Au tour de Médiapart de publier une tribune — signée par une flopée de célèbres opportunistes, dont Olivier Besancenot, Guillaume Meurice, Mathieu Rigouste, Virginie Despentes, Rokhaya Diallo, Adèle Haenel, Éric Piolle, Usul, Philippe Poutou, Sandrine Rousseau, Juliette Rousseau, Grace Ly, etc., etc. — attaquant les « militant·es anti-trans » (accusés d’être des réactionnaires), et promouvant une alliance trans et féministe. Bien entendu, on y retrouve les absurdités, les inepties et les malhonnêtetés habituelles. Nous nous contenterons d’en souligner quelques-unes.
I.
Les auteurs de la tribune accusent les « militant·es anti-trans » de réduire « les femmes à leurs simples organes génitaux », alors que cette définition contredirait « la majorité des écrits féministes produits depuis les années 1960 », qui nous apprennent apparemment qu’« on ne nait pas femme, on le devient ». Ah ! La fameuse hyperbole de Simone de Beauvoir !
Dans une émission de télévision diffusée le 6 avril 1975, interrogée par Jean-Louis Servan Schreiber, Simone de Beauvoir donne des éclaircissements sur cette célèbre formule, « on ne naît pas femme, on le devient », tirée de son essai intitulé Le Deuxième sexe, publié en 1949. De Beauvoir explique à Servan Schreiber que ce qu’elle veut dire par là, c’est que la socialisation de la jeune femme dans la société patriarcale (« l’histoire de son enfance ») instille en elle « ce qu’on a appelé quelques fois l’éternel féminin, la féminité », et qui constitue l’image de la femme en général, générique, dans le patriarcat.
Autrement dit, la formule de De Beauvoir constitue ce qu’on appelle une hyperbole, une figure de style « consistant à exagérer l’expression d’une idée ou d’une réalité, le plus souvent négative ou désagréable, afin de la mettre en relief ». De Beauvoir emploie le mot « femme » pour évoquer l’image de la femme à laquelle les femmes sont tenues de se conformer dans le patriarcat. Ce qu’elle veut dire, c’est que les enfants nées de sexe féminin, les filles (personne ne naît femme, on naît bébé fille ou bébé garçon), sont ensuite conditionnées afin de se conformer au stéréotype sexiste que constitue l’image ou l’idée de la femme dans notre société patriarcale. En bref, et pour la paraphraser : aucune fille ne naît destinée, par nature, à incarner le stéréotype patriarcal de la femme.
Mais il est évident pour De Beauvoir que les enfants naissent tous sexués et que l’humanité comprend deux sexes (d’où le titre de son livre) auxquels renvoient les termes homme et femme. Les idéologues trans qui utilisent la formule de De Beauvoir afin de suggérer que le mot femme n’a rien à voir avec une réalité biologique, corporelle, mais est une construction sociale que l’on pourrait choisir d’incarner, lui font dire l’exact inverse de ce qu’elle affirme.
Tandis que Simone de Beauvoir soutenait que les femmes n’avaient pas par nature à incarner (ou devenir) une certaine construction sociale, un ensemble de stéréotypes (ceux qui constituent la « féminité », l’image de la femme fabriquée par le patriarcat, ou ce qu’elle nomme « l’éternel féminin »), que la femme n’était pas par nature cet ensemble de stéréotypes, cette construction sociale, les idéologues trans soutiennent que la femme est un ensemble de stéréotypes, une construction sociale (un « genre »). Pour Simone de Beauvoir et les féministes radicales critiques du genre, la femme n’est pas naturellement (n’a pas à être) le « genre féminin » socialement (patriarcalement) construit. Pour les transactivistes, la femme est précisément ce genre féminin et rien d’autre — selon le glossaire de « l’association nationale transgenre » (ANT), une « femme » est une « personne définie par la société de genre féminin (sans considération de son sexe) ».
