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Nous avons vu le totalitarisme de la mondialisation sous son aspect économique et financier dans la partie précédente et nous allons voir aujourd’hui l’aspect idéologique de la dictature.
Vendre le temps de cerveau humain disponible
L’aspect économique de la mondialisation, qui relève, disons de la critique de gauche, est effectivement insuffisant pour comprendre le totalitarisme de la mondialisation : le projet est plus vaste et plus profond. Aujourd’hui, l’oligarchie politique et financière cherche à remodeler le quotidien et les mentalités des individus, jusqu’à l’organisation politique et sociale du monde entier au service de ses intérêts.
Il s’agit dans un premier temps d’occuper les esprits. Toujours en nous appuyant sur le livre « La Mondialisation totalitaire » de Olivier Piacentini, l’auteur y fait notamment une critique de la dégradation du paysage de la France en tant qu’emblème du luxe, du chic, de l’artisanat, de la gastronomie pour se transformer en trophée des grandes enseignes américaines. Il en est de même dans le monde entier ou encore dans le sport colonisé par les multinationales. En fait, tout l’espace visuel n’est plus qu’un champ de bataille commercial où la marque la mieux exposée l’emporte.
Nous sommes tout simplement gavés à une propagande consumériste encore plus intensive que ne pouvait l’être celle des tyrans passés. Ce totalitarisme nouvelle génération est passé de la politique au commerce et a remplacé les dictateurs par des mannequins, mais avec la fierté nationale en moins. Le bonheur consumériste matraqué à longueur de journée n’est-il pas finalement aussi aliénant et abrutissant que le monde idéal des dictatures du passé ? La question est posée. La contrainte, la privation de liberté et la violence se sont largement atténuées dans nos sociétés (avant le coronavirus en tout cas), mais le conditionnement mental, bien plus subtil à décrypter, subsiste.
L’interdépendance internationale comme fondement de l’asservissement moderne
En théorie, la mondialisation récente ne serait que l’extension de la logique du marché, libérée des contraintes étatiques, syndicales et règlementaires. La différence avec le monde d’avant les années 1960 ne serait donc pas de nature, mais d’échelle : la logique passe du champ national ou frontalier au monde dans son entièreté. En réalité, ce n’est pas aussi simple, car la mondialisation modifie profondément les rapports de force entre l’oligarchie internationale (multinationales, cercles d’influence…) et le reste du monde.
Le principal problème est déjà l’absence de frontières. Les frontières nationales servent à délimiter, réguler et faire respecter une souveraineté, une fiscalité, des lois et des règlements qui s’imposent aux entreprises. Elles servent également à faire respecter les acquis sociaux de longue date gagnés par les mouvements ouvriers. Alors que les totalitarismes du siècle dernier enfermaient l’homme dans des frontières et s’imposaient à lui par la force, le nouveau totalitarisme de la finance et des multinationales l’enferme dans des liens d’interdépendance qui le rendent malléable à souhait.
Le mode d’action de ce néo-totalitarisme est subliminal. La propagande à laquelle nous sommes soumis depuis des décennies est intensive, mais pas exclusive. Elle est diversifiée et beaucoup plus subtile que pouvait l’être la propagande monolithique des communismes ou autres fascismes. La communication néo-totalitaire s’habille évidemment de valeurs positives, de liberté, de bonheur, d’abondance et de loisir : nous sommes dans le registre de la séduction qui a remplacé l’effroi ou de la contrainte des propagandes d’antan. À la place de la contrainte brutale, l’adhésion devient naturelle et spontanée.
Le parallèle avec « 1984 » de Georges Orwell et « Le meilleur des mondes » d’Aldous Huxley peut être fait, ce qui, je vous l’accorde, n’est pas très original tant ces deux œuvres sont cités. Le lien est néanmoins pertinent. Dans le livre d’Orwell, les mots sont vidés de leur substance, un peu comme aujourd’hui, et ils ont un sens inverse à leur définition originelle, un peu comme aujourd’hui : « la guerre c’est la paix » ; « l’ignorance c’est la force » etc. Le livre de Huxley, qui date d’il y a quasiment 100 ans, anticipe déjà quant à lui la société oligarchique sous une forme de gouvernement mondial avec un eugénisme pour contrôler l’humanité dès la conception. Huxley décrit également dans son roman une défiance vis-à-vis de la culture, de la réflexion, de la famille ou encore des valeurs nationales. Il raconte l’évolution vers un être humain à la sexualité débridée et finalement un mode de vie basé sur la consommation et le divertissement…
Du terrorisme au coronavirus : il faut de bonnes excuses pour justifier le néo-totalitarisme
Le Covid-19 a mis un coup d’arrêt brutal à cette dictature molle. La séduction a laissé place (temporairement) à la peur qui ne peut intervenir directement du politique en régime démocratique. Cela ferait tache. Il faut à la place user du terrorisme spectaculaire (largement décrypté dans cet article) abondamment utilisé depuis le 11 septembre 2001, puis aujourd’hui du virus contagieux.
Sur le modèle du terrorisme, il est possible qu’il y ait régulièrement à l’avenir des résurgences de différents virus, histoire d’agiter les foules avant de s’en servir de temps à autre. Sans Covid-19 ou sans terrorisme, il est difficile de justifier l’atteinte à la liberté en occident. Ce sont des positions difficilement tenables dans une « démocratie libérale », il faut donc de bonnes excuses pour les réduire.
