Audrey Strauss, procureur américain par intérim pour le district Sud de New York, montre une photo de Jeffrey Epstein et Ghislaine Maxwell, lors d’une conférence de presse à New York le 2 juillet 2020. (Spencer Platt/Getty Images)
Une avancée prometteuse pour tous ceux qui souhaitent que la lumière soit faite sur l’affaire Jeffrey Epstein. Loretta Preska, juge au tribunal fédéral de Manhattan à New York, a ordonné la divulgation publique des identités de quelques 180 personnes liées au réseau du pédocriminel américain. Les dizaines de noms que la magistrate veut voir révélés sont ceux de victimes du financier accusé de crimes sexuels, mais aussi ceux de proches et de complices présumés du mis en cause.
Des noms liés à une procédure contre Ghislaine Maxwell
Les scellés sur leur identité doivent être « complètement » levés sous « quatorze jours » au plus tard, laissant le temps aux intéressés, s’ils le désirent, de faire appel, selon le document judiciaire daté du 18 décembre. Toutefois, certaines parties des dossiers devraient rester confidentielles, notamment celles permettant d’identifier les victimes qui étaient enfants lorsqu’elles ont été agressées sexuellement par Epstein. 150 à 180 noms pourraient être révélés le 1er ou le 2 janvier 2024.
Cette ordonnance s’inscrit dans le cadre d’une ancienne procédure en diffamation opposant Ghislaine Maxwell, complice d’Epstein condamnée en 2022 à 20 ans de prison pour trafic sexuel, et Virginia Giuffre, la plus connue des accusatrices du couple. Si la plainte déposée en 2016 avait été close en 2017, une journaliste du Miami Herald, Julie K. Brown, avait formé des recours pour accéder aux documents, désirant attirer l’attention de l’opinion publique à ce sujet. Les « flics travaillent à mettre en prison un prédateur que les juges s’efforcent de laisser en paix », avait martelé dans une série d’articles fracassants en 2018 la journaliste, vent debout contre les protections politiques et judiciaires dont Jeffrey Epstein bénéficiait.
Les documents pourraient donc fournir une image plus claire du trafic sexuel organisé par Epstein à New York, au Nouveau-Mexique, aux Îles Vierges américaines et ailleurs, pour son plaisir ou celui de proches. Aux États-Unis, l’affaire avait causé un scandale en raison de la possible implication de personnes riches et puissantes dans ce trafic d’adolescentes quasi-industriel, sans que le financier ne soit jamais inquiété par la justice.
De quoi susciter l’ironie de Virginia Giuffre sur X le 20 décembre : « Enfin, nous entendons les sénateurs du gouvernement américain parler de la nécessité de transparence ! Il va y avoir beaucoup de personnes nerveuses à Noël et au Nouvel An. 170 pour être exact. Qui figure sur la liste des vilains ? ».
De nombreux points d’interrogation
Inculpé en 2008 en Floride, Jeffrey Epstein avait pu bénéficier d’un abandon des poursuites à son encontre, réduisant son crime à un délit de sollicitation de prostitution, quand bien même des dizaines de mineurs avaient témoigné contre lui. Au cours de la procédure, Mme Roberts avait identifié comme agresseurs Bill Clinton, le prince Andrew, et le grand avocat pénaliste Alan Dershowitz.
