La constellation orbitale Starlink de SpaceX fut probablement le plus grand choc de l’état-major russe. Ce système dont on a loin cerné la nature, a réduit à néant les capacités russes en matière de cyberguerre et notablement amoindri ses capacités de guerre électronique.
Avant le début des opérations militaires en Ukraine fin février 2022, les médias internationaux s’affolaient et mettaient en garde contre les capacités russes en matière de cyberguerre et de guerre électroniques, jugées fort avancées au point où elles auraient pu influer sur le cours et le résultat de processus électoraux intrinsèquement “truqués” dans les pays soumis à la domination de l’État profond “atlantiste”. Ces allégations s’avérèrent non seulement erronées mais relevant d’une stratégie que n’aurait pas désavoué l’illustre Sun Tzu, auteur d’un Art de la Guerre, un court traité de stratégie militaire écrit il y a 2500 ans. En réalité, les commanditaires de ces manipulations dans la manipulation visaient moins des fins de politique intérieure (élimination d’adversaires intérieurs dans un contexte électoral précis) que de tromper un adversaire stratégique externe par intoxication.
Les balises et les récepteurs Starlink ont été parachutées au-dessus de Mariupol, par des hélicoptères “anonymes” sous le nez et la barbe des opérateurs des radars russes. Ces récepteurs étaient destinées aux unités de fusillées marins des forces armées ukrainiennes mais également aux “volontaires” étrangers (en fait les mercenaires de ce qu’est devenue X, ex-Blackwater et Academi et d’autres armées privées similaires).
Un détail qui aura échappé à la plupart des observateurs concerne l’absence remarquée de la myriade de satellites militaires russes dans cette guerre. Les Russes agissent comme si leur pays, héritier de la défunte URSS, ne disposait d’aucun satellite d’observation, de communication ou d’espionnage alors que c’est parmi les pays qui disposent du plus grand nombre d’objets manufacturés en orbite. Les microsatellites de type Starlink ou autres (d’autres systèmes similaires existent) ont-ils aveuglé par un quelconque procédé non mécanique les gros satellites d’oberservation russes? Comment expliquer que des opérateurs d’imagerie satellitaire US, européens et israéliens fournissent des services d’imagerie satellitaire à ultra haute résolution et en temps réel aux QG OTAN/Ukraine basé en grande partie en Pologne alors que les généraux russes ne disposent d’aucun outil leur permettant de visualiser le théâtre des opérations en temps réel depuis l’espace? La réponse à ces questions viendra avec le temps et mettra en lumière des avancées de type T (technologique) ayant exploité la trajectoire, la durée de survol et le temosnde passage des satellites russes.
C’est grâce à Starlink que pas un seul mouvement de troupes russes n’échappe au commandement OTAN en Pologne. Pas le moindre véhicule, soldat, hélicoptère ou canon. Tous les belligérants disposent de téléphones portables et tous sont traçables en temps réel. La cartographie de tous ces éléments en temps réel est transmises en temps réel aux officiers de liaison, majoritairement US et OTAN, attachés au commandement militaire ou dispersés parmi des unités militaires ukrainiennes précises sur le terrain. On assiste ainsi à un belligérant, l’Ukraine, qui voit tout en temps réel et qui plus est, parvient à reconnaître presque en temps réel la nature des objets disséminés, statiques ou mouvants de l’adversaire tandis que l’état-major russe est englué dans un brouillard de guerre et doit fournir des efforts de reconnaissance colossaux au niveau tactique et au niveau stratégique pour identifier les différents objets mis en avant par un adversaire disposant d’une logistique rustique mais intacte, parce que les Russes refusent obstinément de cibler les infrastructures, les points nodaux et les postes de commandement ukrainiens.
La Russie s’est heurtée à Starlink, pas à l’OTAN et encore moins l’Ukraine. Un acteur non étatique a mis en échec une puissance nucléaire. L’avenir ne sera pas celui des États mais des corporations de milliardaires.
