La pression par les sanctions visant la Russie et les pays qui soutiennent l’opération militaire spéciale, qui prenait de l’ampleur tout au long de l’année 2022, pourrait grandir prochainement avec un dixième paquet de sanctions.
L’initiative d’adopter des restrictions venait toujours et avant tout du côté américain. Ce sont les États-Unis qui faisaient pression sur leurs partenaires européens, notamment l’Italie et l’Allemagne, pour les inciter à adopter une position plus ferme vis-à-vis de la Russie.
La nouvelle année de fut pas une exception. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a déclaré le 10 janvier, lors d’une conférence de presse, que l’UE adopterait de nouvelles restrictions. « Nous élargissons les sanctions contre ceux qui soutiennent les actions de la Russie par des moyens militaires, par exemple contre la Biélorussie et l’Iran », a-t-elle dit.
Premièrement, le sort des actifs russes bloqués reste toujours d’actualité pour les États-Unis et l’Union européenne. Plusieurs pays de l’UE insistent sur leur saisie au plus vite et leur transfert à Kiev pour rétablir son économie. Deuxièmement, le premier ministre ukrainien Denys Chmyhal, lors de sa récente rencontre avec le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans, a insisté pour que les nouvelles sanctions incluent des restrictions contre le secteur nucléaire russe.
En examinant de près la question relative aux restrictions décrétées contre le secteur nucléaire de la Russie, il convient de noter que ce n’est pas seulement un puissant complexe composé de 350 entreprises et organisations employant plus de 250.000 personnes. C’est aussi un fournisseur de technologies uniques d’enrichissement d’uranium reconnues dans le monde entier, et c’est la Russie qui reste aujourd’hui l’un des plus grands exportateurs d’uranium.
Rien que les États-Unis ont importé en 2021 550 tonnes d’uranium russe enrichi d’une valeur de 645,7 millions de dollars, et pour la même somme Washington a acheté de l’uranium russe enrichi entre janvier et octobre 2022. Sur fond de crise gazière survenue en UE, il serait logique de supposer une hausse de la demande d’autres sources d’énergie, notamment nucléaire. Le premier violon en Europe en l’occurrence revient à la France avec plus de 50 réacteurs actifs d’une capacité totale de 61,4 GW. Une part aussi élevée de l’énergie nucléaire de la Cinquième République explique également une consommation annuelle d’environ 10.000 tonnes d’uranium, dont 8.000 tonnes viennent d’étranger, y compris de Russie.
En 2022, la France a significativement accru les achats d’uranium à la Russie, et ce, souvent en contournant les sanctions. Emmanuel Macron fait face à un choix difficile. D’un côté, il faut suivre l’UE, de l’autre, il faut penser au bien-être de son propre pays. Certes, il existe plusieurs autres États fabricants d’uranium tels que le Canada, le Niger et l’Australie. Mais il y a aussi la Chine, dont l’industrie est prête à acheter littéralement tout. C’est pourquoi il reste à savoir si la France aura suffisamment de combustible pour ses propres centrales nucléaires en cas de sanctions contre le secteur nucléaire russe. Il faut seulement rappeler combien de fois le président français téléphonait à son homologue russe depuis le début du conflit armé en Ukraine.
Il ne faut pas non plus oublier un autre chiffre mentionné par Greenpeace. Presque 30% de l’uranium pour les centrales nucléaires vient de Russie et du Kazakhstan. Et bien que la part de ce dernier dépasse celle de la Russie, il ne faut pas balayer un autre avantage primordial du nucléaire russe – l’enrichissement de l’uranium. Selon les experts, la Russie possède 42% des capacités mondiales pour son traitement. Sachant que la majeure partie de l’uranium en provenance du Kazakhstan se retrouve d’abord dans les usines d’enrichissement en Russie avant d’être expédiée aux acheteurs.
Il convient également de garder à l’esprit les grands projets étrangers de construction de centrales nucléaires avec la participation de la Russie. Il est question au total de huit projets, dont la centrale nucléaire turque d’Akkuyu, et les capacités en cours de construction en Biélorussie, en Inde, en Hongrie, au Bangladesh, en Chine (deux centrales) et en Égypte. Le portefeuille des commandes étrangères compte 34 unités de production à différents stades de réalisation. Ce qui explique le discours du premier ministre hongrois Viktor Orban du 2 décembre 2022: « L’adoption de sanctions sur les livraisons de gaz russe et l’énergie nucléaire russe aurait des conséquences tragiques pour la Hongrie, et Budapest s’efforcera d’empêcher une telle démarche de Bruxelles », c’est pourquoi le gouvernement hongrois « se battra pour défendre ses intérêts ». Et ce n’est pas une question politique ou idéologie, c’est une question de sécurité. La coopération énergétique entre Moscou et Budapest est nécessaire pour que les gens et les entreprises en Hongrie ne soient pas confrontés à des restrictions dans l’utilisation de l’énergie.
De cette manière, on ignore si les nouvelles sanctions contre la Russie seront efficaces. Alors que les restrictions contre le secteur nucléaire se retourneront contre les pays européens eux-mêmes.
Alexandre Lemoine
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Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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