Les USA, tout est là !
10 juillet 2023 (11H45) – Il devrait nous sembler assez difficile, si nous étions sensible à l’expérience et à sa logique, et à une saine intuition dispensée par les récents événements, de continuer à croire à l’importance directrice du rôle des acteurs humais dans les affaires internationales. On sait que je confie cette conviction à des perceptions, – justement issues de l’intuition, – dont je ne cherche pas à deviner la cause, ni à en annoncer les conséquences.
C’est en bonne partie pour cette raison que j’ai accordé fort peu d’importance au sommet de Vilnius, dans tous les cas dans le domaine du commentaire de prévision. Au contraire, le cours des événements durant cette rencontre peut révéler des situation, susciter des orientations qui vaudront d’être suivies ; on les suivra alors… Mais on verra aussitôt qu’il ne s’agit nullement de manœuvres contrôlées et préparées de longue date, mais de réactions de contrainte, devant le cours inattendu de l’événement… Ainsi vivons-nous, depuis quasiment huit ans (l’arrivée de Trump), et plus encore depuis 2020 (Covid), et décisivement depuis 2022 (‘Ukrisis’) , – et enfin attendant l’affrontement final.
Lequel ? J’y tiens et je trouve un allié de poids et de choix pour m’appuyer : USA-2024, les présidentielles pour désigner “l’affrontement final” ; et “ allié de poids et de choix” ? Rien de moins que ce vieux crouton d’Attali, – mais dans quelles somptueuses circonstances !
« Mon point de vue est très simple »
Le 5 juillet 2023 à 11H50, le vieux Prophète de nos années tendres des décennies1970-1990 s’est fait prendre, culotte baissée, par les blogueurs humoristes russes Vovan et Lexus. Les deux gamins insupportables, parlant anglais avec un accent russo-ukrainien à couper au couteau, ont concocté un appel de ‘Vlodo’ Zelenski à son ami Jacques. Attali n’a pas hésité une seule seconde ! Il ne s’est embarrassé d’aucun doute ni de la moindre hésitation, il s’est juste éclairci la voix et songeant à prendre un peu de hauteur tout de même : vous comprenez, il lui semble absolument, complètement normal que Zelenski, quand il est vraiment dans les plus graves ennuis réclamant les avis les plus autorisés, prenne son téléphone portable sécurisé par la CIA pour appeler son ami Attali. Zelenski ne peut pas voir et par conséquent ne voit pas, en bout de course et au bout du compte, esprit plus sagace et regard plus perçant pour lui dispenser quelques conseils salvateurs.
L’affaire a marché comme sur des roulettes. Attali était tellement occupé à mâchouiller un ingliche absolument épouvantable tout en conservant son ton doctoral, cru 1985-1990, avec Mitterrand en face de lui, écoutant avec avidité, – qu’il ne s’est douté de rien, Attali, de rien du tout. Puis, son entrée en matière fut à la hauteur du personnage qu’il prétendait être :
« Heureux de vous entendre, monsieur le Président… Et mon point de vue est très simple. Mon point de vue est très simple : il n’y a pas d’autre solution qu’une victoire totale et qu’il faut se débarrasser de Poutine… Aucun compromis n’est possible, aucun compromis… »
Et de poursuivre de la sorte. La puissance du message est évidente, comme il est évident que ce “conseiller spécial” du Président n’a aucun doute sur l’évidente capacité de l’Ukraine, – avec notre aide cela va de soi, et même sans cela irait, – d’écraser comme mouche puante une armée russe incompétente, trouillarde et en pleine déroute, et nous débarrassant d’un geste machinal du moucheron Poutine.
Il est fou ? Il y croit ? D’ailleurs, il n’est pas le seul à se répandre de la sorte, et certains encore plus vociférant, en public, avec des responsabilités ; voyez et oyez ce que nos deux compères Mercouris-Christoforou nous racontent du député conservateur et influent président de commission (on a failli songer à lui pour remplacer Boris !), Tobias Elwood. Le bonhomme clame que les troupes britanniques doivent se préparer à intervenir en Ukraine contre la Russie en style “C’est la lutte finale”, alors que son chef d’état-major lui susurre, un peu gêné-shocking, qu’il reste quarante (lisez bien 40) chars en état de combattre au sein de l’armée de Sa Majesté.
Alors, Attali ? Bien, si l’on met de côté le nécessaire léchage de cul/cirage de pompes qui vous permet de “tenir votre rang”, que peut-on penser ? J’hésite entre “Il y croit, il pense que l’Ukraine peut mettre la Russie KO, il continue à mastiquer cet extraordinaire simulacre sur un champ de bataille au goût de miel” ; et d’autre part, “Finalement il n’y croit plus, mais il s’agit surtout de maintenir le moral du Président”.
Je croirais volontiers qu’il y a un mélange des deux, parce que malgré tout, il faut continuer à être bien vu des amis et on continue à regarder LCI et à lire ‘Libé’ : un mélange d’illusion, de croyance hallucinée, de passion folle pour le progrès humain et la destruction des forces maléfiques russes ; et de réalisme forcé, entre la lecture de l’article de Richard Haass et les dernières rumeurs venues des dirigeants ukrainiens eux-mêmes… Et puis, entre ceci et cela, du rien dans le vide, juste la rengaine des bienpensants.
