Le « miracle » de Salisbury
Par Craig Murray, le 16 juin 2020
Suivi de Affaire Skripal : dix points incroyables du récit officiel
Craig Murray est un auteur, diffuseur et militant des droits de l’homme. Il a été ambassadeur du Royaume-Uni en Ouzbékistan d’août 2002 à octobre 2004 et recteur de l’Université de Dundee de 2007 à 2010.
Source : https://www.craigmurray.org.uk/archives/2020/06/the-miracle-of-salisbury/
Traduction : lecridespeuples.fr
Il s’avère que la BBC croit vraiment que Dieu est un Anglais. Lorsque l’impossibilité manifeste de la version officielle sur l’affaire Skripal a finalement submergé les dramaturges, ils ont eu recours à l’intervention divine pour trouver une explication, comme les propagandistes l’ont fait pendant des millénaires.
Ce morceau de script particulier de l’épisode 2 des empoisonnements de Salisbury mérite une intronisation au Temple de la renommée de la propagande :
Analyste de Porton Down [laboratoire de recherche biologique militaire situé à Salisbury] : Je viens d’avoir les rapports sur la maison de Bailey (agent de police ayant secouru Skripal).
Responsable de la santé publique : Combien d’échantillons de Novichok ont-ils été trouvés ?
Analyste de Porton Down : On en a trouvé dans presque toutes les pièces de la maison. Cuisine, salle de bain, salon, chambres. Il y en avait même sur les interrupteurs d’éclairage et dans la voiture familiale. Mais sa femme et ses enfants n’ont pas été touchés. J’aime me considérer comme un homme de science, mais le seul mot pour décrire cela est « miracle ».
Eh bien, ce serait certainement un miracle que la famille ait vécu pendant une semaine dans la maison sans toucher à un seul interrupteur. Mais « miracle » n’est pas vraiment « le seul mot pour décrire cela ». « Absurde » serait un bon mot. « Ramassis de conneries » serait une version plus rude. Mais « mensonge » serait tout à fait approprié dans ces circonstances.
Parce que ce n’était pas le seul miracle à l’oeuvre. On nous a dit spécifiquement que les Skripal avaient traîné du Novichok partout, du restaurant Zizzi’s au pub Bishops Mill, laissant de multiples dépôts mortels, des dizaines au total, que miraculeusement, personne n’avait touchés. On nous a dit que l’agent de police Bailey avait laissé plusieurs dépôts mortels de Novichok sur tout ce qu’il avait touché dans un poste de police bondé, mais durant les plusieurs jours d’activité qui ont précédé sa fermeture, personne n’avait touché aucun d’entre eux, ce qui doit être un « miracle » encore plus grand que celui de la maison des Bailey.
Peut-être encore plus étonnant encore, c’est que les Skripal auraient répandu du Novichok partout dans le restaurant et le pub, mais aucun serveur n’a été atteint, aucun caissier non plus. L’homme qui a fouillé le portefeuille de Sergei Skripal pour connaître son identité à partir de ses cartes de crédit n’a pas été empoisonné. Les secouristes n’ont pas été empoisonnés. Les canards nourris par Sergei n’a pas été empoisonnés. Le petit garçon avec qui il a nourri les canards n’a pas été empoisonné. Tant de « miracles » ! Si Dieu n’était pas un Anglais, Salisbury aurait certainement eu de gros ennuis.
La conclusion de l’épisode deux a montré Charlie Rowley [citoyen britannique de Salisbury prétendument empoisonné au Novichok via le contenu d’un flacon de parfum 4 mois après les Skripal] récupérant le flacon de parfum dans un bac à dons au moins deux mois avant que cela ne se produise, mettant ainsi soigneusement de côté l’une des impossibilités les plus flagrantes de toute l’histoire officielle. Je pense que nous pouvons pardonner à la BBC ce mensonge, car la crédulité du public n’est pas telle qu’il puisse gober plusieurs interventions divines par épisode.
Il est fascinant de voir que la construction de cet édifice de mensonges était une coentreprise entre la BBC et le journal quasi-officiel des services de sécurité, The Guardian. Non seulement le propagandiste pro-guerre « Colonel » Hamish De Bretton Gordon est-il crédité en tant que conseiller militaire, mais les journalistes du Guardian Caroline Bannock et Steven Morris sont crédités en tant que consultants de script, ce qui, je suppose, signifie qu’ils ont apporté les mensonges bruts que les scénaristes devaient transformer en « miracles ».
