La revanche de Jeremy Corbyn — Dominique MUSELET

La revanche de Jeremy Corbyn — Dominique MUSELET

Jeremy Corbyn a remporté l’élection de 2015 à la direction du Parti travailliste (Labour Party), ce qui a fait de lui le chef de l’opposition britannique. Il représente alors l’aile gauche du parti et s’oppose au New Labour de Tony Blair et à son orientation centriste. Il est tout de suite la cible d’attaques internes. Les centristes le forcent à remettre son mandat en jeu au bout d’un an, mais il est réélu. Sous sa direction le parti grandit et se développe. Les centristes, ne sachant plus comment s’en débarrasser, entament contre lui une virulente campagne de diffamation.

La campagne de diffamation contre Corbyn

Chacun de ses mots, chacun de ses gestes, présents passés et à venir sont réinterprété sous l’angle de l’antisémitisme par ses ennemis politiques et les medias, friands de ces polémiques qui leur permettent de détourner l’attention des vrais problèmes engendrés par la corruption et la cupidité des dirigeants et des puissances d’argent, s’en donnent à cœur joie.

Il est accusé, ainsi que le parti qu’il dirige, d’antisémitisme, de soutien à l’antisémitisme, et de soutien à des soutiens de l’antisémitisme. Ce genre de campagne puante ne s’arrête, en général, que lorsque la personne a perdu son poste, ses amis, sa réputation et sa dignité. Corbyn n’a pas fait exception, il s’est excusé de ce qu’il n’avait pas fait, il a été suspendu par son parti pour ce qu’il n’avait pas fait et il a finalement été remplacé au poste de leader par un des principaux meneurs de la campagne contre lui, à savoir Keir Starmer. Comme l’explique Marianne :

« Dans la foulée, la frange centriste menée par Keir Starmer a pris le pouvoir au sein du Parti travailliste. Depuis, les partisans de Corbyn dénoncent une purge. Parmi eux, le cinéaste Ken Loach a annoncé avoir été exclu du Parti en août 2021 : « La direction du Labour a fini par décider que je ne suis pas apte à être membre de leur parti car je ne veux pas désavouer ceux qui ont déjà été exclus » expliquait-il sur Twitter.

Ces accusations ont même éclaboussé la Nupes, après l’invitation de Corbyn par la France Insoumise, le 4 juin 2022, toujours selon Marianne :

« Après avoir longtemps tourmenté la gauche britannique, les accusations d’antisémitisme contre Jeremy Corbyn resurgissent dans la campagne des législatives françaises. L’ancien leader du Parti travailliste entre 2015 et 2020 était reçu ce samedi 4 juin par Danièle Obono et Danielle Simonnet, candidates de la Nupes dans le nord de Paris. Une rencontre qui a vivement fait réagir leurs concurrents et la Licra, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme.

« La députée sortante de la 15e circonscription de Paris, Lamia El Aaraje (PS), qui n’a pas reçu l’investiture de la Nupes et se présente donc face à Danielle Simonnet (LFI) a attaqué cette dernière : « Les masques tombent : inviter et afficher le soutien de Jeremy Corbyn, écarté du Labour Party et du groupe pour complaisance avec l’antisémitisme en Angleterre, après 1 000 plaintes enregistrées par ce parti, est une honte dont est fière Danielle Simonnet », a-t-elle tweeté.

Pour donner une idée de la violence de l’attaque contre la France Insoumise, voilà un extrait d’un article au vitriol du 9 juin 2022, d’un « journaliste » d’Atlantico, passé maître dans le savant mélange de sarcasmes et d’insinuations abjectes, et intitulé, en majuscules SVP, « PÉRISSE ISRAËL PLUTÔT QUE MÉLENCHON » avec comme sous-titre : A LFI, ils ne sont pas antisémites mais tellement, tellement antisionistes qu’on s’y perd…

« Les malheureux font ce qu’ils peuvent pour le cacher mais le naturel revient toujours au galop. »

« Jeremy Corbyn a été invité pour participer à la campagne électorale des candidats de Nupes. Ancien patron du Labour il a été écarté de la direction de son parti pour antisémitisme. Mais Mélenchon lui est resté fidèle, le considérant comme une victime de la « pieuvre sioniste ».

« Notons que le chef des insoumis sait se tenir. Il ne dit pas « pieuvre juive ». Mais la merde dans un bas de soie reste de la merde ! Tout le monde aura compris, à Nupes et ailleurs, de qui Corbyn a été la victime. »

On sait que la Hasbara (propagande) israélienne a réussi le coup de force de faire accepter l’idée que critiquer les sionistes, c’est-à-dire les personnes qui appliquent ou soutiennent une idéologie coloniale de peuplement et d’apartheid en Palestine, revient à critiquer les juifs et dont à être antisémite. Comme si les Sionistes étaient tous juifs et les juifs tous sionistes ! Pratiquement toutes les élites des grands pays occidentaux, juives ou pas, sont nostalgiques de la belle époque où elles pouvaient, sans état d’âme et sans avoir de comptes à rendre, conquérir, occuper et exploiter à leur profit de vastes territoires d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine, et partagent l’idéologie sioniste.