Dans cette affaire, plusieurs éléments ont suscité des interrogations : après la mort du prédateur et jusqu’à l’arrestation de Ghislaine Maxwell en juillet 2020, pourquoi la justice américaine a-t-elle tardé à ouvrir les dossiers qui auraient permis, avec les noms de ses complices, de lever le voile ? Pourquoi y a-t-il eu une seule procédure concrète, lancée le 15 janvier 2020, dans les Îles Vierges par la procureure Denise George demandant la saisie des biens du pédophile ? Comment les sextapes (vidéos et photos), découvertes par les agents du FBI lors de leur perquisition au domicile de Palm Beach et dans l’hôtel particulier new-yorkais du financier après sa mort, se sont volatilisées ? Pourquoi la jet set – Virginia Roberts Giuffre, qui a été recrutée par Maxwell à l’âge de 16 ans pour servir d’objet sexuel à Epstein pendant des années, parle de « billionnaire’s playboys club », (le « club des play-boys milliardaires », ndlr) – a-t-elle détourné les yeux ? Pourquoi également les élites politiques de Washington, les associations féministes, les grands médias traditionnels, les studios d’Hollywood, généralement mobilisés quand il s’agit de dénoncer des crimes contre les femmes, n’ont-ils pas brisé le silence pendant si longtemps ? D’aucuns n’hésitent pas à dénoncer une « prudence » de la mouvance progressiste à l’égard d’un donateur généreux du Parti démocrate et d’un proche des Clinton, Hillary s’abstenant elle-même de tout commentaire sur les prétendues « missions humanitaires » de son mari en compagnie du pédophile et de ses onze voyages sur l’ile privée du milliardaire.
Epstein était l’architecte du réseau et organisateur de « ce marché international de la chair, l’ilot de rêve était devenu un haut lieu de crimes sexuels sur les mineurs, perpétrés par des riches et puissants », résume Conchinat Sarnoff, directrice d’Alliance to Rescue Victims of Trafficking, une association qui cherche à mobiliser l’opinion contre les trafics sexuels.
Arrêté le 6 juillet 2019 à son retour de Paris, où il disposait d’un luxueux pied-à-terre, Jeffrey Epstein est décédé en détention le 10 août 2019. Jusqu’à ce jour, son mystérieux suicide dans le quartier de haute sécurité de la prison la mieux gardée des États-Unis soulève des questions, puisqu’il avait brutalement mis fin de facto aux poursuites le visant pour avoir exploité sexuellement des jeunes filles mineures, privant les victimes présumées d’un procès qui s’annonçait retentissant.
Un scénario qui s’est produit à l’identique avec Jean-Luc Brunel, retrouvé mort pendu le 19 février 2022 dans sa cellule de la prison de la Santé à Paris. Proche du milliardaire américain, l’ex-agent de mannequin était le principal mis en cause en France dans l’affaire Epstein. Sa mort avait conduit à la fin de la procédure française dans cette affaire, suscitant « frustration » et « amertume », selon Anne-Claire Lejeune, avocate de plusieurs victimes. Suite à l’annonce de la mort par pendaison de M. Brunel, la famille de Ghislaine Maxwell, alors incarcérée dans une prison à Brooklyn, avait d’ailleurs déclaré au New York Post être « inquiète pour sa sécurité » : « Encore une mort par pendaison dans une prison de haute sécurité. Je suis complètement choqué et perplexe », avait confié au média américain Ian Maxwell, le frère de l’ex-compagne d’Epstein.
L’affaire Epstein avait des ramifications tentaculaires. En France, des révélations du site d’information américain The Daily Beast avaient par ailleurs soulevé des questions sur les liens réels qui unissaient l’homme d’affaires sulfureux et Jack Lang, reconduit ce mois-ci par Emmanuel Macron à la tête de l’Institut du monde arabe, à 84 ans. Il faut dire que l’ancien ministre socialiste de la Culture est au cœur de la polémique notamment depuis que Sonia Mabrouk, au micro d’Europe 1 en janvier 2021, lui a rappelé sa signature en 1977 d’une tribune défendant la pédophilie dans le Monde.
D’après le média américain, Jeffrey Epstein a effectué plusieurs donations importantes à destination d’une mystérieuse association nommée « Association pour la promotion de la politique culturelle nationale menée dans les années 80 et 90 du XXème siècle » et dirigée par plusieurs proches et anciens proches de Jack Lang. Semblant presque inexistante – ne disposant d’aucun site Internet et n’étant présente sur aucun réseau social – elle est la seule organisation française à avoir perçu des fonds venant de Gratitude America LTD, l’ONG appartenant à Epstein, peu de temps avant son emprisonnement et son suicide. Tous contactés par le Daily Beast, Jack Lang et ses proches avaient refusé de commenter ces informations.
Source : Epochtimes
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