Par Oriental Review − Le 10 décembre 2022 − Source Oriental Review
Macron, le président français, a mené une visite aux États-Unis, où Joe Biden l’a reçu pour la première fois en tant que dirigeant de la Maison-Blanche. La visite du président français était supposée résoudre une montagne de problèmes accumulés dans les relations bilatérales et ailleurs.
Washington avait commencé par offenser Paris il y a un an, suite à la création du bloc militaire et politique étasunien AUKUS (qui présente une orientation explicitement anti-chinoise) ; l’Australie, membre de ce bloc, avait rompu un contrat avec la France portant sur la livraison de sous-marins valant 63 milliards de dollars. Paris ayant refusé d’entrer dans l’alliance anti-chinoise, la perte de ce contrat peut avoir pour signification une punition pour avoir désobéi à Washington.
A suivi une crise dans les relations occidentales avec la Russie, au cours de laquelle Paris et l’UE ont adopté une position qui était autant que possible alignée sur celle des États-Unis. Cependant, au cours de la crise énergétique qui a suivi la crise politique, le fait a émergé que le gaz naturel liquéfié (GNL) étasunien coûtait presque quatre fois plus cher à l’UE qu’au consommateur étasunien. Et le dernier coup porté aux relations étasuno-européennes a résidé dans l’Anti-Inflation Act étasunien, qui prévoit 360 milliards de dollars de subsides au bénéfice de l’industrie des États-Unis. « Je pense que cette loi contredit les normes de l’Organisation Mondiale du Commerce et est inamicale » : voici comment Macron a qualifié cette loi étasunienne.
Dans le même temps, la gamme d’instruments à la portée des Européens pour influencer les États-Unis est des plus limitées. Ils ne peuvent pas refuser le GNL, et l’UE ne peut pas entamer une guerre commerciale contre les États-Unis (en imposant des droits sur les marchandises étasuniennes ou un subventionnant ses propres industries) en raison de ses divisions internes. Macron ne pouvait qu’essayer de charmer Biden en lui rappelant l’importance de valeurs communes, puis espérer de la bonne volonté de la part des Étasuniens.
Ce n’est pas un secret que le programme économique national envisagé par la récente Loi de Réduction de l’Inflation étasunienne [IRA — Inflation Reduction Act] constitue une préoccupation majeure non seulement en France mais également dans d’autres pays de l’UE, en particulier en Allemagne, car elle accorde des bénéfices substantiels aux producteurs opérant sous juridiction étasunienne, chose qui combinée avec les différences de disponibilité en matière d’énergie (en termes de prix et physiquement) peut provoquer, n’a pas manqué de provoquer d’importantes migrations de la part de grandes entreprises qui quittent l’Europe pour s’installer aux États-Unis. Cela touche les emplois, les taxes et bien d’autres choses.
Macron a donc traversé l’océan pour discuter au nom de la France et de l’Union européenne toute entière de la question brûlante consistant à savoir qui devra payer, à qui, combien, et à quelles fins, au sujet du cadre de l’« alliance des démocraties » anti-russe et anti-chinoise. Il s’est avéré au cours de l’opération militaire spéciale que cette démocratie coûtait très cher. Et de nombreux peuples n’ont tout bonnement pas les moyens de se la payer. Assis, d’ores et déjà dans le noir, faisant le compte de ce qui vaut le mieux aujourd’hui : avoir à manger ou se chauffer, les citoyens des pays qui sont devenus inamicaux envers la Russie le ressentent déjà.
En un certain sens, Macron ne représentait pas que la France et l’Europe à Washington. Il représentait ce que l’on appelle conventionnellement la « branche française du clan Rothschild » et à présent, suite à la mort d’Elisabeth II et d’Evelyne de Rothschild, dirigeante de la « branche britannique du clan Rothschild », et sur un fond de problèmes de plus en plus conséquents au niveau des banques allemandes majeures, il se voit comme renforçant leur rôle déjà dirigeant dans la finance mondiale.