Voici maintenant un point éthique intéressant pour les lecteurs du Guardian. The Guardian a publié au cours des quinze derniers jours deux articles de Morris et Bannock qui prétendaient rendre compte de la production du drame et de son authenticité, sans révéler aux lecteurs que ces journalistes à plein temps du Guardian faisaient en fait partie du projet BBC. C’est contraire à l’éthique et non professionnel de plusieurs façons assez surprenantes. Mais c’est le Guardian.
[Révélation : j’ai partagé un appartement avec Caroline à l’université. C’était une personne honnête à l’époque.]
Encore une fois, plutôt que de saupoudrer cet article de liens, je vous invite à lire cet article plus exhaustif [traduit ci-dessous], qui contient de nombreux liens et reste entièrement sans réponse.
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Affaire Skripal : dix points incroyables du récit officiel
Par Craig Murray, le 7 mars 2019
Traduction : lecridespeuples.fr
Je ne sais toujours pas ce qui s’est passé dans la saga Skripal, qui pourrait peut-être plus respectueusement être appelée la saga Sturgess [Dawn Sturgess, citoyen britannique de Salisbury prétendument empoisonné au Novichok via le contenu d’un flacon de parfum 4 mois après les Skripal]. Je ne peux pas croire la version russe quant à Boshirov et Petrov, car si c’étaient leurs véritables identités, celles-ci auraient été fermement établies et affichées à ce jour. Mais cela ne signifie pas qu’ils ont tenté de tuer les Skripal, et il existe de nombreux éléments clés du compte rendu britannique officiel qui sont aussi tout simplement incroyables.
Les gouvernements font des choses inavouables, et quelque chose d’inavouable s’est joué à Salisbury, qui impliquait au moins l’État britannique, des agents russes (agissant peut-être au nom de l’État), Orbis Intelligence [agence de renseignements privée co-fondée par Christopher Steele, créateur du pseudo-dossier démontrant l’ingérence russe dans l’élection de Trump] et la BBC. Quiconque croit qu’il est simple d’identifier les « gentils » et les « méchants » dans cette situation est un naïf. En ce qui concerne les acteurs étatiques et les services de renseignement, il n’y a souvent pas de « gentils », comme j’en ai personnellement été témoin de l’intérieur sur les dossiers de la torture, des transferts de prisonniers extra-judiciaires et de l’invasion illégale de l’Irak. Mais face à une campagne médiatique massive visant à valider le récit du gouvernement britannique à propos des Skripal, voici dix des choses auxquelles je ne crois pas dans la version officielle :
1) PUR
C’est ce point qui m’a amené à revenir sur le dossier Skripal, même si cela m’a valu plus d’insultes que je n’en avais reçu au cours de mes 15 ans de carrière en tant que lanceur d’alerte.
Il y a quelques mois, j’étais vraiment démoralisé par la quantité d’injures que je recevais à propos de l’effondrement de l’histoire russe quant à l’identité de Boshirov et Petrov. Je n’avais jamais prétendu que l’empoisonnement, si empoisonnement il y avait eu, n’avait pas été commis par des Russes, seulement qu’il y avait beaucoup d’autres possibilités. Il me semblait que la validité des poursuites contre l’État russe était encore loin d’être établie, quelle que soit vraiment l’identité de Boshirov et Petrov, et je n’ai pas accepté (et n’accepte toujours pas) les conjectures et les preuves douteuses de Bellingcat comme une identification concluante. Mais je n’appréciais pas du tout les railleries constantes en ligne à mon encontre, et je n’étais donc pas enclin à approfondir le sujet.
C’est dans cette humeur que j’ai reçu plus d’informations de ma source originelle du FCO (Ministère des affaires étrangères britannique), qui m’avait dit, à juste titre, que le laboratoire de recherche militaire Porton Down ne pouvait pas et refusait d’attester que l’échantillon « Novichok » avait été fabriqué en Russie, et a expliqué que la formulation « d’un type développé par la Russie » avait été établie par les autorités britanniques pour couvrir ce fait.
Cette source voulait m’expliquer que le gouvernement britannique recourait à une astuce similaire sur l’utilisation du mot « pur ». Le rapport de l’OIAC avait conclu que l’échantillon de Novichol qui leur avait été fourni par le gouvernement britannique était « d’une grande pureté » avec une « absence presque totale d’impuretés ». Le gouvernement britannique avait utilisé cet élément pour faire croire que le Novichok était de « qualité militaire » et ne pouvait avoir été produit que par un État.
