La police américaine considère les citoyens de la même manière que les militaires considèrent les Afghans : des ennemis en ZONE DE GUERRE
Par Scott Ritter
Scott Ritter est un ancien officier du renseignement du corps des Marines américains. Il a servi en Union soviétique comme inspecteur de la mise en œuvre du traité INF, auprès du Général Schwarzkopf pendant la guerre du Golfe et de 1991 à 1998 en tant qu’inspecteur des armes de l’ONU.
Source : RT, le 27 mai 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
Que ce soit en Afghanistan ou dans les rues des villes américaines, la fusion des pouvoirs militaires et policiers américains n’a produit que de l’injustice et de la brutalité pour les populations qu’ils étaient censés servir et protéger.
Un récent tweet du Président Donald Trump sur l’Afghanistan a coïncidé avec une histoire en développement à Minneapolis, Minnesota, concernant le meurtre brutal d’un homme noir non armé, George Floyd, par des officiers en uniforme du département de police de Minneapolis.
Dans des circonstances normales, toute tentative de rapprocher ces deux informations apparemment sans relation se heurterait à un certain nombre de pièges logiques. Mais en y regardant de plus près, on trouve un fil conducteur qui les lie, à savoir la déviation quasi universelle des préceptes de la justice en matière de police à l’américaine. Alors que l’idéal américain de maintien de l’ordre est construit autour de la notion de « servir et protéger », dans la pratique, qu’il soit mis en œuvre aux Etats-Unis ou à l’étranger dans le cadre d’un prétendu exercice de construction d’une nation, ce slogan s’est perverti en rien moins que « brutaliser et opprimer ».
« En Afghanistan, nous agissons en tant que force de police», a tweeté le Président Trump, « et pas comme la force de combat que nous sommes. Après 19 ans, il est temps pour eux de faire la police dans leur propre pays. Ramenez nos soldats chez eux mais surveillez de près ce qui se passe et frappez avec une violence comme jamais auparavant si nécessaire ! »
L’observation de Trump reflète la réalité, appuyée par des études menées par l’inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan : après près de 19 ans de conflit sans fin mené par les États-Unis en Afghanistan, l’expérience américaine de construction d’une nation post-Talibans a lamentablement échoué. [C’est avec les Talibans eux-mêmes que Washington négocie sa retraite].
Le tweet de Trump touche à la principale raison de cet échec, à savoir que les outils que nous avons apportés en Afghanistan étaient des outils de guerre, pas de construction nationale. L’armée américaine était, au moment du lancement des opérations en Afghanistan en 2001, la meilleure force de combat au monde. Elle a été formée et organisée pour se rapprocher de l’ennemi désigné et le détruire par la puissance de feu et la manœuvre.
Elle n’était cependant pas destinée à fonctionner comme une force d’occupation, obligée de lutter dans un conflit impossible à gagner contre une population récalcitrante avec laquelle elle n’avait rien en commun, et ne possédait donc absolument aucune base sur laquelle mener une campagne de (re)construction nationale. Non seulement les États-Unis ont échoué dans leur mission de vaincre les Talibans, mais ils n’ont pas réussi à atteindre le moindre des jalons de la reconstruction qu’ils s’étaient fixés en Afghanistan. Ce qu’ils ont réussi à faire, cependant, a été de détruire les terres mêmes qu’ils cherchaient prétendument à reconstruire et de brutaliser la population même qu’ils étaient censés protéger, commettant des crimes horribles indicibles.
À la suite de ces crimes, la Cour pénale internationale de La Haye enquêtera sur des informations selon lesquelles des membres de l’armée et des services de renseignement américains auraient commis des actes de torture, des traitements cruels, des atteintes à la dignité de la personne, des viols et des violences sexuelles contre des détenus de guerre en Afghanistan et sur d’autres sites, y compris les soi-disant « sites noirs » gérés par la CIA en Pologne, en Lituanie et en Roumanie.
L’administration Trump, de manière caractéristique, a rejeté la compétence et la légitimité de la CPI, mettant de fait les soldats et les agents américains au-dessus de la loi en ce qui concerne leurs actions en Afghanistan. Certes, des incidents isolés ont été poursuivis en vertu du Code uniforme de justice militaire, mais les «délits de procédure» liés à l’exécution de la mission de construction de la nation resteront impunis.
Parmi les nombreuses leçons tirées de la débâcle en cours en Afghanistan, il y a le fait que l’armée ne fonctionne pas bien en tant qu’organe de police. Pour que la police soit efficace, elle doit être en harmonie avec la communauté qu’elle sert, partageant les mêmes idéaux et valeurs, le même respect pour son environnement et les gens qui y vivent. Lorsque les forces militaires américaines sont insérées de force dans une terre et une culture étrangères, il y aura inévitablement des frictions qui se transformeront en conflit. Le mode par défaut pour l’armée américaine est la violence extrême, et les communautés ne sont jamais bien servies par une telle approche.
L’expérience américaine de construction d’une nation est souvent imprégnée de notions de la prétendue « démocratie jeffersonienne », la notion alcyonienne de l’idéal américain né de la révolution et de la libération de la tyrannie. Mais la pièce maîtresse de « démocratie jeffersonienne », la Déclaration d’indépendance des États-Unis, contient des mots qui, après réflexion, devraient faire froid dans le dos de chaque citoyen américain.