Bien sûr, ce n’est pas la seule raison pour laquelle les élites occidentales soutiennent inconditionnellement le brutal régime d’apartheid israélien, la puissance du rayon tueur de l’accusation d’antisémitisme joue aussi un rôle dans la fidélité des élites à ce régime qui est actuellement en train de nettoyer la bande de Gaza de ses habitants, pour la plupart réfugiés d’autres parties de la Palestine déjà nettoyées par l’armée israélienne, Tsahal de son petit nom amoureusement susurré par les robots perroquets scotchés sur les plateaux de nos chaînes de télévision, toutes officiellement sionistes et pourchasseuses d’antisémites.

Keir Starmer et le retour de manivelle

Mais les temps changent. La Communauté internationale dont les participants sont choisis en fonction de leur soumission aux États-Unis, ne comprend finalement que 15% du monde, comme nous en avons pris conscience au début de la guerre en Ukraine, et elle doit céder le pas à la Majorité internationale, menée par l’axe du mal, n’est-ce pas ? c’est à dire par des puissances indépendantes des États-Unis, comme la Russie, la Chine et l’Iran.

Et Keir Starmer, à la tête du Parti travailliste depuis 2020 donc, depuis la campagne de diffamation qu’il a menée contre Corbyn, est dans la tourmente pour ne pas s’en être rendu compte, aveuglé qu’il est par sa suffisance et son arrivisme, et avoir soutenu, dans une interview, les crimes de guerres d’Israël.

Ah lui, on ne pourra pas l’accuser d’antisémitisme… Hélas, aujourd’hui les musulmans et les pays arabes n’ont plus peur de faire entendre leur voix. Ils n’ont plus peur des Occidentaux que le bellicisme irrationnel des Etats-Unis conduit au désastre. Ils se tournent vers les BRICS+ qui leur proposent un monde multipolaire, fondé sur le droit international.

Et c’est justement le droit international que Starmer, habitué à ce que l’Occident le viole allègrement chaque fois que ça l’arrange, a bafoué publiquement et irrémédiablement.

Sa déclaration fait l’objet d’un article du Middle East Eye du 11 octobre 2023, intitulé : « Guerre israélo-palestinienne : Keir Starmer soutient le « droit » d’Israël à couper l’eau et l’électricité à Gaza » :

« Le chef du parti travailliste d’opposition britannique et favori pour devenir premier ministre britannique était auparavant avocat spécialisé dans les droits de l’homme.

« Lors de l’interview accordée à Nick Ferrari sur la chaîne LBC mercredi, il a été demandé à M. Starmer si un siège et une coupure de l’approvisionnement en eau et en électricité de la région assiégée constituaient une réponse proportionnée à l’assaut des combattants palestiniens dans le sud d’Israël.

« L’ancien avocat des droits de l’homme a répondu : « Je pense qu’Israël a ce droit, il s’agit d’une situation permanente, il est évident que tout doit être fait dans le cadre du droit international, mais je ne veux pas m’éloigner du principe fondamental selon lequel Israël a le droit de se défendre ».

« M. Starmer n’a pas précisé comment les méthodes de punition collective, telles que l’interruption de l’approvisionnement en eau d’une grande zone urbaine, pouvaient être appliquées dans le respect du droit international.

« Dans une déclaration envoyée à Middle East Eye mercredi après-midi, le Réseau musulman travailliste (LMN) a décrit les commentaires de Keir Starmer comme une approbation des « plans de punition collective de 2,2 millions de personnes dans la bande de Gaza ».

« « La punition collective est un crime de guerre. Couper l’électricité et l’eau aux hôpitaux et aux installations vitales est un crime de guerre », a déclaré l’organisation, ajoutant : « Aucun gouvernement, aucune armée, aucun pays ne peut être au-dessus du droit international.

« « Nous vous demandons directement, Sir Keir [Starmer a été anobli par la reine mais refuse qu’on l’appelle “ Sir ” !, LGS], de revenir sur vos propos, de présenter des excuses aux Palestiniens et de rencontrer d’urgence les organisations et représentants palestiniens au Royaume-Uni, LMN et le Conseil musulman de Grande-Bretagne » ».

En tête des critiques, évidemment le clan Corbyn.

« …l’auteur Alex Nunns, ancien rédacteur de discours pour le prédécesseur de M. Starmer, Jeremy Corbyn a écrit sur X, anciennement connu sous le nom de Twitter :

« Keir Starmer affirme qu’Israël « a le droit » d’imposer un siège, de couper l’eau et l’électricité à Gaza. Ce n’est pas le cas, la punition collective des civils est un crime de guerre ».

