Si on m’avait dit qu’un jour j’aurais écrit une lettre d’opinion sur le manque d’attrait du métier d’enseignant, je ne l’aurais tout simplement pas cru. Il faut dire qu’à mon époque, soit au début des années ‘70, l’enseignement était reconnu comme une profession vers laquelle se dirigeaient une pléiade de candidats poussés par une envie irrésistible d’offrir leurs services auprès des jeunes du Québec.
Aujourd’hui, les temps ont bien changé, L’enseignement a perdu peu à peu ses lettres de noblesse au détriment d’une tâche de plus en plus lourde et de salaires classés parmi les plus bas par rapport aux autres provinces canadiennes. C’est sans compter les quelque 30 000 enseignants non-légalement qualifiés qui ont la responsabilité d’une classe dans une école du Québec, un phénomène directement lié à la pénurie de main d’oeuvre chez les enseignants.
Une tâche viable
Actuellement, la tâche des enseignants ne peut leur offrir aucune voie pour pouvoir exercer convenablement leur rôle auprès des élèves, soit leur prodiguer des connaissances dans un climat serein et propice à l’apprentissage. La présence des élèves ayant des besoins particuliers dans les groupes dits réguliers amène l’enseignant à intervenir à de nombreuses occasions, privant ainsi les autre élèves du contenu prévu par l’enseignant au cours de cette période. Et pourtant, il existe des professionnels spécialisés, tels les orthophonistes, les psychologues , les travailleurs sociaux etc. qui pourraient venir en aide aux enseignants, mais, là comme ailleurs, sévit une pénurie de personnels.
Face à une situation aussi dramatique, je crois que le ministère de l’Éducation devrait raccourcir le curriculum du personnel spécialisé et leur donner la possibilité d’accomplir des stages dans les classes de telle sorte que les enseignants puissent donner leur contenu de cours prévu aux élèves réguliers. Or il existe une autre stratégie pour minimiser le travail des enseignants ayant des élèves à besoins particuliers, à savoir regrouper ensemble les élèves à besoins particuliers, ce qui, à mon avis, risquerait de créer une situation contre-productive qui pourrait ouvrir la porte toute grande aux décrocheurs.
Un salaire juste et équitable
Les plus récentes données disponibles, soit celles de l’année scolaire 2017-2018, indiquent que les enseignants du Québec sont 11e sur 11 provinces et territoires comparés. Par exemple, pour l’année scolaire 2017-2018, le salaire en début de carrière au Québec atteignait 44 968 $, comparativement à 52 814 $ en Ontario et 51 798 $ au Nouveau-Brunswick. Les enseignants du Québec étaient alors les moins bien payés au pays. Après 15 ans d’exercice, le salaire au Québec atteignait 79 466$, 79 872$ au Nouveau-Brunswick, 97 474 $ en Ontario et 82 600 $ en Colombie-Britannique. En moyenne, les enseignants ayant entre 5 et 10 ans d’expérience gagnaient 16 000 $ de moins que dans le reste du Canada.
Or, dès le début de son premier mandat, François Legault clamait que l’éducation serait sa première priorité. Depuis lors, l’homme d’affaires s’est littéralement tourné vers les dossiers économiques dans lesquels il a injecté des milliards $, laissant la présidente du Conseil du trésor Sonia Lebel en charge de la masse salariale dans le processus de négociation des conventions collectives. Aux dernières nouvelles, le gouvernement offre une augmentation de 9% sur 5 ans, soit une augmentation de 1,8% annuellement, une proposition que je qualifierais de méprisante et qui doit être revue à la hausse pour le plus grand bien de la profession d’enseignant.
Perspective d’avenir
La carrière d’enseignant ne pourra jamais susciter quelque forme d’attractivité tant et aussi longtemps qu’elle portera les écueils de tâches inhumaines et de salaires dérisoires. La pénurie de main-d’œuvre dans le réseau scolaire du Québec a forcé le gouvernement à embaucher plus de 30 000 enseignants non qualifiés, ce qui hypothèque grandement la qualité des cours offerts aux élèves du primaire et du secondaire. Fort des considérations énoncées ci-haut, l’école du Québec est condamnée à niveler par le bas ses exigences au sein de ses programmes et des ressources humaines disponibles. Si le ministère de l’Éducation aspire vraiment à renouer avec l’attractivité de l’enseignement, il devra d’abord placer la qualité de l’enseignement dans ses priorités en effaçant les irritants qui la maintiennent dans un statut précaire et implacablement contrainte à un reniement de la part des potentiels étudiants..
Henri Marineau, Québec
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