Mais en réalité, ce n’est pas ce que les experts techniques de l’OIAC voulaient signaler. L’échantillon fourni à l’OIAC aurait été prélevé sur la poignée de porte du domicile des Skripal. Il se serait trouvé sur cette poignée de porte depuis plusieurs jours avant d’y être prélevé. La poignée de porte avait déjà été touchée par les mains des Skripal et celles de l’officier de police Bailey, ainsi que par les gants de nombreux enquêteurs. Il avait bien sûr été exposé à tout film de saleté ou de poussière qui aurait été présent sur la poignée de porte. Il avait été exposé à la pollution présente dans la pluie, ainsi qu’à la poussière et au pollen ambiants. Dans ces circonstances, il est incroyable que l’échantillon fourni « ait une absence presque totale d’impuretés ».
Un échantillon ne peut pas avoir une absence totale d’impuretés après avoir été sur une poignée de porte utilisée, à l’extérieur, pendant plusieurs jours. En réalité, l’échantillon fourni était, au contraire, directement sorti d’un laboratoire.
L’affirmation du gouvernement selon laquelle « absence presque totale d’impuretés » signifiait « grade militaire » était une absurdité totale. Le Novichok de « qualité militaire » n’existe pas. Il n’a jamais été délivré à aucun militaire, nulle part. Le programme Novichok a été conçu pour produire un poison organo-phosphate qui pourrait rapidement être fabriqué à la hâte à partir d’ingrédients facilement disponibles dans le commerce. Il ne faisait pas partie d’un véritable programme de fabrication de l’industrie de la défense.
Il y a un dernier problème avec l’angle « de grande pureté ». Nous avons d’abord entendu l’histoire de Theresa May selon laquelle le « Novichok » était extrêmement meurtrier —plusieurs fois plus mortel que l’agent innervant VX— en infimes traces. Ensuite, quand il s’est avéré que les Skripal avaient survécu, on nous a expliqué que c’était parce que le poison s’était dégradé sous la pluie. Cette idée a été rendue célèbre par Dan Kaszeta, anciennement du renseignement américain et de la Maison Blanche et expert autoproclamé en armes chimiques, dont l’expertise a été vigoureusement niée par de vrais experts.
Ce que nous ne savions pas à l’époque, mais nous le savons maintenant, c’est que Kaszeta était secrètement payé par le gouvernement britannique —via l’Integrity Initiative (« Initiative pour l’intégrité », Thinktank financé par le gouvernement britannique, et visant à défendre la démocracie face à la désinformation, russe en particulier)— pour produire cette propagande .
Donc la première chose que je ne peux pas croire, c’est que le gouvernement britannique a trouvé un échantillon prélevé après plusieurs jours sur la poignée de porte des Skripals avec « une absence presque totale d’impuretés ». Je ne peux pas non plus croire que cette substance « extrêmement pure » n’ait pas été mortelle pour les Skripal.
2) Du ‘Novichok’ sur le toit
Il y a trois jours, Sky News a diffusé une émission filmée devant la maison des Skripal à Salisbury, où ils ont expliqué que le toit avait été ôté et remplacé en raison d’une contamination par du « Novichok ».
Je ne peux pas croire qu’un gel, prétendument enduit ou peint sur la poignée de porte, ait migré vers le haut pour pénétrer dans le toit d’une maison à deux étages, de telle sorte que le toit ait dû être détruit, mais pas la maison située entre les deux. Comme les médias dominants ne remettent jamais en question le récit officiel, il n’y a jamais eu de réponse officielle quant à la façon dont le gel ‘Novichok’ serait passé de la poignée de porte au toit. Rappelez-vous que des traces du « Novichok » auraient été trouvées dans une chambre d’hôtel à Poplar, qui est toujours utilisée comme chambre d’hôtel et n’a pas dû être détruite, et une bouteille entière aurait été trouvée dans la maison de Charlie Rowley, qui n’a pas dû être détruite. Du Novichok a été retrouvé dans le restaurant Zizzi’s, qui n’a pas dû être détruit.
Nous parlons donc de Novichok en quantités menaçantes —plus que les traces prétendument trouvées dans l’hôtel à Poplar— se trouvant dans le toit des Skripals. Comment a-t-il pu arriver là-haut ?
Comme je l’ai dit au début, je ne sais pas ce qui s’est passé, je sais seulement ce que je ne crois pas. Il y a des théories selon lesquelles Skripal et sa fille auraient eux-mêmes été impliqués d’une manière ou d’une autre dans la manipulation de Novichok. À première vue, sa présence sur leur toit pourrait soutenir cette théorie.
La deuxième chose que je ne crois pas, c’est que le toit des Skripal a été contaminé par du gel placé sur leur poignée de porte, de sorte que le toit a dû être détruit, alors qu’aucun autre lieu affecté, ni le reste de la maison des Skripals, n’ont dû être détruits.
