Sébastien Lifshitz, réalisateur du documentaire Petite fille, une apologie sexiste de la maltraitance infantile unanimement célébrée par les médias de masse, revient avec Casa Susanna, un autre film documentaire faisant l’éloge du transgenrisme, également célébré par les médias de masse, (richement) produit en partenariat avec Arte, la BBC, le CNC ou encore France Culture.
« le film de Sébastien Lifshitz illustre avec brio le quotidien de femmes transgenres au milieu du XXe siècle » (L’Humanité) ; « cette exceptionnelle réalisation de Sébastien Lifshitz » (Le Monde) ; « Remarquable documentaire sur l’autre petite maison dans la prairie américaine, fenêtre de liberté pour personnes transgenres » (Ouest-France) ; « un beau documentaire de Sébastien Lifshitz » (Nice-Matin) ; « Chronique sensible d’une époque, récit d’un chapitre oublié, le lumineux documentaire de Sébastien Lifshitz raconte les doutes et les souffrances endurés pour sortir de l’invisibilité, le parcours occulté des précurseurs du combat transidentitaire » (Télérama) ; « Ce mercredi 14 juin 2023 à 20h55, Arte diffuse Casa Susanna, le nouveau documentaire bouleversant de Sébastien Lifshitz » (Télé-Loisirs) ; « Militant et ultrasensible » (Elle) ; « un nouveau docu pépite de Sébastien Lifshitz » (Causette) ; etc.
Casa Susanna, c’est le nom d’un « lieu de villégiature intime et privé pour travestis hétérosexuels, installé entre 1959 et 1968 dans la région idyllique des Catskills, dans l’État de New York (Etats-Unis) », comme le note le journaliste du Monde Renaud Machart.
Dans son documentaire, Lifshitz retrace l’histoire de cet endroit et des gens qui s’y rendaient, notamment en interviewant deux anciens fidèles des lieux, Katherine (anciennement John) Cummings (1935–2022) et Diana (anciennement David) Merry-Shapiro (né en 1939) : deux hommes que l’on dit désormais « femmes transgenres » (à l’époque, ces travestis ne se désignaient sans doute pas ainsi, l’expression n’existait pas). Lifshitz interroge également Betsy Wollheim, la fille de l’écrivain et éditeur de science-fiction Donald Wollheim, qui, accompagné de son épouse, fut, lui aussi, l’un des réguliers de la Casa Susanna, ainsi que Gregory Bagarozy, le petit-fils de Marie Tornell, l’épouse de l’homme à l’origine de la Casa Susanna, et la gérante du lieu.
Au sujet des hommes qui se travestissaient à la Casa Susanna, Sébastien Lifshitz affirme (dans L’Obs) :
« Ils nous envoient un message plus fort que leur histoire personnelle : on n’est pas assigné à être ce que l’on attend de nous. Chacun a le droit d’inventer sa vie et d’être ce qu’il est. Ce sont des modèles pour tout le monde. Je trouve insupportable que leur vie ait été trop longtemps cachée, invisibilisée, voire interdite.
A l’inverse, j’ai eu envie de célébrer ces héros anonymes qui nous montrent le chemin pour être des individus libres. Et, parmi eux, il y a aussi ces épouses, à commencer par Maria, qui, par amour, ont compris, accompagné, protégé leur compagnon dans leur quête de liberté. Ce sont aussi des héroïnes : on imagine bien que cela n’a pas été simple à vivre pour elles et leur famille. »
Le film de Lifshitz constitue, dans l’ensemble, une sorte d’hommage à ces hommes présentés comme de courageux rebelles, précurseurs du transgenrisme, sur le sort desquels on nous encourage à nous apitoyer — et peu importe que dans l’Amérique des années 50, « les femmes sont enfermées au foyer, privée de liberté sexuelle et reproductive » (elles n’ont pas encore acquis le droit d’avorter, elles peuvent toujours être empêchées de faire des études dans le droit, n’ont pas encore les mêmes droits de propriété que les hommes, etc.), comme le fait remarquer le collectif « Féministes radicales en mouvement », raillant le « sens des priorités » du réalisateur. L’important, c’est de célébrer le courage des hommes qui s’amusent à se déguiser « en femmes » !
Dans le documentaire de Lifshitz, pas un mot sur le sort des femmes à l’époque, et pas une remarque critique concernant le travestisme masculin.
Si l’on peut évidemment déplorer et dénoncer l’homophobie qui régnait encore officiellement dans les États-Unis de l’époque et les lois sexistes établissant des normes vestimentaires ou esthétiques, il est dommage que Lifshitz passe sous silence les très justes remarques de l’historienne Isabelle Bonnet, avec laquelle il a travaillé pour réaliser Casa Susanna, concernant le travestissement masculin. Dans un texte paru dans la revue Sociétés & Représentations, Isabelle Bonnet pointe en effet du doigt le caractère sexiste et misogyne du travestissement de ces hommes de la Casa Susanna, qui
« ne réalisent pas que leur idéal féminin, celui qu’ils veulent incarner, n’est lui-même qu’un pur produit de leur imaginaire masculiniste ; ce que Darrell Raynor [un autre travesti] pointe du doigt, lorsqu’il écrit : “Les travestis ne s’intéressent pas aux femmes telles qu’elles sont, mais aux femmes telles qu’ils aimeraient qu’elles soient.” Les postures et les gestes qu’ils adoptent “en femme” reflètent aussi les stéréotypes féminins que les médias contemporains, de la télévision à la publicité, du cinéma à la photographie de mode, généralisent. […] Le paradoxe est donc manifeste entre leur rébellion contre la “mystique de la virilité” et leur représentation féminine rétrograde, issue de cette même mystique. »
Et Sébastien Lifshitz qui les encense, les qualifie de « modèles » et d’« héroïnes » !
Mais Isabelle Bonnet écrivait ça en 2018. Peut-être qu’à l’époque, l’apologie acritique du transgenrisme n’était pas encore de rigueur un peu partout. Quoi qu’il en soit, cette critique féministe du travestissement masculin passe totalement à la trappe dans le documentaire de Lifshitz, comme dans ses critiques presse. Ne reste qu’une louange de ces hommes courageux qui osèrent défier les normes, transgresser, devenir vraiment eux-mêmes, devenir des femmes, en adoptant les stéréotypes sexistes que la société patriarcale leur assigne ! Quel courage ! Quelles femmes audacieuses ! Bouleversifiant. Comme on peut le lire dans Ouest-France : « On suit plus particulièrement l’histoire de Kate et Diana, qui ont franchi le pas en devenant femmes dans les années 1970. »
Car c’est en enfilant une jupe, une perruque, des bracelets, un collier, des talons, des boucles d’oreilles, et en se peignant le visage, que n’importe qui peut littéralement « devenir femme ». N’est-ce pas ce que Simone de Beauvoir nous a appris ?! Non, pas du tout.
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Dans l’entretien qu’il accorde à L’Obs, Lifshitz affirme aussi : « Créée en 1960 par Virginia Prince, une activiste transgenre américaine, la revue Transvestia a ouvert une voie. Elle a permis à des hommes, parfois issus de pays différents, de se connecter les uns aux autres en s’écrivant via des petites annonces, à l’instar de Kate, qui vivait en Australie. L’influence de Transvestia a d’ailleurs favorisé l’essor de la Casa Susanna. »
C’est exact. Virginia Prince est une figure majeure de l’histoire du transgenrisme, qui trouve ses racines dans le travestisme. Né Arnold Lowman à Los Angeles, aux États-Unis, dans une famille riche, Prince était au départ un homme très conservateur dans sa vision des rôles socio-sexuels, qui honnissait les homosexuels et les transsexuels, mais qui aimait se travestir, pour des raisons érotiques/sexuelles. Si, avec le temps, sa vision a évolué, s’il est devenu bien plus tolérant et ouvert, appelant même à la dissolution des rôles socio-sexuels (des stéréotypes de genre) sexistes, il est toujours resté vivement opposé aux opérations chirurgicales dites « de réassignation sexuelle ».
Par ailleurs, les pages de Transvestia — remplies d’histoires de bas résille, de jupes, de sous-vêtements, de maquillage, d’hommes excités à l’idée de porter des vêtements ayant déjà été portés par des femmes, de stéréotypes misogynes, dégradants et injurieux pour les femmes — exposent très nettement la manière dont Prince et ses semblables érotisaient/sexualisaient les attributs de la féminité en vigueur dans la société phallocratique. Le travestissement masculin était (et est toujours) principalement un phénomène motivé par une excitation érotique/sexuelle. D’après une étude publiée en 1997 dans la revue Archives of Sexual Behavior, menée par Prince et le psychologue Richard F. Docter auprès de plus d’un millier de travestis, presque tous « déclarent éprouver des sentiments agréables et souvent une gratification sexuelle en se travestissant ».
Dans un film documentaire intitulé What Sex Am I ? (« De quel sexe suis-je ? »), sorti en 1985, à la question « s’agissait-il d’une source d’excitation sexuelle pour vous ? », Prince répond :
« Oh, c’est le cas pour presque tout le monde [tous les travestis]. Mais il faut voir au-delà du stade de l’excitation érotique que procure le fait d’être un homme en robe, et qui aboutit finalement à un orgasme. Une fois l’orgasme passé, si vous continuez à porter une robe, vous commencez à découvrir une autre partie de vous-même. Vous cessez d’être un homme érotiquement excité et vous devenez simplement un homme qui commence à réaliser qu’il y a quelque chose d’agréable dans le fait d’être une fille (girlness), quelque chose dont vous aimez faire l’expérience. »
Originellement, historiquement, le travestissement masculin en général relève moins d’une « quête de liberté » que de l’assouvissement d’un fétichisme sexuel — et même existentiel, pourrait-on dire — fondé sur des stéréotypes sexistes, typiquement issus de l’imaginaire patriarcal. Cela mérite-t-il vraiment d’être célébré ?
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De l’aveu même de sa fille, Betsy Wollheim, l’un des personnages principaux du film de Lifshitz, Donald Wolheim, un travesti de la Casa Susanna, était un homme cruel, à la fois envers elle et envers sa mère. Néanmoins, le documentaire nous encourage à ressentir de la sympathie pour cet homme abusif.
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Bref. Le film documentaire Casa Susanna et les éloges qu’il a reçus constituent une énième illustration de la manière dont l’expansion du phénomène trans représente un recul du féminisme et une célébration de désirs sexuels masculins.
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L’essor du phénomène trans, c’est — en grande partie — la transmutation et la normalisation d’un kink (comme on dit en novlangue contemporaine) : le fétichisme de travestissement. Au moyen d’un intensif travail de lobbying reposant sur un travestissement de la réalité, sur de nombreuses occultations et omissions, de nombreux mensonges et autres affirmations abracadabrantesques, ce kink est devenu une identité (« femme », « fille », « garçon » et « homme » sont considérés comme des « identités de genre »), un défaut biologique (la naissance dans le mauvais corps), un droit civique (être légalement reconnu comme appartenant à l’autre catégorie de sexe). Une invraisemblable absurdité misogyne.
Ou, pour le dire autrement : afin de légitimer et de banaliser leur kink, d’en cacher — d’en travestir — la nature érotico-sexuelle, des hommes ont conçu un système de croyances complètement insensé, sexiste, fondé sur la redéfinition, entre autres, des termes « femme », « fille », « garçon », « homme », sur de prétendues essences (« identités ») de genre qui seraient parfois placées à tort dans certains corps, etc. Au bout de décennies d’un lobbying opiniâtre, ces hommes sont parvenus à leurs fins.
Nicolas Casaux
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