Par Amira Hass
Onze familles palestiniennes se sont retrouvées sans abri dans la vallée du Jourdain. Trouver un abri pour les moutons et les agneaux nouveau-nés était la tâche la plus urgente, car ces animaux sont leur seul moyen de subsistance.
Source : Ha’aretz, le 11 novembre 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
Mardi dernier, l’administration civile a donné aux familles vivant dans le hameau palestinien de Khirbet Humsa, dans le nord de la vallée du Jourdain, à peine 10 minutes pour retirer tout ce qu’ils pouvaient sauver de leurs biens dans les tentes qui leur servent de logis. Fatma Awawda, 23 ans, tenait sa fille d’un an, Larin, dans ses bras. Elle était paralysée à la vue des jeeps militaires et des employés de l’administration en gilets fluorescents qui en sortaient, paralysée par les bulldozers, par les soldats, par tous les cris.
Résidents de Khirbet Humsa après sa destruction, novembre 2020
Mais elle s’est ressaisie rapidement pour pouvoir sortir autant de choses que possible de la tente qui était sa maison. Que prendre en premier ? La bouteille de gaz ? Le berceau ? Des vêtements et couvertures ? Les matelas ? Le poêle ? Les jouets en plastique qui sont arrivés dans un emballage « CARE » (aide humanitaire) ? Les oignons et les pommes de terre ? Le riz ? Elle a posé Larin sur le siège arrière de la Subaru antique de la famille. Elle y sera au chaud et en sécurité, et j’aurai les mains libres, se dit-elle.
Larin n’a pas été la seule à être mise dans la voiture pour y être abritée : quatre agneaux nouveau-nés, encore trop jeunes pour être envoyés paître dans les collines avec les moutons plus âgés, ont été placés dans le coffre. Au bout d’un moment, l’un des employés de l’administration civile a sorti la petite fille emmitouflée de la voiture et l’a remise à l’un des adultes. Les clés étaient dans la voiture. Un soldat est monté et a mis le contact, commençant à conduire la voiture. Les agneaux étaient toujours dans le coffre.
« Les hommes ont commencé à courir après la voiture, criant au soldat de s’arrêter », a déclaré vendredi Awawda, trois jours après l’exécution de l’ordre de démolition qui a laissé 11 familles –74 personnes, dont 41 enfants– sans abri. Les agneaux ont été sauvés. La voiture a été confisquée.
Résidents de Khirbet Humsa dont les maisons ont été démolies, novembre 2020
Un autre bambin, âgé de deux ans, a fait pipi dans son pantalon en regardant le bulldozer percuter les constructions de fortune qui étaient sa maison. Les gémissements des enfants ont été étouffés par le bruit de la démolition. Mohammed, deux ans et demi, a crié à un soldat : «Va-t’en, va-t’en ! » Sa mère, Ansar Abu al-Kabash, a déclaré que sa cousine était née la veille. « Elle n’a pas encore de prénom. Pendant la démolition, j’ai fait asseoir ma belle-sœur sur le côté, le bébé dans ses bras. Ils sont allés ailleurs maintenant. Ils ne pouvaient pas rester ici, dans la tente qu’ils nous ont donnée, au milieu de tous les débris. »
Vendredi, son fils Ismaïl, âgé de 4 ans, ne s’était pas encore calmé et n’arrêtait pas de pleurer. Mohammed était toujours furieux. Leur sœur Hadil, âgée de 3 mois, couchée dans un petit berceau dans la tente d’urgence que la famille a reçue, a semblé comprendre leur malheur et a ajouté ses propres cris de colère.
En termes de nombre de sans-abri, il s’agit de la plus grande opération de démolition menée par l’administration civile depuis 2010. En termes de nombre de structures démolies, il s’agit de l’opération de démolition la plus étendue depuis 2016, abattant 11 tentes et cabanes utilisées comme quartiers d’habitation, 29 tentes et abris pour moutons (environ 1000 animaux), plus 10 bergeries, trois hangars, neuf tentes utilisées comme cuisines, 10 toilettes portables, deux panneaux solaires, 23 réservoirs d’eau, ainsi que des étables et des auges pour les moutons.
De l’eau précieuse a été renversée. Des sacs d’aliments pour animaux ont été déchiquetés. Deux tracteurs et la Subaru d’Awawda ont été confisqués. La déclaration du Coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) concernant « une action coercitive contre sept tentes et huit enclos pour animaux » ne décrivait en rien l’ampleur réelle des destructions.
Certains habitants de Humsa disent que le convoi de jeeps militaires est apparu à 10 heures du matin. D’autres pensent que c’était à 11 heures. Certains se souviennent avoir vu six bulldozers et pelleteuses, d’autres pensent qu’il y en avait quatre. Certains disent que la force de démolition a fait son premier arrêt au deuxième des quatre campements de tentes qui composaient cette communauté de bergers. Les campements sont répartis d’ouest en est, avec environ deux kilomètres les séparant. D’autres disent que la force est arrivée au troisième campement et s’est ensuite séparée.
Mais tous se souviennent que la première chose que les hommes de la communauté ont faite a été de courir vers tous les corrals et de mener les moutons vers les collines environnantes. « Le problème est que c’est la saison de l’agnelage », a déclaré Abu al-Kabash. « Qu’arrivera-t-il aux agneaux ? Où allons-nous les garder ? Comment allons-nous nous en occuper ? »
Des enfants jouent dans les ruines de Khirbet Humsa après sa démolition, novembre 2020
Certains moutons ont ensuite mis bas dans les collines. Trouver un abri pour les moutons et les agneaux nouveau-nés était la tâche la plus urgente, car les moyens de subsistance des familles dépendent des moutons. C’est leur mode de vie, qu’ils n’abandonneront pas.