« Mais quand une longue série d’abus et d’usurpations, poursuivant invariablement le même objet, manifeste un dessein de réduire le peuple sous le despotisme absolu, c’est son droit, c’est son devoir, de renverser un tel gouvernement. »
Cette déclaration vaut pour tous les opprimés, qu’ils résident en Afghanistan ou à Minneapolis, Minnesota. Si l’armée américaine est mal adaptée au travail de police, l’inverse est également vrai : la police américaine est mal adaptée à la militarisation. La juxtaposition d’un état d’esprit militaire avec les notions préalables de justice et de procédure régulière requises pour maintenir la société civile entraîne invariablement des incompatibilités inhérentes, et des actions criminelles de la part des personnes ostensiblement responsables du maintien de l’ordre.
L’enquête de la CPI sur les crimes militaires américains en Afghanistan n’est qu’une image miroir du licenciement de quatre policiers de Minneapolis et de leurs poursuites ultérieures probables par les autorités locales ou fédérales (ou les deux) pour le meurtre de George Floyd.
Toutefois, aucune enquête sur le meurtre de M. Floyd ne pourra guérir la maladie de la militarisation qui s’infiltre dans la culture même des services de police américains aujourd’hui. Les policiers considèrent souvent les quartiers dans lesquels ils patrouillent comme une zone de guerre, et les citoyens qui y résident comme des ennemis. Les policiers américains s’habillent comme s’ils partaient en guerre, portant souvent des uniformes de style militaire et des armes militaires issus des surplus de l’armée, et utilisant des véhicules militaires issus des surplus de l’armée. Cette mentalité du « nous contre eux » crée exactement la même friction que lors de l’occupation de l’Afghanistan, conduisant à la même escalade de la violence par la police militarisée livrée à une population qui a été largement déshumanisée.
Le modèle américain de maintien de l’ordre est une maladie aux proportions pandémiques qui infecte tous les coins de la société américaine. Les partisans de la police américaine dénoncent souvent les actes de « quelques moutons noirs » sans réfléchir à la réalité que l’ensemble du système est dysfonctionnel en termes de service et de protection de la société civile. Bien qu’il existe sans aucun doute de nombreux « bons » policiers, ils évoluent dans un système qui promeut l’impunité, la complaisance quant aux infractions commises par les collègues et l’acceptation des types de croyances racistes et des préjugés que la société qu’ils prétendent protéger rejette.
Derek Chauvin, le policier assassin, portant une casquette avec un slogan suprémaciste (‘Rendre leur grandeur aux Blancs’). Commentaire du rappeur Ice Cube : « Un loup habillé en loup. Les démons sont parmi nous. #CombattonsLesLâches »
CORRECTIF : selon AP, le Washington Post et d’autres sources, l’individu sur l’image de droite n’est pas Derek Chauvin mais un troll du nom de Jonathan Lee Riches.
George Floyd a été tué par un seul officier de police de Minneapolis qui a pressé son genou sur sa nuque jusqu’à ce qu’il s’évanouisse et meure. Trois autres policiers de Minneapolis ont vu ce meurtre se produire sans intervenir. Et si le crime n’avait pas été filmé par un passant civil, la probabilité que le département de police de Minneapolis balaie cette affaire sous le tapis, en attribuant la totalité du blâme à M. Floyd tout en exonérant les agents impliqués, est élevée.
Le département de police de Minneapolis n’est pas unique à cet égard. En effet, c’est le véritable modèle de la façon dont la police opère chaque jour aux Etats-Unis [et en France]. Jusqu’à ce que chaque service de police américain reconnaisse la maladie qui l’a infecté, il ne peut y avoir de remède. Et la triste vérité est que, tout comme le gouvernement américain ne permettra jamais à la CPI d’enquêter sur les crimes des militaires américains en Afghanistan, la police américaine ne permettra jamais une enquête complète sur les pratiques et croyances fondamentales qui guident les services de police américains aujourd’hui.
Les Américains vivent aujourd’hui dans un État policier de facto qui soumet ses citoyens à la brutalité et à la privation des libertés civiles au quotidien, d’autant plus si l’on est Noir ou si on appartient à une autre minorité non blanche.
Contrairement à l’Afghanistan, les États-Unis ne peuvent pas se retirer de leur propre territoire. Ce qui peut arriver, cependant, c’est que comme tout peuple occupé, les citoyens américains peuvent chercher à se libérer du despotisme de cet État policier américain, se débarrassant de ce manteau d’oppression en redéfinissant les relations entre la police et les policiers. Il faudra peut-être une révolution dans les urnes pour élire un gouvernement capable de maîtriser un État policier incontrôlable. Mais ce combat en vaudrait largement la peine.
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Après une deuxième nuit d’émeutes et l’incendie du poste de police où travaillaient les 4 assassins, Trump a tweeté :
Je ne peux pas rester les bras croisés et regarder cela arriver dans une grande ville américaine, Minneapolis. Un manque total de leadership. Soit le maire très faible de la gauche radicale, Jacob Frey, se ressaisit et met la ville sous contrôle, soit j’envoie la garde nationale et je fais le travail correctement…..
…. Ces RACAILLES déshonorent la mémoire de George Floyd, et je ne laisserai pas cela se produire. Je viens de parler au gouverneur Tim Walz et je lui ai dit que l’armée était à ses côtés en permanence. A la moindre difficulté, nous prendrons le contrôle, mais quand le pillage commence, les tirs commencent. Je vous remercie !
L’armée serait donc prête à tirer sur la foule, comme au temps de la ségrégation (la phrase « Quand le pillage commence, les tirs commencent », est le propos du chef de la police de Miami, Walter Headley, qui avait promis de violentes représailles aux manifestants noirs en 1967. Il avait également déclaré : « Cela ne nous dérange pas d’être accusé de brutalité policière. Ils n’ont encore rien vu. ») ? La compassion affectée de Trump a fait long feu. Chassez le naturel, il revient au galop.
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