Imposer la réussite d’un examen de français est une « politique d’assimilation » des jeunes autochtones, dénonce une association

Imposer la réussite d’un examen de français est une « politique d’assimilation » des jeunes autochtones, dénonce une association

Le dirigeant amérindien préfère l’anglicisation culturelle des siens à leur connaissance fonctionnelle de la langue commune du Québec

Forcer les jeunes autochtones de langue anglaise à réussir un examen de français pour obtenir leur diplôme secondaire est une «mine antipersonnel» sur leur parcours scolaire, selon le Conseil en éducation des Premières nations (CEPN), qui déposera un recours collectif pour contrer cette «politique d’assimilation».  

«Avril va être un grand mois au niveau judiciaire», lance avec un air railleur le directeur général du CEPN, Denis Gros-Louis, en entrevue.  

Le directeur général du CEPN, Denis Gros-Louis, estime que certaines dispositions de la loi 96 ont un effet dévastateur sur les jeunes issus des communautés autochtones.


L’association qui regroupe 22 communautés autochtones dans la province veut faire tomber l’obligation prévue par la loi 96 de passer l’examen de «français langue première» pour obtenir le diplôme de secondaire 5, qui met «des bâtons dans les roues» des jeunes des premières nations dont l’anglais est la langue première, ou seconde après leur langue ancestrale.   

«À moins qu’on leur reconnaisse le statut d’ayant-droit sous la grande juridiction du ministère de l’Éducation, ces jeunes-là vont s’expatrier en Ontario ou au Nouveau-Brunswick», se désole M. Gros-Louis.  

«Quand tu prévois que tes lois vont chasser des gens de leur communauté, c’est de l’étouffement à petit feu (…). On n’est pas dans des films de John Wayne, on vit la réalité de 2023!» s’insurge-t-il.   

Une telle mesure est non seulement «discriminatoire», mais elle ne permet même pas de protéger le français, selon M. Gros-Louis, qui remarque qu’il n’y avait que 209 étudiants l’an dernier qui auraient été touchés par cette mesure. «Ce n’est pas ça qui va compromettre le fait français au Québec…» laisse-t-il tomber.   

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Aussi le CEPN est-il d’avis que le gouvernement «applique sciemment une politique d’assimilation», en s’attaquant «sous de faux principes» au droit à l’éducation des jeunes des Premières nations.   

Le bonbon surit  

Le directeur général du CEPN estime que ses revendications sont plus que raisonnables. «On ne demande rien de financier, le gouvernement devrait être content. On demande juste qu’il fasse le ménage et qu’ils décolonise son contenu, et surtout pas qu’il s’improvise le nouvel agent des indiens», dit-il.   

En vertu d’une entente avec le gouvernement fédéral, les vingt-deux communautés membres du CEPN recevront plus d’un milliard de dollars sur cinq ans pour l’éducation primaire et secondaire. L’accord prévoit de donner plus d’autonomie aux communautés pour gérer ces fonds en fonction de leurs besoins.   

«On a eu un bonbon dans la relation de travail avec le fédéral, qui n’existait pas avant. Mais en même temps, le bonbon surit du côté du provincial, et ils travaillent comme ils travaillaient du côté des affaires indiennes il y a trente ans.»  

40 ans de dommages  

Les problèmes de la Charte québécoise de la langue française ne datent pas de sa réforme avec l’adoption de la loi 96, estime Denis Gros-Louis.   

«La loi 101 a fait très mal. Il y a des communautés qui étaient pratiquement unilingues langue autochtone où il ne reste plus que 13% des gens qui parlent ces langues. Ils ont abandonné leur langue pour avoir accès à des emplois…», s’attriste-t-il.   

M. Gros-Louis est d’avis que l’entente avec le fédéral permettra de «récupérer» ce qui s’est perdu. En attendant, il collige des statistiques sur les «effets dévastateurs» de la loi 101 pour appuyer le recours juridique du CEPN.   

«Le Québec semble avoir beaucoup d’argent de leurs payeurs de taxes pour aller en Cour suprême. Comme on touche à une question de juridiction et de compétences, on déduit qu’ils vont vouloir faire travailler les employés de Jolin-Barrette», conclut-il.   

Ce n’est qu’une fois la marque des 100 premiers jours du deuxième mandat de la CAQ que le nouveau ministre de l’Éducation a rencontré le CEPN, déplore M. Gros-Louis. 

«Ça fait partie du rôle du CEPN de relever des enjeux systémiques. Ça commence à être systémique quand un ministre ne vient pas rencontrer un joueur important», souffle M. Gros-Louis. 

Le directeur général de l’association est aussi d’avis que le ministre responsable des Relations avec les Premières nations et les Inuits, Ian Lafrenière, «ne fait pas ce qu’il a à faire» quand il exprime la volonté de faire une loi pour protéger les langues autochtones.

«On n’en a pas besoin de ta protection. Gère ta cour, on va gérer la nôtre», tranche-t-il.

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