Le Canada anglais ne toléra pas qu’elle devint utile pour le Québec
Après sa victoire au référendum de 1980, Pierre Trudeau lance le processus de renouvellement constitutionnel. Il veut en profiter pour insérer une charte dans la constitution. Pourquoi ? Un de ses objectifs était de promouvoir le multiculturalisme. Le but principal, toutefois, était de stopper la francisation du Québec entreprise avec la loi 22 de Robert Bourassa et poursuivie avec la loi 101 de René Lévesque.
Pierre Trudeau voulait faire du Canada un pays bilingue au sein duquel le Québec cesserait d’incarner la nation canadienne-française. Ce bilinguisme devait s’appuyer entre autres sur la possibilité pour les parents de faire éduquer leurs enfants dans la langue de leur choix. Toutes les provinces seraient ainsi bilingues, égales, et le Québec ne parlerait plus au nom des francophones.
Le premier ministre butait sur le fait que l’éducation était une compétence provinciale. Le Québec avait restreint l’accès aux écoles anglaises et Ottawa ne pouvait forcer les provinces anglophones à construire des écoles françaises.
Le père de Justin voulait donc une charte pour y inclure de nouveaux droits de l’homme inventés de toutes pièces : le droit fondamental d’aller à l’école anglaise au Québec et française dans le « Rest of Canada ». Ottawa donnerait ainsi aux juges qu’il nommait un nouveau pouvoir, celui d’invalider des lois dans le champ de compétence provincial exclusif en vertu de la charte. Avant 1982, ce genre d’invalidation ne pouvait se faire qu’en fonction du partage des pouvoirs. La loi 101 était directement menacée.
PHOTO JACQUES BOURDON / LES ARCHIVES / JOURNAL DE MONTRÉAL
Des Québécois manifestent en soutien à la loi 101, en décembre 1988.
En parallèle, sept provinces anglophones s’opposaient à la charte, tandis que l’Ontario et le Nouveau-Brunswick l’appuyaient. Les opposants craignaient que les juges fédéraux obtiennent trop de pouvoir. La souveraineté parlementaire, c’est-à-dire le pouvoir exclusif des élus de faire ou défaire toutes les lois, était menacée. Plusieurs craignaient l’impact de la charte sur le droit criminel. Celle-ci allait aider des bandits à se faire innocenter plus facilement.
En résumé, la charte de Trudeau allait trop loin. En novembre 1981, celui-ci a réalisé qu’il devait lâcher du lest. Il a donc accepté une clause dérogatoire. Elle permet aux élus de protéger une loi qui serait invalidée par les juges en vertu de la charte. Renouvelable à tous les cinq ans, la clause nonobstant ne s’applique toutefois pas aux « droits » en éducation anglaise et française. Cela gardait la porte ouverte à -l’invalidation de la loi 101, comme le souhaitait -mordicus Trudeau. C’est notamment ce qui a mené au refus du Québec.
Ayant ainsi sauvé l’essentiel à ses yeux, Pierre Trudeau a donc défendu la clause dérogatoire. Celle-ci permettrait, disait-il, de maintenir par exemple la légalité de l’avortement si les tribunaux décidaient d’en interdire la pratique.
La clause maudite
Le gouvernement Lévesque a tout de suite invoqué la clause dérogatoire, ce qui n’a pas permis de protéger certaines dispositions de la loi 101 touchant l’accès à l’école anglaise. En 1988, Robert Bourassa a utilisé la clause dérogatoire pour protéger les clauses de la loi sur l’affichage unilingue français.
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Cour suprême du Canada
Trudeau a alors lancé une fatwa contre l’accord du lac Meech, signé en 1987, et qui reconnaissait le Québec comme société distincte. L’utilisation de la clause dérogatoire montrait que les Québécois bafouaient les droits et libertés. La situation allait être pire si Meech était adopté, ce qui ne s’est évidemment pas produit après une virulente campagne de dénigrement des trudeauistes.
Le Québec, qui n’avait pas adhéré à la Constitution de 1982, était coupable d’utiliser une clause insérée dans celle-ci à la demande des provinces anglophones ! Ce crime était d’autant plus grave qu’il souhaitait ainsi défendre son existence comme nation.
Aujourd’hui, 80 % des Canadiens anglais sont opposés à l’usage de la clause dérogatoire pour protéger la loi 96. C’est bien sûr ce qui explique la manœuvre du gouvernement Trudeau devant la Cour suprême. Encore une fois, la minorité nationale québécoise est mise au banc des accusés… même si elle respecte les règles du régime qu’on lui a imposé !
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