Pour le grand rabbin de France, en censurant la loi Avia, « le Conseil constitutionnel s’est borné à la passivité et au conformisme ».
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Il faut savoir trancher les nœuds gordiens avec toute la force du glaive, surtout s’il s’agit du glaive de la Loi.
En censurant la semaine dernière l’essentiel de la loi Avia, le Conseil constitutionnel n’a rien tranché, il s’est, hélas, retranché derrière des concepts, un vocabulaire et finalement des arguments, sinon des arguties juridiques, qui ne sont pas adaptés, nécessaires et proportionnés aux buts poursuivis par les sages, gardiens de la Constitution. Leur recherche d’un équilibre, vain dans le cas d’espèce, entre liberté d’expression et lutte contre la haine en ligne, est illusoire. Cette décision est donc éminemment critiquable aux motifs mêmes sur lesquels elle a cru pouvoir se fonder. C’est ce qu’affirme le Talmud en disant : « Ne soyons pas méchants à force de vouloir être bons », et je m’élève contre l’autorité malvenue de cette chose mal jugée.
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Le Conseil constitutionnel, par sa prudence, son conservatisme, son ignorance de la réalité de ce que véhiculent comme mots d’ordre révoltants les réseaux sociaux, se réfugie dans une attitude décevante et dangereuse. Il avait pourtant l’opportunité de montrer qu’il n’y a pas de degré dans le racisme et dans l’antisémitisme tout en défendant les libertés. Oui, une heure, c’était trop peu pour exiger le retrait d’un contenu haineux et le Conseil a eu raison de le faire préciser. Mais vingt-quatre heures ? De nos jours, le temps va plus vite et il faut l’intégrer dans notre réponse au racisme.
Au lieu de rompre avec une attitude frileuse et faire preuve de courage et de détermination, les sages ont préféré se ranger dans le camp de ceux qui ne voient pas la réalité et l’influence des réseaux sociaux. Le Conseil n’a pas voulu admettre et comprendre que la notion de proportionnalité permettait la terrible erreur de considérer le racisme ou l’antisémitisme comme un phénomène qu’il ne fallait pas combattre à tout prix alors que c’est le ferment de ce qui mine l’âme des peuples.
Je n’arrive pas à comprendre cette attitude.
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Quelle aurait dû être, bien sûr rétroactivement et avec nos jugements d’aujourd’hui, une réaction « proportionnée » au commerce triangulaire ? Quelle aurait dû être une riposte « adaptée » à l’auteur de Mein Kampf, à l’inventeur du Zyklon B ? On n’écrase pas l’Hydre avec un plumeau et un code de bonne conduite, mais avec des lois fermes et une détermination absolue.
On me dira, comme pendant les débats sur la loi Avia : quelle est la définition d’un propos haineux ? Indéfinissable en effet, comme la beauté ou le charme, que l’on reconnaît pourtant immanquablement et sous les cultures les plus différentes, quand on y est exposé. A-t-on besoin d’une définition juridique et universelle de la beauté ?
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Et pourquoi ne pas parler aussi de double standard ? La lutte contre le racisme et l’antisémitisme en ligne ne mérite-t-elle pas la même attention et détermination que la pédopornographie ou l’apologie du terrorisme ? Confiés à des algorithmes et à l’intelligence artificielle, cela peut également parfois conduire à des erreurs de jugement ou des abus…
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Les grands maux de l’heure, matériels et spirituels, appellent de grands remèdes et les plus traditionnelles pharmacopées, dans tous leurs dosages, seraient-ils hérités du siècle des Lumières, ont amplement prouvé leur utilité thérapeutique face au racisme. Le racisme et l’antisémitisme sont des comorbidités dont, face à tant d’autres périls qui nous menacent, il faut désormais nous débarrasser en priorité.
Voilà pourquoi j’appelle, peut-être, à réécrire une partie du texte, mais à ne surtout pas abandonner cette loi qui permettra de lutter contre la haine sur Internet avec des glaives d’acier et non pas avec des sabres de papier.
Les proportionnalités adaptées ? Laissons-les pour le monde d’après, les aurores réinventées et un jour, l’ère messianique.
En attendant, soyons enfin totalement déterminés.
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Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation