Il y a trois mois, pendant que les forces ukrainiennes tentaient de repousser les forces russes au sud, l’état-major ukrainien envoyait une nouvelle arme importante dans la zone des opérations, écrit le New York Times.
Ce n’était pas un système de lancement ou un canon des alliés occidentaux. C’était un système de surveillance Delta, un réseau en ligne qui peut être utilisé par des militaires, des fonctionnaires publics et même des civils pour recevoir et échanger des informations importantes sur les forces russes.
Avant le début du conflit, ce logiciel élaboré en collaboration avec l’Otan n’avait pas encore été entièrement testé en conditions opérationnelles.
Delta est l’une des preuves que l’Ukraine s’est transformée en polygone d’essai pour les nouvelles armes et les systèmes d’information, ainsi que les nouveaux moyens de les utiliser, dont les résultats, selon les pronostics des politiciens et chefs militaires occidentaux, pourraient déterminer le caractère des guerres à des générations d’avance.
Et même si le conflit ukrainien est caractérisé par une multitude de facteurs traditionnels, les experts suivent de près comment les nouveaux exploits en matière de technologies et de préparation de militaires en Ukraine commencent à changer le caractère des hostilités. Parmi les nouveautés, outre Delta, il y a des vedettes contrôlées à distance, l’arme anti-drone SkyWiper ainsi que la nouvelle version du système antiaérien allemand qui n’a pas encore été utilisé en Allemagne.
« L’Ukraine est le meilleur polygone car nous avons la possibilité de vérifier toutes les hypothèses dans les conditions opérationnelles et apporter des changements révolutionnaires dans les technologies et le caractère de la guerre moderne », a déclaré Mikhaïlo Fedorov, vice-premier ministre et ministre ukrainien de la Transformation numérique.
En octobre, ce dernier a tenu un discours lors d’une conférence de l’Otan à Norfolk, Virginie, où il a parlé de Delta pour la première fois en public.
Il a également mis l’accent sur l’importance grandissante d’avions et de vedettes contrôlés à distance qui, d’après les représentants officiels et les experts militaires, sont très populaires aujourd’hui, et ces armes n’ont jamais été utilisées en tel nombre dans aucun conflit précédent.
Depuis l’été 2021, l’Ukraine et ses alliés organisent en mer Noire des essais de drones navals remplis d’explosifs. Cela a débouché sur une attaque visant la flotte russe près de Sébastopol en octobre dernier.
Shaurav Gairola, analyste de la société militaire Janes, spécialisée dans les armements navals, a déclaré que l’attaque en mer Noire témoignait d’un haut niveau de préparation, compte tenu de l’efficacité évidente de l’utilisation de vedettes réduites relativement bon marché contre des navires de guerre russes plus puissants. Cette attaque élargit les horizons du conflit actuel », estime M. Gairola.
D’après les experts militaires, l’utilisation de vedettes contrôlées à distance possède potentiellement une importance particulière. Elle montrera comment la tactique de combat naval peut évoluer, car les États-Unis et leurs alliés se préparent à d’éventuelles attaques de la Chine en mer de Chine orientale et méridionale ainsi qu’à son agression contre Taïwan.
L’an dernier, les forces armées ukrainiennes ont commencé à utiliser des fusils antidrones SkyWiper récemment conçus. Cette arme permet de dévier de leur course ou de neutraliser des drones en brouillant le signal de contrôle, elle a été conçue en Lituanie et se trouvait sur le marché pendant seulement deux ans avant qu’il ne soit décidé de l’envoyer à Kiev dans le cadre du programme otanien d’aide en matière de sécurité.
Presque neuf mois après le début du conflit, SkyWiper est la seule arme antidrone utilisée par l’Ukraine.
On ignore le nombre de ces fusils envoyé à Kiev, mais selon certaines informations, la Lituanie en aurait alloué plusieurs dizaines en octobre 2021. Dans une interview au New York Times, le ministère lituanien de la Défense a rapporté que le pays avait envoyé 50 fusils en août, après que les responsables l’ont qualifié de « priorité clé ».
Les armes létales occidentales envoyées en Ukraine dans le cadre de l’aide militaire sont en grande partie des versions modernisées d’anciens modèles.
Rafael Loss, expert en armement du Conseil européen des relations internationales, déclare qu’en soi les moyens antiaériens modernisés ne changeront pas l’équilibre des forces. Mais, selon lui, leur utilisation en Ukraine a montré que le gouvernement de Kiev avait dépassé le cadre de la stratégie militaire de l’époque soviétique pour se rapprocher du niveau de l’Alliance.
De hauts représentants de l’Otan et de l’Ukraine ont déclaré que le logiciel Delta en était un exemple.
Il réunit les fonctions d’un système d’alerte et d’une base de données contentant des cartes et des images des positions ennemies mis à jour en temps réel, allant jusqu’aux informations sur le nombre de soldats participant à une projection et les armes qu’ils possèdent.
Les essais de nouvelles technologies en Ukraine permettent aux commandants et aux spécialistes de planification aux États-Unis et chez les alliés de décider comment investir l’argent d’ici 20 ans.
À mesure que la confrontation avec la Russie se poursuit, les experts élaborent une stratégie à plus long terme, qui permettra de garantir une liaison et une coordination stables des actions des alliés, ce qui manquait souvent lors des guerres en Irak et en Afghanistan.
De telles réformes militaires ont également été évoquées avant les hostilités en Ukraine. Comme l’a déclaré le général français Philippe Lavigne, commandant suprême allié Transformation (SACT) de l’Otan.
D’après lui, l’Ukraine a montré qu’à terme les conflits militaires représenteront certainement une confrontation intensive non seulement au sol ou dans les airs, mais également, ce qui est important, dans le cyberespace.
« Tel sera le théâtre d’opération à terme », a ajouté le général Lavigne.
Alexandre Lemoine
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Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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