Le Japon se prépare-t-il à se doter de l’arme nucléaire

Le Japon se prépare-t-il à se doter de l’arme nucléaire

par Alexandre Lemoine.

Le premier ministre japonais Shinzo Abe a annoncé, ce vendredi 28 août, sa démission pour des raisons personnelles, à cause de son état de santé. Et récemment le gouvernement japonais a annoncé qu’il avait à sa disposition près de 45 tonnes de plutonium. Dont plus de 30 tonnes peuvent être utilisées dans des charges nucléaires. Il n’est pas encore convenu de parler au Japon de la création de sa propre arme nucléaire, l’opinion publique n’est pas prête pour un tel tournant. Mais le temps passe et le monde change. 

Le Japon a accumulé cette importante réserve de plutonium après des années de recyclage des déchets de l’activité des centrales nucléaires locales. Sa majeure partie n’est pas encore conservée sur le territoire japonais mais à l’étranger, là où ils étaient traités – principalement au Royaume-Uni et en France.

La Constitution actuelle du Japon, qui n’a pas changé depuis 1947, interdit la création de toutes unités armées, son article 9 proclame le principe de neutralité et, en conséquence, le refus de créer sa propre armée à part entière.

Mais de facto le Japon dispose d’une armée de terre, d’une armée de l’air et d’une marine, qui s’appellent les Forces d’autodéfense. Il s’agit formellement de l’un des types particuliers des forces de police, leur activité est limitée et ne possède même pas d’un statut juridique précis.

Les politiques et les journalistes japonais ne parlent jamais de « l’armée japonaise » contemporaine, et les Forces d’autodéfense sont considérées comme une organisation civile. D’autant que ces 10-15 dernières années au Japon a grandi une puissante association Article 9 adoptant des positions pacifiques contre la renaissance des sentiments nationalistes. En 1967, le Japon a officiellement adopté les Trois principes non nucléaires – le Japon ne saurait détenir, ni fabriquer, ni permettre l’introduction sur son territoire d’armes nucléaires. D’un autre côté, certains Japonais disent de plus en plus, pour l’instant hypothétiquement, que leur pays doit enfin rejoindre le club nucléaire.

Les Forces d’autodéfense japonaises sont apparues entre 1950 et 1954 avec le soutien de l’armée américaine qui avait occupé le pays à l’époque, pendant la guerre de Corée, au point culminant de la confrontation de l’Occident contre l’URSS de Staline et la Chine, où des communistes sont venus au pouvoir avec Mao Zedong. En 1951, Tokyo a signé avec Washington le traité de coopération militaire et de défense, en vigueur à ce jour, conformément auquel toute attaque contre le Japon était considérée comme une attaque contre l’armée américaine. En 1989, le Japon a obtenu des États-Unis le statut de « principal allié des États-Unis hors Otan ».

Pour l’instant, Tokyo cherche à développer son potentiel de défense par d’autres moyens – pour se protéger contre tous les adversaires potentiels le pays développe sa propre arme hypersonique et achète à Washington des missiles de croisière. Tout comme avance le processus d’adhésion du Japon au projet américain qui prévoit le lancement de plusieurs centaines de satellites de basse orbite pour l’interception potentielle de missiles chinois et russes. Ce 27 août, le ministre japonais de la Défense Taro Kono, qui a rencontré le chef des forces spatiales américaines John Raymond, a officiellement annoncé que Tokyo était intéressé par ce programme.

Quoi qu’il en soit, officiellement le Japon ne mène pas encore de recherches sur l’exploitation militaire de l’énergie nucléaire, même s’il dispose des matériaux et des technologies nécessaires permettant de se doter de l’arme nucléaire en deux ans.

L’idée de la conception et de la possession de sa propre arme nucléaire reste encore un tabou au Japon. La position officielle du gouvernement se résume au fait que le pays refuse de posséder, de déployer sur son territoire et de fabriquer l’arme nucléaire. Mais il est à noter que cette position se présente sous la forme d’une résolution du cabinet et non d’une loi adoptée par le parlement japonais. C’est pourquoi en théorie cette condition, dans un sens purement juridique, peut être changée assez facilement. En revanche, l’opinion publique japonaise rejette une telle éventualité pratiquement à l’unanimité. Auparavant, certains militaires disaient qu’il est temps de se doter de l’arme nucléaire, qui plus est dans un entourage aussi difficile. Mais cela se soldait par des démissions et des renvois immédiats de tels militaires. Et il n’y a pas de forces politiques au Japon qui prôneraient ouvertement la possession de l’arme nucléaire. Même si une telle éventualité n’est pas exclue, notamment en cas de changement des relations avec les États-Unis. Ce qui est le cas ces derniers temps.

Tokyo possède le potentiel pour créer l’arme nucléaire. Le Japon possède une immense quantité de plutonium. Selon les informations officielles rendues publiques cette semaine dans le rapport gouvernemental, il s’agit de 45,5 tonnes. De plutonium de différente qualité, mais dont plus de 30 tonnes peuvent servir pour créer immédiatement des charges nucléaires. Autrement dit, il peut servir à créer plusieurs centaines d’ogives nucléaires, soit un immense potentiel militaire. Cette quantité s’est accumulée naturellement parce qu’avant l’accident de Fukushima en 2011 au Japon fonctionnaient plus de 50 réacteurs nucléaires qui créaient forcément des déchets. Et le pays les accumulait en les recyclant au Royaume-Uni et en France, car le Japon ne dispose toujours pas de capacités pour le faire. Sachant qu’il était prévu d’utiliser ce plutonium comme un nouveau combustible MOX, mélangé à l’uranium, et le brûler dans des surgénérateurs qui produirait du nouveau plutonium. Ce qui était au fond le rêve de Tokyo d’une totale indépendance énergétique. Or ces plans restent flous après l’accident de Fukushima, maintenant que plusieurs réacteurs ont été arrêtés.

Néanmoins, il existe du potentiel pour créer des ogives nucléaires. D’ailleurs, il y a quelque temps Tokyo a procédé à une analyse des capacités potentielles pour construire l’arme nucléaire. Et les experts gouvernementaux ont conclu, de manière purement hypothétique, que même sans se presser, sans mobiliser toutes les forces, dans les conditions actuelles il faudrait près de 2-2,5 ans au Japon pour créer une ogive nucléaire pour les missiles qu’il possède. Par conséquent, de telles estimations existent.

source : http://www.observateurcontinental.fr

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