Par Moon of Alabama – Le 19 septembre 2022
La semaine dernière, le Conseil des chefs d’État de l’Organisation de coopération de Shanghai s’est réuni à Samarkand. Rien de très remarquable dans cette réunion. Les affaires habituelles. L’Iran va bientôt rejoindre l’organisation et plusieurs autres États souhaitent conclure des accords d’association avec elle.
En marge de la réunion, le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, a tenu une conférence de presse. Une vidéo sous-titrée en anglais en rend compte et le Kremlin fournit comme d’habitude une transcription en anglais. Poutine a fait quelques remarques importantes qui n’ont pas été reprises par les médias « occidentaux », car elles contredisaient la propagande de ces mêmes médias. J’en ai tiré quelques extraits et y ai ajouté quelques commentaires.
Sur l’OCS :
Vladimir Poutine : La chose la plus importante, toujours et partout, est le développement économique. Et l’OCS, la coopération entre les pays de l’OCS, crée les conditions du développement de l’économie russe, et donc de la sphère sociale et de la résolution des tâches liées à l’amélioration du niveau de vie de nos citoyens.
L’Organisation de coopération de Shanghai comprend des pays dont la population, comme on l’a dit à maintes reprises, représente presque ou même un peu plus de la moitié de l’humanité. Elle représente 25 % du PIB mondial. Et, surtout, les économies nationales de la région, celles des États membres de l’OCS, se développent beaucoup plus rapidement que les autres dans le monde.
Les marchés de l’OCS gonflent la croissance économique mondiale. Mais l’« Occident » s’exclut de ces régions. Les politiques « occidentales » sont hostiles à l’égard de nombreux membres importants de l’OCS. Ces politiques créent des barrières qui empêchent les industries « occidentales » de profiter de cette croissance. Ce sont des mesures qui vont à l’encontre du but recherché.
Puis vient une question sur les frappes militaires en Russie. Poutine n’a pas semblé s’en préoccuper outre mesure.
Il n’y a rien de nouveau à ce sujet. Franchement, je trouve même un peu étrange d’entendre votre question car les pays occidentaux ont cultivé l’idée de l’effondrement de l’Union soviétique et de la Russie historique et de la Russie en tant que telle, son noyau.
J’ai déjà cité ces déclarations et études de certaines personnalités en Grande-Bretagne pendant et après la Première Guerre mondiale. J’ai cité des extraits des écrits de Brzezinski dans lesquels il divisait l’ensemble du territoire de notre pays en parties spécifiques. Il est vrai que plus tard, il a un peu changé de position en pensant qu’il valait mieux garder la Russie en opposition à la Chine et l’utiliser comme un outil pour combattre la Chine. Cela n’arrivera jamais.
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Mais ils ont toujours cherché la dissolution de notre pays – c’est tout à fait vrai. Il est regrettable qu’à un moment donné, ils aient décidé d’utiliser l’Ukraine à ces fins. (…) C’est ce que certains pays occidentaux dirigés par les États-Unis ont toujours cherché à faire – créer une enclave anti-russe et faire des vagues, menacer la Russie de cette façon. En substance, notre principal objectif est d’empêcher de tels développements.
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Dans ce contexte, nous assistons à des tentatives de perpétrer des attaques terroristes et d’endommager nos infrastructures civiles.
En réalité, nous avons été assez modérés dans notre réponse, mais cela ne durera pas éternellement. Récemment, les forces armées russes ont porté quelques coups sensibles à cette zone. Appelons cela des tirs d’avertissement. Si la situation continue ainsi, notre réponse aura encore plus d’impact.
Samedi, l’armée russe a détruit des systèmes de distribution électriques dans une centrale électrique à Slaviansk. Dima, de la chaîne Military Summary, a montré deux images de source ouverte fournies par la NASA qui démontrent les problèmes du réseau électrique ukrainien. C’est surtout dans l’est que les lumières s’éteignent.
17 septembre 2021
17 septembre 2022
L’attaque à Slaviansk fait suite à plusieurs attaques ukrainiennes contre l’infrastructure électrique en Russie et dans les zones sous contrôle russe.
Poutine mentionne ces attaques et les qualifie de terrorisme :
Les attaques terroristes sont une affaire sérieuse. En fait, ils utilisent des méthodes terroristes. Nous le voyons dans le meurtre de fonctionnaires dans les territoires libérés, nous voyons même des tentatives de perpétrer des attaques terroristes dans la Fédération de Russie, y compris – je ne suis pas sûr que cela ait été rendu public – des tentatives de mener des attaques terroristes près de nos installations nucléaires, des centrales nucléaires de la Fédération de Russie. Je ne parle même pas de la centrale nucléaire de Zaporozhye.
Nous surveillons la situation et nous ferons de notre mieux pour empêcher un scénario négatif de se produire. Nous réagirons s’ils ne réalisent pas que ces approches sont inacceptables. Elles ne sont, en effet, pas différentes des attaques terroristes.
