crise de confiance s’est durablement installée à la maison blanche, avant même l’installation du 46ème président des Etats-Unis.
Le vote par correspondance semble susciter l’intérêt de certains parlementaires de la majorité présidentielle séduits par ce potentiel outil de transfert de souveraineté du peuple vers ses élites
Cette expérience aurait dû susciter la méfiance de la classe politique française. En novembre 2020, un spécialiste du droit électoral résumait ses craintes vis-à-vis du vote par correspondance dans Le Figaro : « c’est un système qui permet totalement la fraude, car vous n’êtes sûr ni de l’émetteur, ni du récepteur », arguant qu’il était impossible d’empêcher d’éventuels candidats malveillants ou leurs soutiens de récupérer le matériel de vote dans les boîtes aux lettres ou auprès des électeurs les plus fragiles, ni de contrôler les opérations postales d’acheminement, le stockage des votes en mairie. Pourtant, ses perspectives semblent avoir suscité l’intérêt de certains parlementaires de la majorité présidentielle séduits par ce potentiel outil de transfert de souveraineté du peuple vers ses élites : un vote par correspondance imposé par les élites, mais présenté comme plus démocratique, dont les modalités laissent place à peu de transparence et de contrôle. Ce sont ainsi huit députés, dont sept appartenant au groupe LREM, qui ont déposé un amendement à l’article 2 d’un projet de loi permettant d’étendre la possibilité, pour l’élection présidentielle de 2022, de voter par correspondance à toute personne inscrite sur une liste électorale. Pour justifier leur étonnante proposition après la crise de confiance provoquée par cette modalité de vote outre-Atlantique, ces députés invoquent, dans « un contexte sanitaire incertain », la nécessité de rendre possible le vote par correspondance qui « paraît à la fois simple, logique et important ». Pourquoi cette poignée de députés s’embarrasserait-elle d’arguments étayés pour justifier le bouleversement de notre système démocratique alors qu’une simple affirmation péremptoire peut suffire à convaincre la majorité présidentielle ? L’amendement prévoit par ailleurs que « la liste des électeurs admis à voter par correspondance n’est pas communicable », ce qui facilitera évidemment les contrôles et vérifications en cas de soupçon de fraude électorale.
Plus d’autorité pour plus de démocratie. Tel pourrait être le slogan de la Macronie pour justifier les mesures privatives de liberté qui s’enchaînent depuis de longs mois
Des chercheurs du MIT ont analysé la possibilité d’utiliser des technologies très fiables, comme la blockchain, pour sécuriser les votes par correspondance. La conclusion de l’auteur principal du rapport, le professeur Ron Rivest, est sans appel : « Je n’ai pas encore vu de système de blockchain auquel je ferais confiance pour voter à l’échelle d’une région, et encore moins d’une élection présidentielle ». Si la blockchain ne peut pas sécuriser les votes par correspondance, comment le bulletin de vote en papier le pourrait-il ?
L’élargissement du vote par correspondance bouleverserait notre système démocratique. Il nécessiterait donc un large débat public voire un référendum, mais fait l’objet d’un amendement déposé en toute discrétion. « Plus d’autorité pour plus de démocratie ». Tel pourrait être le slogan de la Macronie pour justifier les mesures privatives de liberté qui s’enchaînent depuis de longs mois, entre confinement, couvre-feu, fichage des opinions et restrictions de libertés individuelles.
Source : Valeurs Actuels
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