Décidément, il s’en passe des choses du côté de Moscou…
Bien que vieilli prématurément pour l’un, mort-né pour l’autre, les deux tubes du Nord Stream continuent à faire parler d’eux. Nous avions rapporté en 2015 une tentative de sabotage par un drone sous-marin bourré d’explosifs. Il semble que les instigateurs aient enfin réussi leur coup :
Le fait que des explosions aient été enregistrées laisse peu de place au doute et Berlin évoque déjà un sabotage.
Toujours à l’ouest en terme de communication, la partie russe préfère se taire tandis que certains guignols à Kiev accusent l’ours d’avoir saboté ses propres gazoducs (les mêmes accusaient pourtant Moscou d’utiliser ces pipelines comme instruments de chantage…)
Évidemment, tout cela est à mettre en relation avec les fortes poussées en Europe pour rouvrir au moins temporairement le flux gazier afin d’alléger la flambée des cours. En Allemagne, les manifestations sont quasiment quotidiennes (et soigneusement tues par nos braves médias). Avec les dégâts « sans précédent » causés par les explosions, tonton Sam peut dormir tranquille : la connexion ne sera pas rétablie avant longtemps, si tant est qu’elle le soit un jour…
Sans transition aucune, la curieuse fuite dans la presse du rapport du FSB sur les 261 000 Russes ayant quitté le pays pour échapper à l’enrôlement interroge. Contrairement à ce que certains ont pu dire, ce n’est pas le FSB lui-même qui a révélé la chose, auquel cas il se serait agi d’une véritable déclaration de guerre contre Poutine. Mais ce genre d’information est tout de même confidentiel dans le contexte actuel et quelqu’un a laissé fuiter.
Il existe indéniablement un malaise au sein des services depuis le début du conflit. On se rappelle la séance d’humiliation publique du directeur du Service des renseignements extérieurs Serguei Narychkine, épisode lunaire qui pouvait éventuellement indiquer un désaccord de fond sur la guerre à venir. De fait, le fiasco du renseignement est maintenant admis par tous, mais était-ce vraiment un flop des services eux-mêmes ou un aveuglement du pouvoir politique qui a préféré ne pas écouter les avertissements ? On ne peut non plus exclure des divergences entre les différents services : SVR, GRU et même FSB qui a aussi son mot à dire sur les opérations à l’extérieur.
On se souvient aussi du limogeage de hauts responsables du renseignement il y a quelques mois, certains étant même placés en résidence surveillée. Et maintenant cette fuite mettant en difficulté le maître du Kremlin qui a d’ailleurs dû s’expliquer et admettre publiquement des erreurs lors de la mobilisation.
Notons au passage qu’il a dû tomber de haut en voyant un quart de million de ses compatriotes prendre la poudre d’escampette plutôt que de s’engager pour la mère patrie, qu’il croyait pourtant avoir remis au centre de toutes les préoccupations des âmes russes.
Si le flux continue et si ces émigrés ne reviennent pas, ce sera également un échec démographique alors que la Russie est engagée dans une course contre la montre et tente énergiquement, depuis que Poutine est au pouvoir, d’enrayer le déclin de la population.
D’aucuns prévoyaient une chute des naissances du fait de la guerre, des sanctions économiques et de la fuite des cerveaux qui a déjà eu lieu et qui concerne avant tout une population jeune et active, c’est-à-dire en âge de procréer. Avec cette nouvelle vague de départs, la situation démographique peut tourner au marasme ces prochaines années.
Là encore, seule une victoire militaire rapide aurait évité à l’ours de s’enfermer dans une quadrature du cercle dont il ne peut se dépêtrer aujourd’hui : plus la guerre dure, plus la crise démographique sera aiguë ; mais pour gagner la guerre, il faut faire des sacrifices démographiques considérables désormais.
Il en est un en tout cas à qui les malheurs du voisin ne font ni chaud ni froid, c’est le président kazakh. Littéralement sauvé des eaux par Vladimirovitch au début de l’année, il ne prend plus de gants pour mortifier son allié d’hier. Dernier camouflet en date, il affirme paternellement que son pays assurera la sécurité des réfugiés russes fuyant leur pays : « La plupart d’entre eux sont forcés de partir du fait de la situation désespérée. Nous devons prendre soin d’eux ».
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