3) Soins infirmiers
La toute première personne à avoir découvert les Skripal mal en point sur un banc de parc à Salisbury se trouvait justement être l’infirmière en chef de l’armée britannique, qui, comme par hasard, serait passée devant eux en revenant d’une fête d’anniversaire. Une chance, n’est-ce pas ? Les chances qu’une telle chose se produise sont à peu près les mêmes que mon aspirateur tombe en panne juste avant que James Dyson [inventeur d’un fameux modèle d’aspirateur] frappe à ma porte pour demander son chemin. Il y a en effet très peu de personnes au Royaume-Uni formées pour prodiguer des soins infirmiers aux victimes d’attaques aux armes chimiques, et de toutes les personnes qui auraient pu passer devant, il se trouve que c’était la plus gradée d’entre elles !
Le gouvernement essaie toujours d’obtenir une bonne publicité pour ses forces armées, et on pourrait penser que le rôle héroïque de son personnel hors service dans la sauvegarde fortuite d’agents doubles russes empoisonnés sur lesquels ils viennent de tomber aurait été proclamé comme un triomphe pour l’armée britannique. Pourtant, ce fait a été gardé secret pendant dix mois. On ne nous a pas parlé de l’implication du colonel Alison McCourt avant le mois de janvier de cette année, et c’était par accident. Gonflée de fierté maternelle, le colonel McCourt a nominé sa fille pour un prix de la station de radio locale pour son rôle dans l’aide aux premiers secours aux Skripals, et la jeune Abigail a révélé l’identité de sa mère à la radio locale, et le fait que sa mère était présente « avec elle » et avait administré les premiers soins.
Même alors, les médias dominants ont docilement joué le jeu, le Guardian et Sky News ayant tous deux publié des histoires mettant l’accent entièrement sur le récit à la Enid Blyton [auteur de la série pour la jeunesse Le Club des Cinq] de « l’adolescent courageux sauvant les Skripal », et mentionnant à peine l’infirmière en chef de l’armée qui s’occupait des Skripal « avec la petite Abigail ».
Je tiens à souligner à nouveau que le colonel Alison McCourt n’est pas l’infirmière en chef d’une unité ou d’un hôpital particulier : elle est l’infirmière en chef de toute l’armée britannique. Sa présence a été gardée totalement silencieuse par les médias pendant dix mois, alors que toutes sortes d’histoires étaient diffusées par les médias dominants sur l’identité des premiers intervenants, divers médecins et officiers de police ayant été mentionnés.
Si vous croyez que c’est une coïncidence que l’infirmière en chef de l’armée britannique ait été la première personne à découvrir les Skripal mal en point, vous êtes un imbécile fini. Et pourquoi cela aurait-il été gardé secret ?
4) Métabolismes remarquables
Cela a été noté à plusieurs reprises, mais aucune réponse satisfaisante n’a jamais été donnée. L’histoire officielle est que les Skripal ont été empoisonnés par leur poignée de porte, mais sont restés ensuite suffisamment en bonne santé pour aller dans un bar, nourrir des canards et prendre un grand déjeuner chez Zizzi’s, avant d’être frappés et handicapés instantanément, les deux exactement au même moment.
Les Skripal étaient d’âges, de sexes et de poids très différents. Le fait qu’un agent innervant qui aurait mis des heures à agir mais se serait déclenché avec un effet invalidant immédiat et simultané pour les deux victimes, de sorte qu’ils ne puissent pas même appeler à l’aide, affectant deux métabolismes entièrement différents en même temps, n’a jamais été expliqué de manière satisfaisante. Un dosage précis aurait pu avoir un tel effet, mais bien sûr, la méthode de transmission du poison via la poignée de porte aurait entrainé un dosage incontrôlé.
Mais le fait que deux doses aléatoires différentes aient été telles qu’elles ont affecté chacune de ces deux personnes très différentes au même moment, de sorte que ni l’une ni l’autre ne pouvait appeler à l’aide, est une coïncidence extrême. C’est presque aussi improbable que le fait que la première personne passant à côté des victimes se soit trouvé être l’infirmière en chef de l’armée britannique.
5) 11 jours
Après l’empoisonnement de Charlie Rowley et de Dawn Sturgess, 4 mois après les Skripal, la police a bouclé le domicile de Charlie Rowley et a commencé sa recherche de « Novichok » dans une attitude d’extrême urgence, car on pensait que ce poison s’était propagé dans la population. Les policiers cherchaient spécifiquement une petite fiole de liquide. Pourtant, il a fallu 11 jours de recherche avant qu’ils ne découvrent le « Novichok » dans un flacon de parfum bien en vue sur le comptoir de la cuisine, et seulement après avoir découvert l’indice de l’emballage du flacon de parfum dans la poubelle la veille, après dix jours de recherche.
