Les (ultra)riches sont des sociopathes, preuve n°8652435 (par Nicolas Casaux)

Les (ultra)riches sont des sociopathes, preuve n°8652435 (par Nicolas Casaux)

Dans un article paru le 4 août 2024 sur le site web de The Atlan­tic, un média de gauche états-unien, une socio­logue, Brooke Har­ring­ton, sou­ligne com­ment les ultra-riches uti­lisent leur pou­voir et leur pognon pour influen­cer les élec­tions amé­ri­caines. Cer­tains sou­tiennent fié­vreu­se­ment Trump, comme Thiel et Musk, d’autres plu­tôt les démo­crates. Mais les uns comme les autres par­tagent une men­ta­li­té qui les amène à se consi­dé­rer comme des citoyens (lar­ge­ment) supé­rieurs aux autres. Comme Brooke Har­ring­ton l’écrit :

« Je suis une socio­logue qui étu­die les ultra­riches. Au cours de mes 17 années de recherche, j’ai enten­du de nom­breux conseillers finan­ciers me dire que leurs clients mul­ti­mil­lion­naires et mil­liar­daires se consi­dé­raient comme au-des­sus des natio­na­li­tés et des lois. Un conseiller en ges­tion de patri­moine m’a confié que cer­tains de ses clients “pensent sin­cè­re­ment qu’ils des­cendent des pha­raons et qu’ils sont des­ti­nés à héri­ter de la terre”.

Cet état d’es­prit se retrouve dans un livre de 1997 que Thiel a clas­sé par­mi ses pré­fé­rés de tous les temps : The Sove­rei­gn Indi­vi­dual (L’individu sou­ve­rain), de James Dale David­son et William Rees-Mogg. Le texte assi­mile sans iro­nie aucune les ultra­riches aux “dieux de la mytho­lo­gie grec” et affirme qu’ils ne méritent rien de moins que de domi­ner le monde : “Dis­po­sant de res­sources lar­ge­ment supé­rieures et hors de por­tée de nom­breuses formes de contrainte, l’in­di­vi­du sou­ve­rain redes­si­ne­ra les gou­ver­ne­ments et recon­fi­gu­re­ra les économies.” »

L’occasion de rap­pe­ler que de nom­breuses études scien­ti­fiques ont depuis long­temps confir­mé la vali­di­té d’un fon­de­ment majeur de la pers­pec­tive anar­chiste : l’idée que le pou­voir (et donc l’argent) attire et pro­duit des socio­pathes. D’où la remarque de Louise Michel : « Le pou­voir est mau­dit, c’est pour cela que je suis anar­chiste. » C’est aus­si le sens de ce mot de Lord Acton, que nombre d’anarchistes auraient pu écrire : « le pou­voir cor­rompt, le pou­voir abso­lu cor­rompt absolument ».

Dans son article, Brooke Har­ring­ton oppose naï­ve­ment et contra­dic­toi­re­ment l’État et la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive aux dési­rs et aux agis­se­ments anti-démo­cra­tiques des ultra-riches. Contra­dic­toi­re­ment parce qu’elle remarque elle-même que ces ultra-riches ne le sont deve­nus que grâce à l’État et aux pré­ten­dues « démo­cra­ties repré­sen­ta­tives ». L’État et le mar­ché ne s’opposent pas. Il ne s’agit que de deux faces de la même pièce. Aucun État n’a jamais été conçu comme un moyen d’assurer la démo­cra­tie ou de garan­tir un trai­te­ment juste et équi­table à une popu­la­tion don­née. Les États sont des pro­duits de la conquête et du triomphe de cer­tains humains qui sont par­ve­nus à sou­mettre tous les autres aux règles qu’ils avaient éla­bo­rées. L’État fran­çais est le pro­duit du royaume de France, puis de l’Empire, puis d’une « révo­lu­tion » bour­geoise qui a modi­fié la nature de la classe domi­nante mais qui n’a pas fon­da­men­ta­le­ment rebat­tu les cartes. La struc­ture sociale éta­tique, ce qu’on appelle l’État, est intrin­sè­que­ment anti-démo­cra­tique. Elle implique une divi­sion entre gou­ver­nants et gouverné∙es, une délé­ga­tion obli­ga­toire du pou­voir déci­sion­naire (un asservissement).

En 1798, à l’Assemblée consti­tuante, l’abbé Sieyès fit remar­quer que gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif et démo­cra­tie sont deux choses dif­fé­rentes (voire oppo­sées), et que « la France n’est point, ne peut pas être une démo­cra­tie », puisqu’il « est évident que 5 à 6 mil­lions de citoyens actifs, répar­tis sur vingt-cinq mille lieues car­rées, ne peuvent point s’assembler, il est cer­tain qu’ils ne peuvent aspi­rer qu’à une légis­la­ture par repré­sen­ta­tion. Donc les citoyens qui se nomment des repré­sen­tants renoncent et doivent renon­cer à faire eux-mêmes immé­dia­te­ment la loi : donc ils n’ont pas de volon­té par­ti­cu­lière à impo­ser. […] S’ils dic­taient des volon­tés, ce ne serait plus cet État repré­sen­ta­tif ; ce serait un État démocratique. »

Même les « pères fon­da­teurs » des États-Unis le recon­nais­saient. James Madi­son notait « que dans une démo­cra­tie les gens s’assemblent et exercent le pou­voir en per­sonne ; dans une répu­blique, ils s’assemblent et gou­vernent par le biais de leurs repré­sen­tants. Une démo­cra­tie, consé­quem­ment, ne peut être éta­blie que dans un petit endroit. Une répu­blique peut englo­ber une vaste région. » Un autre « père fon­da­teur », Tho­mas Jef­fer­son, affir­mait lui aus­si que la « démo­cra­tie » est « la seule pure répu­blique, mais qu’elle est impra­ti­cable hors des limites d’un vil­lage ». Un cer­tain Bru­tus remarque, dans un article en date du 18 octobre 1787 dans le New York Jour­nal :

« Dans une démo­cra­tie pure, le peuple est le sou­ve­rain, et il exprime lui-même sa volon­té ; pour cela, le peuple doit se réunir pour déli­bé­rer et déci­der. Cette forme de gou­ver­ne­ment ne peut donc pas exis­ter dans un pays d’une vaste dimen­sion ; il doit être limi­té à une seule cité, ou à tout le moins main­te­nu dans des limites telles qu’il est pos­sible pour le peuple de se ras­sem­bler faci­le­ment, de débattre, de com­prendre le sujet qui lui est sou­mis, et d’exprimer son opinion. »

Les (ultra)riches sont des sociopathes, preuve n°8652435 (par Nicolas Casaux)
Pour creu­ser le sujet de la démo­cra­tie, il faut lire cet excellent livre de Fran­cis Dupuis-Déri.

Bref, il est illu­soire de comp­ter sur l’État ou la pré­ten­due « démo­cra­tie repré­sen­ta­tive » pour assu­rer un fonc­tion­ne­ment social réel­le­ment démo­cra­tique. Si nous vou­lons vivre dans de véri­tables démo­cra­ties, nous devons dis­soudre les struc­tures sociales domi­nantes afin de recons­ti­tuer des socié­tés à taille humaine.

Le pou­voir est mau­dit. Les diri­geants des gou­ver­ne­ments et les (ultra-)riches le démontrent au quotidien.

Nico­las Casaux

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Source: Lire l'article complet de Le Partage

À propos de l'auteur Le Partage

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