Voir Néga-sionisme : la guerre totale d’Israël contre l’histoire palestinienne
La recherche de zones de pâturage est ce qui a amené les familles Awawda et Abu al-Kabash, originaires du village de Samu’a dans le sud des collines d’Hébron, au nord de la vallée du Jourdain. La migration vers le nord a commencé dans les années 1970 et 1980, lorsque les pâturages près de Samu’a et Yatta ont commencé à se rétrécir et que l’accès est devenu plus difficile en raison des interdictions militaires et de la construction israélienne. En 1948, les familles de Samu’a ont déjà perdu une grande partie de leur terre qui restait du côté israélien de la Ligne verte. En raison de la croissance démographique, de l’approvisionnement limité en eau qu’Israël autorise aux Palestiniens, de la sécheresse croissante et de l’expansion des colonies, davantage d’éleveurs de moutons de Samu’a se sont déplacés vers le nord vers la région de Jénine et de Tubas.
Ismaïl et Muhammad Abu Al-Kabbash à Khirbet Humsa, novembre 2020
Les familles Abu al-Kabash et Awawda louent des terres appartenant à des habitants de Tamun et Tubas. Sur ces terres, ils ont érigé leurs habitations de fortune, et ils cultivent aussi du blé et de l’orge pour leurs propres besoins.
Mais Israël a déclaré la zone « zone de tir » et c’est l’explication fournie par le COGAT pour justifier la démolition massive, comme c’est le cas pour nombre des récentes démolitions et restrictions imposées par Israël à la construction et aux déplacements palestiniens en Cisjordanie. La seule zone de tir 903, où se trouve Humsa, a pris 80 000 dunams (environ 80 kilomètres carrés) de terres aux Palestiniens du nord de la Cisjordanie. Depuis 2018, les habitants de Humsa ont dû évacuer au moins 20 fois en raison d’exercices militaires dans la région. « Israël ne nous a laissé aucune terre à cultiver. Sans nos moutons, nous deviendrons des mendiants », déclare Yusef Abu Awad. « Israël ne veut pas que nous ayons notre propre source de revenus. Il veut que nous travaillions pour les Israéliens. »
La démolition de chaque campement a duré environ une demi-heure. Aïcha Abu al-Kabash, 60 ans, la belle-mère d’Ansar, qui a du mal à marcher, dit que les employés de l’administration civile ont enlevé une partie du contenu de ses tentes dans le deuxième campement. Tout ce qu’ils n’ont pas enlevé a été démoli ou enterré sous les restes des tentes. Umm Walid al-Kabash, du troisième campement, dit en larmes : « Si seulement ils nous avaient informés à l’avance. Nous aurions pu sauver plus de choses. Le taboun pour la cuisson du pain a également été détruit. »
Des proches des habitants de Humsa qui vivent non loin de là ont essayé de venir en voiture voir ce qui se passait dès qu’ils ont été informés, mais ont été arrêtés par des soldats. Leurs enfants ont traversé les collines à pied pour se rapprocher de la scène. Les photographes ont également été arrêtés par des soldats, et il n’y a donc pas d’images de la démolition elle-même. Seul subsiste le témoignage muet de l’amas des débris : monticules de tiges et de toile froissée, feuilles de contreplaqué, filets, débris de meubles simples, tissus, parcs pour bébé (depuis mardi ceux-ci ont été mis à l’intérieur des tentes de secours qui ont été données à la communauté), grains de maïs (nourriture pour les moutons) éparpillés ça et là sur le sol. Les familles se sont empressées d’emballer leur nourriture et certains de leurs effets personnels dans d’épaisses feuilles de plastique pour les protéger de la pluie qui a commencé à tomber cette nuit-là.
Après que les scènes de la démolition de grande ampleur aient été rendues publiques, vendredi, une importante délégation de l’UE est venue visiter le site. Les ministères des Affaires étrangères de Belgique, de la Grande-Bretagne, d’Irlande et du Luxembourg ont émis des condamnations et ont déclaré que la démolition était en violation du droit international. Mais Ansar a déclaré : « Quoi de nouveau là-dedans ? Ils ne savent pas ce qu’est Israël ? Ils ne savent pas qu’Israël veut se débarrasser de nous et amener plus de colons ici à la place ? »
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Pour rappel, voir la prophétie apocalyptique de Nasrallah, qui mettra bientôt un point final à plus de 70 ans de massacres, de rapines et de terreur :
J’appelle aujourd’hui en premier lieu tous les Juifs hormis les sionistes à détacher leurs considérations des calculs sionistes qui se conduisent eux-mêmes à la destruction finale. Et j’appelle tous les Juifs qui sont venus en Palestine occupée, croyant aux promesses qu’ils trouveraient la terre du lait et du miel, à la quitter. Je les appelle à quitter la Palestine et à retourner dans les pays d’où ils sont venus afin de ne pas être un combustible dans toute guerre à laquelle les mènerait le gouvernement de Netanyahou l’abruti.
Car si Netanyahou lance une guerre dans cette région, il n’y aura peut-être plus le temps pour eux de quitter la Palestine, et il n’y aura pour eux aucun endroit sûr en Palestine occupée.
Le gouvernement ennemi doit savoir que les temps ont changé, tout comme il doit savoir que ceux avec qui il espère une alliance seront un fardeau pour lui, car ils ont besoin qu’on les défende eux-mêmes (et ne peuvent aider personne).
Et l’ampleur des massacres commis par Israël contre le peuple palestinien et les peuples de la région son partenariat avec Daech et sa complicité ouverte dans le projet de partition de la région à travers son soutien ouvert et empressé à la sécession du Kurdistan, tout cela fera que les peuples de la région rendront un verdict capital à leur encontre.
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