La bouteille était sortie de son emballage et le « Novichok », dont la plus petite quantité est mortelle, avait été éjecté de sa buse au moins deux fois, par Rowley et Sturgess, et peut-être davantage. L’extérieur de la bouteille / buse était donc contaminé. Pourtant, la maison de Rowley, contrairement à la toiture des Skripal, n’a pas dû être détruite.
Je ne peux pas croire qu’il ait fallu onze jours à la police pour trouver la chose même qu’elle cherchait, une petite fiole de liquide posée à la vue de tous sur un comptoir de cuisine. Quoi d’autre encore ?
6) Mark Urban / Pablo Miller
Le « Correspondant Diplomatique » de la BBC est un canal régulier pour les services de sécurité. Il a présenté une grande partie de la couverture originale de la BBC sur l’histoire des Skripal. Pourtant, il a caché aux téléspectateurs le fait qu’il avait été en contact régulier avec Sergei Skripal pendant des mois avant l’empoisonnement présumé, et avait rencontré Skripal à plusieurs reprises.
C’est un comportement extraordinaire. C’était la plus grande histoire pour tous les programmes d’informations dans le monde, et les organismes de presse, y compris la BBC, se démenaient pour avoir des informations sur l’histoire des Skripal. Pourtant, le journaliste qui avait des informations privilégiées sur la plus grande histoire du monde, et qui en faisait un reportage régulier, a gardé cela pour lui. Pourquoi ? Urban ne laissait pas seulement passer une opportunité de carrière : il était contraire à l’éthique de rapporter continuellement l’histoire sans révéler aux téléspectateurs ses nombreux contacts avec Skripal.
Le gouvernement britannique a eu deux réactions immédiates à l’incident des Skripal. Dans les 48 premières heures, il a blâmé la Russie et a imposé une DA-Notice (interdiction au nom de la sécurité nationale) prohibant toute mention dans les médias du nom de l’agent traitant de Skripal au MI6 (principal service secret britannique), Pablo Miller. Par une autre de ces coïncidences extraordinaires, Miller et Urban se connaissent bien, ayant tous deux été ensemble officiers dans le Royal Tank Regiment, au même grade et ayant rejoint le régiment la même année.
J’ai envoyé à plusieurs reprises les questions suivantes à Mark Urban. Je n’ai reçu aucune réponse :
À : mark.urban@bbc.co.uk
Cher Mark,
Comme vous le savez peut-être, je suis un journaliste travaillant dans les médias alternatifs, membre de la NUJ [Union nationale des journalistes] et ancien ambassadeur britannique. Je fais des recherches sur l’affaire Skripal.
Je souhaite vous poser les questions suivantes.
1) Lorsque les Skripal ont été empoisonnés pour la première fois, c’était la plus grande histoire des bulletins d’informations du monde entier et vous étiez dans une position unique, ayant rencontré à plusieurs reprises Sergei Skripal l’année précédente. Pourtant, face à ce qui aurait dû être un point tournant de votre carrière, vous avez caché au public cette information unique sur une histoire majeure, et ce pendant quatre mois. Pourquoi ?
2) Vous étiez un officier du Royal Tank Regiment avec Pablo Miller, agent traitant de Skripal au MI6, qui vivait également à Salisbury. Avez-vous maintenu une amitié avec Miller au fil des ans, et à quelle fréquence communiquez-vous ?
3) Lorsque vous avez rencontré Skripal à Salisbury, Miller était-il présent tout ou partie du temps, ou avez-vous rencontré Miller séparément ?
4) La BBC était-elle au courant de vos rencontres avec Miller et / ou Skripal à l’époque ?
5) Lorsque, quatre mois plus tard, vous avez parlé au monde de vos rencontres avec Skripal après l’incident Rowley / Sturgess, vous avez dit que vous l’aviez rencontré dans le cadre d’un travail de recherche pour un livre. Pourtant, le seul livre à paraître que vous avez annoncé concerne l’affaire Skripal. Quel a été le sujet de vos discussions avec Skripal ?
6) Pablo Miller a travaillé pour Orbis Intelligence. Savez-vous si Miller a contribué au dossier de Christopher Steele sur Trump & la Russie ?
7) Avez-vous discuté du dossier Trump avec Skripal et / ou Miller?
8) Savez-vous si Skripal a contribué au dossier Trump ?
