La présidence des États-Unis du Conseil de sécurité des Nations Unies s’est achevée ce 31 août. Tout au long du mois, beaucoup d’efforts auront été consacrés par l’équipe de leur représentante, Mme Linda Thomas-Greenfield, pour faire appliquer à leur manière la Résolution 2254 (2015) que les Syriens considèrent pour ce qu’elle est : une sorte d’ordonnance internationale prescrite, sans consultation de l’État syrien, dans une situation de consensus signifiant implicitement le démembrement, tôt ou tard, de la Syrie.
Le lecteur pourra découvrir les prises de position des États membres et des invités lors de la réunion du Conseil de sécurité tenue le 23 août dernier, via le document non officiel destiné aux organes d’information [1]. Cependant, il nous a semblé utile de transcrire la totalité de l’allocution de Mme Linda Thomas-Greenfield à partir de la vidéo de l’ONU en langue française [2]. En l’écoutant, il devient plus clair encore que les rédacteurs de son texte pratiquent l’inversion des culpabilités en prétendant que les conséquences de la guerre par procuration, accordée au terrorisme internationale et menée par les États-Unis contre la Syrie, sont le fait du « régime » de Bachar al-Assad. Il est consternant de constater qu’ils doivent s’imaginer que leurs mensonges peuvent toujours « faire le tour de la terre le temps que la vérité mette ses chaussures », comme l’aurait dit Mark Twain né au 19ème siècle. Nous publions cette édifiante allocution sans autre commentaire. Aux lecteurs d’en juger.
Ensuite, l’ancien ministre libanais des Affaires étrangères, Adnan Mansour, et le major-général syrien, Hassan Ahmad Hassan, éclaireront le lecteur sur les non-dits en rapport avec cette allocution.
Mouna Alno-Nakhal
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Déclaration de Mme Linda Thomas-Greenfield : la faute à la Russie !
Merci beaucoup Monsieur l’envoyé spécial, M. Pedersen, de votre exposé. Je remercie également Mme Kanawati (invitée Syrienne réfugiée en France et Directrice adjointe de l’ONG Women Now for Development). Merci d’avoir attiré l’attention sur les défis uniques auxquels les femmes et les hommes sont confrontés en Syrie. Merci d’avoir évoqué le rôle que les femmes syriennes doivent jouer dans le processus de paix. Je voudrais également profiter de cette occasion pour vous présenter nos excuses pour l’attaque tout à fait non professionnelle lancée contre vous-même, contre votre crédibilité (Il s’agit très probablement de la réplique du représentant de la Russie qui a regretté que la présidence américaine du Conseil ait décidé de transformer la réunion en véritable farce et en « spectacle d’opposition à la Syrie », affirmant que l’intervention de Mme Lubna kanawati ne pouvait être plus éloignée de la vérité ; NdT). Merci de continuer à prendre la parole pour défendre ceux qui ne peuvent pas prendre la parole.
Certains veulent prétendre que le conflit est terminé. Les Syriens continuent à souffrir au jour le jour des réalités que vous avez évoquées : frappes aériennes, attaques aux missiles, tortures, détentions, refus d’accès à l’aide humanitaire. Soyons très clairs, le conflit syrien crée une ambiance d’instabilité pour toute la région. Des millions de personnes ne peuvent pas rentrer chez elles et le régime facilite à grande échelle les trafics. Des protestations « pacifiques » dans des villes comme Deraa et Sweïda ont eu lieu.
Les Syriens ont appelé à un renouveau politique, ont appelé toutes les parties à respecter la résolution 2254. Ce sont les ? qui ont commencé et il ressort clairement que les exigences pacifiques n’ont pas trouvé de réponses. Ce conseil, de manière répétée, a réaffirmé qu’il fallait appliquer pleinement tous les aspects de la résolution 2254. Il s’agit d’une feuille de route qui nous est commune, mais pour l’instant nous ne progressons pas. Nous nous félicitons des efforts inlassables de M. Pedersen pour permettre une reprise d’un élan qui permettrait un règlement pacifique.