L’Homme nouveau : l’homo globalus
Olivier Piacentini parle dans son livre de l’émergence de ce qu’il appelle un homo globalus détaché de toute racine locale, nationale, régionale, religieuse et traditionnelle. Elles sont toutes du temps gaspillé à faire autre chose de travailler, consommer et en somme rapporter de l’argent et du temps disponible à l’oligarchie. Cet homo globalus est éduqué, acculturé et formaté dans le paradigme de la mondialisation pour vivre sur une planète sans frontière et uniformisée, où l’on peut vagabonder d’un pays à l’autre au gré de ses humeurs, de ses intérêts, de sa vie professionnelle sans se sentir dépaysé le moins du monde et certains de trouver les mêmes produits, les mêmes services et les mêmes distractions qui composent son univers personnel. L’homo globalus est plutôt athée, il parle couramment anglais, ou plutôt globish, la langue des échanges internationaux et de la collaboration au travail.
L’oligarchie aime l’homo globalus. Elle le préfère à l’homme enraciné, car ce dernier est bien moins compulsif : l’ascétisme bouddhiste, le rigorisme musulman ou la piété chrétienne appellent tous à la tempérance et à relativiser voire mépriser la possession, le matériel, comme autant de vanité et de choses éphémères. Il n’en est pas tout à fait de même pour les deux autres religions de l’Ancien Testament, à savoir le judaïsme et le protestantisme, qui ont une vision plus matérielle et pragmatique de la vie sur terre. Il est évident que le mode de pensée à détruire pour le grand Marché et pour le grand Capital est bien la moins rentable, celle qui ne valorise pas la vie matérielle. La société valorise également toutes ces caractéristiques. Il vaut mieux des individus compulsifs, des éternels enfants et des personnes émotionnelles qui cèdent à tous leurs désirs sans penser que la limite ou la mesure peuvent être bénéfiques.
L’oligarchie n’aime pas non plus l’homme de culture, car il est intellectuellement structuré et ancré dans des valeurs. Il appartient à une histoire nationale et civilisationnelle avec une langue et une culture spécifique qui freinera immédiatement les tendances à la standardisation et à l’uniformisation du grand Marché. L’homme ou la femme marié(e) attaché(e) à la famille n’est pas non plus l’idéal pour l’oligarchie vu qu’ils doivent s’enraciner pour la stabilité de leur foyer. Ils peuvent même refuser la mobilité professionnelle, en tout cas bien plus qu’un célibataire ayant peu d’attaches et qui peut d’ailleurs avoir tendance à avoir une vie plus festive et donc à plus consommer en général.
L’homo globalus de Piacentini peut être schématiquement résumé en un individu sans attache, sans morale religieuse, familiale ou nationale. Cet individu a remplacé tout ceci par une tolérance absolue et un esprit cosmopolite n’accordant pas plus de préférence ou de priorité à ses compatriotes par rapport à d’autres citoyens du monde. C’est finalement l’homme mutant mondialisé au service des intérêts de l’oligarchie. Demain, il acceptera le transhumanisme et le puçage sans sourciller.
Face au désenchantement du nouveau monde, l’homme postmoderne sans racine forme son identité de substitution dans le cadre de néo-tribus (concept de Michel Maffesoli) souvent ludiques : supporters de sports, fan de musique, cercle de réflexion, association et militantisme pour des causes de tout genre, etc. Chaque tribu rassemble des individus autour de passions, de codes esthétiques, de linguistiques et d’éthique le plus souvent fournis par des entreprises. À chaque tribu son identité, à chaque identité ses objets fétiches. La marchandise équitable pour les écolos, tel matériel pour les geeks, telle marque de vêtement pour tel genre de musique, etc.
Les cercles de pouvoirs mondialistes
Commission Trilatérale, Bilderberg et consorts… vous connaissez déjà j’imagine. Ces organisations regroupent les personnalités les plus influentes, les plus riches et les plus puissantes du monde pour qu’ils puissent ensuite émettre des « recommandations ». Leurs membres pullulent dans les espaces de décisions politiques tant dans le cadre national que dans les institutions internationales. Rien de nouveau dans ces propos qui laissent penser que le pouvoir n’est plus entre les mains du personnel politique national.
La définition de cosmopolite existe depuis les Grecs anciens, mais elle a bien évolué au cours des siècles. Surprise, c’est depuis le XIXe siècle que le cosmopolitisme est réellement devenu un projet politique mondial hérité de la République des Lumières et de sa religion (sujet traité dans cet article). Le cosmopolitisme est un égalitarisme impérialiste qu’il faut que tout le monde accepte au travers les droits de l’homme et la démocratie.
En fait, il s’agit d’un idéal d’unification mondiale des hommes, mais également des institutions économiques, politiques, linguistiques, juridiques et religieuses. Cela fait penser un peu à l’Union Européenne qui est une sorte de Frankenstein de ces ambitions. Le projet politique final et fondamental est en fait de supprimer l’État-nation ou plutôt de le diluer au profit d’un État supranational ou encore d’un gouvernement mondial dans un objectif de tolérance et de justice sociale. Nous sommes dans une phase cruciale de ce processus.
Alors, demain sera-t-il le règne de l’homo globalus ?
À mon avis, il faudrait encore un autre catalyseur pour passer à la prochaine phase de la gouvernance mondiale écologiste et transhumaniste.
Voyons… une gigantesque crise économique peut-être ?
source : https://geopolitique-profonde.com
Source: Lire l'article complet de Réseau International