Les temps sont durs pour les Ukrainiens, et particulièrement pour les habitants de Kiev, qui sont pris en étau entre un pouvoir pro-OTAN intransigeant – Zelensky ne contrôle personnellement plus rien – et le rouleau compresseur russe, qui ne vise pas directement les civils mais les militaires et les installations énergétiques du pays. L’économie ukrainienne s’enfonce dans la crise.
Pour ces habitants, l’hiver russe a déjà commencé, et le gel des combats ne veut pas dire gel du conflit : les missiles, dont les Russes devaient être à cours, selon la presse occidentale, s’abattent toujours sur les centrales électriques des grandes villes, plongeant dans le froid et le noir une population innocente.
Il ne faut pas confondre le peuple ukrainien avec les nazis du mouvement Azov ou avec les membres corrompus du gouvernement de Zelensky, qui n’auraient pas tenu un mois sans l’appui financier européen et l’aide militaire américaine. L’Ukraine a donc perdu toute indépendance, et n’existe plus que par la volonté de ses deux grands soutiens.
Pour renforcer le moral de la population et son unité contre l’ennemi russe, la commémoration de la grande famine des années 30, l’Holodomor, tombe à pic. La presse occidentale se jette comme une morte de faim sur cet os, qui devrait, après un amalgame entre la Russie de Staline et celle de Poutine, assombrir plus encore l’image du Kremlin.
Ce qui n’excuse en rien les exactions soviétiques de l’époque, même si cette famine organisée n’était pas uniquement politique : l’URSS des années 1930 avait besoin de devises, et l’exportation des céréales ukrainiennes devait servir à financer le programme d’industrialisation et de militarisation accéléré engagé par Staline, qui aura son importance 10 ans plus tard, lors du conflit avec l’Allemagne nazie. Un conflit dans lequel les nationalistes ukrainiens ont largement collaboré avec l’occupant…
S’ensuivra au début des années 1930 un soulèvement des paysans d’Ukraine, entretenu par les ultranationalistes locaux, soulèvement qui sera maté par une répression au-delà du féroce. L’Holodomor était donc une frappe dirigée contre la contre-révolution, pour reprendre la terminologie de l’époque, en même temps qu’une nécessité économique, dictée par la situation financière extrêmement fragile de l’édifice soviétique, et fragilisée par les empires occidentaux, à l’affût de la moindre faiblesse, comme celle d’une maigre récolte.
Quatre-vingt-dix ans plus tard, la Russie (de Poutine) n’a pas reconnu la « tentative de génocide » du peuple ukrainien, mais a présenté ses excuses au peuple ukrainien. Andriy Yermak, le chef de l’administration présidentielle ukrainienne, a déclaré que « les Russes paieront pour toutes les victimes de l’Holodomor et répondront des crimes d’aujourd’hui ». Pour l’instant, ce sont surtout les Ukrainiens d’en bas qui payent pour une guerre que leurs élites corrompues ont choisie et programmée.
Dans une émission de télévision l’ex-président ukrainien Petro #Porochenko a admis que l’Ukraine n’avait jamais prévu de mettre en œuvre les accords de Minsk mais qu’elle avait besoin de temps pour former une armée sur les standards de l’#OTAN
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Une autre lecture de l’Holodomor
Sans remonter jusqu’aux véritables organisateurs de la répression en Ukraine, l’auteur de ce texte, diffusé sur le blog de Mediapart, offre une autre lecture des événements de 1932-1933 en Ukraine, avec une approche globale et géopolitique.
Depuis novembre 1917 se sont sans répit succédé des campagnes antibolcheviques aussi violentes que diverses, mais celle de « la famine en Ukraine » lancée en 1933 a depuis vingt ans pris le dessus. Elle se déchaîne quand les grands impérialismes, Allemagne et États-Unis en tête, avides depuis le 19e siècle de piller les immenses ressources de l’Ukraine, se croient en mesure d’y parvenir. La conjoncture sourit au Reich en 1932-1933, quand le Sud de l’URSS (Ukraine et autres « terres noires », Nord du Caucase et du Kazakhstan) fut frappé par une considérable baisse des récoltes et l’ensemble de l’Union par des difficultés d’approvisionnement entraînant le retour à un strict rationnement.
Grave « disette », surtout pendant la « soudure » (entre deux récoltes), non spécifiquement ukrainienne, selon la correspondance diplomatique française ; « famine » ukrainienne selon les rapports de 1933-1934 des consuls allemands et italiens, exploités par les États ou groupes affairés à la sécession de l’Ukraine : Allemagne, Pologne, centre majeur d’agitation à Lwow, et Vatican. Cette disette ou cette famine résultait de phénomènes naturels et sociopolitiques : une sécheresse catastrophique se doubla des effets de la rétention croissante des livraisons (abattage du bétail compris), depuis le tournant des années vingt, par les anciens koulaks (paysans les plus riches) rebelles à la collectivisation. Cette fraction, en lutte ouverte contre le régime soviétique, constituait, en Ukraine, une des bases du soutien à l’« autonomisme », habillage sémantique de la sécession, au bénéfice du Reich, de la région agricole reine des « terres noires », en outre premier bassin industriel du pays.