Une opposition constante du régime de Bachar al-Assad et de ceux qui le soutiennent, notamment la Russie, continuent à empêcher ce processus. Nous commémorons le dixième anniversaire de l’un des éléments les plus graves de l’histoire récente, lorsque le régime de Bachar al-Assad a lancé des roquettes transportant des agents innervants de type gaz sarin dans la zone de la Ghouta près de Damas. Cette attaque a entraîné la mort de plus de mille-quatre-cents personnes (!!!), entraînant également beaucoup de blessés ; Mme Kanawati, elle-même, a survécu à cette attaque. Et les États-Unis se souviennent des victimes et des survivants de cette attaque et leur rendent hommage, et (se souviennent) de toutes les attaques chimiques lancées par le régime d’Assad. Nous continuons à en appeler à la justice et à la redevabilité pour ces attaques.
Même face à ces violations extrêmement troublantes des droits humains, beaucoup de femmes syriennes courageuses comme vous-même, Mme Kanawati, ont continué à faire entendre leur voix pour promouvoir une solution politique pacifique pérenne. Vous avez appelé à l’abrogation des lois discriminatoires, à la fin du système discriminatoire. Nous devons faire en sorte que les femmes n’occupent pas simplement une place à la table des négociations, qu’elles puissent occuper la tête de la table. Ce conflit a eu des effets dévastateurs et uniques pour les femmes syriennes. Beaucoup d’entre elles sont pourtant le seul gagne-pain de leur famille. Des inégalités de genre qui préexistaient, des lois discriminatoires diverses et des injustices sociales exacerbent les défis auxquels les femmes sont confrontées. Nous en appelons à toutes les parties du conflit en Syrie pour mettre fin aux restrictions qui touchent les femmes et pour garantir un accès égal à l’éducation, aux documents civils, à la propriété, au droit juridique.
Il est temps également pour le régime de Bachar al-Assad de prendre des mesures nécessaires pour améliorer l’existence des Syriens, ce qui inclut les plus jeunes et les plus vulnérables. Dans tout le pays des millions d’enfants ne sont pas scolarisés. Ils sont donc tout particulièrement à risque en termes de mariage précoce et d’exploitation d’enfants. Tant que les conditions ne s’amélioreront pas, le retour en toute sécurité et en toute dignité des personnes déplacées ne sera pas possible. Les Syriens ne reviendront pas tant qu’ils risqueront d’être mobilisés au sein de l’Armée syrienne, d’être détenus de manière injuste et torturés, tant qu’ils risqueront des dispositions forcées. Nous avons observé tant de cas de personnes qui rentraient et qui faisaient l’objet de harcèlement, voire pire.
Nous nous félicitons du fait que l’Assemblée Générale des Nations Unies ait établi une institution indépendante [3] sur les personnes disparues en Syrie pour aider à découvrir les lieux où se trouve le sort de milliers de personnes disparues. Nous espérons que beaucoup (?) participeront à cette nouvelle institution. Nous lançons encore une fois un appel à toutes les parties du conflit pour qu’elles libèrent les personnes arbitrairement détenues, pour qu’elles fournissent aux organisations défendant les droits humains un accès aux lieux de détention, pour mettre en place un partage d’information sur les personnes disparues pour que les familles puissent y accéder.
Nous avons vu la déclaration du 15 Août du « Comité arabe » sur la question qui a appelé à une reprise des travaux du Conseil constitutionnel (pour la Syrie) proposant une réunion à Oman d’ici la fin de l’année. Cela fait plus d’un an qui s’est écoulé depuis la dernière réunion du Comité constitutionnel et nous savons très bien qui en empêche la progression : c’est la Russie ! La Russie prétend soutenir un processus politique conduit et pris en main par les Syriens. Mais nous savons que tout ce qu’ils essayent de faire, c’est d’exploiter la situation pour l’utiliser à leurs fins. Nous ne voyons pas l’intérêt de déplacer le lieu où se fera la réunion qui devait être à Genève initialement. Mais tout nous convient tant que le travail du Conseil constitutionnel peut reprendre. Le lieu doit être choisi par les parties elles-mêmes et cela doit impliquer la contribution du « Comité de négociation syrien ». Il faut une participation significative du régime, indépendamment du lieu où se tiendra la réunion. Nous continuons à vous soutenir M. Pedersen. Nous vous soutenons. Nous appuyons vos efforts dans le cadre de ce processus qui permettrait de progresser de manière significative et vérifiable dans le cadre d’une solution politique. Les initiatives vont permettre une « transition politique ».