Début août, des commandos ukrainiens avaient détruit des lignes à haute tension de la centrale nucléaire de Koursk.
Dans la région de Koursk, en Russie, des saboteurs ukrainiens ont fait sauter des câbles électriques qui alimentent la centrale nucléaire de Koursk, a déclaré le service de presse du Bureau fédéral de sécurité de Russie.
Selon l’agence, les 4, 9 et 12 août, six explosions ont eu lieu dans le district de Kurchatov, région de Koursk. Les explosions ont visé des lignes électriques à haute tension.
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Une affaire pénale a été ouverte pour cet incident en vertu de la partie 2 de l’article 205 (attaque terroriste) du Code pénal de la Fédération de Russie. Les forces de sécurité sont à la recherche des saboteurs. La Garde nationale a renforcé la sécurité des installations nucléaires.
Retour à la conférence de presse de Poutine.
Il est interrogé sur un document de négociation que l’Ukraine a publié. Il ne l’a pas vu mais il explique ce qui s’est passé avec les négociations de fin mars/début avril :
Franchement, je ne suis pas au courant de ce qu’ils ont présenté cette fois-ci. En fait, nous avons commencé à négocier avec les autorités en place à Kiev et nous avons achevé ce processus de négociation à Istanbul avec le fameux accord d’Istanbul, après lequel nous avons retiré nos troupes de Kiev afin de créer les conditions propices à la conclusion de cet accord. Au lieu de conclure un accord, Kiev a immédiatement rejeté tous les accords, les a mis dans une boîte et a déclaré qu’il ne chercherait pas à conclure un accord avec la Russie, mais qu’il chercherait plutôt à remporter la victoire sur le champ de bataille. Qu’ils essaient.
La volte-face ukrainienne a eu lieu début avril, après que Boris Johnson, alors Premier ministre britannique, eut menacé Kiev de suspendre toute aide « occidentale« .
Poutine déclare que l’opération militaire spéciale se poursuivra sans changement de plan puis fait ensuite des remarques sur l’accord permettant à l’Ukraine d’exporter ses céréales :
À ce jour – comme hier ou avant-hier – 121 navires ont quitté les ports ukrainiens. Seuls trois de ces 120 navires se sont dirigés vers les pays les plus pauvres dans le cadre du programme alimentaire des Nations unies. Environ 35 %, peut-être un peu plus, des céréales exportées par l’Ukraine sont allées vers des pays européens, vers des pays non pauvres, et certainement pas vers les pays les plus pauvres du monde. Et seulement 4,5 % des cargaisons ont été envoyées aux pays les plus pauvres dans le cadre du programme des Nations unies.
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Il en va de même pour nos exportations d’engrais. C’est quelque chose sans précédent. Je dirais que la Commission européenne a pris une décision scandaleuse et honteuse en levant l’interdiction d’acheter des engrais russes – mais uniquement pour leurs pays, pour les États membres de l’UE. Mais qu’en est-il des pays les plus pauvres du monde ?
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Ils ont donc levé les sanctions sur nos engrais. Les Américains ont en fait été les premiers à les lever, car ce sont des gens généralement pragmatiques.
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Mais des problèmes subsistent en ce qui concerne le fret et l’assurance, ainsi que l’interdiction d’entrer dans les ports d’où sont exportés nos engrais, de même que les transferts financiers et les règlements. Ils sont conscients de tout cela et ne cessent de répéter que ce problème sera résolu, mais personne ne fait réellement quoi que ce soit à ce sujet.
Pour être juste, le secrétaire général des Nations unies s’efforce de résoudre ces problèmes.
Ce scandale était nouveau pour moi :
Vous avez probablement entendu parler des 300 000 tonnes d’engrais russes bloquées dans les ports européens ; nos entreprises disent qu’elles sont prêtes à les fournir gratuitement – il suffit de les débloquer et de les libérer, et nous en ferons don aux pays les plus pauvres et aux marchés en développement. Mais ils les retiennent toujours, et c’est absolument stupéfiant.
Ils ne veulent pas que la Russie gagne de l’argent – mais nous ne faisons pas de bénéfices en donnant des engrais. Je ne comprends tout simplement pas ce qu’ils font. Quel est le but de tout cela ? On a tellement parlé d’aider les pays les plus pauvres, mais c’est exactement le contraire qui se produit.
J’ai l’impression – et c’est particulièrement vrai pour les pays européens – que ces anciennes puissances coloniales vivent encore dans le paradigme de la philosophie coloniale, et qu’elles sont habituées à vivre aux dépens des autres. Elles ne parviennent toujours pas à se débarrasser de ce paradigme dans leurs politiques quotidiennes. Mais il est temps de tirer certaines conclusions et d’agir différemment, de manière plus civilisée.
Suivent des questions sur la Chine, le conflit Azerbaïdjan-Arménie, les sanctions américaines contre certaines personnes et leurs enfants et sur le G20.
