C’est la reprise d’un procès attendu aux enjeux multiples. Julian Assange comparaît depuis le 7 septembre et pour plusieurs semaines devant le tribunal de Old Bailey à Londres, et avec la reprise du procès en vue de son extradition, ce sont tous les professionnels de l’information d’investigation qui s’inquiètent.
Le cas du co-fondateur de Wikileaks − et notamment dénonciateur des pratiques de surveillance à grande échelle des services de renseignement américain − ébranle les fondements de la liberté d’informer et mets dos au mur de nombreux pays et leurs responsables politiques.
Stéphanie Gibaud, auteur de La traque des lanceurs d’alerte, elle-même lanceuse d’alerte qui a révélé les pratiques d’évasion de la banque UBS, voit dans cette procédure «un dossier essentiellement politique». Elle pointe l’ambiguïté de la France et dénonce le comportement du Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti.
Sur notre plateau, la lanceuse d’alerte n’a pas hésité à rappeler que la France et ses dirigeants sont enclins à faire des déclarations d’intention mais que les actes ne suivent pas. Et elle n’épargne pas le ministre de la Justice : «Monsieur Dupond-Moretti avait déclaré en 2017 que les lanceurs d’alerte étaient des délateurs. Il est ensuite devenu l’avocat de Julian Assange en lui disant que la France devait lui proposer l’asile. Depuis qu’il est ministre de la Justice […], le dossier de Monsieur Bayrou et de détournement de fonds publics est bien plus rapide que sa précipitation pour aller voir le président Emmanuel Macron et demander l’asile.»
Edward Snowden et tant d’autres sont des combattants pour la liberté, et la France est le pays de la liberté.
Et la position française, celle d’un entre-deux teinté d’immobilisme, semble bien difficile à tenir et met en exergue la faiblesse de la France face à certaines puissances étrangères : «On entre donc là dans du droit international et chez nous en France au niveau du droit pénal. Les intérêts de notre nation sont mis en danger et on a de quoi s’interroger sur cet aspect de soumission par rapport à une puissance étrangère. Ce ne sont pas des secrets d’Etat qui ont été révélés mais des crimes d’Etat qui montrent qu’il existe un entre-soi de nos élites politiques complice à l’international. Or Edward Snowden et tant d’autres sont des combattants pour la liberté, et la France est le pays de la liberté.»
Ce sont certainement les Gilets jaunes qui vont porter la voix de ce qu’est la France à l’international, des valeurs qu’elle représente ainsi que de tous les lanceurs d’alerte qui sont sacrifiés sur l’autel du mensonge en bande organisée
Pour Stéphanie Gibaud, alors que des partisans de Julian Assange manifestent devant le tribunal et que la pétition de partisans de Julian Assange est ignorée par Downing Street, cet événement et ses conséquences préfigurent une rupture entre les classes populaires et les élites dominantes et dirigeantes : «La traque va s’inverser. On fait des grands mots pour dire qu’on va protéger les gens et on se rend compte que les informations sont bien mieux protégées que les citoyens. Je sens que l’on arrive à un basculement et qu’il va arriver très bientôt. Ce sont certainement les Gilets jaunes qui vont porter la voix de ce qu’est la France à l’international, des valeurs qu’elle représente ainsi que de tous les lanceurs d’alerte qui sont sacrifiés sur l’autel du mensonge en bande organisée.»