« « Des dizaines de milliers de civils risquent d’être tués dans les mois à venir et Keir Starmer les encourage », a-t-il ajouté. »

Et ce n’est pas tout, exactement comme Corbyn, mais pour des raisons inverses, il doit maintenant faire face aux critiques de militants de gauche et/ou de son propre parti, et aux démissions en chaîne des Conseillers musulmans travaillistes, comme l’explique les commentateurs du site britannique d’actualité Novara media dans une vidéo intitulée : « Keir Starmer face au retour de bâton de son soutien à Israël – Les conseillers musulmans sont furieux contre Starmer. »

Le triomphe de Corbyn

Quant à Corbyn, il se retrouve comme par miracle, dans le bon camp, celui du droit international, de la défense des opprimés et des innocents, contre l’état colonial d’Israël qui semble avoir décidé de régler le problème palestinien par un bon petit génocide bien de chez nous.

Quand je vivais à Jérusalem, j’ai assisté à une conférence donnée par un professeur de droit franco-israélien, qui portait sur la manière dont des personnes ou des groupes se retrouvent dans le « bon » camp après avoir été dans le « mauvais », non pas parce qu’elles ont changé d‘avis, mais tout simplement parce que la situation a changé. En effet le bon et le mauvais camp politiques sont des notions relatives qui dépendent largement des rapports de force et des circonstances.

Aujourd’hui, les sangsues de plateau sionistes peuvent s’époumoner en roulant des yeux : antisémite ! antisémite ! plus personne ne les écoute. L’opinion publique a basculé et, pendant que celui qui l’a fait tomber se débat à son tour contre la défiance de parti travailliste, Corbyn triomphe dans les pays et les medias de la Majorité mondiale, comme le montre l’article de Middle East Eye :

« Pour sa part, M. Corbyn a condamné à la fois l’assaut palestinien contre le sud d’Israël et la réaction israélienne qui s’en est suivie.

« « Les horribles attaques contre les civils en Israël sont déplorables. Cela ne peut justifier le meurtre aveugle de Palestiniens, qui paient le prix d’un crime qu’ils n’ont pas commis », a-t-il posté sur X mardi.

« « La moitié de la population de Gaza est constituée d’enfants. Piégés dans une prison à ciel ouvert, sans nourriture, sans eau, sans gaz ni électricité, ils voient leurs maisons s’écrouler et n’ont nulle part où aller. »

Corbyn triomphe aussi dans les manifestations pro-palestiniennes, dont celle qui a réuni à Londres quelque 100 000 personnes, ainsi que le relate, avec beaucoup de belles images, le Daily Mail du 14 octobre 2023 dans un article intitulé « Jeremy Corbyn a déclaré à des milliers de manifestants pro-palestiniens lors d’un rassemblement à Londres qu’ils devaient « condamner » les actions de l’armée israélienne à Gaza » :

« L’ancien dirigeant travailliste s’est adressé aux partisans de la cause palestinienne dans la capitale, alors que des personnes armées de pancartes demandant à Israël « d’arrêter de bombarder Gaza » sont descendues dans la rue pour protester dans les principales villes du Royaume-Uni, notamment Manchester, Liverpool, Bristol, Glasgow, Édimbourg et Newcastle :

« « Aujourd’hui, alors que nous brandissons le drapeau palestinien, nous nous exprimons au nom des habitants de la Cisjordanie, de Gaza et des camps de réfugiés, et nous disons très clairement à nos dirigeants politiques dans ce pays de ne pas tolérer les crimes de guerre, de ne pas tolérer le refus de fournir de la nourriture, de l’eau et des médicaments aux personnes désespérées de Gaza ou d’ailleurs.

«  » Si vous croyez au droit international, si vous croyez aux droits de l’homme, alors vous devez condamner ce que fait l’armée israélienne à Gaza actuellement  » »

Toutes proportions gardées, j’espère que la justice divine qui vient de rendre à Corbyn et ses amis ce que les sionistes leur avaient pris, rendra bientôt aux Palestiniens la terre et la liberté que les sionistes leur ont pris, afin qu’ils puissent enfin pleurer leur morts et faire leurs choix de vie, en toute autonomie.

Montreuil, le 26 octobre 2023

Sources
https://www.marianne.net/politique/melenchon/que-sait-on-des-accusatio…
https://atlantico.fr/article/decryptage/a-lfi-ils-ne-sont-pas-antisemi…
https://www.middleeasteye.net/news/israel-palestine-war-keir-starmer-c…
https://www.youtube.com/watch?v=pPDTd8HshRA
https://frenchbulletin.com/world/455437.html
https://www.dailymail.co.uk/news/article-12630791/former-labour-leader…

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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