Vient ensuite une dernière question sur la crise énergétique en Europe, sur laquelle Poutine avait beaucoup à dire :
La crise énergétique en Europe n’a pas commencé avec le début de l’opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine, dans le Donbass ; elle a en fait commencé beaucoup plus tôt, un an avant ou même avant. Aussi étrange que cela puisse paraître, elle a commencé avec l’agenda vert.
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Pour poursuivre des considérations politiques momentanées, ils ont choisi de fermer complètement les programmes énergétiques liés aux hydrocarbures dans leurs pays. Les banques ont cessé d’accorder des prêts, …
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Maintenant, nous voyons que les prix, disons, du gaz naturel aux États-Unis ont augmenté et que la production augmente, mais pas aussi vite qu’ils le voudraient – et la raison en est que les banques ont peur d’accorder des prêts.
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Ce sont des points de référence erronés dans l’agenda vert, qui précipitent les choses, et l’énergie verte n’est pas prête à répondre à la demande d’énormes ressources énergétiques pour soutenir la croissance économique et industrielle. L’économie se développe alors que le secteur de l’énergie se réduit. C’est la première erreur grave.
La deuxième erreur concerne le gaz naturel.
Nous avons tenté de persuader les Européens de se concentrer sur les contrats à long terme plutôt que sur le seul marché. Pourquoi ? Je l’ai déjà dit et je le répète encore une fois : Gazprom doit investir des milliards dans le développement, mais il doit être certain qu’il vendra du gaz avant de faire des investissements. C’est la raison d’être des contrats à long terme.
Des obligations mutuelles sont contractées par les vendeurs et les acheteurs. Ils ont dit : « Non, laissez le marché s’autoréguler. » Nous n’avons cessé de leur dire : « Ne le faites pas ou cela entraînera des conséquences dramatiques. » Mais en fait, ils nous ont obligés à inclure une part importante du prix spot dans le prix du contrat. Ils nous ont forcés à le faire, et Gazprom a dû inclure à la fois le panier de pétrole et de produits pétroliers, mais aussi le prix spot dans le prix du gaz. Le prix spot s’est mis à croître, provoquant l’augmentation du prix envisagé même dans les contrats à long terme. Mais qu’est-ce que cela a à voir avec nous ? C’est la première chose.
Poutine a raison sur ce point. La privatisation et la « libéralisation » des marchés européens du gaz et de l’électricité n’ont jamais eu de sens et ont même eu des conséquences très négatives.
Deuxièmement, je leur ai dit plusieurs fois. « Gazprom ne fournit pas de gaz. » Écoutez, vous êtes des gens normaux ou quoi ? La Pologne a choisi d’imposer des sanctions contre le gazoduc Yamal-Europe et d’en fermer le tracé. J’ai dit à M. Scholz [le chancelier allemand Olaf] : « Pourquoi m’appelez-vous ? Appelez Varsovie et demandez-leur de rouvrir la route« . C’est tout ce qu’il y a à dire. C’est le premier point.
Scholz est-il vraiment si bête que ça ?
Deuxièmement. Deux conduites du gazoduc passent par l’Ukraine. L’Ukraine est approvisionnée en armes, mais elle est allée de l’avant et a fermé une des conduites l’approvisionnant. Ils ont également fermé une autre conduite qui fournissait 25 milliards de mètres cubes de gaz – je ne parlerai pas de la quantité exacte, mais ils l’ont fermé. Pour quoi faire ? Appelez Kiev et demandez-leur de rouvrir la deuxième conduite.
Et enfin, Nord Stream 1. Les turbines tombent en panne les unes après les autres.
Siemens a le contrat de maintenance pour les pompes à pression des turbines, mais des sanctions l’empêchent de le remplir.
Il existe bien sûr une solution au manque de gaz naturel en Europe.
Après tout, s’ils en ont besoin d’urgence, si la situation est si mauvaise, il suffit de lever les sanctions contre Nord Stream 2, avec ses 55 milliards de mètres cubes par an – il suffit d’appuyer sur le bouton pour le faire démarrer. Mais ils ont choisi eux-mêmes de le fermer ; ils ne peuvent pas réparer un pipeline, ont imposé des sanctions contre le nouveau Nord Stream 2 et ne l’ouvriront pas. Sommes-nous à blâmer pour cela ?
Qu’ils réfléchissent bien à qui est à blâmer et qu’aucun d’entre eux ne nous reproche ses propres erreurs. Gazprom et la Russie ont toujours rempli et rempliront toutes les obligations découlant de nos accords et contrats, sans jamais faillir.
C’est en effet un signe de lâcheté que les politiciens européens blâment la Russie pour des problèmes qu’ils ont eux-mêmes causés. Ils essaient de le cacher, mais les faits sont là pour le montrer. Si l’Europe devait vraiment rencontrer des problèmes énergétiques pendant l’hiver, la punition politique qu’elle recevra sera sévère.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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