par Dr Jérôme Saintoin
On rappelle que l’AIMSIB avait porté dès mai 2022 une voix de sagesse, rejetant cet amateurisme médical qui voulait faire vacciner des femmes enceintes contre la Covid sans connaissance réelle des bénéfices attendus et encore moins des risques encourus (*). Le Docteur Jérôme Sainton est ingénieur, médecin et bioéthicien, il nous relate en détail les atermoiements des gendarmes du médicament et de Pfizer dans l’évaluation des effets indésirables à redouter chez ces femmes, ainsi que de leurs avis (variés) par rapport à l’intérêt de la vaccination de cette population si particulière (**). Quand la politique pro-vaccinale tient lieu de science de remplacement, les résultats ne se font pas attendre, ce que nous démontrerons en deux articles, voici le premier. Bonne lecture.
Résumé
La présente note a pour objectif d’analyser l’évaluation de la sécurité de la vaccination par le Comirnaty des femmes enceintes dans le plan de gestion des risques (PGR) du fabricant et dans la fiche de l’Agence Européenne du Médicament (AEM), et d’en mesurer l’incidence sur les recommandations qui ont conduit à l’obligation vaccinale des femmes enceintes soignantes et assimilées en France.
L’évaluation de cette sécurité a connu deux phases. Dans la première, qui s’étend de fin 2020 à début 2022, le profil de sécurité du vaccin n’est pas connu chez les femmes enceintes. Dans la seconde, qui court depuis début 2022, le PGR et l’AEM font état de données qui sont jugées rassurantes quant à la sécurité à court terme, mais elles sont limitées. La sécurité à long terme est, elle, toujours inconnue. Le PGR, encore à l’heure actuelle, demeure prudent et s’attend à ce que la vaccination intentionnelle des femmes enceintes reste limitée.
L’analyse détaillée de la gestion du risque par le fabricant, l’agence européenne et les tutelles françaises révèle, à des degrés divers, un manque de rigueur. L’AEM s’est affranchie de certains éléments de prudence maintenus par le fabricant, tandis que ce dernier a laissé péricliter le seul véritable essai clinique à même de déterminer une balance bénéfices-risques individuelle, par ailleurs restreinte au seul troisième trimestre de grossesse. Les tutelles françaises ont recommandé l’obligation vaccinale des femmes enceintes soignantes et assimilées à une époque où le fabricant et l’AEM ne fournissaient aucune garantie.
Introduction
Population vulnérable dans toutes les dimensions de leur personne, les femmes enceintes ont été soumises en France à l’obligation vaccinale contre le SARS-Cov-2 quand elles étaient soignantes ou en lien avec les professions de la santé. La plupart d’entre elles ont bénéficié du vaccin Comirnaty de Pfizer. La présente note a pour objectif d’analyser les éléments relatifs à l’évaluation de la sécurité de la vaccination des femmes enceintes par le Comirnaty, ainsi que leur évolution dans le temps :
- dans le plan de gestion des risques (PGR) du fabricant Pfizer (§ 1) ;
- dans la fiche ad hoc de l’Agence Européenne du Médicament (AEM) (§ 2) ;
- et dans les recommandations qui, en France, ont conduit à l’obligation vaccinale des femmes enceintes soignantes et assimilées (§ 3).
1 – Plan de gestion des risques de Pfizer
Le PGR est disponible sur le site de l’AEM1. Dans chacune de ses versions, le PGR envisage la question de la sécurité de la vaccination des femmes enceintes à trois niveaux : essai clinique dédié ; études de sécurité en vie réelle ; informations manquantes et impact sur la balance bénéfices-risques [2–9].
Éléments relatifs à l’essai clinique et aux études en vie réelle
L’essai clinique dédié spécifiquement à la vaccination des femmes enceinte débute dans le courant du second semestre 2021. Il s’agit d’« une étude de phase 2/3 visant à évaluer l’innocuité, la tolérance et l’immunogénicité [du vaccin] chez des femmes enceintes en bonne santé » [4–9] et à « décrire la sécurité de l’immunisation maternelle chez les enfants nés de mères vaccinées pendant la grossesse » [5–9]. Dans sa présentation générale, cet essai est dit avoir pour objectif d’« explorer des conséquences négatives inattendues [de la vaccination maternelle] sur l’embryon ou le fœtus » [6–9]. L’essai devait inclure « environ 4000 femmes enceintes de 24 à 34 semaines de gestation randomisées dans un rapport de 1:1 entre vaccin et placebo » [4,5].