9) Dans votre émission sur BBC Newsnight suite à l’incident Rowley / Sturgess, vous avez déclaré que des sources des services de sécurité vous avaient dit que le téléphone de Yulia Skripal avait peut-être été mis sur écoute. Depuis janvier 2017, combien de séances d’information ou de discussions sur les services de sécurité avez-vous eues sur l’un des points ci-dessus ?
Dans l’attente de votre réponse,
Craig Murray
L’absence d’ouverture d’Urban en refusant de répondre à ces questions, et le rôle joué par la BBC et les médias dominants en général avec leur docilité totale face à la version du gouvernement britannique, plus la « coïncidence » de la relation d’Urban avec Pablo Miller, donnent encore plus de raisons d’être sceptique face au récit officiel.
7) Quatre mois
Le récit officiel insiste sur le fait que Boshirov et Petrov ont introduit le « Novichok » dans le pays ; que des quantités infimes pouvaient tuer ; qu’ils ont jeté le flacon de Novichok qui a tué Dawn Sturgess. Il devait donc être de la plus haute priorité d’informer le public des mouvements des suspects et des lieux possibles où des traces mortelles de « Novichok » devaient subsister.
Pourtant, il y a eu au moins quatre mois d’écart entre la fouille par la police de l’hôtel Poplar où Boshirov et Petrov avaient séjourné, découvrant prétendument des traces de Novichok dans la chambre d’hôtel, et le moment où la police a informé la direction de l’hôtel, sans parler du public, de la découverte. Quatre mois durant lesquels un personnel de ménage aurait pu fatalement tomber sur d’autres résidus de Novichok dans l’hôtel. Quatre mois au cours desquels un autre client du même hôtel aurait pu être contaminé avec quelque chose qu’il aurait pris à l’hôtel. Quatre mois durant lesquels il aurait pu y avoir un conteneur de Novichok dans une haie près de l’hôtel. Pourtant, pendant quatre mois, la police n’a pas pensé que tout cela était suffisamment urgent pour le révéler à qui que ce soit.
Ce qui est étonnant, c’est qu’il s’est écoulé trois mois complets après la mort de Dawn Sturgess avant que l’hôtel ne soit informé, le public informé ou les photos de « Boshirov » et « Petrov » à Salisbury publiées. Rien ne permet d’indiquer plus clairement que les autorités ne pensaient pas qu’une menace provenant de résidus de Novichok était liée aux mouvements de Boshirov et de Petrov.
De même, les métadonnées sur les célèbres images de vidéosurveillance de Boshirov et Petrov à Salisbury, publiées en septembre par le Met (police métropolitaine) ont montré que tous les clichés ont été préparés par le Met le matin du 9 mai, soit quatre mois complets avant d’être divulgués au public. Mais cela n’a aucun sens. Pourquoi attendre quatre mois, apres lesquels les souvenirs des gens se seront évanouis, avant de lancer un appel au public pour obtenir des informations ? Cela n’a aucun sens du point de vue de l’enquête. Cela a encore moins de sens du point de vue de la santé publique.
Si les autorités étaient réellement inquiètes de la présence éventuelle de Novichok mortel et souhaitaient le retrouver, pourquoi ont-elles attendu quatre mois avant de publier les images montrant les visages et la tenue vestimentaire des suspects de sa propagation, ainsi que leur localisation ?
La seule conclusion possible de l’attente incroyable de quatre mois à la fois pour informer l’hôtel et pour révéler au public les images de vidéosurveillance de Boshirov et Petrov, est que la police métropolitaine ne croyait pas réellement qu’il y avait un danger pour la santé publique que les deux suspects aient laissé des résidus de Novichok. Si l’histoire officielle était vraie, cette incapacité extraordinaire à prendre des mesures en temps opportun dans le cadre d’une urgence de santé publique aurait pu contribuer au décès de Dawn Sturgess.
La métadate indiquée sur les clichés montre que la police a traité toutes les images de vidéosurveillance de Salisbury de Boshirov et Petrov un mois avant que Charlie Rowley ne prenne le parfum. Les autorités affirment que les images de vidéosurveillance montrent que les suspects auraient pu se rendre au bac de dons pour y jeter le Novichok. Ce qui nous amène à nous demander ceci : si la police croyait vraiment avoir des images de vidéosurveillance des mouvements des hommes avec le Novichok, pourquoi n’a-t-elle pas par la suite fouillé tous les endroits où, selon les images de vidéosurveillance, Boris et Petrov auraient pu aller, y compris ce bac de dons ?
La conclusion beaucoup plus probable semble être que le manque d’urgence s’explique par le fait que le lien entre Boshirov et Petrov et le « Novichok» est un récit que les responsables de l’enquête ne prennent pas au sérieux.