L’appui financier allemand, massif avant 1914, s’était intensifié pendant la Première Guerre mondiale, où l’Allemagne transforma l’Ukraine, comme les Pays Baltes, en base économique, politique et militaire du démantèlement de l’empire russe. La République de Weimar, fidèle au programme d’expansion du Kaiser, continua à financer « l’autonomisme » ukrainien. Les hitlériens affichèrent à leur arrivée au pouvoir leur plan de saisie de l’Ukraine soviétique, et tout l’autonomisme ukrainien (les fonds policiers, diplomatiques et militaires convergent) se rallia entre 1933 et 1935 au Reich, alors plus discret sur ses visées sur le reste de l’Ukraine. L’URSS ne contrôlait alors en effet que l’Ukraine orientale (Kiev-Kharkov), redevenue soviétique depuis 1920, après la sécession opérée pendant la guerre civile étrangère : de gros morceaux de l’Ukraine lui avaient été arrachés ou non attribués, en dépit de l’appartenance ethnique de leur population, des promesses françaises, en 1914, de remettre des dépouilles de l’empire austro-hongrois à la Russie tsariste alliée et de la fixation en 1919 de la « ligne Curzon ».
L’impérialisme français, un des deux maîtres (avec Londres) de la guerre étrangère faite aux Soviets puis du « cordon sanitaire » qui suivit son fiasco, offrit à la Roumanie dès 1918 la Bessarabie (Moldavie, capitale Kichinev), ancien pan de l’empire russe, et la Bucovine ; la Tchécoslovaquie en reçut d’emblée la Ruthénie subcarpathique ; la Pologne de Pilsudski, en 1920-1921, l’Ukraine occidentale ou Galicie orientale, naguère autrichienne – capitale Lemberg (en allemand), Lvov (en russe), Lwow (en polonais), Lviv (en ukrainien) –, avec l’aide du corps expéditionnaire français dirigé par Weygand. Et ce alors que la « ligne Curzon » (nom du secrétaire au Foreign Office) avait en 1919 estimé « ethniquement » russe ce territoire, reportant la frontière russo-polonaise de 150 km à l’Ouest de l’Ukraine russe : la « Russie » devait le recevoir de ses alliés quand eux-mêmes et les Blancs auraient chassé les bolcheviques, ce qui ne se produisit point. Ce distinguo géographique est décisif, car Lwow devint – et Lviv demeure – un centre majeur du tapage sur la « famine en Ukraine » allemand, polonais et vatican qui commença à l’été 1933, c’est-à-dire après qu’une excellente récolte soviétique eut mis fin à la crise des approvisionnements.
S’il y avait eu en 1932-1933 famine, portée à son maximum pendant la « soudure » (entre les deux récoltes), juillet 1933 marqua son terme. La campagne fut relayée par tout le camp antisoviétique, États-Unis inclus, où la presse germanophile du groupe Hearst s’en empara. La famine n’avait pas été « génocidaire », ce qu’admettent tous les historiens anglo-saxons sérieux, tels R.W. Davies et S. Wheatcroft, non traduits en français, à la différence de Robert Conquest, agent des services secrets britanniques devenu prestigieux « chercheur » de Harvard, idole de la « faminologie » française depuis 1995. La campagne originelle n’avait même pas brandi le « génocide » : Berlin, Varsovie, le Vatican, etc. maudissaient Staline, les Soviets ou les judéo-bolcheviques, stigmatisaient leur férocité ou leur « organisation » de la famine et décrivaient une Ukraine poussée par la faim au cannibalisme.
Les Français, quant à eux, imputaient aux plans sécessionnistes du trio ce vacarme lancé alors que le Reich promettait au dictateur polonais Pilsudski, si celui-ci restituait Dantzig et son corridor, de lui remettre sur un plateau l’Ukraine soviétique qu’ils conquerraient bientôt ensemble : François-Poncet, délégué du Comité des Forges et ambassadeur à Berlin, ricanait des sanglots quotidiens versés par la presse du Reich sur le martyre ukrainien, grosse ficelle à visées extérieures (annexer l’Ukraine) et intérieures (« flétrir les résultats du régime marxiste »).
L’abondante correspondance militaire et diplomatique d’époque exclut la thèse de la naïveté des « benêts » prosoviétiques, aveugles, pendant leur voyage de septembre 1933 en Ukraine, aux mensonges et cachotteries de Moscou, tel Édouard Herriot : c’est à dire la thèse soutenue en 1994 par le démographe Alain Blum qui a initié en France le chiffre des « 6 millions de morts ». Ce symbole concurrentiel auxquels les Ukrainiens antisémites tenaient tant – il fallait faire au moins aussi bien que les juifs, avant de faire beaucoup plus, 7, 9, 10, 12, jusqu’à 17 millions à ma connaissance (pour un effectif total d’une trentaine de millions d’Ukrainiens soviétiques) –, fut adopté dans Le Livre noir du Communisme en 1997 par Nicolas Werth. Encore celui-ci réfutait-il alors la thèse « génocidaire » qu’il soutient depuis son engagement en « 2000 dans un projet de publication de documents sur le Goulag (6 volumes, sous l’égide de la fondation Hoover et des archives d’État de la Fédération de Russie) ».
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Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation