Il y a deux mois à peine, personne n’aurait pu prédire le tremblement de terre du 7 octobre, qui n’était en aucun cas un massacre, mais une opération militaire spectaculaire qui a décimé en moins de 3 heures la Brigade de Gaza.
Et après le déluge de fer et de feu qui s’est abattu sur le peuple palestinien assiégé, et la véritable guerre d’extermination menée par le gouvernement d’un Netanyahou fanatique, désemparé et aux abois, désireux de laver sa défaite en répandant massivement la mort et la destruction, la survie de la cause palestinienne elle-même était menacée. En s’efforçant de pousser toute la population de Gaza à une nouvelle et ultime Nakba, le visage hideux de l’entité usurpatrice temporaire a été révélé à la face du monde : sa soif morbide insatiable, son blocus médiéval sur l’eau potable, les denrées alimentaires, l’électricité et le carburant, son ciblage délibéré des écoles, des églises et mosquées, des refuges de l’ONU et des hôpitaux, les femmes et les enfants tués par milliers, jusqu’aux bébés prématurés asphyxiés par dizaines du fait de l’arrêt de leurs couveuses, tout cela s’inscrivait dans le cadre d’un projet assumé de rendre le territoire de Gaza inhabitable et de déporter plus de deux millions de Palestiniens dans le désert du Sinaï. Face à un tel scénario d’apocalypse, qui aurait pu imaginer que le Hamas allait faire plier l’ennemi en moins de deux mois ?
L’accord d’échanges de prisonniers qui vient d’être conclu n’est ni plus ni moins que ce que le Hamas proposait dès le début : un échange catégoriel (hommes contre hommes, femmes contre femmes et enfants contre enfants), ou un échange total (tous les prisonniers palestiniens contre tous les prisonniers israéliens). Le peuple de Gaza, soumis à un assaut d’une sauvagerie inouïe absolument sans précédent dans l’histoire moderne, poussé au bord d’une catastrophe humanitaire de proportions bibliques, abandonné de tous (à l’exception notable de l’Axe de la Résistance, en particulier le Hezbollah, le Yémen et la résistance irakienne) a su tenir bon et maintenir son cap malgré des souffrances inimaginables. C’est une nouvelle fois Israël, « plus fragile qu’une toile d’araignée » selon le fameux mot de Nasrallah à la Libération du sud-Liban en 2000, qui a dû plier, enlisé dans les sables de Gaza face à une guérilla urbaine homérique, et incapable de réaliser le moindre accomplissement militaire : les roquettes n’ont cessé d’atteindre Tel-Aviv et au-delà, aucune zone de Gaza n’est sécurisée pour les forces d’occupation saignées à blanc par des attaques constantes qui ont tué et blessé des centaines de soldats (les chiffres officiels des pertes israéliennes ne sont qu’une fraction de la réalité), aucun cadre de la Résistance de premier (ni même de second) plan n’a été tué, et les populations de Gaza évacuées vers le sud regagnent massivement le nord, bravant tous les dangers et réduisant à néant les projets israéliens de nettoyage ethnique.
Il s’agit d’un exploit véritablement historique. La minuscule bande de Gaza a forcé l’occupant à céder en moins de 50 jours, alors qu’il avait fallu deux ans pour qu’un échange de prisonniers soit conclu entre Israël et le Hezbollah en 2008, et plus de 5 ans pour que le Hamas libère Gilad Shalit en 2011, en échange de plus de 1000 prisonniers (dont Yahya Sinwar, l’actuel dirigeant du Hamas à Gaza).
L’humiliation d’Israël ne saurait être plus grande. Et il ne s’agit pas seulement de Netanyahou, mais de la totalité de l’entité : gouvernement, armée et société, qui sont plus près que jamais de l’effondrement. Alors que les dirigeants sionistes promettaient d’annihiler le Hamas, les voilà qui cèdent à tous ses desiderata. Et, cerise sur le gâteau, il semblerait bien que les prisonniers israéliens n’étaient pas détenus dans le sud de Gaza, mais bel et bien au nord, pilonné, occupé et ratissé par l’occupant, qui courait après le mirage d’une libération de ses citoyens par la force, la coercition et le terrorisme de masse.
Depuis 1948, les massacres perpétrés par Israël ont visé à pousser le peuple palestinien au désespoir, à la division et au renoncement, mais ils n’ont fait que le pousser toujours plus résolument sur la voie de la résistance armée. Le Hamas a une nouvelle fois démontré la validité de ce choix le 7 octobre, ainsi que l’unité du peuple palestinien et de sa cause malgré la séparation géographique et politique, en surexposant Gaza pour venir au secours des Palestiniens de Cisjordanie. La réaction démesurée d’Israël, motivée par la rage, la quête de vengeance et la volonté d’imposer un châtiment collectif aux Palestiniens pour les briser et les dresser contre la Résistance, a lamentablement échoué et même entrainé un résultat inverse : bien au-delà de la Palestine, la monstruosité de l’armée d’occupation a convaincu plus que jamais de l’impossibilité de la coexistence pacifique. Cet échange de prisonniers arraché en un temps record va seulement renforcer la conviction du peuple palestinien et des peuples arabo-musulmans que la lutte armée est la seule voie possible de Libération, et décupler son attrait, ses effectifs et sa puissance.
Les scènes de liesse en Palestine, que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie, célébrant la libération des femmes et enfants palestiniens emprisonnés par Israël, resteront gravées dans les mémoires comme un des plus grands jours de triomphe de la résistance palestinienne. Seul un peuple au caractère indomptable, un peuple véritablement légendaire, pouvait arracher une telle victoire à l’occupant. Dans sa rage impuissante, Israël multiplie les raids contre les domiciles des familles des prisonniers qui allaient être libérés pour interdire les festivités et confisquer les pâtisseries et friandises, allant jusqu’à menacer les enfants libérés de les capturer à nouveau s’ils y participaient, et les soumettre à un ultime passage à tabac avant leur libération, mais c’était un effort aussi pitoyable que vain. Le peuple palestinien est irréductible, et aucune violence, aucune menace ne pouvaient l’empêcher de célébrer cette victoire éclatante de David contre Goliath qui réchauffe le cœur de toute la communauté arabo-musulmane, et de tout homme libre partout dans le monde.
Quant aux Israéliens libérés, au vu du désastre de relations publiques causé par les déclarations de Yocheved Lifshitz, 83 ans, suite à sa libération par le Hamas pour raisons humanitaires, dans lesquelles elle a vanté l’humanité de ses geôliers à qui elle avait serré la main avec reconnaissance, les seules « festivités » prévues sont un interrogatoire par le Shin Bet et une interdiction de parler aux médias. Et déjà, les images des nouveaux otages du Hamas libérés souriant et saluant chaleureusement leurs ravisseurs sont devenues virales. Les retrouver sera certes un grand soulagement pour les familles des captifs libérés, mais globalement, ce sont des jours sombres pour Israël.
Une question subsiste : est-ce que la libération de quelques centaines, voire de la totalité des milliers de prisonniers palestiniens (car d’ores et déjà, cette issue semble inéluctable) justifiait tous ces sacrifices ? Plus de 20 000 morts, dont la moitié de femmes et d’enfants, des destructions dantesques, des souffrances indicibles, et un véritable anéantissement programmé de la bande de Gaza ? Cette réponse, il appartient avant tout au peuple palestinien de la donner. Et elle ne fait aucun doute. Oui, et mille fois oui.
Comment pouvons-nous l’affirmer ? Lorsqu’un Palestinien a demandé à Hanane Barghouti, qui venait d’être libérée, quel était son message pour les enfants de Gaza, en particulier pour les milliers d’entre eux qui ont été tués par les bombardements israéliens, elle a répondu : « O enfants de Gaza, nous nous retrouverons au paradis. Nous nous retrouverons au paradis. Et cette victoire est la vôtre. »
Ce message d’abnégation et de disposition à tous les sacrifices est celui du peuple de Gaza depuis le 7 octobre. Car aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, aux yeux du peuple palestinien, le martyre n’est pas une malédiction, mais une bénédiction pour les morts comme pour les vivants, tant leur foi en Dieu, au Jugement dernier et à la juste rétribution est profondément enracinée. Comme le dit le Coran,
Ne considérez pas comme morts ceux qui sont tués dans la voie de Dieu. Ils sont bel et bien vivants et reçoivent leur subsistance auprès de leur Seigneur. Ils se réjouissent des bienfaits de Dieu. Quant à ceux qui sont restés et qui ne les ont pas encore rejoints, les martyrs se glorifient du fait qu’ils n’éprouvent aucune crainte et qu’ils ne s’affligent pas. Ils se glorifient de la grâce et de la générosité de Dieu, et du fait que Dieu ne permet pas que la récompense des fidèles soit perdue. [III, 169-171]
Ce ne sont pas de vaines déclarations. On ne compte plus les vidéos d’hommes, de femmes et d’enfants sortis des décombres, seuls rescapés de leur famille, se retrouvant seuls au monde et démunis de tout, mais louant Dieu avec ferveur et rappelant leur fidélité à la résistance. Même en étreignant les corps sans vie de leurs enfants, les Palestiniens s’écrient que « Tant que la Résistance va bien, tout va bien. »
L’ampleur des massacres et des souffrances infligés à la population de Gaza dépasse l’entendement ; mais sa patience, sa résilience et son attachement indéfectible à sa cause sont plus grands encore. Comme le disait Khader Adnan, le prisonnier martyr qui a maintes fois vaincu l’occupation depuis les geôles par ses grèves de la faim avant de succomber,
« Certains luttent pour leur pain quotidien, mais d’autres luttent pour quelque chose de plus noble, à savoir notre liberté, notre dignité et notre honneur. La dignité ne s’achète pas, la dignité ne se vend pas, mais elle s’arrache par la force, par les estomacs vides. Ils veulent briser notre dignité et la vôtre, mais nous défendons notre honneur et le vôtre. Pourquoi abandonnons-nous Hisham [Abu Hawash, prisonnier palestinien ayant fait 141 jours de grève de la faim avant d’obtenir gain de cause] ? A qui l’abandonnons-nous ? A quels chiens parmi les colons ? A [Naftali] Bennett ? A [Benny] Gantz ? Alors que leur bestialité est bien connue ? Avons-nous perdu toute dignité au point de laisser l’occupation nous piétiner ainsi ? Avons-nous perdu tout honneur ? Avons-nous perdu toutes nos cartes maîtresses, au point de laisser l’occupant tuer notre dignité en tuant Hisham ? »
En effet, l’opération du 7 octobre visait essentiellement à libérer les prisonniers palestiniens, mais au-delà de ce devoir éthique, humanitaire et national impérieux, il s’agit de réaffirmer la dignité de tout un peuple, et de rappeler à la face du monde que sa lutte est sacrée et qu’elle ne cessera qu’avec le martyre ou la victoire. Car plutôt que d’attendre un secours illusoire de la communauté internationale ou de la Ligue arabe, plutôt que de se laisser tuer à petit feu et de disparaître en silence, le peuple palestinien a écouté les exhortations de Khader Adnan et préféré prendre les choses en mains pour acquérir sa liberté, quel qu’en soit le prix.
En fin de compte, c’est bien de la lutte pour la Libération de TOUTE la Palestine qu’il est question. Cet accord d’échanges de prisonniers conclu par le sang et par l’épée en est un jalon majeur, qui a réduit en miettes toutes les illusions de Netanyahou : alors qu’il rêvait de liquider définitivement la cause palestinienne, il entrera probablement dans l’histoire comme le principal fossoyeur de l’entité usurpatrice.
L’anachronisme colonial qu’est Israël, créé au moment où les anciens empires s’effondraient, ne disparaitra pas sans violence et sans épanchement de sang, car tout combat pour la décolonisation et la Libération exige d’immenses sacrifices. Aux yeux des Palestiniens, aucun ne sera jamais trop grand pour Al-Quds (Jérusalem), la mosquée Al-Aqsa et la terre de Palestine. Sans parler de leur dignité, qui n’a pas de prix.
Par son courage sans égal, sa détermination inflexible sa résistance héroïque, le peuple palestinien n’a pas seulement arraché ses droits et affirmé sa dignité face à Israël : il a imposé le respect et même l’admiration au monde entier, et replacé sa lutte au premier plan des questions internationales. Le Hamas en particulier s’est révélé être le champion incontesté de la lutte palestinienne pour la Libération.
Cette victoire éclatante n’est qu’un prélude à d’autres, bien plus spectaculaires encore.
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