8) Les espions incompétents
Certains éléments du récit accepté des mouvements de Boshirov et Petrov n’ont aucun sens. Comme le souligne l’excellent blog local de Salisbury, le Blogmire, les images de vidéosurveillance montrent Boshirov et Petrov, après qu’ils aient prétendument enduit la poignée de porte de Novichok, revenant vers la gare mais passant directement devant elle, dans le centre de Salisbury, manquant ainsi le premier train qu’ils auraient pu prendre pour s’éloigner des lieux au plus vite. Ils se promènent ensuite apparemment sans but dans Salisbury, faisant du lèche-vitrines qui est capté par les caméras CCTV, et, selon le récit officiel, jettent le parfum / Novichok utilisé mais inexplicablement scellé à la cellophane dans un bac à dons, après être passés devant de nombreux sites d’élimination potentiels sur leur parcours, comprenant le remblai ferroviaire et les bacs poubelle du garage Shell.
Mais la chose vraiment intéressante, mise en évidence par le blogmire, est que les images de vidéosurveillance des suspects les montrant le plus près de la maison des Skripal les positionnent à 500 mètres de celle-ci, au garage Shell, alors qu’ils marchaient le long du côté opposé de la route du virage menant au domicile des Skripal. Il y a une deuxième caméra de vidéosurveillance dans le garage qui les aurait filmés en train de traverser la route et de se rendre vers la maison des Skripal, mais aucune telle vidéo ou image fixe —potentiellement la plus importante de toutes les images de vidéosurveillance— n’a jamais été publiée.
Cependant, 500 mètres n’est pas la distance la plus proche des Skripal où la vidéosurveillance place les agents russes allégués. De 13h45 à 13h48, lors de leur balade en ville, Boshirov et Petrov ont été vus sur vidéosurveillance au magasin de pièces de monnaie Dawaulders, à 200 mètres au maximum des Skripal, qui se trouvaient alors au terrain de jeu Avon. La poubelle du terrain de jeu d’Avon est devenue, pendant les deux jours qui ont immédiatement suivi « l’attaque » des Skripal, le théâtre d’une enquête extrêmement intensive. Pourtant, l’excursion de Boshirov et Petrov —au cours de leur fuite alléguée suite à une tentative de meurtre— dans le centre-ville de Salisbury a été traitée comme totalement inutile et sans importance par l’histoire officielle.
Enfin, le comportement de Boshirov et Petrov dans les premières heures avant l’attaque n’a aucun sens. D’une part, on nous dit que ce sont des agents GRU hautement qualifiés, capables et expérimentés ; d’autre part, on nous dit qu’ils ont fait la fête dans leur chambre toute la nuit, attirant l’attention sur eux avec un bruit fort, fumant de l’herbe et s’éclatant avec une prostituée dans la pièce dans laquelle ils stockaient, et peut-être créaient, le « Novichok ».
L’idée qu’avant une opération de meurtre extrêmement délicate impliquant la manipulation d’un poison, avec lequel un minuscule accident les tuerait, les professionnels seraient restés éveillés toute la nuit, auraient beaucoup bu et consommé de la drogue est un non-sens. Outre l’effet évident sur leur propre métabolisme, ils risquaient de voir les autorités débarquer en raison du bruit, et procéder à une fouille en raison de la présence de drogue.
Qu’ils aient fait cela alors qu’ils étaient en possession du Novichok, à peine quelques heures avant l’attaque, est quelque chose que je ne crois tout simplement pas.
9) Les mouvements des Skripal
Jusqu’à ce que le récit se tourne vers Boshirov et Petrov arrivant à Salisbury juste avant le déjeuner et barbouillant la poignée de porte de Novichok, l’histoire officielle était que les Skripal avaient quitté la maison vers 9 heures du matin et n’étaient pas retournés chez eux. Ils avaient tous les deux éteint leur téléphone portable, un point intéressant et encore inexpliqué. Comme on s’y attend dans une ville couverte par les caméras CCTV comme Salisbury, leur trajet tôt le matin a été facilement retracé, et la position de leur voiture à différents moments a été donnée par la police.