La version de février 2022 nous apprend que « le recrutement des participants à l’étude […] a été arrêté le 25 octobre 2021 en raison de difficultés de recrutement dues aux recommandations mondiales pour la vaccination […] chez les femmes enceintes ». Au final, seul « un total de 348 (209 en phase 2 et 139 en phase 3) femmes enceintes de 24 à 34 semaines de gestation ont été randomisées dans un rapport 1:1 entre vaccin et le placebo » [7]. Le rapport d’étude est prévu pour le 30 avril 2023.
En complément de cet essai clinique, le PGR indique qu’il sera possible de s’appuyer sur des études observationnelles en vie réelle. Ces études, au nombre de trois [2], puis quatre [5], et finalement cinq [7], sont toujours en cours [9].
Éléments relatifs aux informations manquantes et à leur impact sur la balance bénéfices-risques
Jusque début 2022, le PGR indique que « le profil de sécurité du vaccin n’est pas connu chez les femmes enceintes ou allaitantes », mais qu’« il se pourrait que certaines femmes enceintes choisissent de se faire vacciner malgré le manque de données sur la sécurité » [2–6]. Quelques mois auparavant (i.e. avant la version du mois de novembre 2021), le PGR précisait encore que l’« on ne [savait] pas si la vaccination maternelle […] pourrait avoir des conséquences négatives inattendues sur l’embryon ou le fœtus » [2–5].
À partir de la version de février 2022, le PGR indique que, si « le profil de sécurité du vaccin n’est pas entièrement connu chez les femmes enceintes ou allaitantes », « néanmoins, des données post-marketing chez les femmes enceintes sont maintenant disponibles » [7–9]. Il maintient sa recommandation établie à partir de septembre 2021, à savoir que l’administration du Comirnaty pendant la grossesse « ne doit être envisagée que lorsque les bénéfices potentiels l’emportent sur les risques potentiels pour la mère et le fœtus » [5–9].
Dans toutes ses versions, de décembre 2020 à aujourd’hui, le PGR estime que les femmes enceintes constituent « une population vulnérable », que « la surveillance de la sécurité du vaccin chez les femmes enceintes est cruciale », et qu’« il est important d’obtenir un suivi à long terme des femmes qui étaient enceintes au moment de la vaccination ou à peu près, afin de pouvoir évaluer toute conséquence négative potentielle sur la grossesse ». En tout état de cause, il s’attend « à ce que la vaccination intentionnelle des femmes enceintes soit probablement très limitée » [2–9].
Remarques
Les éléments relatifs à l’essai clinique suscitent quelques interrogations. En premier lieu, l’objectif de sécurité explicité de « décrire la sécurité de l’immunisation maternelle chez les enfants nés de mères vaccinées pendant la grossesse » est-il entièrement congruent avec l’objectif général d’« explorer des conséquences négatives inattendues sur l’embryon ou le fœtus » ? Surtout, comment « explorer des conséquences négatives inattendues sur l’embryon » et, plus largement, sur tous les événements des 1er et 2ème trimestres, si les femmes enceintes de cet essai sont incluses « de 24 à 34 semaines de gestation » ?
En second lieu, comment peut-on espérer une puissance suffisante dans un tel essai avec 4 000 participants, quand l’étude pivot, onze fois mieux fournie, s’est révélée incapable de montrer l’efficacité de la vaccination contre le risque de formes graves ? (i) Et comment expliquer que le fabricant n’ait pas réussi à anticiper les difficultés qui l’ont finalement contraint à réduire d’onze fois la population de son essai (ainsi à l’arrivée ~ 125 fois moindre que celle de l’étude pivot), en dépit du caractère « crucial » de son objectif ?
Pour ce qui concerne les informations manquantes et leur impact sur la balance bénéfices-risques, le PGR mentionne à partir de début 2022 la disponibilité de « données post-marketing chez les femmes enceintes ». Le PGR fait ici référence à une analyse des données de pharmacovigilance américaine par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) qui se montre rassurante, notamment sur le risque de fausses couches spontanées précoces [11]. Elle présente cependant de très nombreuses limites ; et elle a dû être corrigée trois mois après sa publication car, en fin de compte, il lui est impossible de se prononcer sur l’impact du Comirnaty sur le risque de fausses couches précoces [11–14].
