Devant l’échec de ses manœuvres, de ses sanctions et de ses menaces de guerre, l’administration américaine lâche Juan Guaido et cherche à renouer le dialogue.
Ses parrains occidentaux le lâchent avec le même empressement qu’ils avaient mis à le « reconnaître » quand il s’était autoproclamé « président en exercice », le 23 janvier 2019. Donald Trump, désormais, affirme n’avoir « pas beaucoup confiance » dans l’opposant vénézuélien Juan Guaido, dont l’adoubement par Washington, assure-t-il, n’a pas « eu une grande signification ». C’est ce qu’il a confié en marge d’un entretien publié dimanche sur le site d’information Axios. Volte-face, après le durcissement des sanctions, le déploiement de l’armada américaine en mer des Caraïbes et les équipées de barbouzes de ces derniers mois ? L’hôte de la Maison-Blanche confie, dans cette interview, être prêt à rencontrer son homologue vénézuélien Nicolas Maduro : « Vous savez, je me suis rarement opposé à des rencontres. Je dis toujours, on ne perd pas grand-chose à se rencontrer. » Intention précisée sur un ton plus cassant, lundi, dans un tweet : « Contrairement à la gauche radicale, je me battrai toujours contre le socialisme et avec le peuple vénézuélien. Mon administration a toujours été du côté de la liberté et contre le régime d’oppression de Maduro. Je ne rencontrerai Maduro que pour discuter d’une chose : un départ pacifique du pouvoir. » L’intéressé, dont la tête est mise à prix par Washington, a aussitôt saisi la balle au bond. Dans un entretien à l’agence de presse vénézuélienne AVN, il n’exclut pas, « si nécessaire », de « discuter respectueusement avec le président Donald Trump ». « De même que j’ai parlé avec Joe Biden, je pourrais parler avec Trump », a-t-il expliqué, en référence aux discussions qu’il avait eues avec l’administration Obama.
Les droites sud-américaines cernées par les scandales
Ces déclarations esquissent-elles une possible issue diplomatique ? Une chose est certaine : elles signent l’échec complet de la stratégie de tension portée à son paroxysme par l’administration Trump, entre blocus et menaces d’agression militaire pour chasser Nicolas Maduro du pouvoir. Elles interviennent aussi dans un contexte régional où les coups de force orchestrés par Washington en Amérique latine tournent partout à la pantalonnade. En Bolivie, l’Organisation des États américains s’est appuyée, selon une étude relayée par le New York Times, sur des données électorales truquées pour lancer les accusations de fraude qui ont ouvert la voie au coup d’État de la police et de l’armée contre Evo Morales ; la droite intégriste et raciste qui s’est emparée du pouvoir est cernée par les scandales de corruption et la gauche reste favorite de la course à l’élection présidentielle reportée au 6 septembre prochain. Au Brésil, en plein désastre sanitaire, le poulain de Donald Trump, Jair Bolsonaro, est lui aussi plombé par les scandales et les enquêtes pouvant conduire à sa destitution ou à l’annulation de son élection.
Au Venezuela, les États-Unis manquent d’alliés et d’appuis sérieux, en dépit de la triple et grave crise sanitaire, économique et sociale que doit affronter le pouvoir bolivarien, mis en difficulté par la chute des cours mondiaux des hydrocarbures et l’effondrement de la production pétrolière. Plus fracturée que jamais, la droite continue d’étaler ses divisions au grand jour : à l’approche des élections législatives, censées se tenir cette année, partisans du boycott et tenants de la participation s’écharpent et c’est le Tribunal suprême de justice qui arbitre leurs conflits. Sans stratégie ni direction cohérente, le camp conservateur n’a plus d’autre choix que celui de composer avec Nicolas Maduro. Comme Donald Trump.
Article publié dans l’Humanité du 24/06/2020 (p.16)
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir