Un massacre a été commis par la police française le 17 octobre 1961 contre des immigrés algériens qui étaient descendus dans la rue pour manifester contre un couvre-feu qui leur était imposé et réclamer l’indépendance de l’Algérie. La police a tué et jeté des dizaines, voire des centaines d’entre eux dans la Seine. Cette année, la commémoration de cet événement coïncide avec l’entrée en vigueur d’un couvre-feu sanitaire, destiné à lutter contre l’épidémie de Covid-19.
Source : Al-Jazeera, 17 octobre 2016
Traduction : lecridespeuples.fr
Le 17 octobre 1961 est l’un des événements les plus importants et les pires de l’histoire de la révolution algérienne, et il est décrit comme le massacre commis par la France contre des manifestants algériens qui sont descendus dans la rue pour manifester pacifiquement contre le couvre-feu imposé aux Algériens en Paris en 1961.
Le 17 octobre 1961, la police française, par ordre du gouverneur de la police de Paris, Maurice Papon, a abattu des immigrés algériens qui descendaient dans la rue lors d’immenses rassemblements au cours desquels les participants, plusieurs milliers selon les estimations, s’étaient réunis à l’invitation du Front de libération nationale pour protester contre un loi décrétée contre eux, et pour réclamer l’indépendance de leur pays, qui avait passé près de sept ans de lutte armée à l’époque.
Les événements remontent au 5 octobre 1961, lorsque Papon a émis un arrêté imposant un couvre-feu aux Algériens de huit heures du soir à cinq heures trente du matin. Les immigrés algériens ont naturellement considéré l’interdiction comme raciste et arbitraire.
Le 17 octobre 1961, à huit heures du soir, des milliers d’Algériens sont descendus dans les rues de Paris pour des manifestations pacifiques et se sont rassemblés sur les places publiques pour dénoncer la décision et informer les autorités françaises de leurs revendications, exprimées par leurs slogans comme : « Non au couvre-feu ! » « Négociez avec le gouvernement intérimaire de la République algérienne » « Indépendance pour l’Algérie ! » « Vive le Front de Libération. »
Les forces de l’ordre ont attaqué les manifestants algériens et ont délibérément tué des dizaines d’entre eux dans les rues et les stations de métro, et en ont jeté des dizaines dans la Seine, jusqu’à ce que leurs corps flottent à sa surface, dans une répression contre les manifestations. Le nombre exact de victimes n’est pas connu.
Les historiens et les écrivains qui ont assisté aux événements mentionnent que la police a arrêté environ 12 000 Algériens et les a détenus dans des commissariats de police et dans des camps qu’ils ont établis pour eux au Palais des Sports de Paris et au Palais des Expositions. Ils y ont été soumis à des interrogatoires, des insultes, des coups, des actes de torture et des assassinats.
Quelques témoignages
Dans un précédent témoignage à Al-Jazeera Net, Saïd Baqtach, l’un des manifestants à l’époque, a confirmé que ces manifestations se sont rapidement transformées en massacres, et que « les forces de police françaises ont attaqué les manifestants à coups de matraque et ont tiré à balles réelles, et ont jeté des manifestants dans la Seine. Le lendemain, les corps flottaient à la surface de l’eau. »
La presse a choisi son camp
Said Baqtach a déclaré que des milliers d’Algériens avaient été arrêtés lors de ces manifestations, soulignant que certains d’entre eux étaient morts sous la torture.
Pour sa part, l’historien algérien Hassan Zugheida a déclaré à Al-Jazeera Net que ce qui s’est passé lors des manifestations du 17 octobre est un crime d’État organisé, puni par le droit international et non soumis à la prescription.
Il a révélé que les massacres du 17 octobre ont eu lieu au milieu d’un black-out médiatique, les autorités françaises ayant empêché la presse d’assister aux événements et d’écrire sur le massacre, et ignoré les plaintes des proches des disparus lors des manifestations.
« Ici, on noie les Algériens » : la photo pour mémoire, que L’Humanité n’a publiée que 24 ans après les faits, par crainte d’une énième saisie judiciaire.
Une survivante française du massacre, Monique Hervo, a déclaré dans un précédent témoignage à Al-Jazeera Net qu’elle avait vu de ses propres yeux comment la police avait abattu les Algériens et jeté les corps dans la rivière.
Les historiens britanniques James House et Neil McMaster ont décrit ce à quoi les Algériens ont été soumis le 17 octobre dans leur livre Les Algériens, la terreur d’Etat et la mémoire comme « la répression la plus violente d’une manifestation en Europe occidentale dans l’histoire contemporaine ».
Les responsables algériens confirment que les victimes du 17 octobre vont de trois cents à quatre cents morts, dont des dizaines noyés dans la Seine, ainsi que des disparus.
Fatima Bedar est la plus jeune victime connue de ce massacre. Née en petite Kabylie, cette élève au Collège commercial et industriel féminin à Saint-Denis avait 15 ans lorsqu’elle fut noyée, le 17 octobre 1961, par la police, comme de nombreux Algériens. La jeune collégienne avait de quoi tenir. Son père, Hocine Bedar, rejoint en 1940 le forces françaises et participe à la libération au sein des tirailleurs algériens. A la libération, Hocine Bedar, qui s’installe en Seine-Saint-Denis, fait venir sa famille, avant que la guerre d’Algérie ne le rattrape. Fatima grandit au sein d’une famille de militants nationalistes du FLN. Quand le FLN lance son appel à une manifestation pacifique, elle brave l’interdit parental pour y prendre part. Faisant mine de se rendre au collège, la jeune fille se rend à la manifestation. Elle n’en reviendra jamais. Le 31 octobre 1961, on retrouvera son corps noyé dans la canal de Saint-Denis.
L’historien français Jean-Claude Enaudi affirme dans son livre La bataille de Paris que de 100 à 150 Algériens ont été tués ou disparus de force lors de ces événements, et a accusé la police française dirigée par Papon d’être responsable de leur meurtre délibéré.
Film « Ici on noie les Algériens », réalisé par Yasmina ADI
Reconnaissance française
La France a nié officiellement pendant des années le massacre du 17 octobre, mais le Président François Hollande l’a admis dans un discours en Algérie en décembre 2012, mais sans présenter d’excuses : « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes. » C’était la première reconnaissance officielle de ce massacre par la France.
Les historiens français ont évoqué le massacre, notamment Jean-Luc Enaudi, qui a révélé dans son témoignage, publié le 20 mai 1998 dans le journal Le Monde, qu’en octobre 1961, « un massacre s’est produit à Paris, perpétré par les forces de police sur l’ordre de Maurice Papon ». Ce témoignage a amené Papon, qui a été condamné en 1998 lors de son procès en coopération avec les nazis, à porter plainte contre l’historien en 1998 pour diffamation contre un agent public, mais il a été débouté en 1999 et Enaudi a été acquitté.
Le 17 Octobre 2001, Bertrand Delanoé, maire de Paris, inaugure une Plaque commémorative de cet évènement. Elle est apposée sur le mur du Quai, au Pont Saint Michel, à deux pas de la Préfecture de Police, d’où furent jetés à la Seine tant d’Algériens.
L’ « Association du 17 octobre 1961. Contre l’oubli » a été créée pour perpétuer ce souvenir.
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