2 – Fiche Comirnaty de l’AEM
La fiche de l’AEM dédiée au Comirnaty dispose d’un paragraphe intitulé : « § Les femmes enceintes ou qui allaitent peuvent-elles être vaccinées avec le Comirnaty ? »[15], paragraphe qui a fait l’objet d’évolutions [16–20].
Les femmes enceintes peuvent-elles être vaccinées avec le Comirnaty ?
Jusque février 2022, l’AEM indiquait que « les données sur l’utilisation du Comirnaty pendant la grossesse [étaient] très limitées » [16] puis « limitées » [17] et que « la décision d’utiliser ou non le vaccin chez la femme enceinte [devait] être prise en étroite concertation avec un professionnel de la santé, après avoir pris en compte les avantages et les risques » [16,17].
Début 2022, l’AEM publie une note basée sur des données qui, quoique encore limitées, sont jugées rassurantes sur la vaccination anti-Covid des femmes enceintes [21].
À partir de début mars 2022, le paragraphe ad hoc de la fiche de l’AEM consacrée au Comirnaty indiquera que « le Comirnaty peut être utilisé durant la grossesse » [18].
Remarques
Les donnés sur lesquelles l’AEM se basait début 2022 pour modifier son propos sont issues, pour l’essentiel, d’études observationnelles. Parmi elles, la seule étude prospective était très limitée (effectif modeste, très peu de sujets témoins, report des symptômes et anomalies par les sujets eux-mêmes, etc.) [22].
Toutes les autres étaient ou descriptives ou rétrospectives et, à deux exceptions près (cf. infra), extrêmement limitées : du fait, d’une part, de leur méthodologie, d’autre part, du faible nombre de sujets et du mode de recueil des informations (bases de données automatisées sans vérification clinique, recrutement sur la base du volontariat, recueil de données par questionnaire auto-rempli, etc.). L’étude « post-marketing » référencée dans le PGR de Pfizer évoquée plus haut fait partie de ces références de l’AEM. De ces études, on peut certes dire qu’elles n’ont pas détecté de signal de sécurité, mais aussi qu’elles étaient pas dimensionnées, loin s’en faut, pour le faire.
Deux études se distinguent du lot. Menées à partir de la base de données du Vaccine Safety Datalink (base de données constituée à partir de celles des CDC et de plusieurs systèmes de santé américains), elles ont pu mobiliser une population conséquente. Ces données-là sont rassurantes. Elles restent néanmoins sujets à certaines limites inhérentes à leur méthodologie, comme les auteurs le rappellent [23,24]. (ii)
Dans tous les cas, le niveau de sécurité de la vaccination chez les femmes enceintes devrait être mis en relation avec le niveau de protection conférée par elle (principe d’une balance bénéfices-risques individuelle). Aucune des références de l’AEM ne s’y emploie. L’une des références de l’AEM [26] renvoie toutefois elle-même à une étude intéressante qui, à défaut de répondre à ce besoin, en permet une approche indirecte [27]. Elle permet de déduire que, pour la plupart des femmes enceintes (sans facteurs de risques) et dans le contexte actuel, la détermination d’une balance bénéfices-risques assurément favorable impliquerait une sécurité quasi totale et absolue et, pour sa démonstration, une méthodologie qu’aucune des études référencées par l’EMA n’est en mesure de fournir (cf. Annexe).
Enfin, et ce dernier point n’est pas accessoire, toutes ces estimations concernent la sécurité à court terme. La sécurité à long terme de la vaccination par Comirnaty pendant la grossesse est parfaitement inconnue. (iii)
3 – Incidence sur l’obligation vaccinale des soignantes et autres professionnelles en lien avec la santé
Début avril 2021 en France, le conseil d’orientation de la stratégie vaccinale élargissait la vaccination anti-Covid à toutes les femmes enceintes, indépendamment de leurs facteurs de risques [29]. Fin juillet 2021, il affirmait qu’il n’y avait aucune raison de ne pas procéder à cette vaccination dès le premier trimestre de la grossesse [30]. L’avis d’avril 2021 établissait la sécurité de la vaccination chez les femmes enceintes sur la foi de deux articles qui affirmaient son innocuité du fait de l’absence de signal de sécurité : dans l’étude pré-clinique du fabricant chez l’animal (21 naissances) (iv), chez les (rares) femmes enceintes enrôlées accidentellement dans l’étude pivot du fabricant, et dans la pharmacovigilance passive (essentiellement celle des États-Unis, avec environ 20.000 femmes enceintes vaccinées à ce moment) [31,32]. L’avis de juillet 2021 ne s’appuie sur aucune référence.
La Haute Autorité de Santé, de son côté, déclarait début mars 2021 « que l’administration des vaccins contre la Covid-19 chez la femme enceinte n’[était] pas contre-indiquée » et qu’« elle [devait] être envisagée si les bénéfices potentiels l’emportent sur les risques pour la mère et le fœtus » [33]. À notre connaissance, elle n’est pas revenue sur la question par la suite. En particulier, à partir de l’été 2021, aucune restriction ni même mention n’est portée au sujet des femmes enceintes dans ses avis relatifs à l’obligation vaccinale des soignants et à son éventuel élargissement au reste de la population [34–36].
Pourtant, à cette époque (printemps et été 2021), le PGR stipule toujours, et de façon catégorique, que « le profil de sécurité du vaccin n’est pas connu chez les femmes enceintes ou allaitantes » [4], tandis que l’AEM indique que « les données sur l’utilisation du Comirnaty pendant la grossesse sont très limitées » [16].
L’un comme l’autre envisagent certes la vaccination des femmes enceintes « malgré le manque de données sur la sécurité » [4]. Mais cela ne sera vraiment formalisé, pour le premier, qu’à partir de septembre 2021, et à condition que l’administration du Comirnaty pendant la grossesse « ne [soit] envisagée que lorsque les bénéfices potentiels l’emportent sur les risques potentiels pour la mère et le fœtus » [5], et, pour la seconde, qu’« en étroite concertation avec un professionnel de la santé, après avoir pris en compte les avantages et les risques » [16,17].
Ce n’est qu’à partir de début 2022, on l’a vu, que l’AEM passe (non sans de sérieuses limites) de l’exception à la règle, en stipulant explicitement pour la première fois que « le Comirnaty peut être utilisé durant la grossesse » [18].
Le fabricant, quant à lui, maintiendra en 2022 la recommandation d’après laquelle l’administration de son produit pendant la grossesse « ne doit être envisagée que lorsque les bénéfices potentiels l’emportent sur les risques potentiels pour la mère et le fœtus » et s’attendra toujours « à ce que la vaccination intentionnelle des femmes enceintes soit probablement très limitée » [5–9].
Conclusion
En accord avec l’art médical le plus élémentaire, le PGR estime que les femmes enceintes constituent « une population vulnérable » et que « la surveillance de la sécurité du vaccin chez [elles] est cruciale » [1]. Il s’agit donc a minima de déterminer, chez elles, la balance bénéfices-risques individuelle de la vaccination par Comirnaty.
Dans le PGR et dans la fiche de l’AEM, l’évaluation de la sécurité de la vaccination par Comirnaty des femmes enceintes a connu deux phases, qui s’articulent autour des mois charnières de février-mars 2022. Dans la première période, qui s’étend de fin 2020 à début 2022, on ne peut pas garantir cette sécurité ; le PGR est très clair : « le profil de sécurité du vaccin n’est pas connu chez les femmes enceintes ou allaitantes » [2–6]. Dans la seconde période, qui court depuis début 2022, le PGR et l’AEM font état de données qui, quoique limitées, sont jugées rassurantes quant à la sécurité à court terme. Ces données sont limitées : ni le PGR ni l’AEM ne sont en mesure de délivrer une estimation chiffrée de la balance bénéfices-risques. Celle-ci est pourtant requise pour pouvoir respecter la préconisation actuelle du fabricant, à savoir que l’administration du Comirnaty pendant la grossesse « ne doit être envisagée que lorsque les bénéfices potentiels l’emportent sur les risques potentiels pour la mère et le fœtus » [1]. D’autant plus que la sécurité à long terme est, elle, toujours inconnue. De façon tout à fait logique, le PGR maintient donc que l’on s’attend, encore actuellement, « à ce que la vaccination intentionnelle des femmes enceintes soit probablement très limitée » [1].
L’analyse détaillée de la gestion du risque par le fabricant et l’agence de sécurité européenne révèle un manque de rigueur. L’AEM s’est affranchie de certains éléments de prudence pourtant maintenus par le fabricant lui-même, tandis que ce dernier laissait péricliter le seul véritable essai clinique à même de déterminer une balance bénéfices-risques individuelle. Cet essai eût-il été conduit comme prévu qu’il n’était de toute façon pas dimensionné pour fournir une évaluation satisfaisante (exclusion des 1er et 2ème trimestres, population insuffisante). Concernant la recommandation des tutelles françaises à vacciner toutes les femmes enceintes, en particulier dans le cas de l’obligation vaccinale des soignantes et assimilées, elle eut lieu à une époque où le fabricant et l’AEM ne fournissaient aucune garantie. Il semble que l’on soit ici au-delà du manque de rigueur, et que des investigations s’imposent.
*
Annexe
Dans le cas particulier des femmes enceintes, le fabricant insiste sur le fait que l’administration du Comirnaty pendant la grossesse « ne doit être envisagée que lorsque les bénéfices potentiels l’emportent sur les risques potentiels pour la mère et le fœtus » [1]. Autrement dit : sous le strict rapport d’une balance bénéfices-risques individuelle positive et certaine.
L’une des références de l’AEM s’appuie sur une étude qui peut nous permettre d’approcher indirectement cette balance, au moins à court terme. Il s’agit d’une étude de cohorte prospective, menée par Stock et al., sur le bénéfice de la vaccination des femmes enceintes dans toute l’Écosse dans les dix mois ayant suivi le déploiement de la vaccination. Dans cette étude, les auteurs ont cherché à évaluer l’impact du Covid et de la vaccination sur près de 150 000 grossesses (80 000 naissances au moment où l’analyse prenait fin). Sur l’ensemble de ces 150 000 grossesses, le Covid était associé à l’hospitalisation de 800 femmes enceintes, dont 100 en soins critiques (l’une d’elles était décédée), tandis que 19 décès périnataux étaient survenus à moins d’un mois d’une infection Covid. De tous ces événements graves, les femmes enceintes vaccinées apparaissent excellemment protégées, avec une efficacité relative de la vaccination comprise entre 91 et 98 voire 100 % [27].
Le calcul de cette efficacité relative est certes critiquable. Non seulement parle-t-on d’événements associés à et non causés par le Covid, mais encore le calcul de cette efficacité vaccinale est-il sujet à des biais majeurs, entre autres :
- biais d’évaluation : les sujets non vaccinés étant considérés plus à risque d’évolution défavorable que les sujets vaccinés, ils ont tendance à être plus facilement hospitalisés que leurs homologues (une partie de l’efficacité vaccinale découle de sa présupposition) (v);
- biais de classement : les sujets vaccinés ayant reçu leur première dose dans les trois semaines précédant l’infection sont, dans cette étude, catégorisés comme non vaccinés, si bien qu’un certain nombre d’événements relatifs aux vaccinés seront imputés aux non vaccinés — biais potentialisé par la coïncidence du début de la campagne de vaccination des femmes enceintes en pleine épidémie Delta [27] (fig.3), et encore aggravé par un probable phénomène de sensibilisation à la maladie dans les deux semaines suivant la première injection [37–44];
- biais de confusion : les événements sont comparés sans ajustement sur les facteurs socio-économiques, biais particulièrement critique en ce qui concerne la mortalité périnatale.
Les deux derniers pourraient d’ailleurs suffire à expliquer les différences observées, vu leur ordre de grandeur. (vi)
Admettons cependant le calcul de l’efficacité relative sur les événements graves dans cette étude. Même en faisant abstraction, donc, des réserves précédentes, il s’agit de transposer cette efficacité en termes d’efficacité absolue. Alors, par approximation (l’idée étant ici de repérer les ordres de grandeur), la vaccination aurait offert une réduction de risque réel d’environ 5 ‰ contre le risque d’hospitalisation, 0,5 ‰ contre le risque d’entrer en soins critiques, 0,1 ‰ contre le risque de décès périnatal, et 0,01 ‰ contre le risque de décès maternel. Abstraction faite des différents biais, on mesurerait donc au mieux un intérêt réel mais extrêmement modeste de la vaccination. L’intérêt serait d’autant plus modeste que les résultats de cette cohorte nationale ne distinguent pas entre les sujets plus spécialement à risques et les autres (l’intérêt pourrait n’être quantifiable que chez les premiers). L’étude a en outre été menée à une époque où l’efficacité vaccinale était la meilleure, les variants en circulation (alpha et delta) dangereux, et l’immunité acquise naturellement dans la population encore modeste. Le contexte Omicron est inverse sur chacun de ces points, ce qui réduit encore le bénéfice.
On peut donc, de façon indirecte, avoir une idée du niveau de sécurité requis de la vaccination chez les femmes enceintes, aussi bien que du niveau de qualité du dispositif expérimental destiné à l’évaluer, pour que la balance bénéfices-risques (à court terme) demeure favorable. En face d’un risque et d’un bénéfice faibles (à peine quantifiables), on doit s’assurer d’une sécurité quasi absolue, ce qui nécessite un dispositif d’évaluation d’une dimension et d’une rigueur qui dépassent largement celles des études actuellement disponibles. (vii)
*
Notes et sources:
(*) https://www.aimsib.org/2022/05/08/vacciner-les-femmes-enceintes-est-une-folie-absolue/
(**) L’article du Dr SAINTON a été publié dans l’International Journal of Vaccine Theory, Practice, and Research après relecture par les pairs : https://ijvtpr.com/index.php/IJVTPR/article/view/72.
Nous reproduisons ici sa version française préparatoire https://www.researchgate.net/profile/Jerome-Sainton
[i]On a toutefois pu calculer, à partir de données intermédiaires (et en dépit de la levée de l’insu des participants et de l’administration du Comirnaty au groupe placebo dès l’autorisation d’urgence accordée), un rapport bénéfices-risques défavorable lorsque les hospitalisations Covid évitées par la vaccination étaient mises en balance avec les effets secondaires graves provoquées par la vaccination [10]. Sur la question du nombre de sujets nécessaires dans un essai de ce type pour réussir à mettre en évidence un risque grave et rare, cf. Annexe.
[ii]Ces deux études sont également tributaires d’une seule et même source de données. Il conviendrait d’en vérifier la fiabilité, notamment en ce qui concerne la catégorisation du statut vaccinal. L’analyse indépendante d’une base de données homologue au Royaume-Uni, par exemple, y retrouvait un biais de catégorisation majeur [25]
.[iii]À noter que le produit a été dispensé d’étude pré-clinique de génotoxicité. La toxicité sur la fertilité et la reproduction, quant à elle, a été testée sur des rats. Les rattes injectées ont présenté 2,4 fois plus d’avortements spontanés pré-implantatoires que les rattes non injectées, un signal jugé non inquiétant du fait que le taux de perte restait cependant inscrit dans la fourchette des données de contrôle historiques. De même pour quelques anomalies congénitales constatées dans la descendance. Les 21 ratons nés de rattes injectées furent tous euthanasiés à 21 jours de leur naissance [28(p50)].
[iv]Voir la note précédente.
[v]Tendance constatée dans ma pratique de médecin de terrain.
[vi]Pour neutraliser ces différents biais, et pour avoir une idée directe, au final, de la balance bénéfices-risques à court terme de la vaccination pour les femmes enceintes à cette époque, il aurait fallu comparer l’incidence des événements objectifs de cette étude (mortalité des femmes enceintes, mortalité périnatale), toutes causes confondues, d’après une analyse multivariable rigoureuse, et selon le statut vaccinal correctement catégorisé (un point difficile à obtenir [25]).
[vii]Posons par exemple, pour un traitement, le bénéfice d’une réduction absolue d’un risque de l’ordre de 0,1 ‰. Pour avoir 95 % de chances de détecter 1 risque de dommage grave du même ordre (0,1 ‰) lié à ce traitement, il faudrait un essai randomisé de 30 000 sujets dans le seul groupe recevant ledit traitement [45]. Et un tel protocole, déjà ambitieux, ne permettrait pourtant pas de conclure, la mise en évidence d’un seul cas étant insuffisante pour établir une relation de cause à effet …
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source : AIMSIB
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