Par Moon of Alabama – Le 2 décembre 2020
Le président élu Joe Biden prévoit de renouveler la participation américaine à l’accord nucléaire avec l’Iran. Trump avait quitté le Plan d’action global conjoint (JCPOA) que l’Iran et six autres nations avaient signé.
Biden est sous pression pour fixer des conditions préalables, inacceptables pour l’Iran, à un retour des États-Unis dans l’accord :
Biden et son équipe n'ont fait qu'appuyer du bout des lèvres l'idée de rejoindre le JCPOA. Cependant, les conditions préalables qu'ils ont attachées à une telle action - l'Iran devrait d'abord revenir à une conformité totale et s'engager à des négociations de suivi immédiates sur un accord qui serait plus restrictif - ont été largement considérées comme un facteur de rupture de l'accord. Le fait est que nombre des plus proches conseillers de M. Biden - dont le secrétaire d'État désigné Antony Blinken et le conseiller à la sécurité nationale désigné Jake Sullivan - ont indiqué que M. Biden n'aurait peut-être pas d'autre choix que de poursuivre la politique de "pression maximale" fondée sur les sanctions.
Jusqu’à présent, Biden lui-même avait été quelque peu ambivalent sur la question. Mais dans un récent entretien avec le chroniqueur du New York Times, Tom Friedman, il semble rejeter l’utilisation de conditions préalables à un retour au JCPOA :
Biden et son équipe de sécurité nationale estiment qu'une fois l'accord rétabli par les deux parties, il faudra, dans un délai très court, un cycle de négociations pour tenter d'allonger la durée des restrictions sur la production par l'Iran de matières fissiles pouvant servir à fabriquer une bombe - 15 ans à l'origine - ainsi que s'attaquer aux activités régionales malveillantes de l'Iran, par l'intermédiaire de ses mandataires au Liban, en Irak, en Syrie et au Yémen. Idéalement, l'équipe Biden souhaiterait que les négociations de suivi incluent non seulement les signataires originaux de l'accord - l'Iran, les États-Unis, la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et l'Union européenne - mais aussi les voisins arabes de l'Iran, en particulier l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Au début de cette semaine, j'ai écrit une chronique dans laquelle je faisait valoir qu'il serait imprudent pour les États-Unis de renoncer à l'influence des sanctions pétrolières imposées par le président Trump pour reprendre l'accord nucléaire là où il s'est arrêté. Nous devrions utiliser ce levier pour amener l'Iran à freiner ses exportations de missiles à guidage de précision vers ses alliés au Liban, en Syrie, au Yémen et en Irak, où ils menacent Israël et plusieurs États arabes. Je continue à penser ainsi. L'équipe de Biden est consciente de cet argument et ne pense pas qu'il soit insensé, mais pour l'instant ils insistent sur le fait que l'intérêt national primordial de l'Amérique est de reprendre le contrôle du programme nucléaire iranien et de le soumettre à une inspection complète. ... Selon eux, le développement d'une arme nucléaire par l'Iran constitue une menace directe pour la sécurité nationale des États-Unis et pour le régime mondial de contrôle des armes nucléaires, le Traité sur la non-prolifération. "Écoutez, on parle beaucoup de missiles de précision et de toute une série d'autres choses qui déstabilisent la région", a déclaré Biden. Mais le fait est que "la meilleure façon d'obtenir une certaine stabilité dans la région" est de s'occuper "du programme nucléaire". ... Ensuite, Biden a déclaré : "en consultation avec nos alliés et partenaires, nous allons engager des négociations et des accords de suivi pour renforcer et allonger les contraintes nucléaires de l'Iran, ainsi que pour traiter du programme de missiles". Les États-Unis ont toujours la possibilité de revenir sur les sanctions si nécessaire, et l'Iran le sait, a-t-il ajouté.
C’est encore un peu obscur. Lever les sanctions qui ont été imposées à l’Iran par Trump pour revenir au JCPOA, mais ensuite introduire de nouvelles sanctions contre l’Iran pour son programme de missiles non nucléaires ? Cela ne marchera pas.
Biden aura peu de temps pour se décider et revenir à l’accord. En réponse à l’assassinat par Israël du meilleur scientifique nucléaire iranien, Mohsen Fahrizade, le Parlement iranien a pris des mesures pour franchir les limites imposées dans l’accord nucléaire, à moins que les États-Unis n’y reviennent dès que Biden sera en fonction :
La chambre politique iranienne a donné son approbation finale à un projet de loi obligeant le président Hassan Rouhani à mettre fin aux inspections nucléaires internationales à moins que les États-Unis ne lèvent les principales sanctions d'ici février, donnant ainsi au nouveau gouvernement Biden quelques semaines seulement pour faire une percée diplomatique. Le puissant Conseil des Gardiens, un organe politique et juridique composé de religieux et d'universitaires de haut niveau, a ratifié le projet de loi mardi et en a fait une obligation légale, tout en prolongeant le délai d'allègement des sanctions à deux mois, au lieu d'un, a rapporté la télévision d’État iranienne. Cela semblerait donner au gouvernement Rouhani, sévèrement affaibli depuis que le président américain sortant Donald Trump s'est retiré de l'accord nucléaire de 2015, à peine deux semaines après l'entrée en fonction de son successeur Joe Biden, la possibilité de faire de grands pas vers la suppression des sanctions américaines sur le pétrole et les banques.
Les détails de la nouvelle loi ne sont pas encore connus. Une partie ordonne au gouvernement de réduire la surveillance de l’AIEA sur les sites nucléaires en Iran. Une autre instruction consiste à créer un stock d’uranium plus fortement enrichi qui pourrait être utilisé pour enrichir davantage et obtenir des armes nucléaires :
Le plan exige, entre autres, que l'Organisation iranienne à l'énergie atomique (AEOI) produise au moins 120 kg d'uranium enrichi à 20 % par an et le stocke à l'intérieur du pays dans les deux mois suivant l'adoption de la loi.
La nouvelle loi iranienne soutient l’argument de Biden selon lequel un retour rapide à l’accord nucléaire est la voie la plus sure, plutôt que de parier sur le temps et des sanctions supplémentaires pour obtenir des concessions supplémentaires que l’Iran est de toute façon peu susceptible d’accorder.
Biden devrait immédiatement lever les sanctions contre l’Iran et rétablir pleinement les États-Unis en tant que membre du JCPOA. L’Iran a déclaré qu’il reviendrait à toutes les limites de l’accord dès que cela serait fait.
Le grand fantasme d’une négociation et d’un suivi qui inclurait également l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis peut être repoussé à une date (très) ultérieure.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone
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