Pourtant, aucune preuve de leur retour chez eux n’a jamais été présentée. Il y a maintenant une petite fenêtre de temps entre le moment et Boshirov et Petrov arrivent, placent du Novichok sur la poignée de porte —apparemment avec les Skripals maintenant inexplicablement de retour à l’intérieur de leur maison—, et les Skripals repartant en voiture, si rapidement après le barbouillage de leur poignée de porte qu’ils rattrapent Boshirov et Petrov, ou du moins se retrouvent à moins de 200 mètres d’eux dans le centre-ville de Salisbury. Il y a sans aucun doute une énorme quantité de vidéos de vidéosurveillance des mouvements des Skripal qui n’ont jamais été diffusées. Par exemple, les parents d’un des garçons avec qui Sergei discutait en nourrissant les canards se sont vus soumettre des images « claires » par la police montrant les Skripal à l’étang, mais elles n’ont jamais été publiées. C’est cependant le moment où les preuves placent Boshirov et Petrov au plus près des Skripal. Que montre les images CCTV cachées des Skripal avec les canards ?
Pourquoi si peu de détails sur les mouvements des Skripal ce jour-là ont-ils été publiés ? Que montrent toutes les images CCTV cachées des Skripal à Salisbury ?
10) La bouteille scellée
Ce n’est que ces derniers jours que la police a finalement admis qu’il y avait un vrai problème avec un des éléments de l’enquête : Charlie Rowley insiste sur le fait que le flacon de parfum était complètement scellé, et la cellophane difficile à retirer quand il l’a découverte. La raison pour laquelle le bac de collecte de dons n’a pas été vidé depuis trois mois n’a jamais été expliquée non plus. Le souvenir de Rowley est corroboré par le fait que tout l’emballage a été découvert par la police dans sa poubelle : pourquoi Boshirov et Petrov auraient-ils emporté la cellophane avec eux s’ils avaient ouvert le paquet ? Pourquoi —et comment— le refermeraient-ils dehors à Salisbury avant de le jeter ?
De plus, il y a eu un écart de trois mois entre la découverte de la bouteille de parfum par la police et la divulgation des détails de la marque et des photos du flacon, alors que la police pensait qu’il pourrait y en avoir d’autres à Salisbury. Encore une fois, le temps de divulgation de ces informations dément totalement le récit officiel de la nécessité de protéger le public dans une situation d’urgence de santé publique.
Cette partie du récit est clairement absurde.
Point bonus : l’Integrity Initiative
L’Integrity Initiative a spécifiquement payé Dan Kaszeta pour publier des articles sur l’affaire Skripal. Dans les collections hebdomadaires de publications sur les réseaux sociaux envoyées au Ministère des Affaires Etrangères par l’Integrity Initiative pour montrer son activité, plus de 80% concernaient les Skripal.
Les gouvernements ne lancent pas de campagnes secrètes diffusant une propagande secrète afin de dire la vérité. L’Integrity Initiative reçoit des subventions secrètes du Ministère des Affaires Etrangères et du Ministère de la Défense pour diffuser le récit du gouvernement auprès des médias dominants : c’est très clairement un exercice de désinformation. Plus franchement, si l’Integrity Initiative en fait la promotion, on sait que ce n’est pas vrai.
L’élément le plus sinistre est le groupe Skripal organisé par l’Integrity Initiative. Ce groupe comprend Pablo Miller, agent traitant de Skripal au MI6, et des représentants de haut niveau de Porton Down, de la BBC, de la CIA, du Ministère des Affaires Etrangères et du Ministère de la Défense. Même si tous les autres points ridiculement faibles du récit gouvernemental n’existaient pas, l’activité de l’Integrity Initiative en elle-même me conduirait à comprendre que le gouvernement britannique cache quelque chose d’important.
Conclusion
Je ne sais pas ce qui s’est passé à Salisbury. Des jeux d’espionnage se déroulaient clairement entre la Russie et le Royaume-Uni, probablement liés aux Skripal et / ou à l’exercice d’armes chimiques de l’OTAN qui se déroulait alors à Salisbury —une autre de ces étonnantes coïncidences.
Ce que je sais, c’est que les principaux éléments du discours du gouvernement britannique ne résistent tout simplement pas à l’examen.
Manifestement, les autorités russes ont menti sur l’identité de Boshirov et Petrov. Ce qui est étonnant, c’est la rapidité avec laquelle les médias dominants et l’élite politique se sont mobilisés autour du sophisme enfantin selon lequel puisque le gouvernement russe aurait menti, le gouvernement britannique doit sûrement dire la vérité. Il est tout à fait clair pour moi que les deux gouvernements mentent, et que les jeux d’espionnage qui se déroulaient ce jour-là étaient beaucoup plus complexes qu’une vengeance inutile contre les Skripal.
Je ne crois pas le gouvernement britannique. Je vous ai donné les points clés où le récit officiel échoue complètement à convaincre. Celles-ci ne sont en aucun cas exhaustives et j’ai hâte de lire vos propres opinions.
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Source: Lire l'article complet de Le Cri des Peuples