Notre “maillon faible”
Et surtout, tout cela, « monsieur le Président », parce que nous sommes suspendus à une attente extraordinaire, à la sauvegarde ultime du Nouveau-Monde… Attali à des mots brusquement quasi-désespérés alors qu’il parle des USA, qu’il dit son espoir de plus en plus affaibli, alors que tout, finalement dépend d’eux, et alors la description générale qu’il fait implicitement de la situation est celle d’un Occident-dépressif, celui d’Europe réduite aux larbins empressés, effarée devant les hésitations, les trébuchements, les toussotements du Grand-Aspirateur encombré de cocaïne…
« Mais il faut davantage se préoccuper de ce qui va arriver avec les États-Unis … Ce sera un scénario catastrophe si les États-Unis disent “assez c’est assez”, nous ne voulons plus aider l’Ukraine, nous devons négocier… France, Allemagne UK, ne peuvent pas faire cela, mais les USA peuvent le faire… Je pense que le plus important est de tenter d’arrêter cela … Le maillon faible, c’est Washington… »
Et ainsi de suite… Washington, « maillon faible » ! On aura tout entendu, et l’on entend juste et l’on entend le juste. Le fait malheureux et inexpugnable est qu’il a raison sur ce point, l’Attali, l’incontestable. Je ne sais, tremblant d’horreur, si c’est lui qui est d’accord avec moi ou moi qui suis d’accord avec lui, mais nous le sommes sans aucun doute.
France, Allemagne, UK, pas de problème comme les pieds-nickelés nous dit-il, ils suivront parce qu’ils ne peuvent rien faire d’autre que suivre et soutenir l’Ukraine, ce sont des durs de durs ! Même opinion d’Attali, implicite et entre-les-lignes mais évidente, sur l’exceptionnelle substance du rien des trois pieds-nickelés, assortie d’un complet mépris fort bienvenu… Leur vide intérieur, leur volonté anéantie, leur soumission pleine de la ferme assurance d’une docilité absolument sans un pli, – ceci et cela qui les poussent à une position churchillienne de jusqu’au-boutiste !
D’autre part, d’accord, il faut soutenir en suivant parce que c’est la consigne, – mais alors “suivre qui et quoi” ? Et si jamais les USA… D’où ‘Le Songe d’Athali’ devenant l’“angoisse d’Attali” ; et moi, de mon côté, entièrement d’accord avec le jugement d’un Attali qu’on voit se désagréger littéralement à cette pensée, et sous nos yeux horrifiés : les USA, tout est là ! Et moi opinant, à vrai dire sans trop d’angoisse ni la mimique torturé de mon “partenaire”, mais plutôt fringant et chevau-léger, répétant cela comme chantonnant une rengaine : oui oui, les USA, tout est là..
Note PhG-Bis : « C’est vrai… Quoique, ‘suivre les USA’ alors qu’ils annoncent qu’ils vont livrer leur leurs ‘fucking cluster bombs’, dites ‘bombes à billes’, et encore la veille du sommet de Vilnius, je ne sais pas si c’est la meilleure idée, pour l’unité de l’OTAN, pour notre morale-collective, tout ça… Je me demande si le Pentagone ne nous a pas fourgué la chose parce qu’il ne leur restait plus que cela en réserve, et inutilisables à cause de la morale-collective justement, juste pour dire qu’ils font des efforts-collectifs… Oui, ça se discute, hein… »
L’homme qui disait juste
Écoutez enfin, comment Attali répète ce mot : “catastrophe”, “scénario-catastrophe” « si les États-Unis disent “assez c’est assez”, nous ne voulons plus aider l’Ukraine, nous devons négocier ». Jamais, me semble-t-il et sans que personne n’en dise rien, l’Ouest-récitatif ne s’est trouvé aussi proche du précipice, aussi déséquilibré vers les abysses. Ainsi découvre-t-on l’immense angoisse qui les habite tous, ces cohortes de serviteurs du Système. Pensez que cet Attali, – mettons de côté railleries et persiflage retourné contre le persifleur, – il y a neuf ans, il nous disait ceci qui n’était pas si mal :
« Non non, je ne pense pas, parce que si on disait un jour [à Poutine] “Entrez dans l’OTAN”, il dirait “pourquoi pas ?“. Ce qu’il ne peut pas accepter, c’est que les autres entrent dans l’OTAN sans lui, c’est que d’anciennes parties de l’Union Soviétique entrent dans l’OTAN… La France a fait l’immense erreur d’accepter en 2009 ou 2010 la proposition américaine d’inscrire dans le programme de l’OTAN l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN… C’est un chiffon rouge agité devant les Russes qui est inacceptable pour eux. On ne peut pas organiser l’isolement de la Russie, la pire chose qu’ils ne peuvent accepter, faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN c’est une faute… »
Que s’est-il donc passé ? Comment ces clowns acceptables malgré leurs petits défauts encombrés de suffisance sont-ils devenus des clowns insupportables à cause de leurs petits défauts devenus une citadelle de folie où la suffisance ne se suffit même plus à elle-même ? Mais voyez combien plus ça change plus c’est la même chose dans le sens de la chute ; car ainsi que l’écrivait un Sans-Abri et Sans-Domicile-Fixe par rapport aux classiques écoles de pensée, et par rapport aussi à ses considérations sur l’importance inégalable des êtres humains dans la machination des choses du monde-devenu-fou :
« Il n’y a nul complot sinon des tentatives éparses et de circonstance, il n’y a nul plan diabolique sinon la pente du naufrage à pic. Nous sommes prisonniers de l’addiction des psychologies à l’illusion établie (pour ce cas, diabolisation de Poutine, ‘Russiagate’), au-delà même de la cohérence d’un simulacre bien construit. Pendant ce temps, les événements filent à une vitesse extraordinaire et incontrôlable, assurant la venue de changements d’ampleur tectonique ; les fameuses “fameuses forces suprahumaines”, qui connaissent la musique, s’en donnent à cœur joie. »
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