Ce temps est déjà là. Il ne s’agit pas de ploutocraties définies ou pas au sein des limites et des domaines de l’État-Nation (les États-Unis, par exemple, sont une ploutocratie depuis longtemps) mais de particuliers devenus aussi puissants que des États et des multinationales, au point où ils se permettent de gérer le monde en mode direct, publiquement et en transcendant toutes les formes d’ organisation politique des groupements humains sur lesquels ils veulent avoir droit de vie ou de mort selon leur propre conception du monde. Ce n’est plus du domaine de la politique-fiction ou de la science-fiction, c’est déjà le monde d’aujourd’hui et celui de demain si ce lendemain existe.
Ce choc du futur doublé d’une tromperie permanente en partie dévoilée est susceptible de mettre fin au mythe national entretenu par presque la totalité des États et notamment la surenchère liée au prestige des armes et de la puissance perçue ou supposée telle que véhiculée par la propagande de chaque État. Le cas de la Russie en ce domaine fait figure d’école car la projection d’une force supposée a fini par intoxiquer le plus haut commandement et l’a induit en erreur. La guerre en Ukraine a commencé en 2014 et n’a jamais cessé depuis. Les Russes n’ont pas pu résoudre le problème par des moyens de guerre hybride car il faisait partie d’un plan plus vaste impliquant une stratégie hégémonique plus vaste dont l’expansion de l’OTAN n’était que l’outil et non la fin. Ce problème ne cessa de croître jusqu’à ce que le leadership russe fut acculé-et le terme est faible- à agir sans aucune autre option alternative. Or, outre la situation bloquée orientée vers l’inéluctablité d’une réaction russe, nous croyons que le processus de prise de décision de lancer une opération militaire en Ukraine a été pris en se basant sur une connaissance délibérément faussée de l’état et des capacités réelles des forces armées russes hors forces nucléaires. En termes plus simples, des généraux russes mentaient continuellement au leadership russe et ne faisaient remonter que des rapports favorables et satisfaisants fort éloignées de l’état réel des capacités de combat et de préparation d’une armée gangrénée par la corruption, le népotisme, le refus du changement, l’inertie de caste et l’absence d’un encadrement intermédiaire efficace entre les officiers et la troupe. C’est un sujet fort complexe qui n’est pas l’objet de ce billet et qui est loin d’être aussi facile qu’il ne paraît. Nonobstant toute critique négative (ce n’est pas notre tasse de thé) ou constructive, la Russie s’est retrouvée entraînée par un déterminisme historique qui ne cesse de se manifester à travers son histoire. Les Russes se sentent déjà forcés de se battre jusqu’au bout-une incongruité dans le monde actuel qui combat toute valeur virile comme un crime contre la société et c’est valable dans presque tous les pays du monde, car il y va non seulement de l’image et l’histoire de leur pays mais de sa place dans le monde, un monde qui sera certainement multipolaire vu l’énergie du désespoir presque nihiliste animant l’oligarchie ayant usurpé le pouvoir aux États-Unis afin de maintenir une hégémonie impossible à maintenir en l’état sans un effondrement total des structures politiques et économiques du monde d’hier en corrélation indirecte avec la montée en puissance de pôles de puissances à l’Est.
Starlink a fait plus que l’ensemble du complexe militaro-industriel US et occidental dont les produits sont en perte de vitesse depuis au moins deux décennies et dont les performances dans la guerre en Ukraine sont très en deçà de la moyenne. C’est pour cela que la proposition d’une paix russo-ukrainienne d’Elon Musk, patron de SpaceX et de Tesla, via un vote sur Twitter, prends une dimension toute particulière et marque un changement de paradigme en filigrane. L’avenir n’appartient pas aux États mais à des individus assez puissants pour influer sur le sort d’une humanité endormie par les fils enchevêtrés et invisibles d’un esclavage sans précédent dans l’histoire de l’espèce humaine.
Starlink et la Russie ont non seulement changé Internet à tout jamais mais changé la marche de l’histoire. La lutte n’en sera que plus âpre, rude et longue.
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