En outre, juste avant sa visite, Macron avait reçu Kassym-Jomart Tokayev, le président du Kazakhstan, qui avait pris directement l’avion pour Paris depuis Moscou, où il avait mené des discussions avec Vladimir Poutine. Bien qu’il ait été officiellement annoncé que le dirigeant russe n’avait pas transmis d’informations spéciales à Macron en passant par Tokayev, il se peut que le récipiendaire final de ce « relais politique » ait été le président des États-Unis.
En tous cas, la rencontre qui s’est déroulée à Washington a été marquée par un changement de rhétorique de la part de Biden. Il a subitement commencé à affirmer être prêt à discuter de la possibilité de mettre fin au conflit en Ukraine « avec M. Poutine, s’il montre un véritable intérêt à mettre fin à la guerre. » Cela ne peut pas être vu comme une coïncidence, et le président des États-Unis avait prévenu juste avant de prononcer cette phrase qu’il « choisissait ses mots avec soin. »
Après cela, bien entendu, a été clarifié le fait que Biden, en disant « montrer un véritable intérêt » de la part de Poutine, signifiait le retrait total de l’armée russe hors d’Ukraine, et que le principe du « tout au sujet de l’Ukraine sans l’Ukraine » restait actif, et que le soutien apporté à Kiev par les États-Unis et leurs alliés allait se poursuivre « aussi longtemps que nécessaire », mais ce qui est fait est fait.
Cela ressemble à une confirmation du fait simple et immuable que les États-Unis ne payeront pas davantage pour l’Ukraine et l’Europe qu’ils ne le jugeront nécessaire, et que si les Européens sont mécontents et désirent faire monter le prix de leurs services anti-russes, Washington peut ouvrir des négociations directes avec Moscou à tout moment, et laisser ses « alliés » dans le froid, la faim au ventre, et sans armes. Par conséquent, la meilleure chose que ces derniers puissent faire est de ne pas essayer de « faire valoir leurs droits », mais d’agir comme on leur dit de le faire.
Au cours d’une conférence de presse, en réponse à un journaliste de la presse française demandant le résultat des négociations au sujet des subsides versés par les États-Unis à leurs industries, Biden a reconnu que la loi « peut présenter des défauts et va nécessiter de nouvelles négociations et des modifications, mais qu’elle vise dans les faits à assurer l’indépendance technologique des États-Unis. Les États-Unis ne présentent pas d’excuses, et moi, en tant qu’auteur de cette loi, je ne présenterai pas d’excuses, » a affirmé Biden.
Macron n’a bien entendu pas osé contredire la Maison-Blanche au cours de sa visite, mais il a critiqué les initiatives visant à faire baisser l’inflation adoptées par l’administration étasunienne, et a prononcé quelques griefs contre Washington juste après sa visite.
Au cours d’une interview accordée à la chaîne de télévision étasunienne CBS, il a affirmé que les consommateurs, dans les États de l’UE, doivent payer le prix fort pour les livraisons d’énergie en provenance des États-Unis, ce qui a un effet négatif sur la compétitivité des pays européens et impacte les relations internationales. Il a indiqué qu’une fois résolue la situation autour de l’Ukraine, l’Europe sera plus faible en raison du fait que son industrie sera tout bonnement morte.
Macron a également exprimé son mécontentement quant au fait que le résultat des élections présidentielles étasuniennes produisit de l’imprédictibilité dans les relations entre ce pays et les autres. « Je veux que nous soyons alliés, je vois que nous soyons amis, je veux que nous soyons partenaires. Je veux m’engager avec les États-Unis, mais je ne veux pas être dépendant, » a-t-il expliqué.
Au sujet de la situation en Ukraine, Macron a souligné : « Nous sommes pleinement engagés dans cette guerre tous ensemble au nom des mêmes principes. Mais le prix de cette guerre n’est pas le même de l’autre côté de l’Océan Atlantique ».
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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Source : Lire l'article complet par Le Saker Francophone
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