Les problèmes graves rencontrés au quotidien par la population, tous ces problèmes non résolus montrent le mépris du régime pour sa population, pour son peuple. Nous avons vu encore et encore que cela était malheureusement bien réel, et ce au cours des dix dernières années. Les armes chimiques ont été utilisées, des atrocités innombrables ont été commises, les Etats-Unis continuent à promouvoir le principe de la responsabilité pour les abus commis par le régime, y compris en appliquant des sanctions à ceux qui les méritent. Les sanctions américaines resteront en place tant qu’au minimum il n’y aura pas de progrès concret et mesurable vers une solution politique. Et permettez-moi d’être très claire, nos sanctions ne ciblent pas l’aide humanitaire.
Chers collègues, ce Conseil ne doit pas détourner le regard ou pire, passer à autre chose, pas tant que les atrocités continueront, pas tant que les besoins humanitaires resteront plus importants que jamais, pas tant qu’une solution politique et que le principe de responsabilité resteront hors de portée. Le peuple syrien mérite tout notre soutien. Il mérite la paix, la sécurité, et la justice, et nous continuerons à nous tenir à ses côtés à cette heure difficile. Merci beaucoup.
Que se passe-il au sud de la Syrie qui réjouit autant Mme Linda Thomas-Greenfield ?
De sources locales, le sud de la Syrie s’est soudainement enflammé avec des manifestations reprochant au gouvernement la mauvaise gestion d’une situation économique désastreuse et revendiquant de meilleures conditions de vie. Mais, très vite, sont apparues des revendications d’une autre nature conformes aux aspirations américaines, telles l’imposition de la Résolution 2254 ; la levée de drapeaux confessionnels, ethniques et du drapeau du mandat français ; l’apparition de téléphones portables ne passant pas par le réseau national ; l’exigence d’ouverture d’un passage frontalier avec la Jordanie, la demande d’une administration autonome etc. ; le tout accompagné de slogans sectaires allant jusqu’à appeler à fédéraliser le gouvernorat de Sweïda. Dès le 26 août, bien qu’il s’est avéré que les manifestants n’étaient qu’une poignée d’agents de l’étranger, dont certains sont arrivés du nord du pays, l’ancien ministre libanais des Affaires étrangères et des expatriés, le Docteur Adnan Mansour, publiait un article intitulé : « La Syrie est en danger… méfiez-vous des jours à venir ! » [4]. Nous en traduisons un large extrait [NdT] :
Ce qui se passe en Syrie dans le gouvernorat de Sweïda au sud du pays et dans la région de Hassaké à l’est de l’Euphrate, ainsi que la réactivation de la cellule MOC laisse présager des événements dangereux et dramatiques (La cellule MOC est une plate-forme opérationnelle pour le financement, l’armement et l’entraînement des groupes armés sévissant dans la région. Elle est toujours basée à Amman en Jordanie. Au départ, elle était composée de représentants des services de renseignement et de spécialistes en affaires militaires des États-Unis, de l’Arabie saoudite, du Qatar, de la Jordanie, du Royaume-Uni et de la France ; NdT).
Les États-Unis -ainsi que tous ceux qui les suivent en tant qu’alliés, agents et mercenaires- ne quitteront pas la région du Levant comme l’ont imaginé nombre d’analystes après leur retrait d’Afghanistan. Euphoriques, ils ont affirmé que Washington a été vaincu et a laissé le Levant à la Russie afin de se préparer à affronter la Chine. Cet enthousiasme excessif se heurte au fait que le Proche-Orient reste pour les superpuissances de ce monde l’une des régions stratégiques les plus importantes et les plus convoitées. Par conséquent, non, les États-Unis n’ont pas l’intention de se retirer. Ils n’arrêteront pas d’imposer leurs mesures restrictives unilatérales féroces, désignées par le terme « sanctions », lesquelles s’intensifient jour après jour en Irak, en Syrie, en Iran, au Liban et ailleurs, d’autant plus qu’ils n’ont pas réussi à conditionner ces pays de l’Asie occidentale en fonction de leurs intérêts politiques, économiques et sécuritaires, afin de s’en emparer et de contrôler leurs décisions et leur avenir.
Pour Washington, la Syrie a toujours été l’épine dans la gorge et le nœud gordien qui a contrecarré le projet américano-israélien visant à mettre fin au conflit arabo-israélien aux dépens de tout un peuple, avant de soumettre toute la région et de faire en sorte que leur hégémonie serve les intérêts des États-Unis et de l’entité israélienne. Il n’est donc pas surprenant de revoir des factions terroristes, des groupes suspects, des mercenaires armés et des cellules dormantes agir « simultanément » en Syrie, en Irak et au Liban avec le soutien militaire et logistique des Américains, en plus du durcissement des sanctions inhumaines et tyranniques aussi bien sur les pays, les individus, les institutions ; et particulièrement sur la Syrie.