Voici un extrait de l’interview de Simone de Beauvoir par Jean-Louis Servan Schreiber :
J‑L S.S. : « Les différences biologiques [entre l’homme et la femme], qui sont évidentes, vous considérez qu’elles ne jouent pas de rôle dans le comportement ultérieur éventuel de l’individu ? »
SB : « Je pense qu’elles peuvent en jouer un, si, elles en jouent un certainement, mais l’importance qui leur est accordée, l’importance que prennent ces différences vient du contexte social dans lesquels elles se situent. Je veux dire que, bien entendu, c’est très important qu’une femme puisse être enceinte, avoir des enfants tandis que l’homme ne le peut pas ; ça fait une grande différence entre les deux, mais ce n’est pas cette différence qui fonde la différence de statut et l’état d’exploitation et d’oppression auquel est soumise la femme. C’est en quelque sorte un prétexte autour duquel est construite la condition féminine, mais ce n’est pas cela qui détermine cette condition. »
Simone de Beauvoir était en effet très claire sur le fait qu’être femme se rapporte — évidemment — à la biologie. Elle écrivait : « Ces données biologiques sont d’une extrême importance : elles jouent dans l’histoire de la femme un rôle de premier plan, elles sont un élément essentiel de sa situation : dans toutes nos descriptions ultérieures, nous aurons à nous y référer. Car le corps étant l’instrument de notre prise sur le monde, le monde se présente tout autrement selon qu’il est appréhendé d’une manière ou d’une autre. C’est pourquoi nous les avons si longuement étudiées ; elles sont une des clefs qui permettent de comprendre la femme. Mais ce que nous refusons, c’est l’idée qu’elles constituent pour elle un destin figé. Elles ne suffisent pas à définir une hiérarchie des sexes. » Ainsi : « La femme a des ovaires, un utérus […]. »
De Beauvoir estimait d’ailleurs « qu’aucune femme ne peut prétendre sans mauvaise foi se situer par-delà son sexe ». Mince alors !
Simone de Beauvoir était manifestement terriblement « transphobe » ! De même que tous les écrits féministes et, plus généralement, de même que tous les livres ayant été écrits depuis la naissance de l’écriture il y a plusieurs millénaires et jusqu’aux environs de l’année 2015 !
II.
La tribune est si mal écrite (n’a manifestement pas été écrite par des lumières) qu’elle se contredit — mais il en va toujours ainsi des écrits promouvant les idées trans et des idées trans en général, qui sont intrinsèquement incohérentes. Ses auteurs prétendent qu’« être une femme ne découle pas de la seule assignation sexuée, mais d’une exploitation qui prend plusieurs formes ». Mais si « être femme ne découle pas de la seule assignation sexuée », c’est que ladite « assignation sexuée » en constitue une condition. Insuffisante, apparemment, mais une condition. Cependant, juste après, en affirmant qu’il existe des « femmes trans », les auteurs de la tribune affirment que des hommes peuvent être des femmes. L’assignation sexuée ne semble donc pas être une condition. Deux définitions incohérentes du mot femme y sont donc avancées : A) est femme toute personne sexuellement assignée femme et victime « d’une exploitation » qui peut prendre « plusieurs formes ». B) est femme toute personne victime « d’une exploitation » qui peut prendre « plusieurs formes ». Bref, en fin de compte, tous ces gens s’accordent apparemment à dire qu’être femme, c’est être exploité. Dans le futur dictionnaire de la novlangue française validé par les autorités trans, on trouvera donc : « femme n.f. personne victime d’une exploitation pouvant prendre plusieurs formes ». Merveilleux.
L’on peut même se demander si cette confusion n’est pas intentionnelle. Dans la rhétorique transactiviste (dans la rhétorique des hommes qui militent pour accéder aux espaces réservés au femmes), il est nécessaire de diffuser un épais écran de fumée pour masquer le cœur de leurs revendications : puisque n’importe qui se sentant exploité et ressentant profondément en lui une identification au stéréotype sexiste de l’éternel féminin peut être une femme, alors « les droits trans sont indissociables des droits des femmes ». Voici donc une belle démonstration d’inversion patriarcale dans laquelle les hommes deviennent les personnes les plus opprimées de la planète et requièrent d’être protégés sous l’égide des droits des femmes, ceux-là mêmes qu’ils sont en train de détruire.
III.
Ensuite, Médiapart a‑t-il un problème avec le dopage ? Les tests contre le dopage dans les compétitions sportives constituent-ils, selon Médiapart, une « attaque du droit des personnes à disposer de leur corps » ? Toutes les personnes ayant signé cette tribune sont-elles au courant de ce qui s’est passé partout ailleurs dans le monde, avec l’intrusion des hommes transidentifiés dans les sports féminins (on attend toujours de voir des femmes transidentifiées vouloir participer aux sports en catégorie masculine et exploser tous les records des hommes) ? Vous êtes journalistes, chercheuses, personnalités politiques : faites donc votre travail.
IV.
Enfin, nous retrouvons la même stratégie de déshonneur par association entre féministes et extrême droite, le même contresens sur l’essentialisme, et une même ignorance crasse de l’histoire du féminisme. Nous avons suffisamment éclairci ces points (ainsi que beaucoup d’autres) de manière argumentée et sourcée dans notre réponse au torchon de Libération (félicitations, vous êtes parvenus à faire pire).
Et vous vous dites féministes, et progressistes, et vous vous réclamez du matérialisme, cependant que vous dissolvez le sens du mot femme, la possibilité de nommer la réalité matérielle de l’existence des personnes de sexe féminin, et donc le féminisme avec, dans l’acidité extrême de votre bêtise et de votre malhonnêteté collectives.
Audrey A. et Nicolas Casaux
Source: Lire l'article complet de Le Partage