J’ai suivi les séminaires hebdomadaires de Pierre Legendre à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE) dans les années 1994-95. Cette enseignement m’a fait découvrir l’histoire du droit, le monde de l’érudition académique et l’élaboration d’un questionnement qui était le mien par le moyen d’une érudition dont je n’aurais jamais pu rêver avant de la découvrir. Pierre Legendre m’a permis de comprendre ce qu’est l’Occident, ce monde qui, au nom du management rationnel et de la technoscience, se veut universel et donc transparent à toute différenciation ethno-culturelle.
Poursuivant les travaux de l’anthropologie physique et de l’anthropologie sociale qui l’ont précédé, Pierre legendre a fondé l’anthropologie du dogme, vocable complètement décrié par la pensée dominante.
S’inscrivant à contre courant du « consensus scientifique », étape suprême de la dogmatisation de la science, à l’instar des grands conciles de l’Eglise, il retourne contre l’Occident les outils que celui-ci a développé pour analyser et disloquer les systèmes symboliques des sociétés traditionnelles en traitant l’appareil d’État comme un totem primitif, se situant ainsi dans le sillage du Totem et Tabou freudien.
Il prouve ce faisant que les contraintes de l’humanisation sont universelles, qu’il s’agisse des « races supérieures » ou des races inférieures, pour emprunter le vocabulaire du 19e siècle.
Legendre m’a permis de comprendre que le dogme occidental, c’est qu’il n’y a pas de dogme. Autrement dit, le dogme occidental doit rester insu, le drapeau de l’Occident doit rester transparent donc universel, tour de passe-passe qui lui a assuré une suprématie désormais contestée par des sociétés traditionnelles qui ont repris à leur compte les techniques occidentales sans pour autant renoncer à leurs fondements anthropologiques.
Bruno DE DOMINICIS
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