Et si Washington exerce davantage de pression sur le peuple syrien en allant jusqu’à l’affamer, c’est pour le pousser à se rebeller contre le pouvoir central ; lequel serait forcé de se rendre et subirait le fait accompli américain. En effet, depuis l’échec du pari américano-israélien consistant à renverser les régimes des pays de la région refusant l’hégémonie occidentale, par le biais de forces et de factions terroristes bénéficiant du soutien ininterrompu de Washington et de ses alliés, il ne reste plus aux Américains qu’à renforcer leur blocus et leurs sanctions, en espérant que les conditions de vie difficiles deviennent l’arme meurtrière efficace susceptible de contraindre les citoyens, même s’ils sont loyaux au « régime », à se rebeller et à le tenir entièrement responsable de ce qu’ils vivent.
Ce qui est encore plus dangereux que les revendications d’une vie meilleure dans le sud de la Syrie, c’est la déviation de certains groupes vers des revendications sectaires dangereuses et suspectes, car suscitées par des mains extérieures. Une telle déviation peut conduire à des répercussions catastrophiques sur la Syrie, sur son unité, sa souveraineté, sa terre, sa population et sa sécurité.
Ce qui se passe dans les gouvernorats de [Deraa], de Sweïda et de Hassaké ne se limitera pas à la seule Syrie, mais affectera toute la région du levant si les choses ne sont pas abordées avec sagesse, fermeté et haute responsabilité nationale. C’est une occasion en or que les Américains exploitent pour se jeter à nouveau sur la Syrie, par l’intermédiaire d’agents et de mercenaires de l’intérieur, qui leur servent de couverture et de pont pour l’atteindre en plein cœur. […]
Face à cette scène inquiétante, toutes les forces nationales et patriotes de la région sont appelées à être vigilantes et à se tenir avec force et responsabilité aux côtés de la Syrie. Aucune personne sensée de la région n’imagine que la sécurité de son pays est distincte de celle de la Syrie, que l’unité de son pays n’a rien à voir avec l’unité de la Syrie et que la stabilité de son pays n’est pas liée à la stabilité de la Syrie. Les politiques d’hégémonie et d’influence élaborées par les États-Unis s’appliquent au Liban, à l’Irak, à l’Iran et à d’autres pays qui rejettent la politique, l’influence et l’hégémonie de Washington.
Par conséquent, se tenir aux côtés de la Syrie est une nécessité et un devoir national. La sécurité, la paix, la stabilité et la souveraineté de la région du Levant sont indivisibles. Chacun des citoyens de cette région doit la défendre, la fortifier et s’opposer fermement aux projets destructeurs qui se préparent pour la Syrie, afin que les dominos ne tombent pas sur la tête de tous lorsqu’il sera trop tard…
Les regards sont tournés vers le sud de la Syrie, mais des événements aussi graves se déroulent dans le nord du pays
De sources locales : parallèlement aux manifestations dans le sud du pays, les FDS, dominées par les kurdes, auraient décidé de se débarrasser de leurs concurrents dans le nord-est de la Syrie, notamment de la branche militaire arabe au sein de leur formation. Sous le prétexte habituel de combattre Daech, elles ont lancé une opération militaire contre le nommé « Conseil militaire de Deir ez-Zor » dominé par les Arabes. Les affrontements ont gagné les villages du nord de Deir ez-Zor où les FDS ont dû se confronter à l’unité tribale et ont été expulsées de nombreux villages et localités [NdT]. Le 30 juillet, le major-général syrien, Hassan Ahmad Hassan, faisait le lien entre les événements du nord et du sud du pays dans un article intitulé : « Les corbeaux américains et les présages de malheurs itinérants »[5], dont nous traduisons également un large extrait [NdT] :
Quiconque observe les visites et les déplacements des responsables américains recueille suffisamment de preuves annonciatrices avec une grande certitude que le malheur, la dévastation, le désastre, la mort, la destruction ainsi que tous les leviers des troubles et de l’instabilité les accompagnent automatiquement là où ils passent. Et s’il est de notoriété publique que les corbeaux survolent les zones de cadavres ayant perdu la vie depuis peu ; alors, les visites des responsables américains sont de mauvaise augure. Elles présagent que les zones visitées verront, d’ici quelques jours ou quelques mois, de nombreux corps sans vie.
Pour que cette observation ne reste pas générale, je me concentrerai sur quelques points importants et sur leurs implications :
Divers médias ont rapporté qu’une délégation composée de trois membres de la Chambre des représentants américains [6], dont French Hill du Parti républicain, était entrée (le 27 août dernier) dans certaines zones du nord de la Syrie contrôlées par des milices armées opérant sous les auspices et la supervision de la Turquie ; certaines milices étant néanmoins contrôlées par Hay’at Tahrir al-Sham [HTS], alias Al-Qaïda.
Les représentants américains ont visité le poste frontière de Bab al-Salama (qui relie la Turquie au nord du gouvernorat d’Alep), les zones frappées par le tremblement de terre du 6 février dernier, ainsi qu’un certain nombre d’hôpitaux, et se sont informés sur les services publics et la situation sanitaire. Ici, l’observateur se trouve confronté à une infinité de questions légitimes, parmi lesquelles :
- Al-Qaïda et sa branche devenue Hay’at Tahrir al-Sham figurent-elles toujours sur les listes internationales des organisations terroristes ?
- Que signifie l’imbrication des milices armées contrôlées par la Turquie dans les zones contrôlées par Al-Qaïda ?
- Une telle visite de représentants américains dans ces deux camps, à la fois et en toute sécurité, ne confirme-t-elle pas que les deux parties sont des subordonnées directes de leur maître américain ?
- N’est-il pas logique de lier la préparation de cette visite à l’escalade des attaques contre l’Armée arabe syrienne par les milices de Hay’at Tahrir al-Sham et les milices de la Turquie quelques jours auparavant ?
- Et l’agression israélienne concomitante ayant mis hors service l’aéroport civil d’Alep ne peut-elle pas s’intégrer dans les actes de la pièce mensongère mise en scène par les Américains ? (À noter que le bombardement israélien de l’Aéroport international d’Alep [7], à partir du Golan syrien occupé, a coïncidé avec la grande exposition économique des industriels de la ville, laquelle a rencontré un grand enthousiasme au grand dam des ennemis. À noter aussi que le représentant de la Russie a rappelé au Conseil de sécurité qu’Israël avait mené 22 attaques contre le Syrie depuis le début de l’année ; la dernière agression, par des missiles envoyés sur les environs de Damas dans la nuit du 22 août, c’est-à-dire, la veille de l’allocution tellement compatissante de Mme Linda Thomas-Greenfield à l’égard du peuple syrien, NdT].
- Et si l’on se souvient que le 9 mars dernier, les membres de la même Chambre des représentants des États-Unis ont massivement rejeté un projet de résolution [8] pour le retrait des forces américaines de Syrie, la question devient : serait-ce parce que l’occupation continue de terres d’États indépendants et souverains est tout à fait conforme au concept américain de la démocratie, tant que ces terres occupées sont riches de toutes sortes de ressources, tant que l’occupation contribue à punir les peuples qui refusent de se soumettre à l’administration américaine en les combattant par la privation d’une pilule médicamenteuse, d’une goutte d’eau, d’une miche de pain, même si cela peut mener à leur extermination ?
- Reste la question la plus importante et la plus légitime : les représentants des États-Unis, rendus au nord de la Syrie, ont-ils rencontré des responsables chargés d’allumer le sud de la Syrie ?
Le 16 août 2023, l’ancien secrétaire américain à la Défense, le général Christopher Miller, s’était rendu dans les régions du nord et du nord-est de la Syrie et avait rencontré des dirigeants des prétendues « Forces Démocratiques Syriennes » [FDS] et de leur soi-disant administration autonome. Les médias rapportèrent que Miller avait insisté sur « la nécessité de protéger les bénéfices acquis dans la lutte contre le terrorisme, la nécessité du soutien américain à l’administration autonome et la nécessité de préserver cette sorte d’expérience dans la région, afin d’y amener la stabilité et d’en éliminer le terrorisme ». Ici aussi nombre de questions légitimes viennent à l’esprit :
- De quelle lutte contre le terrorisme parlent Miller et son pays qui est -d’après les propres aveux de ses représentants officiels- à l’origine de la création de Daech, d’Al-Nosra et du reste des organisations terroristes armées ?
- Comment comprendre l’escalade des attaques armées de Daech contre l’armée arabe syrienne, les convois civils et les civils eux-mêmes, parallèlement à la sinistre visite de Miller ?
Par ailleurs, comment expliquer les affrontements sanglants, ayant également coïncidé avec ces visites de représentants américains, entre les deux formations qui opèrent toutes les deux sous les auspices de Washington : les FDS et le « Conseil militaire de Deir ez-Zor », l’autre corps armé, supervisé et entraîné par les forces américaines ? Au cas où quelqu’un se poserait cette question, je lui réponds que c’est « la politique du sac de souris » qu’il faut secouer pour que les souris ne pensent pas à ronger le sac dans lequel elles sont piégées.
Pour résumer, les FDS se sont révélées incapables de remplir le rôle fonctionnel qui leur a été confié et « l’armée » (puisée au sein de quelques tribus arabes, Ndt) en cours de consolidation doit compenser leur incapacité. Créer un conflit entre les FDS et le Conseil militaire rend les deux formations encore plus soumises et il n’y a donc aucun mal à les soutenir toutes les deux. Tout comme, il n’y aucun mal à ce qu’elles s’anéantissent mutuellement, car cela contribue à retarder la cristallisation d’une résistance populaire nationale efficace contre les forces d’occupation et leurs partisans. C’est là-dessus que les forces américaines travaillent secrètement et publiquement […].
Et, le 4 mars 2023, c’est le chef d’État-Major des armées des États-Unis, le général Mark Milley qui avait atterri sur une base américaine établie illégalement dans le nord-est de la Syrie et avait rencontré ses forces déployées là-bas. Il avait déclaré que sa présence était destinée à évaluer les efforts déployés pour empêcher la résurgence de groupes extrémistes, revoir les procédures visant à protéger les forces américaines, et avait affirmé que leur déploiement en Syrie pendant près de huit ans, pour combattre Daech, en valait toujours la peine. Cette visite secrète du général Milley ayant eu lieu juste après sa visite à Israël, n’est-il pas possible de lier l’escalade des attaques israéliennes et terroristes ces derniers mois aux instructions qu’il aurait données ? D’où la question : était-ce un prélude à ce qui menace aujourd’hui le gouvernorat de Sweïda ?
Plus récemment, le 23 août 2023, le général Milley a accordé un entretien à la chaîne de télévision jordanienne Al-Mamlaka au cours de laquelle il a déclaré qu’il est fort improbable que les États-Unis se retirent un jour du Moyen-Orient, où ils resteront engagés pour des décennies à venir [9]. Une déclaration qui mérite, là aussi, quelques questions :
- Qui a dit à Mark Milley que son pays pouvait maintenir ses forces pendant des décennies ?
- Par cette déclaration, ne cherche-il-pas à remonter le moral des troupes et à pousser encore plus haut l’escalade sur le terrain militaire afin de se venger de l’État syrien, de son peuple, de son armée et de ses dirigeants pour avoir empêché le projet des États-Unis visant à dominer la géographie syrienne, en dépit du coût très élevé qu’ils ont payé ?
- Cette malveillance de la part d’un chef d’état-major des forces armées américaines ne présage-t-elle pas de ce qui se prépare pour notre précieux gouvernorat de Sweïda ?
C’est une dernière question que je laisse ouverte. Je ne pense pas qu’il faudra longtemps avant d’en connaître la bonne réponse et je suis certain qu’elle contrariera les espoirs de Mark Milley et des planificateurs de la division et de la partition. L’avenir de la région ne peut être déterminé que par ses fils et ses peuples anciens, lesquels tiennent à leur dignité et à leur droit de vivre comme ils veulent, non comme le veulent les nouveaux obscurantistes…
Adnan Mansour
Hassan Ahmad Hassan
Texte original en arabe : publié le 31 août 2023
Traduction de l’arabe par Mouna-Alno-Nakhal
Notes :
[2][ Vidéo en français : La Situation au Moyen-Orient – Conseil de sécurité du 23 août 2023], (1H17-1H26)
[4][سورية في خطر… احذروا الآتي من الأيام ]
https://www.al-binaa.com/archives/379608
[5][الغربان الأميركية ونُذُر الشؤم المتنقل]
https://www.al-binaa.com/archives/379950
[6][US congress members make brief unauthorized visit to north Syria
[9][Le général Milley : Les forces américaines resteront au Moyen-Orient dans les années à venir]
Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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